Ukraine: à Kherson, la chasse aux «collaborateurs» des Russes

Des résidents locaux s'inscrivent pour un train d'évacuation à la gare de Kherson, le 8 décembre 2022, dans le cadre de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo de Genya Savilov / AFP)
Des résidents locaux s'inscrivent pour un train d'évacuation à la gare de Kherson, le 8 décembre 2022, dans le cadre de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo de Genya Savilov / AFP)
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Publié le Dimanche 11 décembre 2022

Ukraine: à Kherson, la chasse aux «collaborateurs» des Russes

  • Après l'euphorie de la libération, Kherson vit aujourd'hui sous un contrôle serré de la police, très présente et visible
  • Les hommes en bleu vérifient les papiers d'identité, posent des questions, fouillent les coffres des voitures, pour débusquer les «collaborateurs»

KHERSON, Ukraine : «Avancez! Montrez vos mains, sortez vos papiers!»: sur une plage au bord du Dniepr à Kherson, dans le sud de l'Ukraine, des policiers armés de kalachnikov mettent en joue deux hommes qui viennent d'accoster avec leur bateau.

La scène se déroule sur la rive droite du fleuve, en aval de la ville libérée le 11 novembre par les soldats de Kiev, après huit mois d'occupation par les forces russes, désormais repliées sur la rive gauche.

Elle symbolise le climat de suspicion qui règne à Kherson, où les autorités craignent toujours la présence de personnes qui auraient collaboré, voire collaborent toujours, avec les Russes, et cherchent à les identifier.

Les deux hommes venaient d'évacuer l'une des îles qui bordent la rive orientale, une zone grise où les forces ukrainiennes sont absentes et qui est contrôlée de fait par Moscou, même si les soldats russes y sont invisibles.

«Les évacuations ne sont autorisées qu'au port (de Kherson). Ici, c'est illégal», explique à l'AFP l'un des policiers.

Au port, «il y a des responsables de ces +mesures de stabilisation+ qui vérifient si les gens étaient impliqués ou non» dans la collaboration, poursuit-il.

Mais le contrôle tourne court: deux roquettes s'abattent sur un îlot à 200 mètres en face de la plage, dégageant un panache de fumée noire.

Le Dniepr est devenu la nouvelle ligne de front.

Les deux hommes et les policiers s'éloignent en courant pour se mettre à l'abri. L'interrogatoire reprendra une fois le calme revenu.

- Forte présence policière -

Après l'euphorie de la libération, Kherson vit aujourd'hui sous un contrôle serré de la police, très présente et visible.

Points de filtrage aux sorties de la ville, patrouilles dans les rues: les hommes en bleu vérifient les papiers d'identité, posent des questions, fouillent les coffres des voitures, pour débusquer les «collaborateurs».

«Ces gens ont séjourné ici pendant plus de huit mois. Ils travaillaient pour le régime russe et maintenant nous avons des informations et des documents sur chacun d'entre eux. Notre police sait tout d'eux et chacun d'eux sera puni», affirme à l'AFP le gouverneur de la région de Kherson, Iaroslav Ianouchevitch.

A un grand carrefour au bout d'un pont qui mène à la zone industrielle et portuaire, un vieil homme s'approche d'un des policiers qui filtrent voitures et passants. Il lui demande où il peut aller remplir d'eau les deux bonbonnes qu'il tient à la main.

«Vous dites que vous êtes un habitant d'ici et vous ne savez pas où se trouve le point d'eau ?», interroge, suspicieux, le policier. L'homme devra montrer une photocopie usée sortie de sa poche pour justifier de son identité.

Les contrôles se font aussi à la gare, où quelques habitants évacuent encore la ville par un train quotidien.

Dans une salle à part, cinq policiers sont assis devant autant de petites tables et interrogent chacun un évacué assis en face, a constaté l'AFP.

- Dénoncer les «traitres» -

Sur certaines avenues de la ville, les grandes affiches de propagande de l'occupant qui vantaient la Russie ont disparu au profit d'autres à la gloire de la libération de Kherson.

Mais sont apparues aussi d'autres affiches invitant les habitants à dénoncer ceux qui ont collaboré avec les forces russes.

«Donnez des informations sur les traîtres ici», indique l'une d'elles en renvoyant vers le QR code d'une application ou un numéro de téléphone.

