Ukraine: Bruxelles favorable à un tribunal spécial pour juger «les crimes russes»

Un résident local pousse son vélo à Bakhmut, dans la région de Donetsk, le 29 novembre 2022, au milieu de l'invasion russe de l'Ukraine (Photo, AFP).
Un résident local pousse son vélo à Bakhmut, dans la région de Donetsk, le 29 novembre 2022, au milieu de l'invasion russe de l'Ukraine (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Jeudi 01 décembre 2022

Ukraine: Bruxelles favorable à un tribunal spécial pour juger «les crimes russes»

  • Une proposition qui doit être présentée aux Etats membres pour être discutée
  • «C'est exactement ce que nous proposions depuis longtemps», s'est félicité le chef de cabinet de la présidence ukrainienne, Andriï Iermak

BRUXELLES: La Commission européenne a proposé mercredi de travailler à la création d'un tribunal spécial pour juger les "crimes de la Russie" en Ukraine et à des solutions pour mobiliser les avoirs russes gelés afin de reconstruire ce pays, deux entreprises qui s'annoncent toutefois difficiles.

Dans le même temps, sur le terrain des opérations militaires, les forces russes maintiennent la pression en vue de tenter de s'emparer de Bakhmout, une ville de l'est du territoire ukrainien dans les environs de laquelle des combats font rage depuis l'été.

"L'ennemi continue de concentrer ses principaux efforts sur la conduite d'actions offensives dans le secteur de Bakhmout", a ainsi signalé en fin d'après-midi l'état-major de l'armée ukrainienne.

Les Russes avaient peu auparavant revendiqué la prise de trois villages près de cette cité qui comptait 70 000 habitants avant la guerre et qui est aujourd'hui en grande partie détruite.

Cette bataille a pris une importance d'autant plus symbolique pour Moscou que la conquête de Bakhmout, avec l'appui du groupe paramilitaire Wagner, arriverait après une série d'humiliantes défaites, avec les retraites de Kharkiv (nord-est) en septembre et de Kherson (sud) en novembre.

Un employé de l'ambassade d'Ukraine à Madrid a par ailleurs été légèrement blessé mercredi par l'explosion d'une lettre piégée, amenant Kiev à ordonner un renforcement de la sécurité dans toutes ses représentations diplomatiques.

«Un tribunal spécial»

"Tout en continuant à soutenir la Cour pénale internationale (CPI, dont le siège est à La Haye), nous proposons de mettre en place un tribunal spécial soutenu par les Nations unies pour enquêter et poursuivre en justice les crimes d'agression de la Russie" contre l'Ukraine, a déclaré la présidente de l'exécutif européen Ursula von der Leyen, dans une vidéo diffusée mercredi sur Twitter.

Une proposition qui doit être présentée aux Etats membres pour être discutée.

La création d'un tel tribunal a été réclamée à plusieurs reprises par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ainsi que par les pays baltes.

"C'est exactement ce que nous proposions depuis longtemps", s'est félicité le chef de cabinet de la présidence ukrainienne, Andriï Iermak.

La CPI n'est compétente que pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité perpétrés en Ukraine et non pour les "crimes d'agression" de la Russie, car Moscou n'est pas signataire du traité de Rome instituant la Cour.

"Un tribunal ad hoc compétent pour les crimes d'agression permettrait de poursuivre en justice les plus hauts dirigeants russes qui autrement jouiraient d'une immunité", a expliqué la Commission dans un document préliminaire.

Mais pour mettre en place une telle juridiction, un large soutien international sera nécessaire, reconnaît-elle.

Si la proposition n'a aucune chance de passer au Conseil de sécurité de l'ONU en raison de l'opposition de la Russie, elle pourrait avoir plus d'écho à l'Assemblée générale.

Faire payer la Russie

Les Européens veulent aussi parler avec leurs partenaires, notamment au sein du G7, de leur volonté de faire payer Moscou pour les destructions matérielles en Ukraine.

"Avec nos partenaires, nous veillerons à ce que la Russie paie pour les ravages qu'elle a causés, en utilisant les fonds gelés des oligarques et les actifs de sa banque centrale", a affirmé Ursula von der Leyen.

Les Etats membres de l'UE ont déjà gelé 19 milliards d'euros d'avoirs appartenant à des oligarques russes et quelque 300 milliards d'euros de réserves de la Banque centrale de Russie sont bloqués dans l'UE et les autres pays du G7.

