Le président libanais s'en prend à une nation fragile qui se dirige vers un vide politique

Le président Michel Aoun. (Reuters)
Le président Michel Aoun. (Reuters)
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Publié le Samedi 29 octobre 2022

Le président libanais s'en prend à une nation fragile qui se dirige vers un vide politique

  • Aoun quittera le palais présidentiel le 30 octobre, un jour avant la fin officielle de son mandat
  • Il reproche aux opposants politiques et aux médias de l'avoir «empêché de lutter contre la corruption»

BEYROUTH: Le président libanais a réglé ses comptes avec ses opposants politiques alors qu'il s'apprête à quitter le pouvoir. Il a ainsi critiqué le Parlement pour ne pas avoir élu son remplaçant et pense que le gouvernement intérimaire se réjouit de voir le pays paralysé.

Michel Aoun s'est également insurgé contre les médias «hostiles» et affirme avoir fait l'objet d'une «conspiration» dans le cadre de la lutte contre la corruption. Il a également tenu Najib Mikati, le Premier ministre intérimaire, responsable de la non formation d'un gouvernement avant la fin du mandat présidentiel.

«Tout le monde a comploté contre moi, que ce soit dans le pays ou à l'étranger, pour m'empêcher de lutter contre la corruption», a-t-il dit aux journalistes, au palais présidentiel, 48 heures avant son départ.

Il a critiqué le Parlement pour ne pas avoir réussi à élire son successeur, et a indiqué que les appels du chef du Parlement, Nabih Berri, au dialogue entre les factions opposées pour trouver un candidat seraient voués à l'échec.

«L'appel de Berri à une concertation entre les blocs parlementaires échouera parce qu'il ne détient pas le droit d'appeler au dialogue», a déclaré Aoun.

Le Parlement libanais demeure paralysé depuis les élections de mai qui n'ont pas donné lieu à une majorité claire. Le Hezbollah et ses alliés détiennent le plus grand nombre de sièges et dirigent une administration intérimaire. Le Courant patriotique libre (CPL) d'Aoun et ses alliés constituent le deuxième bloc le plus important et un troisième bloc comprend des indépendants non affiliés. Aucun des blocs ne réussit à établir une coalition de travail et aucun ne peut obtenir suffisamment de voix pour qu'un candidat à la présidence soit élu.

Par ailleurs, Aoun a accusé Mikati de n'avoir aucune intention sérieuse de former un gouvernement par le biais des négociations.

Il a demandé que le chef du CPL, Gebran Bassil, puisse choisir ses ministres, comme le font les autres partis. «Mikati n’agit pas de la même façon avec le ‘Liban fort’ et le CPL qu'avec le Mouvement Amal, le Hezbollah, le Parti socialiste et le reste des partis. C'est toujours Bassil qui est accusé.»

Aoun a insinué qu'il s’apprêtait à «signer le décret acceptant la démission du gouvernement intérimaire», contredisant ainsi les déclarations de son bureau médiatique émises depuis quelques jours.

«Si un gouvernement n'est pas formé, je ne peux accepter qu’un gouvernement intérimaire dirige le pays», a-t-il affirmé.

En guise de réponse, Mikati a déclaré que «la mémoire d'Aoun le trahissait. Il est confus entre les faits, les souhaits et les illusions».

Aoun quittera le palais présidentiel le 30 octobre, un jour avant la fin officielle de son mandat. Il sera accompagné d'un convoi de ses partisans du CPL jusqu'à sa villa à Rabieh.

Le président sortant a déploré les crises constantes auxquelles il a été confronté pendant son mandat et a indiqué que pas un seul fonctionnaire du pays ne l'avait aidé à lutter contre la corruption. «Je n'ai accepté aucune tutelle de l'État, je n'ai pas non plus accepté de pots-de-vin, comme l'ont fait de nombreux fonctionnaires», a-t-il souligné.

«J'ai fait face à des médias hostiles et à des catastrophes financières, naturelles et sanitaires majeures et nuisibles: l'explosion du port de Beyrouth, la fermeture des frontières avec la Syrie avec 1,8 million de réfugiés au Liban, une trésorerie vide, et maintenant une épidémie de choléra.»

Pour ce qui est de la crise financière, Aoun a précisé que les dirigeants étaient «responsables de la politique fiscale et monétaire du pays», et qu'ils devaient faire l'objet d'une enquête.

«Mais ceux qui contrôlent l'autorité judiciaire les protègent.»

