Disparition d’un homme d’État visionnaire : le prince bahreïni Khalifa ben Salman

S.A. le prince Khalifa bin Salman (KBS) Al-Khalifa
S.A. le prince Khalifa bin Salman (KBS) Al-Khalifa
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Publié le Mardi 17 novembre 2020

Disparition d’un homme d’État visionnaire : le prince bahreïni Khalifa ben Salman

Disparition d’un homme d’État visionnaire : le prince bahreïni Khalifa ben Salman
  • Bahreïn avait, par définition et à toutes fins utiles, lancé le concept même de la diversification économique indépendante du pétrole. Il était évident que Bahreïn mettait en œuvre une vision transformatrice qui mène à un but ultime
  • Dans les années suivantes, j’ai eu la chance et le plaisir de rencontrer KBS à maintes reprises. Il était toujours encourageant et, comme les grands dirigeants, cherchait à habiliter et à édifier les autres

BAHREÏN : Dans le monde d’aujourd’hui, trouver un dirigeant qui est un homme d’État ou un visionnaire est une possibilité très rare. Posséder ces deux qualités est encore plus rare ; mais c’est ce que le prince Khalifa ben Salman (KBS), le Premier ministre bahreïni décédé le 11 novembre, représentait et c’est pourquoi son souvenir subsistera pendant de nombreuses années.

Lorsque je suis retourné à Bahreïn fin 1987, après avoir passé treize ans au Royaume-Uni pour poursuivre mes études et travailler, je me souviens à quel point c’était une expérience révélatrice pour moi de voir combien le pays, qui est devenu un centre économique, avait évolué depuis que je l’avais quitté en 1974.

Bahreïn avait, par définition et à toutes fins utiles, lancé le concept même de la diversification économique indépendante du pétrole. Il était évident que Bahreïn mettait en œuvre une vision transformatrice qui mène à un but ultime – la création d’une économie stable et durable à travers une diversification efficace.

Lorsque je me suis renseigné auprès de mon ami bahreïni en qui j’ai le plus confiance en dehors de ma famille, le professeur Abdallah Al-Hawaj, il m’a expliqué que « KBS était l’architecte principal (de cette vision) et il a réussi à mettre le plan en œuvre avec suffisamment de clarté et d’attention pour placer Bahreïn sur la scène internationale ».

Quelques mois après mon retour, mon bureau a été contacté par la Cour du Premier ministre pour me demander d’assister à son majlis hebdomadaire (rassemblement spécial) un dimanche matin. Malheureusement, je n'ai pas pu y assister car j'étais en voyage d'affaires à l'étranger.

Le Royaume de Bahreïn est en deuil, avec le départ d’un homme d’État visionnaire qui a supervisé la transformation économique, sociale et politique d'une nation dépendante du pétrole en une économie moderne et technologiquement avancée.

Khalid Abdulla-Janahi

À mon retour, deux semaines plus tard, je me suis rendu au majlis, dont le public comprenait des chercheurs, des hommes d'affaires, des diplomates et des membres de la famille dirigeante qui attendaient tous l’arrivée de KBS. À son arrivée, tout le monde s’est précipité pour lui serrer la main en premier.

Vu que je n’étais pas familier avec ce processus, j’ai attendu qu’un officier de protocole me conduise vers KBS pour que je lui serre la main. Puisque c’était la première fois que nous nous rencontrions en personne, il m’a tenu fermement la main et m’a regardé droit dans les yeux, et à ma grande surprise, il connaissait parfaitement mon profil, y compris mon parcours, et m’a dit qu’il espérait que mon voyage d’affaires s’était bien passé.

Pendant qu’il me parlait, je me suis rappelé la description de mon défunt grand-père de l'une des principales caractéristiques des visionnaires : « savoir ce que les gens pensent simplement en les regardant dans les yeux ». Dès cette première rencontre, il était très clair pour moi que KBS savait bien lire les gens et qu’il s’était fixé sur un plan beaucoup plus grand que ce que la plupart des gens pouvaient peut-être comprendre.