«Cela nous aide à les identifier, à savoir s'ils sont sur le territoire que nous contrôlons», justifie le gouverneur de la région.

«La plupart des informations sont reçues de la population locale au cours de simples conversations (...) Nous analysons également les comptes sur les réseaux sociaux et continuons à surveiller Internet», explique à l'AFP Andriï Kovanyi, chef des relations publiques de la police de la région de Kherson.

Après la police, les services de sécurité ukrainiens (SBU) prennent le relais des enquêtes.

Selon le vice-ministre de l'Intérieur, Ievguen Yenine, plus de 130 personnes ont déjà été arrêtées pour collaboration dans la région de Kherson.

Interrogés devant l'un des panneaux, des habitants se montraient plutôt favorables au principe de dénonciation.

Pavel, 40 ans, qui ne souhaite pas donner son nom, estime ainsi «toujours bien d'aider à trouver un collaborateur ou un traître. Nous devons aider nos forces armées à attraper ceux qui ont travaillé pour la Russie».

Depuis la libération de la ville, des frappes russes visent des infrastructures énergétiques mais aussi des habitations, et des civils ont été tués.

«Nos maisons sont également bombardées en ce moment. Et je pense que ce sont des collaborateurs qui aident (les forces russes) à cibler nos maisons», assure de son côté Iryna, 35 ans.

En revanche, Vyacheslav croit savoir «que tous les collaborateurs se sont déjà enfuis vers l'autre côté» du Dniepr.

«Ici, nous sommes tous des patriotes» ukrainiens, lance cet homme âgé de 47 ans.


Pourparlers sur l'Ukraine: Kiev et l'Europe voient des avancées mais encore beaucoup de travail

Le président américain avait initialement donné jusqu'au 27 novembre au président ukrainien Volodymyr Zelensky pour répondre à son plan, comprenant notamment la cession de territoires ukrainiens et s'apparentant à une capitulation de Kiev. Il a ensuite précisé que ce n'était pas sa "dernière offre". (AFP)
Le président américain avait initialement donné jusqu'au 27 novembre au président ukrainien Volodymyr Zelensky pour répondre à son plan, comprenant notamment la cession de territoires ukrainiens et s'apparentant à une capitulation de Kiev. Il a ensuite précisé que ce n'était pas sa "dernière offre". (AFP)
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  • Les discussions entre Ukrainiens, Américains et Européens, convoquées dimanche dans l'urgence, se sont tenues sur la base du projet de plan en 28 points de Donald Trump, considéré comme largement favorable à Moscou
  • Américains et Ukrainiens ont affirmé qu'un "futur accord" de paix devrait respecter la souveraineté de l'Ukraine

KIEV: Le chancelier allemand a insisté lundi pour que la Russie rejoigne la table des négociations sur un plan de paix pour l'Ukraine, au lendemain de pourparlers à Genève ayant donné lieu à un "nouvel élan", mais qui nécessitent encore "du travail" selon Kiev et l'UE.

Les discussions entre Ukrainiens, Américains et Européens, convoquées dimanche dans l'urgence, se sont tenues sur la base du projet de plan en 28 points de Donald Trump, considéré comme largement favorable à Moscou. Américains et Ukrainiens ont affirmé qu'un "futur accord" de paix devrait respecter la souveraineté de l'Ukraine.

L'Ukraine, qui lutte depuis près de quatre ans contre l'invasion de la Russie, est de nouveau au coeur d'échanges lundi à Luanda en marge d'un sommet entre l'UE et l'Union africaine. Et la "Coalition des volontaires", qui réunit les alliés de l'Ukraine, se réunira mardi en visioconférence.

"La Russie doit être présente à la table (des négociations)", a affirmé le chancelier allemand Friedrich Merz, jugeant néanmoins improbable "une percée" diplomatique cette semaine.

Le président américain avait initialement donné jusqu'au 27 novembre au président ukrainien Volodymyr Zelensky pour répondre à son plan, comprenant notamment la cession de territoires ukrainiens et s'apparentant à une capitulation de Kiev. Il a ensuite précisé que ce n'était pas sa "dernière offre".

Salué par le président russe Vladimir Poutine, le texte initial du plan Trump reprenait plusieurs exigences cruciales pour Moscou. Le Kremlin a dit lundi n'avoir aucune information à l'issue des pourparlers de Génève, mais savoir que des "modifications" avaient été apportées.

