80 ans, et maintenant? Biden fête un anniversaire loin d'être seulement symbolique

Reste que désormais, Joe Biden fait son âge: ses cheveux sont plus rares, sa démarche plus raide. (AFP).
Reste que désormais, Joe Biden fait son âge: ses cheveux sont plus rares, sa démarche plus raide. (AFP).
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Publié le Samedi 19 novembre 2022

80 ans, et maintenant? Biden fête un anniversaire loin d'être seulement symbolique

  • Joe Biden accuse indéniablement ses 80 années, et il encaisse avec une résistance incontestable une charge exténuante
  • La Maison Blanche n'a jusqu'ici pas dévoilé de projet particulier de célébration, et prépare plutôt le mariage, samedi, d'une petite-fille de Joe Biden

WASHINGTON : Jamais encore un président américain en exercice n'avait soufflé 80 bougies: Joe Biden fête dimanche un anniversaire loin d'être seulement symbolique, surtout avec son intention, affichée, de se représenter en 2024.

La Maison Blanche n'a jusqu'ici pas dévoilé de projet particulier de célébration, et prépare plutôt le mariage, samedi, d'une petite-fille de Joe Biden.

L'intéressé, lui, prend le parti d'en rire. "Je n'arrive même pas à dire quel âge je vais avoir", a-t-il blagué sur la chaîne MSNBC. "Je n'arrive pas à sortir les mots de la bouche".

Aux questions désormais insistantes sur son âge et sur le manque d'enthousiasme des Américains pour une nouvelle candidature, il répond immanquablement: "Regardez-moi" à l'oeuvre.

Or, pour qui le regarde, deux constats coïncident: Joe Biden accuse indéniablement ses 80 années, et il encaisse avec une résistance incontestable une charge exténuante.

Apte

Il y a un an, un bilan médical poussé n'avait trouvé que quelques maux bénins, concluant qu'il était "apte" à remplir sa fonction.

Cet homme longiligne ne fume pas, ne boit pas, fait du sport, et n'a pas eu de souci de santé majeur depuis une opération du cerveau en 1988.

Une étude publiée en 2020 par l'université de l'Illinois le classe même parmi les "champions du vieillissement", ces personnes qui, pour des raisons socio-économiques, d'hygiène de vie et d'hérédité, vieillissent mieux que la moyenne. Les chercheurs lui attribuaient même une espérance de vie théorique de près de 97 ans...

Reste que désormais, Joe Biden fait son âge: ses cheveux sont plus rares, sa démarche plus raide.

Il s'en va souffler chaque weekend ou presque dans sa maison de famille; et sur certaines photos de famille internationales, avec d'autres dirigeants beaucoup plus jeunes tels que le président français Emmanuel Macron ou le Premier ministre canadien Justin Trudeau, le président américain a des allures de patriarche.

Les statistiques sont implacables: avec le nombre des années augmente le risque de déclin cognitif, de maladie, ou de séquelles après un accident même bénin.

Les moments de confusion et les problèmes d'élocution de cet ancien bègue sont tous répertoriés. Les républicains en font leur miel, à coups de montages vidéo et tweets assassins.

Où est Jackie?

Il y a quelques semaines, la Maison Blanche n'a pas réussi à expliquer pourquoi, pendant un discours, le président s'était adressé à une parlementaire défunte comme si elle était présente dans la salle, en demandant: "où est Jackie?"

Mais au-delà même de l'ambition personnelle de Joe Biden, une puissante dynamique politique pousse à une nouvelle candidature.

C'est en effet l'usage qu'un président américain se représente après un premier mandat. Comme par exemple Ronald Reagan, réélu en 1984 à l'âge de 73 ans, en dépit, déjà, de débats sur son âge.

La candidature d'un président en exercice "économise une primaire coûteuse et contentieuse", analyse Rachel Bitecofer, stratège démocrate, et permet une campagne plus efficace.