Le président a qualifié la relation avec le Hezbollah de «grave»: «Nous avons un problème avec le parti en ce qui concerne la lutte contre la corruption. Le Hezbollah et le Mouvement Amal sont deux entités jumelles, et leur séparation pourrait conduire à un bain de sang.»

Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, aurait rencontré Bassil mercredi pour discuter de l'éventuel vide présidentiel et gouvernemental.

Samir Geagea, le chef du parti Forces libanaises qui s'oppose au bloc parlementaire du Hezbollah et constitue un rival du CPL, a noté: «C'est la violation des lois et de la Constitution qui nous a conduits jusqu'ici».

Geagea a accusé le Hezbollah et le CPL de refuser de se mettre d'accord sur un candidat à la présidence. «En attendant, nous avons notre candidat et nous continuerons à voter pour lui. Nous répondrons à l'appel au dialogue de Berri, à condition qu'il prévoie une session pour élire un président le plus rapidement possible.»

Alors qu'un vide présidentiel semble poindre, les experts juridiques ont indiqué qu'un gouvernement Mikati pourrait effectivement poursuivre ses activités en mode intérimaire.

«Personne ne peut l'empêcher de poursuivre ses activités jusqu'à ce qu'un nouveau gouvernement soit formé conformément aux principes constitutionnels et à l'article 53, comme le stipule l'article 64 de la Constitution», affirme l’avocat Michel Qlimous.

Si les ministres du CPL ne souhaitent plus faire partie du gouvernement intérimaire, le travail ne sera pas perturbé et le gouvernement pourra toujours fonctionner en tenant compte de certaines contraintes, si les deux tiers du quorum sont atteints, a-t-il expliqué.

«Le Conseil constitutionnel a précédemment émis une jurisprudence qui empêche le vide. Les décisions du Conseil sont définitives et ne peuvent être révoquées», a conclu Qlimous.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël intensifie ses opérations près de Gaza-ville, réunion à la Maison Blanche

L'ONU estime à près d'un million de personnes la population actuelle du gouvernorat de Gaza qui comprend Gaza-ville et ses environs. (AFP)
L'ONU estime à près d'un million de personnes la population actuelle du gouvernorat de Gaza qui comprend Gaza-ville et ses environs. (AFP)
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  • Mercredi, l'armée israélienne qui contrôle environ 75% du territoire, a affirmé que ses troupes "opéraient à la périphérie de Gaza-ville pour localiser et démanteler les sites d'infrastructures terroristes en surface et souterrains"
  • Des habitants du quartier de Zeitoun à Gaza-ville ont fait état de tirs de drones et d'intenses bombardements nocturnes, alors que la Défense civile et des sources hospitalières ont annoncé quatre morts par des tirs israéliens dans le sud

GAZA: L'armée israélienne a intensifié mercredi ses opérations autour de la ville de Gaza, quelques heures avant une réunion à la Maison Blanche sous la présidence de Donald Trump consacrée à des plans d'après-guerre pour le territoire palestinien dévasté.

Elle a jugé "inévitable" l'évacuation de la population de cette ville, qu'elle présente comme le dernier grand bastion du mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza assiégée et d'où des milliers d'habitants ont déjà fui.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu est sous pression croissante, tant en Israël qu'à l'étranger, pour mettre fin à son offensive à Gaza, lancée en riposte à une attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023.

Son cabinet de sécurité a approuvé début août un plan pour s'emparer de Gaza-ville, située dans le nord du territoire palestinien où les quelque deux millions d'habitants ont été déplacés plusieurs fois par la guerre.

Mercredi, l'armée israélienne qui contrôle environ 75% du territoire, a affirmé que ses troupes "opéraient à la périphérie de Gaza-ville pour localiser et démanteler les sites d'infrastructures terroristes en surface et souterrains".

Des habitants du quartier de Zeitoun à Gaza-ville ont fait état de tirs de drones et d'intenses bombardements nocturnes, alors que la Défense civile et des sources hospitalières ont annoncé quatre morts par des tirs israéliens dans le sud du territoire palestinien frappé par la famine selon l'ONU.

"Les avions ont bombardé à plusieurs reprises et des drones ont tiré toute la nuit", a déclaré Tala al-Khatib, 29 ans, au téléphone à l'AFP. "Plusieurs maisons ont été détruites. Nous sommes toujours chez nous, certains voisins ont fui, d'autres sont restés. Mais où que vous fuyiez, la mort vous suit!"