Si M. Zelensky a salué lundi des avancées, il a estimé qu'il fallait "beaucoup plus" pour parvenir à une "paix réelle" avec la Russie et mettre fin au conflit le plus meurtrier en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

Atmosphère "constructive"

Le dirigeant ukrainien s'est néanmoins félicité de l'inclusion d'éléments "extrêmement sensibles": la libération totale des prisonniers ukrainiens selon la formule de "tous-contre-tous" et des civils, et le retour des "enfants ukrainiens enlevés par la Russie".

Un haut responsable ukrainien a indiqué à l'AFP que l'hypothèse d'une visite de Volodymyr Zelensky à Washington était "au stade de la discussion", sans date fixée.

L'atmosphère à Genève était "parfois tendue, parfois plus légère mais dans l'ensemble constructive", a-t-il décrit, évoquant une ambiance "typique des négociations extrêmement importantes".

Depuis Luanda, les alliés européens de Kiev se sont dit prudemment optimistes.

"Il reste encore du travail à faire mais il y a une base solide pour avancer", a dit la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Le président du Conseil européen, Antonio Costa, a lui salué un "nouvel élan".

Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a aussi noté les "progrès significatifs" réalisés à Genève.

Aucune nouvelle version du texte n'a pour l'heure été publiée.

"Nous continuons tous à travailler avec nos partenaires, en particulier les États-Unis, et à rechercher des compromis qui nous renforcent et ne nous affaiblissent pas", a dit M. Zelensky lors d'une conférence virtuelle en Suède, ajoutant que son pays se trouve à un "moment critique".

Le président américain a semblé se réjouir de l'issue de la rencontre à Genève. "Est-ce vraiment possible que de grands progrès soient réalisés dans les pourparlers de paix entre la Russie et l'Ukraine??? Ne croyez que ce que vous voyez, mais quelque chose de bon pourrait bien se produire", a-t-il écrit sur son réseau Truth Social.

A Genève, son secrétaire d'Etat Marco Rubio s'était dit dimanche "très optimiste" sur la possibilité de conclure "très vite" un accord, estimant que "les points qui restent en suspens ne sont pas insurmontables".

Les Russes auront "leur mot à dire", avait-il aussi assuré.

Lors d'un entretien téléphonique lundi entre Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, le dirigeant russe a réitéré son opinion selon laquelle le plan initial des États-Unis pourrait "servir de base à un règlement de paix final".

La poussée lente, mais progressive, des troupes russes accentue la pression sur Kiev.

Moscou a revendiqué lundi la prise d'un village dans la région de Zaporijjia (sud), tandis que des frappes aériennes russes ont fait au moins quatre morts à Kharkiv.

La Russie cible quasi quotidiennement le pays au moyen de drones ou de missiles. Les infrastructures énergétiques sont particulièrement visées, faisant craindre un hiver difficile en Ukraine. Kiev vise de son côté régulièrement des dépôts et raffineries de pétrole et d'autres installations côté russe.

 


L'IA générative, un potentiel «Frankenstein des temps modernes», prévient le chef des droits humains de l'ONU

Les droits humains risquent d'être les premières victimes du déploiement de l'intelligence artificielle (IA) générative par les géants de la tech, a déclaré le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme lundi, mettant en garde contre le potentiel "monstrueux" de tels systèmes. (AFP)
Les droits humains risquent d'être les premières victimes du déploiement de l'intelligence artificielle (IA) générative par les géants de la tech, a déclaré le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme lundi, mettant en garde contre le potentiel "monstrueux" de tels systèmes. (AFP)
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  • "Le modèle économique actuel des plateformes de médias sociaux alimente déjà la polarisation, l'extrémisme et l'exclusion. De nombreux pays peinent à endiguer ce phénomène", a souligné M. Türk
  • Et si l'IA générative est porteuse d'"immenses promesses", les droits humains peuvent en "être les premières victimes", a-t-il estimé

GENEVE: Les droits humains risquent d'être les premières victimes du déploiement de l'intelligence artificielle (IA) générative par les géants de la tech, a déclaré le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme lundi, mettant en garde contre le potentiel "monstrueux" de tels systèmes.

"L'IA générative recèle un immense potentiel, mais son exploitation à des fins purement politiques ou économiques peut manipuler, déformer et détourner l'attention", a déclaré le Haut Commissaire Volker Türk lors d'une réunion à Genève (Suisse), soulignant que "sans garanties et réglementations adéquates, les systèmes d'IA pourraient se transformer en un monstre de Frankenstein des temps modernes".