En ce qui concerne les avoirs publics, la Commission propose de créer "une structure pour gérer ces fonds et les investir". Les revenus ainsi générés pourraient directement servir à la reconstruction de l'Ukraine.

Une fois les sanctions levées, ces actifs de la banque centrale devraient être restitués mais ils pourraient "être liés à un accord de paix prévoyant d'indemniser l'Ukraine pour les dommages subis".

En ce qui concerne les avoirs des oligarques qui ont été gelés, leur confiscation ne serait possible qu'en lien avec une infraction pénale. L'UE est en train d'harmoniser les législations de ses Etats membres afin de punir de façon uniforme le contournement des sanctions, ce qui pourrait servir de base à une telle mesure.

Plus de 20 000 civils et plus de 100 000 militaires ukrainiens ont été tués ou blessés depuis le début de l'invasion de l'Ukraine en février, a déclaré la cheffe de l'exécutif européen.

Les dommages subis par l'Ukraine sont, selon elle, évalués à 600 milliards d'euros.

"La situation demeure très difficile" dans de nombreuses régions en liaison avec les coupures de courant, y compris dans la capitale Kiev, s'est pour sa part désolé mercredi le président Zelensky, selon lequel six millions de ses compatriotes sont toujours sans électricité à la suite d'une série de frappes russes sur des infrastructures énergétiques.

Il a le même jour critiqué une proposition de plan de paix controversée faite par le milliardaire américain Elon Musk pour mettre fin à l'offensive russe en Ukraine, l'invitant à se rendre dans son pays meurtri.

"Et ensuite, vous me direz comment mettre fin à cette guerre, qui l'a déclenchée et quand elle pourra être terminée", a-t-il lancé, tandis que son ministre des Affaires étrangères Dmytro Kouleba et le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu ont "discuté en détail de la formule de paix" ukrainienne récemment présentée au G20.


Pourparlers sur l'Ukraine: Kiev et l'Europe voient des avancées mais encore beaucoup de travail

Le président américain avait initialement donné jusqu'au 27 novembre au président ukrainien Volodymyr Zelensky pour répondre à son plan, comprenant notamment la cession de territoires ukrainiens et s'apparentant à une capitulation de Kiev. Il a ensuite précisé que ce n'était pas sa "dernière offre". (AFP)
Le président américain avait initialement donné jusqu'au 27 novembre au président ukrainien Volodymyr Zelensky pour répondre à son plan, comprenant notamment la cession de territoires ukrainiens et s'apparentant à une capitulation de Kiev. Il a ensuite précisé que ce n'était pas sa "dernière offre". (AFP)
Short Url
  • Les discussions entre Ukrainiens, Américains et Européens, convoquées dimanche dans l'urgence, se sont tenues sur la base du projet de plan en 28 points de Donald Trump, considéré comme largement favorable à Moscou
  • Américains et Ukrainiens ont affirmé qu'un "futur accord" de paix devrait respecter la souveraineté de l'Ukraine

KIEV: Le chancelier allemand a insisté lundi pour que la Russie rejoigne la table des négociations sur un plan de paix pour l'Ukraine, au lendemain de pourparlers à Genève ayant donné lieu à un "nouvel élan", mais qui nécessitent encore "du travail" selon Kiev et l'UE.

Les discussions entre Ukrainiens, Américains et Européens, convoquées dimanche dans l'urgence, se sont tenues sur la base du projet de plan en 28 points de Donald Trump, considéré comme largement favorable à Moscou. Américains et Ukrainiens ont affirmé qu'un "futur accord" de paix devrait respecter la souveraineté de l'Ukraine.

L'Ukraine, qui lutte depuis près de quatre ans contre l'invasion de la Russie, est de nouveau au coeur d'échanges lundi à Luanda en marge d'un sommet entre l'UE et l'Union africaine. Et la "Coalition des volontaires", qui réunit les alliés de l'Ukraine, se réunira mardi en visioconférence.

"La Russie doit être présente à la table (des négociations)", a affirmé le chancelier allemand Friedrich Merz, jugeant néanmoins improbable "une percée" diplomatique cette semaine.

Le président américain avait initialement donné jusqu'au 27 novembre au président ukrainien Volodymyr Zelensky pour répondre à son plan, comprenant notamment la cession de territoires ukrainiens et s'apparentant à une capitulation de Kiev. Il a ensuite précisé que ce n'était pas sa "dernière offre".