"Ca suffit" 

Abdelhamid al-Sayfi, 62 ans, n'est pas sorti de chez lui à Zeitoun depuis mardi. "Nous n'avons ni nourriture ni eau. Quiconque sort est pris pour cible par les drones."

L'ONU estime à près d'un million de personnes la population actuelle du gouvernorat de Gaza qui comprend Gaza-ville et ses environs.

Le ministre de la Défense Israël Katz a menacé de détruire Gaza-ville si le Hamas n'acceptait pas d'être désarmé, de libérer tous les otages et de mettre fin à la guerre selon les conditions d'Israël.

Mardi, des dizaines de milliers d'Israéliens sont descendus dans la rue pour réclamer un accord pour libérer les otages et arrêter la guerre, au moment où était réuni le cabinet de sécurité.

"Ca suffit!", a hurlé Silvia Cunio dont les deux fils, Ariel et David, enlevés durant l'attaque du 7-Octobre, sont encore retenus à Gaza.

Après la réunion du cabinet, M. Netanyahu a affirmé: "(...) Nous ne laisserons pas ces monstres (le Hamas, ndlr) là-bas, nous libérerons tous nos otages et nous veillerons à ce que Gaza ne représente plus jamais une menace pour Israël".

Le 10 août, il a énuméré les objectifs d'Israël: "premièrement, désarmer le Hamas. Deuxièmement, tous les otages sont libérés. Troisièmement, Gaza est démilitarisée. Quatrièmement, Israël exerce un contrôle de sécurité prépondérant. Et cinquièmement, une administration civile pacifique non israélienne".

Alors qu'Israël poursuit son offensive à Gaza, Steve Witkoff, l'émissaire de Donald Trump, a annoncé "une grande réunion à la Maison Blanche" mercredi, sous la direction du président, sur l'après-guerre.

"Jour d'après" 

"Nous élaborons un plan très complet sur le jour d'après" dans le territoire palestinien, a dit M. Witkoff sans plus de détails.

Donald Trump avait créé la surprise en début d'année en suggérant que les Etats-Unis prennent le contrôle de la bande de Gaza, en évacuent ses habitants et y construisent des complexes immobiliers.

M. Netanyahu avait salué cette proposition, rejetée par plusieurs pays européens et arabes.

La semaine dernière, le Premier ministre israélien avait ordonné l'ouverture immédiate de pourparlers visant à obtenir la libération des otages, tout en persistant sur ses plans pour prendre Gaza-ville.

Il n'avait pas répondu explicitement à une nouvelle proposition de trêve des médiateurs, acceptée par le Hamas, qui prévoit la libération échelonnée des otages sur une période initiale de 60 jours en échange de prisonniers palestiniens.

L'attaque du Hamas du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 49 sont encore retenues dans Gaza dont au moins 27 sont décédées selon l'armée.

L'offensive de représailles israélienne a fait au moins 62.819 morts à Gaza, en majorité des civils, selon les chiffres du ministère de la Santé du gouvernement du gouvernement du Hamas à Gaza, jugés fiables par l'ONU.


Liban: polémique après les propos de Barrack en conférence de presse

"S'il vous plaît, calmez-vous un peu (...) Dès que la situation devient chaotique, presque animale, on quitte la salle", avait-t-il lancé avant d'aborder le plan de désarmement du Hezbollah, appelant les journalistes à se comporter de "manière civilisée". (AFP)
"S'il vous plaît, calmez-vous un peu (...) Dès que la situation devient chaotique, presque animale, on quitte la salle", avait-t-il lancé avant d'aborder le plan de désarmement du Hezbollah, appelant les journalistes à se comporter de "manière civilisée". (AFP)
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  • "S'il vous plaît, calmez-vous un peu (...) Dès que la situation devient chaotique, presque animale, on quitte la salle", avait-t-il lancé avant d'aborder le plan de désarmement du Hezbollah, appelant les journalistes à se comporter de "manière civilisée"
  • La présidence libanaise a exprimé sur X ses "regrets pour des propos tenus par inadvertance par l'un de ses invités", réaffirmant son "respect absolu de la dignité humaine" et sa "considération particulière pour les journalistes

BEYROUTH: Des déclarations de l'émissaire américain Tom Barrack adressées à des journalistes au palais présidentiel de Beyrouth ont suscité une vive polémique mardi au Liban, qualifiées d'"insulte" par les syndicats de la presse.

