L'histoire de la contribution des immigrés arabes au sport en Amérique latine

Esporte Clube Sirio est un club sportif et social de premier plan à Sao Paulo, le centre financier du Brésil (Photo, Fournie).
Esporte Clube Sirio est un club sportif et social de premier plan à Sao Paulo, le centre financier du Brésil (Photo, Fournie).
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Publié le Samedi 26 novembre 2022

L'histoire de la contribution des immigrés arabes au sport en Amérique latine

  • Une génération d'immigrants a grandement contribué à populariser le basketball et le football sur le continent
  • Le documentaire «4 Colores» montre comment le football a favorisé le rapprochement entre les Chiliens et la cause palestinienne

SAO PAULO, BRÉSIL: La 15e meilleure joueuse de tennis au monde, la Brésilienne Beatriz Haddad Maia, a quitté l'US Open le 4 septembre après avoir été battue, avec sa partenaire kazakhe Anna Danilina, par le duo Nicole Melichar-Martinez et Ellen Perez.

Néanmoins, les Brésiliens ont développé une dévotion croissante pour Maia et nombreux espèrent qu'elle devienne la meilleure joueuse de tennis de l'histoire du pays.

Elle doit une partie de son succès à ses années de formation à l'Esporte Clube Sirio, un club sportif et social de premier plan à Sao Paulo, le principal centre financier du Brésil.

Fondé en 1917, le club est l'un des grands exemples de la contribution de la communauté arabe au sport en Amérique latine.

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Esporte Clube Sirio, un club sportif ayant des liens étroits avec la communauté arabe de Sao Paulo, a contribué à développer les compétences de la star du tennis Beatriz Haddad Maia (Photo, AFP).

Son premier complexe comprenait quatre courts de tennis, un terrain de basket, un terrain de football et un lac.

Le nombre de membres a augmenté très rapidement au fil des ans parmi les immigrants syriens et libanais — comme la famille Haddad — qui formaient une grande communauté à Sao Paulo, et le club est devenu riche. Les Brésiliens non arabes ont bientôt commencé à s'y joindre également.

En 1949, le Sirio avait acquis la réputation d'être l'un des meilleurs clubs sportifs de Sao Paulo et s'est établi à son emplacement actuel, dans la zone sud de la ville, en construisant un complexe moderne à partir de rien.

«J'ai rejoint Sirio quand j'étais enfant, en 1955. J'ai vu la plus grande partie de sa construction», a révélé Washington Joseph, 72 ans, connu sous le surnom de Dodi, à Arab News. «Mon frère et moi avons commencé à jouer le football, puis à pratiquer la gymnastique et le judo. À 11 ans, j'ai commencé à jouer au basketball.»

Entre 1967 et 1982, Dodi, petit-fils d'immigrés syriens et libanais, a été l'un des plus grands joueurs de basketball du Brésil et a fait partie de l'équipe mythique qui a conquis le championnat du monde en 1979.

Entre les années 1950 et 1980, le Sirio était l'une des principales équipes de basketball du Brésil. Nombre de ses joueurs étaient régulièrement appelés à jouer dans l'équipe nationale, qui était l'une des meilleures du monde à l'époque.

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En 2014, Palestino a décidé d'inclure sur son maillot la carte complète de la Palestine (avant la partition), en remplacement du numéro un (Photo, Fournie).

«Nous avons eu une hégémonie d'environ 30 ans. Nous avons remporté plusieurs tournois nationaux ainsi que le championnat sud-américain à six reprises», a affirmé Dodi.

Un autre club arabe, le Monte Libano de Sao Paulo, avait également une équipe de basketball très compétitive.

Sirio a participé à la Coupe Intercontinentale à six reprises et Dodi a fait partie de l'équipe à chaque fois, à l'exception de l'édition 1984. «Nous avons terminé deux fois à la troisième place, deux fois à la deuxième place et nous l'avons gagnée une fois, en 1979», a-t-il souligné.

Cette année-là, la coupe était organisée par le Brésil. Les matchs ont attiré des milliers de fans de basketball dans le stade et ont été télévisés dans tout le pays.

Sirio se rend en finale contre le club yougoslave Bosna. La spectaculaire victoire 100-98 des Brésiliens n'a jamais été oubliée.

