Tchad: les opposants se sentent « traqués» un mois après les manifestations sanglantes

Sur cette photo d'archive prise le 08 avril 2021 Succès Masra, président du parti d'opposition tchadien 'Les Transformateurs' s'exprime devant le siège du parti à N'djamena. (Photo, AFP)
Sur cette photo d'archive prise le 08 avril 2021 Succès Masra, président du parti d'opposition tchadien 'Les Transformateurs' s'exprime devant le siège du parti à N'djamena. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 23 novembre 2022

Tchad: les opposants se sentent « traqués» un mois après les manifestations sanglantes

  • « Les gens sont traumatisés. La traque continue. Ils ont peur de passer devant les Transformateurs, peur d'être interpellés», assure Gabin, 30 ans, militant du parti qui se cache depuis quatre semaines
  • Dans un rapport du 4 novembre, des experts mandatés par l'ONU estimaient qu'entre 50 et 150 personnes ont été tuées, 150 à 184 autres ont « disparu», 1 369 arrêtées et 600 à 1 100 « déportées» à Koro Toro

N'DJAMENA: Certains jettent des regards inquiets en passant devant le siège abandonné du parti les Transformateurs, dans le quartier d'Abena, épicentre à N'Djamena des manifestations réprimées dans le sang au Tchad il y a près d'un mois.

Le jeune président du mouvement, Succès Masra, assure à l'AFP avoir été "contraint" de fuir son pays le 1er novembre. Il est le plus virulent des opposants au général Mahamat Idriss Déby Itno, comme auparavant à son père Idriss Déby Itno auquel il a succédé à la tête d'une junte militaire en 2021, quand le chef de l'Etat a été tué par des rebelles.

"Les gens sont traumatisés. La traque continue. Ils ont peur de passer devant les Transformateurs, peur d'être interpellés", assure Gabin, 30 ans, militant du parti qui se cache depuis quatre semaines.

Les portes ont été cadenassées par les voisins pour éviter les intrusions mais les fenêtres brisées rappellent les violences du 20 octobre.

Ce jour-là, une cinquantaine de personnes ont péri, officiellement, essentiellement de jeunes manifestants sous les balles des policiers et soldats. Bien davantage, selon l'opposition et des ONG.

Les Transformateurs et la plateforme de l'opposition Wakit Tamma voulaient protester contre la prolongation de deux ans de Mahamat Déby à la présidence, décrétée sur recommandation d'un dialogue de réconciliation nationale qu'ils avaient boycotté.

Un an et demi plus tôt, le 20 avril 2021, l'armée annonçait la mort au front du maréchal Déby, qui dirigeait le Tchad depuis 30 ans d'une main de fer, et proclamait son jeune fils de 37 ans chef de l'Etat à la tête d'une junte de 15 généraux. Tout en promettant de remettre le pouvoir aux civils par des élections après une transition de 18 mois.

A l'aube du 20 octobre, les pneus brûlaient et les premiers tirs visant les manifestants retentissaient, en prélude à une journée d'enfer à N'Djamena et au moins trois autres villes de ce vaste pays d'Afrique centrale.

Rafles

Quelques traces des affrontements sont encore visibles dans Abena: pneus brûlés, édifices saccagés ou incendiés. Mais globalement, la vie a repris son cours normal même si la peur des arrestations ou de nouveaux affrontements reste palpable. Boutiques, débits de boisson et salons de coiffure sont fréquentés plus timidement que d'ordinaire, et chacun se hâte vers son domicile à l'approche du couvre-feu de 22h00, décrété le 20 octobre.

Le soir des manifestations, des soldats ont pénétré au QG des Transformateurs, selon Succès Masra. "Ils venaient me chercher mais, comme je ne m'y trouvais pas, ils ont arrêté 27 membres de mon équipe", raconte l'opposant au téléphone à l'AFP depuis un pays inconnu. Il assure que 23 ont, depuis, été "assassinés", concluant: "la chasse à l'homme se poursuit dans tout le pays".

"Comme tous nos militants, je suis entré en clandestinité", explique aussi à l'AFP Max Loalngar, leader de Wakit Tamma, au téléphone quelque part dans le pays. "Depuis le 20 octobre, les forces de l'ordre passent de maison en maison, ils prennent n'importe qui", assure-t-il. "Chaque matin, on repêche des corps" dans le fleuve Chari "et d'autres sont enterrés dans le désert", lâche l'opposant, en écho à des témoignages, non authentifiés, sur les réseaux sociaux.

«Exécutions extrajudiciaires»

Aujourd'hui, l'opposition, des ONG internationales, des experts de l'ONU et des responsables de l'Union africaine (UA) accusent le pouvoir de continuer à traquer les opposants. Transformateurs et Wakit Tamma assurent que 1.500 à 2.000 personnes ont été arrêtées depuis le 20 octobre et dénoncent des "exécutions extrajudiciaires".

"Qu'ils déposent une plainte et qu'ils en apportent la preuve", a rétorqué vendredi le ministre de la Justice, Mahamat Ahmat Alhabo, ne reconnaissant que l'arrestation de 621 personnes, dont 83 mineurs, transférées à la prison de haute sécurité de Koro Toro, en plein désert, en attente de passer devant des juges pour notamment pour "tentative d'insurrection", selon les mots mêmes du général Déby.

L'UA et l'Union européenne (UE) avaient "condamné fermement" une répression disproportionnée et les "graves atteintes aux libertés d'expression et de manifestation".

"Ils sont venus chez moi pour m'interpeller", raconte Gabin à l'AFP. Six de ses voisins ont été arrêtés, ajoute-t-il.

"Les policiers ont saisi nos numéros de téléphone au siège des Transformateurs, ils nous appellent en se faisant passer pour une agence de voyage et nous tendent des pièges", assure à l'AFP un militant anonyme.

Le frère de Nouba Nadjilem a été interpellé dans la capitale le 20 octobre. L'adolescent de 15 ans "allait juste chercher du sucre", se lamente sa soeur, "sans nouvelles" de lui depuis.

Le neveu de Marie-Thérèse, 50 ans, a été pris le lendemain "devant la maison, avec certains camarades". "Je n'ai plus de nouvelles", se désespère cette femme de ménage.

Dans un rapport du 4 novembre, des experts mandatés par l'ONU estimaient qu'entre 50 et 150 personnes ont été tuées, 150 à 184 autres ont "disparu", 1 369 arrêtées et 600 à 1 100 "déportées" à Koro Toro.

Vendredi, le président de la Commission de l'Union africaine, le Tchadien Moussa Faki, a dénoncé dans un rapport une "répression sanglante" et des cas signalés de "tortures, exécutions extrajudiciaires et enlèvements de plusieurs civils".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.