C’est lors de cette rencontre que j’ai réalisé pour la première fois qu’il était différent de la plupart des dirigeants du monde arabe que j’avais rencontrés.

Dans les années suivantes, j’ai eu la chance et le plaisir de rencontrer KBS à maintes reprises. Il était toujours encourageant et, comme les grands dirigeants, cherchait à habiliter et à édifier les autres.

Je me souviens qu’il me présentait, notamment avec les dignitaires étrangers, comme « notre expert-comptable d’Angleterre et du pays de Galles ». C’était une chose naturelle chez KBS. Il était fier des Bahreïnis qui excellaient dans leur domaine et curieux de comprendre leur myriade de disciplines.

Mon oncle défunt, l’architecte Ahmed Aboubaker Janahi, en était un exemple. Au début des années 1990, Ahmed était le jeune architecte qui a construit les premiers centres commerciaux à Bahreïn. Une semaine avant l’inauguration de l’un de ces centres, sous le patronage de KBS, on m’a demandé de rendre visite à KBS, qui n’avait pas encore rencontré Ahmed, et il m’a demandé de le lui présenter avant l’évènement.

Leur rencontre, juste avant le début de la cérémonie, est devenue un séminaire technique et KBS posait un tas de questions à propos des complexités architecturales du bâtiment. Je me souviens de cette conversation comme si c’était hier. Cette curiosité est une caractéristique que j’avais observée et admirée, et que j’avais adoptée moi-même.

KBS croyait fermement dans l’éducation. Il était toujours entouré de chercheurs bahreïnis et encourageait toujours le développement d’établissements d’enseignement supérieur. J’ai été témoin de son soutien important à la création de la première Université Ahlia en tant que première université privée à Bahreïn.

Le Royaume de Bahreïn est en deuil, avec le départ d’un homme d’État visionnaire qui a supervisé la transformation économique, sociale et politique d'une nation dépendante du pétrole en une économie moderne et technologiquement avancée.  Khalid Abdulla-Janahi
Khalifa ben Salman, à gauche, consolé par des ulémas de la mosquée Al-Azhar en Égypte après le crash d’un avion bahreïni Gulf Air en 2000 qui a fait 143 morts. (AFP/Photo)

 

Au niveau personnel, il m’a toujours soutenu bien qu’il sache très bien que je n’étais pas conformiste et que mes opinions étaient différentes de celles de la plupart des autres. Cependant, il savait bien que même si j’avais des points de vue différents, c’était pour le plus grand bien du pays.

Je n’oublierai jamais son soutien et ses conseils lorsqu’on m’a offert un poste à Genève en 1997. Il a fortement soutenu ma désignation pour ce poste et a insisté pour être ma référence personnelle. Pour cela, et cela seul, je lui serai éternellement reconnaissant.

Même quand j’ai quitté Bahreïn, je savais que KBS me soutenait toujours. À la fin de l’an 2000, j’ai été contacté par un ministre qui m’a dit que KBS me demandait de venir au Bahreïn pour le rencontrer. Trois jours plus tard, j’étais dans le bureau personnel de KBS.

Il m'a annoncé  qu'il me proposait de devenir membre du nouveau Conseil supérieur du développement économique qu'il présidait. C'était un honneur pour n'importe quel Bahreïni, surtout pour un Bahreïni basé à l'étranger.

Pendant des décennies, KBS a travaillé main dans la main avec son frère, feu l’émir Cheikh Issa ben Salman Al-Khalifa, pour moderniser le pays à tous les niveaux. De même, il a toujours soutenu et aidé Sa Majesté Hamad ben Issa Al-Khalifa dans le processus de réforme au cours des dernières décennies.

Le Royaume de Bahreïn est en deuil, avec le départ d’un homme d’État visionnaire qui a supervisé la transformation économique, sociale et politique d'une nation dépendante du pétrole en une économie moderne et technologiquement avancée. KBS n’est plus parmi nous physiquement, mais son impact perdure et son esprit vit toujours.

Que son âme repose en paix

Khalid Abdulla-Janahi, président de Vision3, a plus de trente ans d’expérience dans le domaine des services bancaires et financiers.

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com