«Notre génération a grandement contribué à populariser le basketball au Brésil», a signalé Dodi. Le Sirio est resté un club de basketball de premier plan jusqu'en 1995, lorsque le sport est devenu largement professionnel au Brésil et que ses dirigeants ont conclu qu'il ne serait plus possible de maintenir le niveau d'investissement nécessaire à son maintien au sommet.

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Gros plan sur un maillot représentant une carte de la Palestine. (Photo fournie).

Mais Sirio n'a jamais cessé d'être une école pour les nouveaux athlètes. Il a eu de grands champions comme l'haltérophile Tamer Chaim — qui a participé aux Jeux olympiques d'été de Munich — et le joueur de tennis William Kyriakos. 

«Nous avions aussi de grands combattants de judo et des équipes de handball et de volleyball de haut niveau. Nous continuons à faire autorité dans le domaine du sport», a signalé Dodi, ajoutant qu'un rival fréquent de Sirio est le Club Deportivo Palestino de Santiago du Chili.

Carlos Medina Lahsen, un Chilien d'origine palestinienne et expert de l'histoire de la Palestine, a déclaré à Arab News: «Surtout dans les années 1950, les matchs entre les deux clubs étaient très attendus.»

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Première composition de l'équipe du Club deportivo Palestino (1920) Elias Zaror, Miguel Saffie et Nicolas Hirmas, Rafael Hiramas, Elias Hirmas et Antonio Sarah, Jose Yunis, Victor Panayotti, Emillio Deik, Jorge Lama et Elias Deik. (Photo fournie)

Palestino a été fondé en 1920 en tant que club de football. En raison de l'influence britannique, les Palestiniens jouaient déjà au football au Moyen-Orient avant d'émigrer en Amérique latine, a expliqué Medina Lahsen.

«Des communautés d'étrangers ont commencé à pratiquer des sports en cherchant à s'intégrer dans la société chilienne, mais la discrimination était très intense à cette époque», a-t-il ajouté.

Le club a abandonné le football en 1923 et a donné la priorité au tennis. Mais Palestino et un autre club arabe ont uni leurs forces dans les années 1940 et ont repris le football au moment de la partition de la Palestine en 1947.

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L'équipe de basketball de Sirio qui a remporté la Coupe intercontinentale en 1979 (Photo, fournie).

Dans les années 1950, l'équipe a reçu de nombreux investissements de la part d'hommes d'affaires palestiniens et a été surnommée «les millionnaires». En 1955, elle a conquis le championnat national de football.

Avec le deuxième soulèvement contre l'occupation israélienne (2000-2005), l'intérêt de nombreux Chiliens palestiniens pour Palestino s'est accru et le club a vu affluer de nouveaux supporters.

En 2008, Palestino s'est rendu en finale du championnat national contre Colo Colo. Bien que Palestino ait été vaincu, cet événement a suscité une grande attention de la part des Palestiniens.

À l'ère d'Internet, la nouvelle d'un club de football portant le nom de leur pays les a étonnés. «Nous avons entendu dire que des gens ont loué des salles de cinéma et ont diffusé le match en streaming dans la bande de Gaza», a indiqué Medina Lahsen.

Dès lors, le lien entre le club et la Palestine s'est considérablement renforcé. Les joueurs chiliens se sont rendus en Palestine à de nombreuses reprises et même l'équipe principale y a participé à des matchs. La Banque de Palestine est devenue un sponsor fréquent.

En 2014, Palestino a décidé d'inclure sur son maillot la carte complète de la Palestine (avant la partition), en remplacement du numéro un.

Cela a suscité une controverse au Chili, les membres de la communauté juive accusant le club d'effacer Israël de la carte et beaucoup ont fait pression sur la fédération nationale de football pour qu'elle intervienne.

Les autorités sportives n'ont pas considéré que le symbole était de nature politique et n'ont infligé une amende à Palestino que parce que la carte dépassait la zone maximale du maillot pouvant afficher un contenu imprimé.

«Le club a utilisé ce maillot tout au long de la saison. Jusqu'à présent, c'est le maillot le plus populaire de l'histoire de Palestino», a mentionné Medina Lahsen.