Pourtant, dans les sondages, une nette majorité d'Américains rejette l'idée d'une nouvelle candidature.

Une campagne "Don't run Joe"("Ne te présente pas Joe") a été lancée par une association représentant l'aile progressiste du parti démocrate, RootsAction, avec cet argument: "Un président n'est pas le roi de son parti et il n'a aucun droit automatique à la nomination".

Et la question se pose aussi de la capacité d'un président né pendant la Seconde guerre mondiale à mobiliser en 2024 les jeunes électeurs, ce même s'il a pris des initiatives qui leur sont favorables, sur la marijuana ou le financement des études.

Mais qui d'autre pour porter les couleurs du parti démocrate en 2024?

La vice-présidente Kamala Harris est peu populaire, d'autres démocrates en vue tels que le ministre des Transports Pete Buttigieg sont jugés trop inexpérimentés.

"S'il y a une candidature concurrente à celle d'un président en exercice, c'est généralement une tête brûlée, une très forte personnalité (...). Le plus évident ce serait Bernie Sanders", explique Robert Rowland, professeur de communication politique à l'université du Kansas.

Sauf que le sénateur socialiste du Vermont est lui-même "plus vieux que Biden", à 81 ans.

Biden, un optimiste dans la bataille pour «l'âme» de l'Amérique

Il se voit en général, obstiné à défaut d'être flamboyant, optimiste à défaut d'être charismatique, de la "bataille pour l'âme" tourmentée de l'Amérique: Joe Biden, 46e président des Etats-Unis, fête dimanche ses 80 ans.

Cette "bataille", il se décide à la mener en août 2017 après une parade de l'extrême droite dans les rues de Charlottesville (Virginie, sud).

Mais derrière le vocabulaire martial, et même après une campagne pleine de fureur contre Donald Trump, ce centriste acharné, indécrottable modéré, ne rêve que d'armistice.

"Aujourd'hui, ici et maintenant, prenons un nouveau départ", dit Joe Biden lors de son investiture, le 20 janvier 2021 sur les marches du Capitole. Ce même Capitole pris d'assaut, le 6 janvier, par des partisans déchaînés de l'ancien président républicain.

Joe Biden, plus vieux président jamais élu aux Etats-Unis, sait que l'Amérique est hantée par la violence: celle des inégalités sociales et raciales, celle des attaques politiques, celle des morts par overdose et des tueries par armes à feu.

Classe moyenne

Mais il répète, au risque de sonner parfois comme un disque rayé, qu'il n'a "jamais été aussi optimiste".

Une fois investi, Joe Biden ne lance pas de grande loi sur l'avortement, les armes, l'accès au droit de vote, quitte à décevoir cette jeunesse et cette communauté afro-américaine qui lui ont donné leurs voix.

Le président a une autre priorité: réveiller le rêve américain de la prospérité, du droit à la "quête du bonheur" de la Déclaration d'indépendance.

Persuadé que la démocratie se joue aussi dans les fins de mois difficiles, il veut "donner un peu d'air" et de "dignité" à la classe moyenne, à coups de lourdes dépenses sociales et de grands projets d'investissements.

Le président s'adresse à cet électorat inquiet face à la mondialisation, que Donald Trump, milliardaire né dans une famille fortunée, a su en partie séduire.

Joseph "Robinette" Biden Junior martèle qu'il est, lui, un enfant de cette fameuse "Middle class".

Irlandais

Né le 20 novembre 1942 à Scranton, Pennsylvanie (nord-est), le président américain a une lointaine ascendance française, mais préfère revendiquer ses racines irlandaises.

La famille n'est pas pauvre mais son père, entrepreneur, connaît des cahots financiers. Cela fournira à "Joey", aîné de quatre enfants, moult anecdotes pour ses discours.

Tout comme un job de maître-nageur dans un quartier à majorité noire le rendra attentif au sort des Afro-américains, qui joueront un rôle déterminant dans ses succès électoraux.

