Les choix de Macron sur l’Ukraine validés

Pour Emmanuel Macron, les accords sur les céréales, les couloirs humanitaires, la protection des sites nucléaires ukrainiens auraient pu être des réalisations françaises, voire européennes. (AFP).
Pour Emmanuel Macron, les accords sur les céréales, les couloirs humanitaires, la protection des sites nucléaires ukrainiens auraient pu être des réalisations françaises, voire européennes. (AFP).
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Publié le Mercredi 23 novembre 2022

Les choix de Macron sur l’Ukraine validés

Les choix de Macron sur l’Ukraine validés
  • Emmanuel Macron a été violemment critiqué par la direction ukrainienne ainsi que par certains milieux américains et européens
  • Selon le point de vue du président français, toutes les guerres, y compris les plus destructrices, doivent finir par un armistice et une négociation entre les belligérants

S’il y a une réalité diplomatique que presque tout le monde reconnaît aujourd’hui, c’est que le président français, Emmanuel Macron, avait raison de vouloir maintenir ouverts les canaux de dialogue avec Vladimir Poutine.

Cette reconnaissance, que l’ensemble des travaux du sommet de Bali vient de valider de manière aussi inattendue que spectaculaire, n’était pas acquise. Pendant de longs mois, Emmanuel Macron s’est entretenu régulièrement au téléphone avec le Kremlin, faisant office de canard boiteux qui chantait en dehors de la chorale internationale. Beaucoup lui faisaient le procès de la candeur et de la naïveté face au terrifiant joueur d’échecs qu’est Vladimir Poutine.

Emmanuel Macron a été violemment critiqué par la direction ukrainienne ainsi que par certains milieux américains et européens qui voyaient dans sa stratégie de séduction et de persuasion envers Poutine une perte de temps qui profitait à l’agresseur russe.

Il faut reconnaître à Emmanuel Macron une cohérence et une permanence de convictions sur cette problématique. Même dans les pires moments de la guerre, il défendait l’idée qu’il fallait parler avec Poutine, tenter de lui offrir l’occasion de sortir par le haut de l’imbroglio ukrainien. Il n’a pas été le seul président à avoir évoqué en public la nécessité de ne pas humilier le président Poutine, justement pour lui éviter la stratégie de la terre brûlée des perdants.

Il n’y avait rien de plus agaçant pour la diplomatie française que de voir le président turc, Recep Tayyip Erdogan, profiter de cette guerre pour jouer les médiateurs internationaux, vouloir redorer son blason à l’approche de l’élection présidentielle et tenter de faire oublier ses relations difficiles avec l’Otan et son voisinage européen.

Pour Emmanuel Macron, les accords sur les céréales, les couloirs humanitaires, la protection des sites nucléaires ukrainiens auraient pu être des réalisations françaises, voire européennes. Mais, par une forme de myopie et d’entêtement, le dialogue diplomatique avec la Russie a été sous-traité à la Turquie, la Chine ou l’Inde.

Selon le point de vue du président français, toutes les guerres, y compris les plus destructrices, doivent finir par un armistice et une négociation entre les belligérants. À moins d’envisager une guerre globale avec, à la clé, un changement de régime russe, il n’y a pas d’autre choix que d’envisager et de créer les conditions d’un compromis politique entre Moscou et Kiev.

Ce que redoutent sans le dire Paris et certaines capitales européennes, c’est de voir cette guerre s’enliser de manière indéfinie, que l’opinion s’en détourne et que les aides occidentales s’amenuisent. Les dernières polémiques sur les missiles tombés sur le sol polonais ont créé un énorme malaise entre les pays de l’Otan, qui affirment que leur origine est ukrainienne, et le président Zelensky, qui soutient que ce sont les Russes qui ont bombardé la Pologne, membre de l’Otan. Ce qui équivaut à déclencher le fameux article 5 et à provoquer potentiellement une troisième guerre mondiale.

Cet épisode polonais a été un coup dur porté à l’image et à la crédibilité du président Zelensky, à qui on a tout pardonné sous prétexte qu’il porte le glaive de la résistance contre l’envahisseur russe. Aujourd’hui, les langues commencent à se délier à son sujet et certains médias n’hésitent pas à faire de lui un personnage moins attractif que sa «légende guerrière» pouvait le décrire.

Parallèlement au triomphe politique de la vision française, qui consiste à privilégier un compromis, même imparfait, à une guerre interminable, l’administration américaine est également en train de changer de perception. De nombreux signaux de Washington indiquent un glissement progressif vers le scénario de la négociation entre Russes et Ukrainiens selon des conditions où chacun des partenaires de cette guerre doit faire les concessions nécessaires pour aboutir à un accord de paix dans cette région.

Parce que le monde ne peut plus subir une interminable guerre d’usure dont les conséquences sur les prix d’énergie et des matières premières menacent d’affamer et d’enflammer la planète, parce que le monde ne peut se résoudre à l’inéluctabilité d’une guerre mondiale, la négociation est la seule option permise pour sortir de cet engrenage.

Il y a fort à parier que les prochaines semaines seront l’occasion pour la diplomatie française et européenne de déployer ses efforts afin de créer les conditions d’un dialogue. On dit le président Macron désappointé par les blocages de la politique intérieure depuis qu’il a perdu sa majorité; la guerre entre la Russie et l’Ukraine lui offre la possibilité de se construire une mission et un dessein.

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

TWITTER: @tossamus

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.