Le documentaire «4 Colores», qui retrace l'histoire du club, montre comment le football a favorisé l'établissement de liens entre les Chiliens et la cause palestinienne.

«De nombreux fans de Palestino ne font pas directement partie de la communauté arabe du Chili, mais ils ont néanmoins été touchés par la situation critique des Palestiniens dans le monde entier», a affirmé Medina Lahsen, qui était chargée des recherches pour le documentaire.

Il a découvert que dans toute l'Amérique latine, il y a eu des clubs sportifs dont le nom comportait le mot Palestino ou Arabe, comme le Central Palestino en Uruguay et le Palestino Football Club au Honduras. En Argentine et au Chili, il existe des dizaines de clubs nommés Sirio ou Sirio Libanes.

Au Panama, l'un des meilleurs clubs de football est le Deportivo Arabe Unido, de la ville de Colon.

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Le match inoubliable et décisif de Sirio contre Bosna qui a permis de remporter le championnat. (Photo fournie)

Bien que la communauté arabe de Colon ne soit pas très nombreuse — elle compte environ 120 familles — elle a joué un rôle central dans les sports locaux. 

DAU «a été fondé par des Panaméens arabes dans les années 1990, lorsque le pays n'avait pas de ligue de football professionnel. Nous n'avons jamais pensé qu'il se développerait autant», a déclaré le président du club, Mohamed Hachem, à Arab News.

Depuis sa création, le club a été l'un des plus performants de la première division panaméenne, avec plusieurs championnats nationaux. Aujourd'hui, la plupart de ses supporters ne sont pas membres de la communauté arabe.

«Nous avons eu quelques joueurs d'origine arabe et la communauté arabe nous soutient beaucoup», a soutenu Hachem.

Le club est en train de construire son nouveau siège et son centre sportif, qui comprendra un espace social.

L'un des projets de Hachem pour l'avenir est de promouvoir un championnat entre les clubs de football arabes en Amérique latine. «Ce serait une belle chose de les rassembler tous», a-t-il estimé.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Au Liban, le pape apporte l'espoir et appelle à l'unité

Rencontre interreligieuse, discours aux jeunes et au clergé: Léon XIV devrait porter un message d'espoir et d'unité aux Libanais lundi, au deuxième jour de sa visite dans ce pays multiconfessionnel. (AFP)
Rencontre interreligieuse, discours aux jeunes et au clergé: Léon XIV devrait porter un message d'espoir et d'unité aux Libanais lundi, au deuxième jour de sa visite dans ce pays multiconfessionnel. (AFP)
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  • Le chef de l'Eglise catholique a commencé sa journée par une visite à Annaya, un monastère qui abrite la tombe de Saint Charbel Makhlouf (1828-1898)
  • Ce moine-ermite maronite, canonisé en 1977, est très populaire chez des Libanais de toutes les communautés dont beaucoup croient en ses miracles

ANNAYA: Rencontre interreligieuse, discours aux jeunes et au clergé: Léon XIV devrait porter un message d'espoir et d'unité aux Libanais lundi, au deuxième jour de sa visite dans ce pays multiconfessionnel.

Dès le matin, des milliers de fidèles enthousiastes se pressent sous une pluie battante le long de la route empruntée par le pape pour l'acclamer.

"Nous sommes très heureux de la visite du pape, elle nous a rendu le sourire (..) après toutes les difficultés que nous avons traversées", déclare à l'AFP Yasmine Chidiac.

"Tout le monde va à Rome pour voir le pape, mais il est venu chez nous, et c'est la plus grande bénédiction (..) et un espoir pour le Liban", affirme Thérèse Darouni, 65 ans, qui attend le passage du convoi papal devant chez elle, au nord de Beyrouth.

Le chef de l'Eglise catholique a commencé sa journée par une visite à Annaya, un monastère qui abrite la tombe de Saint Charbel Makhlouf (1828-1898).

Ce moine-ermite maronite, canonisé en 1977, est très populaire chez des Libanais de toutes les communautés dont beaucoup croient en ses miracles.

"Nous devons nous unir" 

Devant le monastère, à 54 km au nord de Beyrouth, des hauts-parleurs diffusent des hymnes religieux et les fidèles agitent des drapeaux libanais et du Vatican.