Joe Biden a coutume de plaisanter que dans son milieu, l'on devenait policier, pompier ou prêtre: "Je n'avais pas les compétences requises, alors me voilà".

Ce sera donc la politique, après des études de droit, et sans aller combattre au Vietnam - Joe Biden a bénéficié de dérogations pour poursuivre ses études, et pour raisons médicales.

Le jeune homme longiligne au large sourire devient en 1972, à 29 ans, sénateur des Etats-Unis pour le parti démocrate.

Drames

Mais un mois après l'élection, sa femme Neilia meurt dans un accident de voiture, avec leur fille encore bébé.

Leurs deux autres enfants, Beau et Hunter, sont blessés, et c'est à l'hôpital que le nouveau sénateur du Delaware prête serment. L'Amérique se souviendra de cette triste image en 2015, quand Joe Biden, ravagé de chagrin, enterre son aîné chéri Beau, mort d'un cancer du cerveau.

Ces tragédies intimes ont façonné un président qui, après une fusillade, après une catastrophe, se fait le "consolateur en chef", distribuant gestes et mots de réconfort.

Son empathie, sa bonhomie, mais aussi ses gaffes deviendront des marques de fabrique pendant ses trente-six années au Sénat, puis ses huit années comme vice-président de Barack Obama.

Il n'a ni le "cool" ni l'aisance oratoire de ce dernier, mais Joe Biden compense en obstination ce qui lui manque en charisme. Enfant, il a corrigé seul un bégaiement en récitant des poésies.

Trois fois, il part à l'assaut de la Maison Blanche. En 1988, la tentative tourne court à cause d'accusations de plagiat. La même année, il est opéré d'anévrismes au cerveau.

Obstination

Joe Biden rebondit, malgré des prises de positions controversées - dont son vote pour la guerre en Irak de 2003.

En 2008, nouvel essai, il devient vice-président.

Quand viendra son tour de choisir, il fera de Kamala Harris la première femme, et la première asiatique et afro-américaine vice-présidente.

Elu sur une promesse de retour à la normale après la pandémie et Donald Trump, Joe Biden se montre, en début de mandat, à la hauteur: l'Amérique vaccine en masse, son économie se remet à rugir, elle "est de retour" sur la scène internationale.

Le président cultive une image d'homme proche des soucis et des plaisirs ordinaires - avec une fortune personnelle se chiffrant tout de même en millions de dollars.

Joe Biden ne goûte ni le clinquant ni les dîners sophistiqués. Il aime la glace - de préférence vanille aux pépites de chocolat - et les voitures - de préférence les Corvette.

Avec sa seconde épouse Jill Biden, soutien indéfectible et mère de sa fille Ashley, il couve un clan recomposé.

Pour ses petits-enfants, il est "Pop", un grand-père affectueux. Pour son fils cadet, il se veut un père compréhensif. Passé tourmenté, anciennes addictions, Hunter Biden est une cible du camp conservateur, qui lui reproche d'avoir entretenu des relations d'affaires jugées douteuses en Ukraine et en Chine.

First Lady

Jill Biden, elle, poursuit son activité de professeure d'université, du jamais-vu pour une First Lady, tout en redonnant à la Maison Blanche l'allure d'un foyer américain parfait: un chien, un chat, une balançoire, des décorations traditionnelles pour Noël et Halloween.

Mais dès qu'il le peut, Joe Biden s'en échappe pour passer le week-end dans sa maison du Delaware. Souvent, il n'en sort que pour aller à la messe.

Ce catholique fervent - néanmoins défenseur du droit à l'avortement - trouve dans la foi un secours contre le désespoir intime et face aux cahots de la présidence, qui se succèdent à partir de l'été 2021.

Il y a d'abord un retrait chaotique d'Afghanistan, puis une poussée historique d'inflation, qui font décrocher durablement sa popularité.