Salué par le président russe Vladimir Poutine, le texte initial du plan Trump reprenait plusieurs exigences cruciales pour Moscou. Le Kremlin a dit lundi n'avoir aucune information à l'issue des pourparlers de Génève, mais savoir que des "modifications" avaient été apportées.

Si M. Zelensky a salué lundi des avancées, il a estimé qu'il fallait "beaucoup plus" pour parvenir à une "paix réelle" avec la Russie et mettre fin au conflit le plus meurtrier en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

Atmosphère "constructive"

Le dirigeant ukrainien s'est néanmoins félicité de l'inclusion d'éléments "extrêmement sensibles": la libération totale des prisonniers ukrainiens selon la formule de "tous-contre-tous" et des civils, et le retour des "enfants ukrainiens enlevés par la Russie".

Un haut responsable ukrainien a indiqué à l'AFP que l'hypothèse d'une visite de Volodymyr Zelensky à Washington était "au stade de la discussion", sans date fixée.

L'atmosphère à Genève était "parfois tendue, parfois plus légère mais dans l'ensemble constructive", a-t-il décrit, évoquant une ambiance "typique des négociations extrêmement importantes".

Depuis Luanda, les alliés européens de Kiev se sont dit prudemment optimistes.

"Il reste encore du travail à faire mais il y a une base solide pour avancer", a dit la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Le président du Conseil européen, Antonio Costa, a lui salué un "nouvel élan".

Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a aussi noté les "progrès significatifs" réalisés à Genève.

Aucune nouvelle version du texte n'a pour l'heure été publiée.

"Nous continuons tous à travailler avec nos partenaires, en particulier les États-Unis, et à rechercher des compromis qui nous renforcent et ne nous affaiblissent pas", a dit M. Zelensky lors d'une conférence virtuelle en Suède, ajoutant que son pays se trouve à un "moment critique".

Le président américain a semblé se réjouir de l'issue de la rencontre à Genève. "Est-ce vraiment possible que de grands progrès soient réalisés dans les pourparlers de paix entre la Russie et l'Ukraine??? Ne croyez que ce que vous voyez, mais quelque chose de bon pourrait bien se produire", a-t-il écrit sur son réseau Truth Social.

A Genève, son secrétaire d'Etat Marco Rubio s'était dit dimanche "très optimiste" sur la possibilité de conclure "très vite" un accord, estimant que "les points qui restent en suspens ne sont pas insurmontables".

Les Russes auront "leur mot à dire", avait-il aussi assuré.

Lors d'un entretien téléphonique lundi entre Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, le dirigeant russe a réitéré son opinion selon laquelle le plan initial des États-Unis pourrait "servir de base à un règlement de paix final".

La poussée lente, mais progressive, des troupes russes accentue la pression sur Kiev.

Moscou a revendiqué lundi la prise d'un village dans la région de Zaporijjia (sud), tandis que des frappes aériennes russes ont fait au moins quatre morts à Kharkiv.

La Russie cible quasi quotidiennement le pays au moyen de drones ou de missiles. Les infrastructures énergétiques sont particulièrement visées, faisant craindre un hiver difficile en Ukraine. Kiev vise de son côté régulièrement des dépôts et raffineries de pétrole et d'autres installations côté russe.

 


L'IA générative, un potentiel «Frankenstein des temps modernes», prévient le chef des droits humains de l'ONU

Les droits humains risquent d'être les premières victimes du déploiement de l'intelligence artificielle (IA) générative par les géants de la tech, a déclaré le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme lundi, mettant en garde contre le potentiel "monstrueux" de tels systèmes. (AFP)
Les droits humains risquent d'être les premières victimes du déploiement de l'intelligence artificielle (IA) générative par les géants de la tech, a déclaré le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme lundi, mettant en garde contre le potentiel "monstrueux" de tels systèmes. (AFP)
Short Url
  • "Le modèle économique actuel des plateformes de médias sociaux alimente déjà la polarisation, l'extrémisme et l'exclusion. De nombreux pays peinent à endiguer ce phénomène", a souligné M. Türk
  • Et si l'IA générative est porteuse d'"immenses promesses", les droits humains peuvent en "être les premières victimes", a-t-il estimé

GENEVE: Les droits humains risquent d'être les premières victimes du déploiement de l'intelligence artificielle (IA) générative par les géants de la tech, a déclaré le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme lundi, mettant en garde contre le potentiel "monstrueux" de tels systèmes.