Les autorités ont décrété deux jours fériés au Liban, où la visite papale suscite un vif enthousiasme, malgré les craintes d'un retour de la guerre avec Israël.

En dépit d'un cessez-le-feu intervenu il y a un an entre le Hezbollah pro-iranien et le pays voisin, l'armée israélienne a intensifié ces dernières semaines ses frappes au Liban.

Le Liban est la seconde étape du premier déplacement international du pape américain, après une visite en Turquie marquée par le dialogue pour l'unité des chrétiens.

Léon XIV est le troisième pape à effectuer une visite officielle au Liban, après Jean-Paul II en 1997 et Benoît XVI en 2012.

Il doit prononcer lundi un discours devant les évêques, prêtres et religieux du pays au sanctuaire de Harissa, au pied de la statue de Notre-Dame du Liban qui surplombe la baie de Jounieh, sur la Méditerranée.

Dans l'après-midi, deux autres moments forts sont prévus: une prière interreligieuse sur la place des Martyrs au centre de Beyrouth, un vaste espace emblématique symbole de mémoire nationale, et une rencontre avec des jeunes au patriarcat de Bkerké (nord).

"Au moment où nous sommes confrontés à de nombreux problèmes économiques, sociaux et politiques, nous avons besoin d'espoir", déclare Elias Abou Nasr Chaalan, 44 ans.

"Nous devons nous unir en tant que Libanais, comme le pape a réuni les responsables et les chefs religieux lors de son arrivée, car c'est en restant unis que nous pouvons surmonter toutes les difficultés", ajoute ce père de deux enfants.

 "Modèle de coexistence" 

Dimanche soir, tous les responsables politiques et religieux se sont rendus au palais présidentiel pour accueillir le souverain pontife.

Dans un discours, le pape a appelé les Libanais à "rester" dans leur pays, où l'effondrement économique depuis 2019 a aggravé l'émigration massive, et à oeuvrer pour la "réconciliation".

Devant les dirigeants, il a appelé la classe politique à "se mettre au service du peuple avec engagement et dévouement".

La crise économique inédite qui a éclaté à l'automne 2019 et ruiné les Libanais a été imputée en grande partie à la négligence de la classe politique, régulièrement accusée de clientélisme communautaire et de corruption.

Le système politique libanais garantit une parité unique dans la région entre musulmans et chrétiens,mais en dépit du rôle politique important que jouent ces derniers, ils ont vu leur nombre diminuer ces dernières décennies, en raison notamment du départ des jeunes.

"La sauvegarde du Liban, unique modèle de coexistence" entre chrétiens et musulmans, "est un devoir pour l’humanité", a déclaré dimanche soir le président Joseph Aoun, seul chef d'Etat arabe chrétien, devant le pape.

"Car si ce modèle venait à disparaître, nul autre lieu ne pourrait le remplacer".


Gaza: Israël dit avoir tué 40 combattants palestiniens dans des tunnels à Rafah

L'armée israélienne a affirmé dimanche avoir tué plus de 40 combattants palestiniens au cours de la semaine écoulée lors de ses opérations visant les tunnels près de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza ravagée par deux ans de guerre entre Israël et le Hamas. (AFP)
L'armée israélienne a affirmé dimanche avoir tué plus de 40 combattants palestiniens au cours de la semaine écoulée lors de ses opérations visant les tunnels près de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza ravagée par deux ans de guerre entre Israël et le Hamas. (AFP)
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  • Selon un responsable du Hamas à Gaza, "entre 60 et 80 combattants" seraient coincés sous terre à Rafah
  • Mercredi, le Hamas a appelé les pays médiateurs à faire pression sur Israël pour permettre à ses combattants de quitter les tunnels où ils sont bloqués dans le territoire palestinien

JERUSALEM: L'armée israélienne a affirmé dimanche avoir tué plus de 40 combattants palestiniens au cours de la semaine écoulée lors de ses opérations visant les tunnels près de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza ravagée par deux ans de guerre entre Israël et le Hamas.

Depuis 40 jours, les troupes concentrent leurs efforts dans la zone est de Rafah, "dans le but de démanteler les réseaux de tunnels souterrains qui subsistent dans la région et d'éliminer les terroristes qui s'y cachent", a indiqué l'armée israélienne dans un communiqué.