La presse s'interroge de plus en plus sur son âge. La Maison Blanche publie en novembre 2021 un rapport médical détaillé, concluant que le président est "apte" à assurer ses exténuantes fonctions. Mais sa démarche est plus précautionneuse, les soucis d'élocution ressurgissent, il a des moments de confusion.

Joe Biden n'en orchestre pas moins la réponse occidentale face à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, et fait voter de gigantesques réformes, cherchant à positionner l'Amérique en chef de file des démocraties face à une Chine conquérante.

2024

Joe Biden pose ses jalons malgré un Congrès qu'il ne contrôle, les deux premières années, que d'un cheveu. Et en étant confronté à une Cour suprême ultra-conservatrice, héritage de son prédécesseur, qui dynamite en 2022 le droit constitutionnel à l'avortement.

Est-ce la déflagration provoquée par cette décision? Ou l'aversion que suscitent certains candidats radicaux, fidèles à un Donald Trump qui se prétend toujours vainqueur de la présidentielle de 2020? Toujours est-il qu'en novembre 2022, aux élections de mi-mandat, le parti républicain n'inflige pas à Joe Biden la cuisante défaite attendue.

Le président, tout ragaillardi bien qu'il ait perdu le contrôle de l'une des chambres du Congrès, assure alors: "L'avenir ne pourrait pas être plus éclatant" pour l'Amérique. Et pour lui?

Le démocrate a toujours dit avoir l'intention de se représenter en 2024, mais il se donne jusqu'à début 2023 pour décider s'il repart au combat pour sauver "l'âme" de l'Amérique. Ou au moins pour tenir cette promesse toute simple, du pur Joe Biden, faite en mars 2022 devant le Congrès américain.

"Tout ira bien", avait-t-il dit. "We are going to be okay."


Trump impose des restrictions d'entrée à sept autres pays et aux Palestiniens

Des personnes arrivent à l'aéroport international John F. Kennedy de New York, le 9 juin 2025. (AFP)
Des personnes arrivent à l'aéroport international John F. Kennedy de New York, le 9 juin 2025. (AFP)
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  • Donald Trump élargit les interdictions d’entrée aux États-Unis à sept pays supplémentaires, dont la Syrie, et inclut les Palestiniens munis de documents de l’Autorité palestinienne
  • La Maison Blanche invoque la sécurité nationale, tout en prévoyant des exceptions limitées, dans le cadre d’un durcissement général de la politique migratoire

WASHINGTON: Donald Trump a étendu mardi les interdictions d'entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de sept pays, dont la Syrie, ainsi qu'aux Palestiniens.

Le président américain a signé une proclamation "restreignant et limitant davantage l'entrée des ressortissants étrangers afin de protéger la sécurité des Etats-Unis", a indiqué la Maison Blanche.

Les nouveaux pays concernés par cette mesure sont le Burkina Faso, le Niger, le Mali, le Soudan du Sud et la Syrie, tandis que le Laos et la Sierra Leone passent de restrictions partielles à totales.

Les Palestiniens disposant de documents de voyage émis par l'Autorité palestinienne sont également visés.

L'administration Trump avait déjà imposé des restrictions totales visant les ressortissants de douze pays et des dizaines d'autres pays se sont vus imposer des restrictions partielles.

S'agissant de la Syrie, la mesure intervient quelques jours après une attaque meurtrière contre des soldats américains dans le centre de ce pays.

L'administration Trump dit avoir identifié des pays où les vérifications sont "tellement insuffisantes qu'elles justifiaient une suspension totale ou partielle de l'admission des ressortissants de ces pays".

La proclamation prévoit cependant des exceptions pour les résidents permanents légaux, les titulaires de visas existants, certaines catégories de visas comme les athlètes et les diplomates, et les personnes dont "l'entrée sert les intérêts nationaux des Etats-Unis".

Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump mène une vaste campagne contre l'immigration illégale et a considérablement durci les conditions d'entrée aux Etats-Unis et l'octroi de visas, arguant de la protection de la sécurité nationale.