"Le modèle économique actuel des plateformes de médias sociaux alimente déjà la polarisation, l'extrémisme et l'exclusion. De nombreux pays peinent à endiguer ce phénomène", a souligné M. Türk lors d'un forum sur les entreprises et les droits humains.

Et si l'IA générative est porteuse d'"immenses promesses", les droits humains peuvent en "être les premières victimes", a-t-il estimé.

L'exploitation de cette technologie "à des fins purement politiques ou économiques" fait peser une menace "sur plusieurs droits humains, notamment le droit à la vie privée, la participation politique, la liberté d'expression et le droit au travail".

Le Haut Commissaire a averti que ces menaces "pourraient se concrétiser en préjudices qui compromettent les promesses des technologies émergentes et pourraient engendrer des conséquences imprévisibles".

"Il est de la responsabilité des gouvernements de s'unir pour éviter un tel scénario", a insisté M. Türk.

Par ailleurs, le chef des droits humains de l'ONU a mis en évidence une autre menace représentée par la concentration croissante du pouvoir des entreprises et l'"accumulation massive de richesses personnelles et d'entreprises entre les mains d'une poignée d'acteurs".

"Dans certains cas, cela dépasse le poids économique de pays entiers", a-t-il déclaré, insistant sur le fait que lorsque "le pouvoir n'est pas encadré par la loi, il peut mener à des abus et à l'asservissement".

 


L'UE promet 88 millions d'euros en faveur de l'Autorité palestinienne

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  • "Nous avons signé plus de 82 millions d'euros", qui viennent s'ajouter aux six millions d'euros déjà annoncés, s'est félicitée devant la presse la commissaire européenne chargée de la Méditerranée, Dubravka Suica
  • Quelque soixante délégations rassemblant les 27 de l'UE, les pays arabes et plusieurs organisations internationales se sont retrouvées jeudi à Bruxelles, sans la présence d'Israël

BRUXELLES: Les pays de l'Union européenne vont verser quelque 88 millions d'euros pour aider l'Autorité palestinienne, pressée de se réformer par les Européens, soucieux de son rôle futur dans le cadre du plan Trump pour la région.

"Nous avons signé plus de 82 millions d'euros", qui viennent s'ajouter aux six millions d'euros déjà annoncés, s'est félicitée devant la presse la commissaire européenne chargée de la Méditerranée, Dubravka Suica, à l'issue d'une conférence des donateurs à Bruxelles.

Quelque soixante délégations rassemblant les 27 de l'UE, les pays arabes et plusieurs organisations internationales se sont retrouvées jeudi à Bruxelles, sans la présence d'Israël.

"Aujourd'hui, nous avons présenté les progrès réalisés dans le cadre de notre programme de réforme nationale, qui est mis en œuvre, pas seulement promis, mais mis en œuvre et en avance sur le calendrier, ce qui a été reconnu par nos partenaires", a indiqué de son côté le Premier ministre palestinien Mohammed Mustafa.

Et cela "en dépit d'un environnement défavorable", a-t-il ajouté, accusant Israël de chercher "à affaiblir l'Autorité palestinienne ainsi que sa capacité à fonctionner".

Mme Suica a réitéré sur ce point les appels lancés par l'Union européenne pour qu'Israël accepte de libérer les recettes fiscales dues à l'Autorité palestinienne, indispensables à son fonctionnement.

"Cela a été dit par tous les participants", a-t-elle assuré.

Concernant Gaza, M. Mustafa a assuré que l'Autorité palestinienne avait un plan, soutenu par les pays arabes pour sa reconstruction. "Nous gouvernerons, nous réformerons et nous dirigerons la reconstruction de Gaza", a-t-il assuré.

L'Union européenne est le principal soutien financier de l'Autorité palestinienne. Elle conditionne toutefois le versement futur de cette aide à des réformes, qu'elle juge indispensables pour que cette Autorité soit en mesure de jouer pleinement son rôle dans le cadre de la solution à deux États, israélien et palestinien, que les Européens défendent depuis des années.

"Tout notre soutien à l'Autorité palestinienne est lié aux efforts pour poursuivre l'agenda des réformes", a rappelé Mme Suica.