"Au cours de la dernière semaine, plus de 40 terroristes ont été éliminés dans la zone du réseau de tunnels" et "des dizaines d'entrées de tunnels et de sites d'infrastructures terroristes, tant en surface que souterrains, ont été démantelés dans la région", a-t-elle poursuivi.

Plus tôt, l'armée israélienne avait dit avoir tué quatre combattants palestiniens qui sortaient de tunnels à Rafah.

Plusieurs sources au fait des discussions ont indiqué jeudi à l'AFP que des négociations étaient en cours sur le sort de dizaines de combattants du mouvement islamiste palestinien Hamas, coincés depuis plusieurs semaines dans des tunnels dans le secteur de la bande de Gaza contrôlée par l'armée israélienne.

Selon un responsable du Hamas à Gaza, "entre 60 et 80 combattants" seraient coincés sous terre à Rafah.

Mercredi, le Hamas a appelé les pays médiateurs à faire pression sur Israël pour permettre à ses combattants de quitter les tunnels où ils sont bloqués dans le territoire palestinien, dans le secteur où s'est redéployée l'armée israélienne dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu en vigueur depuis le 10 octobre.

"Nos combattants à Rafah ne peuvent pas accepter de se rendre ou de remettre leurs armes à l'occupation (Israël, NDLR)", a déclaré dimanche dans un communiqué Hossam Badran, un haut responsable du mouvement.

L'envoyé spécial américain Steve Witkoff avait lui affirmé début novembre que jusqu'à 200 combattants du Hamas seraient bloqués dans des tunnels à Gaza.

Interrogé alors par l'AFP, un porte-parole du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, avait indiqué que celui-ci n'était pas disposé à leur délivrer un sauf-conduit.

La trêve conclue plus de deux ans après le début de la guerre déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas en territoire israélien le 7 octobre 2023 reste très fragile, les deux belligérants s'accusant mutuellement de la violer.

La bande de Gaza, dévastée par la campagne militaire israélienne, reste plongée dans une très grave crise humanitaire.


«La paix n'est pas seulement une question d'équilibre, c'est aussi savoir comment vivre ensemble», dit le pape au Liban

Le pape Léon XIV rencontre le président libanais Joseph Aoun dimanche au palais présidentiel de Beyrouth. (AFP)
Le pape Léon XIV rencontre le président libanais Joseph Aoun dimanche au palais présidentiel de Beyrouth. (AFP)
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  • Le dialogue mutuel, même en cas de malentendus, est la voie de la réconciliation, déclare-t-il
  • Aoun : "Si le Liban est paralysé ou transformé, l'alternative sera une ligne de fracture dans notre région et dans le monde"

BEYROUTH : Le pape Léon XIV a appelé à la paix au Liban lors d'un discours prononcé à Beyrouth devant plus de 400 personnalités politiques, religieuses et sociales du pays.

"La paix dans ce pays est plus qu'un mot ; c'est un désir, un message, un don et un travail en cours", a-t-il déclaré lors de la première étape de sa visite historique de trois jours au Liban.

Le Liban a "un peuple qui n'abandonne pas, mais qui, face à l'adversité, sait toujours se relever avec courage", a-t-il ajouté.

"Votre résilience est une caractéristique fondamentale des vrais artisans de la paix, car l'instauration de la paix est, en réalité, un éternel recommencement. L'engagement et l'amour de la paix ne connaissent pas la peur face à la défaite apparente, ni le découragement face à la déception. Au contraire, ils regardent vers l'avenir, accueillant et embrassant toutes les situations avec espoir".

Le pape, qui revenait d'une visite en Turquie, a déclaré au public libanais que "la construction de la paix exige de la persévérance".

Il a ajouté : "Vous êtes un pays diversifié, une communauté parmi les communautés, unie par une langue commune. Je ne me réfère pas seulement à la langue arabe levantine, dans laquelle votre grand passé a laissé des trésors inestimables. Je me réfère surtout à la langue de l'espoir, qui vous a toujours permis de prendre un nouveau départ.

"Presque partout dans le monde qui nous entoure, une sorte de pessimisme et de sentiment d'impuissance semble s'être installé, où les gens ne sont plus capables de se demander ce qu'ils peuvent faire pour changer le cours de l'histoire.