Ces mesures visent ainsi à interdire l'entrée sur le territoire américain aux étrangers qui "ont l'intention de menacer" les Américains, selon la Maison Blanche.

De même, pour les étrangers qui "pourraient nuire à la culture, au gouvernement, aux institutions ou aux principes fondateurs" des Etats-Unis.

Le président américain s'en est récemment pris avec virulence aux Somaliens, disant qu'il "ne voulait pas d'eux chez nous".

En juin, il avait annoncé des interdictions d'entrée sur le territoire américain aux ressortissants de douze pays, principalement en Afrique et au Moyen-Orient (Afghanistan, Birmanie, Tchad, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Erythrée, Haïti, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Yémen).

En revanche, le Turkménistan, pays qui figure parmi les plus reclus au monde, se voit accorder un satisfécit, la Maison Blanche évoquant mardi des "progrès significatifs" dans cet Etat d'Asie centrale.

Du coup, les ressortissants de ce pays pourront à nouveau obtenir des visas américains, mais uniquement en tant que non-immigrants.

Lors de son premier mandat (2017-2021), Donald Trump s'en était pris de façon similaire à certains pays, ciblant principalement des pays musulmans.


Australie: la communauté juive, bouleversée et en colère, enterre «le Rabbin de Bondi»

Dans un pays considéré depuis longtemps comme un refuge, et qui abrite environ 2.500 survivants de la Shoah, le massacre de dimanche a instillé le doute quant à la politique de Canberra contre l'antisémitisme. (AFP)
Dans un pays considéré depuis longtemps comme un refuge, et qui abrite environ 2.500 survivants de la Shoah, le massacre de dimanche a instillé le doute quant à la politique de Canberra contre l'antisémitisme. (AFP)
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  • Celui qui était connu sous le nom de "Rabbin de Bondi" a été abattu dimanche sur la plage du même nom, lors de l'attentat le plus meurtrier en Australie depuis des décennies
  • Les proches et les membres de la communauté ont laissé échapper des sanglots quand le corbillard transportant le corps de M. Schlanger, 41 ans, est arrivé et que son cercueil, recouvert d'un velours noir orné de l'étoile de David, a été déposé

SYDNEY: Dans une synagogue bondée, emplie de cris et de larmes, la communauté juive de Sydney traumatisée a rendu hommage mercredi au rabbin Eli Schlanger, première victime de l'attentat antisémite de la plage de Bondi a être mise en terre.

Celui qui était connu sous le nom de "Rabbin de Bondi" a été abattu dimanche sur la plage du même nom, lors de l'attentat le plus meurtrier en Australie depuis des décennies.

Les proches et les membres de la communauté ont laissé échapper des sanglots quand le corbillard transportant le corps de M. Schlanger, 41 ans, est arrivé et que son cercueil, recouvert d'un velours noir orné de l'étoile de David, a été déposé.

David Deitz, homme d'affaires de 69 ans, qui connaissait M. Schlanger "depuis très, très longtemps", explique à l'AFP que le rabbin a eu "une influence positive sur beaucoup de gens".

"C'est un choc pour l'Australie de voir un tel événement se produire ici. Ce n'est pas dans la nature des Australiens", poursuit-il.

Une forte présence sécuritaire a été mobilisée lors des obsèques, avec des policiers alignés dans la rue fermée au public.

Dans un pays considéré depuis longtemps comme un refuge, et qui abrite environ 2.500 survivants de la Shoah, le massacre de dimanche a instillé le doute quant à la politique de Canberra contre l'antisémitisme.

En 2021, le nombre de juifs australiens était estimé à 117.000.

"Ils auraient pu nous écouter" 

Jillian Segal, la responsable de la lutte contre l'antisémitisme en Australie, a fustigé cette semaine des préjugés antijuifs "qui s’insinuent dans la société depuis de nombreuses années et contre lesquels nous ne nous sommes pas suffisamment élevés".