"L'IA générative recèle un immense potentiel, mais son exploitation à des fins purement politiques ou économiques peut manipuler, déformer et détourner l'attention", a déclaré le Haut Commissaire Volker Türk lors d'une réunion à Genève (Suisse), soulignant que "sans garanties et réglementations adéquates, les systèmes d'IA pourraient se transformer en un monstre de Frankenstein des temps modernes".

"Le modèle économique actuel des plateformes de médias sociaux alimente déjà la polarisation, l'extrémisme et l'exclusion. De nombreux pays peinent à endiguer ce phénomène", a souligné M. Türk lors d'un forum sur les entreprises et les droits humains.

Et si l'IA générative est porteuse d'"immenses promesses", les droits humains peuvent en "être les premières victimes", a-t-il estimé.

L'exploitation de cette technologie "à des fins purement politiques ou économiques" fait peser une menace "sur plusieurs droits humains, notamment le droit à la vie privée, la participation politique, la liberté d'expression et le droit au travail".

Le Haut Commissaire a averti que ces menaces "pourraient se concrétiser en préjudices qui compromettent les promesses des technologies émergentes et pourraient engendrer des conséquences imprévisibles".

"Il est de la responsabilité des gouvernements de s'unir pour éviter un tel scénario", a insisté M. Türk.

Par ailleurs, le chef des droits humains de l'ONU a mis en évidence une autre menace représentée par la concentration croissante du pouvoir des entreprises et l'"accumulation massive de richesses personnelles et d'entreprises entre les mains d'une poignée d'acteurs".

"Dans certains cas, cela dépasse le poids économique de pays entiers", a-t-il déclaré, insistant sur le fait que lorsque "le pouvoir n'est pas encadré par la loi, il peut mener à des abus et à l'asservissement".

 


L'UE promet 88 millions d'euros en faveur de l'Autorité palestinienne

Short Url
  • "Nous avons signé plus de 82 millions d'euros", qui viennent s'ajouter aux six millions d'euros déjà annoncés, s'est félicitée devant la presse la commissaire européenne chargée de la Méditerranée, Dubravka Suica
  • Quelque soixante délégations rassemblant les 27 de l'UE, les pays arabes et plusieurs organisations internationales se sont retrouvées jeudi à Bruxelles, sans la présence d'Israël

BRUXELLES: Les pays de l'Union européenne vont verser quelque 88 millions d'euros pour aider l'Autorité palestinienne, pressée de se réformer par les Européens, soucieux de son rôle futur dans le cadre du plan Trump pour la région.

"Nous avons signé plus de 82 millions d'euros", qui viennent s'ajouter aux six millions d'euros déjà annoncés, s'est félicitée devant la presse la commissaire européenne chargée de la Méditerranée, Dubravka Suica, à l'issue d'une conférence des donateurs à Bruxelles.

Quelque soixante délégations rassemblant les 27 de l'UE, les pays arabes et plusieurs organisations internationales se sont retrouvées jeudi à Bruxelles, sans la présence d'Israël.

"Aujourd'hui, nous avons présenté les progrès réalisés dans le cadre de notre programme de réforme nationale, qui est mis en œuvre, pas seulement promis, mais mis en œuvre et en avance sur le calendrier, ce qui a été reconnu par nos partenaires", a indiqué de son côté le Premier ministre palestinien Mohammed Mustafa.

Et cela "en dépit d'un environnement défavorable", a-t-il ajouté, accusant Israël de chercher "à affaiblir l'Autorité palestinienne ainsi que sa capacité à fonctionner".

Mme Suica a réitéré sur ce point les appels lancés par l'Union européenne pour qu'Israël accepte de libérer les recettes fiscales dues à l'Autorité palestinienne, indispensables à son fonctionnement.

"Cela a été dit par tous les participants", a-t-elle assuré.

Concernant Gaza, M. Mustafa a assuré que l'Autorité palestinienne avait un plan, soutenu par les pays arabes pour sa reconstruction. "Nous gouvernerons, nous réformerons et nous dirigerons la reconstruction de Gaza", a-t-il assuré.

L'Union européenne est le principal soutien financier de l'Autorité palestinienne. Elle conditionne toutefois le versement futur de cette aide à des réformes, qu'elle juge indispensables pour que cette Autorité soit en mesure de jouer pleinement son rôle dans le cadre de la solution à deux États, israélien et palestinien, que les Européens défendent depuis des années.

"Tout notre soutien à l'Autorité palestinienne est lié aux efforts pour poursuivre l'agenda des réformes", a rappelé Mme Suica.