"Il semble que les grandes décisions soient prises par quelques privilégiés, souvent au détriment du bien commun, comme s'il s'agissait d'une fatalité. Vous avez beaucoup souffert des conséquences d'une économie dévastée et de l'instabilité mondiale, qui a eu des effets dévastateurs même au Levant, et de l'extrémisme des identités et des conflits. Mais vous avez toujours voulu, et vous avez su, prendre un nouveau départ".

Il a appelé la jeunesse libanaise à "ne jamais se séparer de son peuple et à se mettre avec engagement et dévouement à son service, riche de sa diversité. Ne parlez qu'une seule langue, celle de l'espoir".

En ce qui concerne le rétablissement de la paix dans le pays, il a déclaré : "Il y a des blessures personnelles et collectives : "Il y a des blessures personnelles et collectives qui prennent de nombreuses années, parfois même des générations, à guérir. Si elles ne sont pas traitées, si nous ne travaillons pas, par exemple, à guérir les mémoires et à réunir ceux qui ont souffert de l'injustice et de l'oppression, il sera difficile d'avancer vers la paix. Nous resterons piégés, chacun d'entre nous étant prisonnier de sa propre douleur et de sa propre façon de penser."

"La paix est bien plus qu'un simple équilibre - toujours fragile - entre ceux qui vivent séparément sous un même toit. La paix, c'est savoir vivre ensemble, en communion, comme des personnes réconciliées. Une réconciliation qui nous permet de travailler ensemble pour un avenir commun, côte à côte. Ainsi, la paix devient cette abondance qui nous surprend lorsque nos horizons s'élargissent, dépassant tous les murs et toutes les barrières. Le dialogue mutuel, même face à l'incompréhension, est le chemin de la réconciliation."

Le pape a exhorté les Libanais à "rester dans leur patrie et à travailler jour après jour pour construire une civilisation d'amour et de paix, car c'est une chose très précieuse". L'Église ne se préoccupe pas seulement de la dignité de ceux qui quittent leur patrie, mais elle ne veut pas que quiconque soit forcé de partir. Elle veut au contraire que ceux qui souhaitent retourner dans leur patrie puissent le faire en toute sécurité".

Il a ajouté : "Le défi, non seulement pour le Liban, mais pour l'ensemble du Levant, est de savoir comment faire pour que les jeunes, en particulier, ne se sentent pas obligés de quitter leur patrie et d'émigrer ? Comment pouvons-nous les encourager à ne pas chercher la paix ailleurs, mais à trouver des garanties de paix et à être des pionniers dans leur propre pays ?"

Léon XIV a souligné "le rôle essentiel des femmes dans l'entreprise ardue et patiente de préservation et de construction de la paix".

Il a déclaré : "N'oublions pas que les femmes ont une capacité particulière à construire la paix, parce qu'elles savent comment favoriser et renforcer les liens profonds avec la vie, les personnes et les lieux. Leur participation à la vie sociale et politique, ainsi qu'à leurs communautés religieuses, représente une véritable force de renouveau dans le monde entier".

Plus tard, le président libanais Joseph Aoun a déclaré : "Le Liban, ce petit pays par sa taille mais grand par sa mission, a toujours été et reste une terre qui unit la foi et la liberté, la diversité et l'unité, la douleur et l'espoir.

Il a souligné que le pays était "unique au monde", ce qui "nécessite que toute l'humanité vivante préserve le Liban".

M. Aoun a ajouté : "Car si ce modèle de vie libre et égale entre les adeptes de différentes religions venait à disparaître, il n'y aurait pas d'autre endroit sur terre qui puisse l'accueillir.

"Si la présence chrétienne disparaît du Liban, l'équation de la nation s'effondrera et sa justice s'effritera. Si la présence musulmane disparaît du Liban, l'équation de la nation sera perturbée et sa modération sera brisée. Si le Liban est paralysé ou transformé, l'alternative inévitable sera des lignes de fracture dans notre région et dans le monde, entre toutes sortes d'extrémismes et de violences intellectuelles, physiques et même sanglantes. C'est une chose que le Saint-Siège a toujours comprise.