Mme Segal a été la première nommée à ce poste après une série d'attaques antisémites à Melbourne et à Sydney, au début de la guerre d'Israël dans la bande de Gaza.

Au cours des 12 mois suivant l’attaque du Hamas en Israel du 7 octobre 2023 qui a déclenché cette guerre, les incidents de nature antisémite en Australie ont augmenté de 316%, dépassant les 2.000, dit-elle.

"Nous devrions pouvoir être qui nous sommes sans avoir peur", a déclaré Brett Ackerman, un analyste de données âgé de 37 ans.

La colère gagne certains membres de la communauté qui estiment que leur cri d'alarme face à la montée de l'antisémitisme depuis le 7-Octobre n'a pas été pris en compte.

"Ils auraient pu nous écouter" se désole M. Ackerman. Pour lui, l'attaque n'était "pas une surprise".

A côté de lui, le rabbin Yossi Friedman acquiesce. "Le message était clair depuis un peu plus de deux ans", soutient-il. "Est-ce que nous nous sentons en sécurité? Pour être honnête, pas vraiment."

"Nous pensions être en sécurité. Nos grands-parents et arrière-grands-parents étaient des survivants de la Shoah, et beaucoup d’entre eux sont venus ici pour échapper à la haine et au sang versé, aux pogroms, à la persécution (...) et c'est ce qu'on retrouve ici", observe-t-il.

"Problème de société"

Le Premier ministre Anthony Albanese a dénoncé l'attaque de Bondi comme un acte terroriste antisémite de "pure méchanceté" perpétré par des hommes inspirés par l’idéologie jihadiste du groupe État islamique.

Mais il a rejeté les critiques selon lesquelles son gouvernement n'avait pas réagi suffisamment à l'appel de Mme Segal.

Le Premier ministre a souligné que son gouvernement avait pénalisé les discours de haine et interdit le salut nazi et les symboles haineux, entre autres.

Depuis la fusillade, M. Albanese mène une initiative conjointe entre le gouvernement central et les Etats d'Australie en faveur d’un contrôle plus strict des armes à feu. L'assaillant le plus âgé possédait six armes dûment enregistrées.

Mais pour l'écrivain Danny Gingef, 66 ans, "la réforme des armes à feu est une diversion totale par rapport au vrai problème, qui est la haine, il faut identifier la haine là où elle commence".

Au départ du cercueil, les spectateurs ont entonné des chants en hébreu. Submergés par l’émotion, certains se sont effondrés dans les bras de leurs proches, à peine capables de tenir debout.

"Je sens que ces dernières années, les Juifs ont été en état d’alerte maximale", dit M. Gingef. Il se sent triste et en colère, et fait référence aux "marches de la haine" où il a vu des manifestants porter des drapeaux du Hezbollah.

Pour lui, il n’y a pas "beaucoup plus que nous puissions faire" sans le soutien des autorités et d’autres groupes.

"L’antisémitisme n’est pas un problème que les Juifs doivent résoudre, c’est un problème de société".

lec-oho/mjw/lgo/alh/pt

 


La BBC va "se défendre" face à la plainte en diffamation à 10 milliards de dollars de Trump

Des personnes empruntent l'entrée des bureaux de la chaîne britannique BBC à Londres en fin d'après-midi, le 11 novembre 2025. (AFP)
Des personnes empruntent l'entrée des bureaux de la chaîne britannique BBC à Londres en fin d'après-midi, le 11 novembre 2025. (AFP)
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  • Donald Trump poursuit la BBC pour diffamation et pratiques trompeuses, réclamant jusqu’à 10 milliards $ après un montage contesté de son discours du 6 janvier 2021
  • L’affaire secoue l’audiovisuel public britannique : démissions à la tête de la BBC, lettre d’excuses envoyée à Trump, et réexamen annoncé de la charte royale

LONDRES: La BBC a assuré mardi qu'elle allait "se défendre" contre la plainte en diffamation du président américain Donald Trump, qui réclame 10 milliards de dollars au groupe audiovisuel public britannique pour un montage vidéo contesté de l'un de ses discours.

