Liban: L’heure n'est toujours pas venue d’élire le prochain président

Le général Joseph Aoun chef d'état-major de l'armée libanaise (Photo, AFP).
Le général Joseph Aoun chef d'état-major de l'armée libanaise (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 07 décembre 2022

Liban: L’heure n'est toujours pas venue d’élire le prochain président

Liban: L’heure n'est toujours pas venue d’élire le prochain président
  • Sur les trois candidats mentionnés, seul M. Bassil voit ses chances s’amoindrir sans pour autant perdre sa capacité de nuisance politique
  • Le général Aoun a réussi à se forger l’image d’un militaire de carrière indépendant

Le Liban a entamé cette semaine son deuxième mois de vacance à la présidence de la République. Jusqu’ici, le Parlement a été convoqué huit fois de suite sans qu’il ne puisse élire un nouveau président. Les députés, toutes appartenances confondues, savent que l’heure d’élire le prochain président n’est toujours pas arrivée. En conséquence, les sessions stériles se suivent et se ressemblent, et pour cause: les dés ne sont toujours pas jetés pour départager les candidats dont un seul – le député  Michel Moawad – sur quatre autres  est annoncé comme le choix officiel de la coalition des partis souverainistes, autrement dit les ex-14 Mars. Les trois autres – l’ancien ministre Sleiman Frangié; le député et chef du Courant patriotique libre, M. Gebran Bassil; et le commandant en chef de l’armée, le général Joseph  Aoun – restent des candidats officieux ou en réserve. Sur les trois candidats mentionnés, seul M. Bassil voit ses chances s’amoindrir sans pour autant perdre sa capacité de nuisance politique. En effet, fort d’un bloc parlementaire de dix-huit députés, il pourrait marchander son retrait ultérieur au profit d’un des deux autres candidats toujours officieux. En attendant, le chef du Courant patriotique libre s’active afin de préserver ses acquis du mandat de son beau-père, le président sortant Michel Aoun. Il mise sur sa relation privilégiée avec le Hezbollah, parti pro-iranien, dont il tire en partie sa force politique. Mais M. Bassil sait pertinemment qu’il ne saurait être le candidat préféré du parti pro-iranien. En effet, c’est M. Sleiman Frangié qui semble être le candidat de prédilection du Hezbollah. Dès lors, M. Bassil joue la carte de troubles faits tout en tentant de faire chanter ses alliés. Néanmoins, toutes les manœuvres du gendre de l’ex-président ne lui garantissent toujours pas de garder sa place privilégiée au cœur du jeu politique au cas où il se voit amené à soutenir un de ses deux concurrents. 

De son côté, l’ancien ministre et chef du parti Marada, Sleiman Frangié, espère que cette fois la chance lui sourira, après avoir failli être élu président de la République en 2015, lorsque l’ancien Premier ministre Saad Hariri lui apporta son soutien. À l’époque, c’est le Hezbollah – pourtant proche allié de Frangié – qui s’y opposa, sous prétexte qu’il avait déjà donné sa parole au général Michel Aoun. M. Frangié n’avait donc pas été élu, mais on estime qu’après avoir été écarté, il aurait reçu la promesse d’obtenir le soutien du Hezbollah lors des prochaines élections présidentielles. Tout laisse à croire que M. Frangié serait effectivement le candidat de la coalition menée par le parti pro-iranien au Liban. Ainsi, toutes les manœuvres tournent autour de M. Bassil afin de le convaincre de se joindre à cette coalition parlementaire pour tenter de faire élire son concurrent issu du même camp, les chances de rassembler une large coalition autour de sa propre candidature étant quasi nulles. 

Reste le troisième candidat, celui qui jusqu’ici se refuse d’annoncer ses couleurs. Il se présente comme un officier voulant se placer au-dessus de la mêlée politique. Mais le fait est que le général Joseph Aoun, actuel commandant de l’armée libanaise, serait le candidat le plus sérieux parmi les candidats à la présidentielle, et il jouira d’un soutien dans le monde arabe ainsi qu’au sein de la communauté internationale. On le crédite pour avoir réussi à préserver l’armée aux pires moments de la crise financière et économique qui frappe le Liban depuis octobre 2019. Le général Joseph Aoun, qui avait été choisi par l’ex-président Michel Aoun à la tête de l’armée, était proche de ce dernier, mais dès les premiers mois qui ont suivi sa nomination, il a pris ses distances avec son «parrain» politique et s’est très vite heurté au gendre et héritier de ce dernier, Gebran Bassil. Le général Aoun a réussi à se forger l’image d’un militaire de carrière indépendant vis-à-vis de l’ensemble de la caste politique libanaise. C’est en jouant la carte de l’armée et de sa légitimité, ainsi que celle de la neutralité entre les différentes forces politiques, tout en renforçant le cercle de ses relations à l’échelle régionale et internationale, que le général Joseph Aoun se placera en position de pôle dans la course présidentielle. 

Ceci dit, rien n’est moins sûr que les prédictions politiques au Liban. L’histoire nous enseigne que bien de fois, des candidats favoris se sont retrouvés écartés en dernière minute. Nous restons toujours dans une situation bien floue. 

 

Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. 

Twitter: @AliNahar

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com