"Nous affirmons aujourd'hui que la survie même de ce Liban, présent et présent autour de vous, est une condition préalable à la paix, à l'espoir et à la réconciliation entre tous les enfants d'Abraham."

Le président s'est adressé au pape et a déclaré : "Dans notre pays aujourd'hui, et dans notre région, il y a beaucoup d'oppression et beaucoup de souffrance. Leurs blessures attendent votre toucher béni. S'il vous plaît, dites au monde en notre nom que nous ne mourrons pas, que nous ne partirons pas, que nous ne désespérerons pas et que nous ne nous rendrons pas.

"Au contraire, nous resterons ici, respirant la liberté, créant la joie, pratiquant l'amour, embrassant l'innovation et aspirant à la modernité. Nous resterons le seul espace de rencontre de toute notre région, représentants unis de tous les enfants d'Abraham, avec toutes leurs croyances, leurs valeurs sacrées et leur héritage commun."

L'avion du pape a atterri à l'aéroport international Rafic Hariri de Beyrouth, en provenance d'Istanbul, vers 16 heures, dans le cadre de mesures de sécurité et d'organisation rigoureuses.

Deux jets de l'armée libanaise ont escorté l'avion papal lors de son entrée dans l'espace aérien libanais.

Le pape a déclaré à la délégation de presse qui l'accompagnait dans l'avion que sa visite en Turquie avait été "positive et réussie".

Remerciant le président turc et l'Église d'Orient, il a ajouté que "le but de sa visite au Liban est de construire la paix".

Le président Joseph Aoun, le président du Parlement Nabih Berri, le premier ministre Nawaf Salam, le patriarche maronite Bechara Al-Rahi, le commandant de l'armée, le général Rudolph Haykal, un grand nombre de chefs religieux de tout le Liban, des membres du corps diplomatique arabe et étranger, des représentants des blocs parlementaires et des groupes de civils attendaient le pape sur le tarmac de l'aéroport de Beyrouth.

À sa sortie de l'avion, l'armée libanaise a tiré une salve de 21 coups de canon en son honneur et les cloches des églises ont sonné dans tout le Liban. Les navires amarrés dans le port de Beyrouth ont fait retentir leurs sirènes en guise de bienvenue.

Deux enfants du Children's Cancer Center ont offert au pape un bouquet de fleurs, du pain, du sel et de la terre du Liban sur le tarmac, dans le cadre d'une tradition symbolique.

Le pape a reçu un accueil officiel dans le salon VIP, après quoi il s'est rendu au palais présidentiel.

Le cortège de Léon XIV a emprunté les autoroutes de la banlieue sud de Beyrouth, où des dizaines d'habitants se sont massés le long des routes, brandissant des drapeaux libanais et du Vatican. Certains ont brandi des drapeaux du Hezbollah et des photos de l'ancien secrétaire général Hassan Nasrallah.

Le long de la route allant de la banlieue sud de Beyrouth à Hazmieh, en passant par les routes menant à Baabda et au palais présidentiel, des centaines de personnes - enfants, femmes, hommes, personnes âgées et malades - se sont rassemblées malgré la forte pluie. Elles portaient des parapluies blancs, agitaient des drapeaux du Vatican et du Liban et scandaient son nom. Certains ont déclaré qu'il était "une lueur d'espoir pour le Liban", tandis que d'autres espéraient que sa "visite historique sauverait ce pays de ses crises".

Une femme a déclaré : "Les diverses communautés religieuses qui accueillent le pape sont un signe d'espoir pour le Liban" : "Les diverses communautés religieuses qui accueillent le pape témoignent de l'engagement du Liban en faveur de la coexistence.

Avant d'arriver au palais présidentiel, le pape est passé de sa voiture blindée noire à son véhicule vitré, saluant au passage les personnes qui avaient arrosé son cortège de pétales de roses et de riz.

Au son de la musique traditionnelle libanaise dabke et accompagné d'une escorte de chevaux, le pape a été reçu dans la cour du palais présidentiel.

Dans le salon VIP, Léon XIV a tenu des réunions privées séparées avec chaque dirigeant libanais.

Dans une autre salle, les 400 personnalités politiques, dont une délégation de députés du Hezbollah, des chefs de communautés religieuses, des membres du corps diplomatique et des représentants de la société civile, attendaient d'entendre le discours du pape.