"S'il vous plaît, calmez-vous un peu (...) Dès que la situation devient chaotique, presque animale, on quitte la salle", avait-t-il lancé avant d'aborder le plan de désarmement du Hezbollah, appelant les journalistes à se comporter de "manière civilisée".

La présidence libanaise a exprimé sur X ses "regrets pour des propos tenus par inadvertance par l'un de ses invités", réaffirmant son "respect absolu de la dignité humaine" et sa "considération particulière pour les journalistes et correspondants accrédités".

Le ministre de l'Information, Paul Morcos, a également "regretté" ces propos et souligné son "attachement à la dignité" des journalistes.

Le syndicat des photographes de presse a dénoncé une "insulte directe" aux journalistes et photographes présents et un "précédent dangereux et totalement inacceptable", réclamant des "excuses immédiates et publiques".

Le syndicat des rédacteurs a lui aussi réclamé "des excuses publiques", agitant la menace d'un "boycott de ses visites et de ses rencontres".

L'Union des journalistes du Liban a jugé que ces déclarations "traduisent une arrogance inacceptable et un mépris implicite pour la mission journalistique".

Le président de la commission de l'Information au Parlement, député du Hezbollah, Ibrahim Moussaoui, a appelé les autorités à "convoquer immédiatement l'ambassadrice américaine, la réprimander et protester contre l'insulte caractérisée infligée au Liban et aux Libanais".


Cisjordanie: la police israélienne saisit près de 400.000 euros, accusés de financer le «terrorisme»

La police israélienne a annoncé mercredi avoir confisqué "environ 1,5 million de shekels", plus de 385.000 euros, une somme qu'elle estime liée au "terrorisme", au cours d'une opération en Cisjordanie occupée.  "Les forces de police des frontières en Cisjordanie (Magav) et l'armée israélienne ont confisqué environ 1,5 million de shekels provenant du financement du terrorisme", a déclaré la police dans un communiqué. (AFP)
La police israélienne a annoncé mercredi avoir confisqué "environ 1,5 million de shekels", plus de 385.000 euros, une somme qu'elle estime liée au "terrorisme", au cours d'une opération en Cisjordanie occupée. "Les forces de police des frontières en Cisjordanie (Magav) et l'armée israélienne ont confisqué environ 1,5 million de shekels provenant du financement du terrorisme", a déclaré la police dans un communiqué. (AFP)
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  • Si l'armée israélienne opère souvent en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967, il est relativement rare qu'elle intervienne au coeur des villes, à fortiori à Ramallah, où siège l'Autorité palestinienne
  • Mardi, l'armée israélienne avait mené une opération dans le centre-ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, ciblant notamment un bureau de change, au cours de laquelle des dizaines de Palestiniens ont été blessés selon le Croissant-Rouge

JERUSALEM: La police israélienne a annoncé mercredi avoir confisqué "environ 1,5 million de shekels", plus de 385.000 euros, une somme qu'elle estime liée au "terrorisme", au cours d'une opération en Cisjordanie occupée.

"Les forces de police des frontières en Cisjordanie (Magav) et l'armée israélienne ont confisqué environ 1,5 million de shekels provenant du financement du terrorisme", a déclaré la police dans un communiqué.

Elle a précisé qu'une partie de la somme avait été saisie en devises étrangères, notamment des dollars américains et des dinars jordaniens.

Mardi, l'armée israélienne avait mené une opération dans le centre-ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, ciblant notamment un bureau de change, au cours de laquelle des dizaines de Palestiniens ont été blessés selon le Croissant-Rouge.

L'armée avait alors expliqué viser "une entreprise de change qui transférait des fonds destinés aux terroristes du Hamas afin de financer des activités terroristes contre l'Etat d'Israël et ses civils".

Si l'armée israélienne opère souvent en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967, il est relativement rare qu'elle intervienne au coeur des villes, à fortiori à Ramallah, où siège l'Autorité palestinienne.

Elle était déjà intervenue dans des bureaux de change palestiniens ces dernières années, au printemps 2025 ou encore en décembre 2023.

Les violences en Cisjordanie se sont intensifiées depuis le début de la guerre à Gaza, déclenchée par une attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre 2023.

Selon un décompte de l'AFP établi à partir de données de l'Autorité palestinienne, au moins 972 Palestiniens, dont de nombreux combattants mais aussi beaucoup de civils, ont été tués par des soldats ou des colons israéliens en Cisjordanie depuis cette date.

Au moins 36 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors d'opérations militaires israéliennes, selon les données officielles israéliennes.