La plainte, déposée lundi devant un tribunal fédéral à Miami par le président américain et consultée par l'AFP, demande "des dommages et intérêts d'un montant minimum de 5 milliards de dollars" pour chacun des deux chefs d'accusation: diffamation et violation d'une loi de Floride sur les pratiques commerciales trompeuses et déloyales.

"Ils ont littéralement mis des mots dans ma bouche", s'est plaint le milliardaire de 79 ans, lundi devant la presse.

"Nous allons nous défendre dans cette affaire", a répondu un porte-parole de la BBC mardi matin, sans faire davantage de commentaire sur la procédure.

Le groupe audiovisuel britannique, dont l'audience et la réputation dépassent les frontières du Royaume-Uni, est dans la tourmente depuis des révélations sur son magazine phare d'information "Panorama".

Ce dernier a diffusé, juste avant la présidentielle américaine de 2024, des extraits distincts d'un discours de Donald Trump du 6 janvier 2021, montés de telle façon que le républicain semble appeler explicitement ses partisans à attaquer le Capitole à Washington.

Des centaines de ses partisans, chauffés à blanc par ses accusations sans fondement de fraude électorale, avaient pris d'assaut ce jour-là le sanctuaire de la démocratie américaine, pour tenter d'y empêcher la certification de la victoire de son adversaire démocrate Joe Biden.

"La BBC, autrefois respectée et aujourd'hui discréditée, a diffamé le président Trump en modifiant intentionnellement, malicieusement et de manière trompeuse son discours dans le but flagrant d'interférer dans l'élection présidentielle de 2024", a dénoncé lundi un porte-parole des avocats du républicain contacté par l'AFP.

"La BBC a depuis longtemps l'habitude de tromper son public dans sa couverture du président Trump, au service de son programme politique de gauche", a-t-il ajouté.

- Lettre d'excuses -

Au Royaume-Uni, la controverse a relancé le brûlant débat sur le fonctionnement de l'audiovisuel public et son impartialité, alors que le groupe a déjà été bousculé ces dernières années par plusieurs polémiques et scandales.

L'affaire a poussé à la démission son directeur général Tim Davie et la patronne de BBC News Deborah Turness.

Le président de la BBC Samir Shah a pour sa part envoyé une lettre d'excuses à Donald Trump et la BBC a indiqué "regretter sincèrement la façon dont les images ont été montées" mais contesté "fermement qu'il y ait une base légale pour une plainte en diffamation".

Le groupe audiovisuel a "été très clair sur le fait qu'il n'y a pas matière à répondre à l'accusation de M. Trump en ce qui concerne la diffamation. Je pense qu'il est juste que la BBC reste ferme sur ce point", a soutenu mardi matin le secrétaire d'Etat britannique à la Santé Stephen Kinnock, sur Sky News.

Le gouvernement a également annoncé mardi le début du réexamen de la charte royale de la BBC, un processus qui a lieu tous les dix ans, pour éventuellement faire évoluer sa gouvernance, son financement ou ses obligations envers le public britannique.

La plainte de Donald Trump estime que, malgré ses excuses, la BBC "n'a manifesté ni véritables remords pour ses agissements ni entrepris de réformes institutionnelles significatives afin d'empêcher de futurs abus journalistiques".

Le président américain a lancé ou menacé de lancer des plaintes contre plusieurs groupes de médias aux Etats-Unis, dont certains ont dû verser d'importantes sommes pour mettre fin aux poursuites.

Depuis son retour au pouvoir, il a fait entrer à la Maison Blanche de nombreux créateurs de contenus et influenceurs qui lui sont favorables, tout en multipliant les insultes contre des journalistes issus de médias traditionnels.

L'un de ces nouveaux venus invités par le gouvernement Trump est la chaîne conservatrice britannique GB News, proche du chef du parti anti-immigration Reform UK, Nigel Farage.