Jim Jarmusch à Arab News en français: «J'ai une dette envers la France et la Cinémathèque de Paris»

Jim Jarmusch a construit depuis le début des années 1980 une œuvre personnelle, minimaliste et désenchantée. (Photo: Arab News en français)
Jim Jarmusch a construit depuis le début des années 1980 une œuvre personnelle, minimaliste et désenchantée. (Photo: Arab News en français)
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Publié le Lundi 19 décembre 2022

Jim Jarmusch à Arab News en français: «J'ai une dette envers la France et la Cinémathèque de Paris»

  • Réalisateur hors norme, Jim Jarmush se confie à Arab News en français sur sa conception singulière du cinéma et son intérêt pour la musique
  • «La France a toujours été particulière à mes yeux. Et je n’oublie pas que le Festival de Cannes m'a beaucoup soutenu alors que, à Hollywood, ils ne s’intéressaient pas à moi», a-t-il notamment affirmé

MARRAKECH: Primé de nombreuses fois à Cannes ainsi que dans le monde entier, icône de la contre-culture, indépendant farouche qui affirme sa singularité et se confronte à des univers différents dans chacune de ses productions, Jim Jarmusch a construit depuis le début des années 1980 une œuvre personnelle, minimaliste et désenchantée.

Il était présent au Festival international du film de Marrakech, où il a donné une master class très réussie, suivie par plus de trois cents passionnés de cinéma, dans le cadre de la section intitulée «In Conversation with…». Son superbe film de vampires Only Lovers Left Alive (2013) a été projeté dans le cadre d’un hommage rendu par le festival à l’actrice Tilda Swinton. Ce réalisateur hors norme se confie à Arab News en français sur sa conception singulière du cinéma et son intérêt pour la musique. 

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Jim Jarmusch a construit depuis le début des années 1980 une œuvre personnelle, minimaliste et désenchantée. (Photo: Arab News en français)

D’emblée, le cinéaste originaire de l'Ohio avoue avoir une dette envers la France et la Cinémathèque française de Paris: alors qu’il était étudiant à l’université de Columbia, il a passé dix mois dans la capitale française et il a véritablement découvert le cinéma à cette occasion. «Mon cursus universitaire est incomplet parce que je passais tout mon temps à fréquenter la Cinémathèque ou à errer la nuit dans les rues de Paris. C'était une période incroyable pour moi», confie-t-il. «La France a toujours été particulière à mes yeux. Et je n’oublie pas que le Festival de Cannes m'a beaucoup soutenu alors que, à Hollywood, ils ne s’intéressaient pas à moi; ils ne m’ont même pas offert un café. Ce n’est pas grave, ça ne me dérange pas. J’ai mes propres moyens. Cela porte ses fruits», s’en amuse-t-il aujourd’hui.

Lorsqu’on demande à l’artiste si le Festival de Cannes est plus commercial que par le passé. Il répond par la négative: «Lorsque j’ai vu quels films étaient sélectionnés l’année dernière, je les ai trouvés vraiment très intéressants. Par ailleurs, Cannes a été très bénéfique pour moi», affirme Jarmusch, dont le premier long métrage, Stranger Than Paradise, a remporté la caméra d'Or en 1984. Huit de ses films ont depuis été présentés en compétition au Festival de Cannes, dont Broken Flowers, qui a remporté le Grand Prix du jury en 2005. Pour de nombreux cinéastes qui veulent se lancer en tant «qu’indépendants», le parcours de Jim Jarmusch est exemplaire.

 

 

Profitant de sa présence au Maroc, le réalisateur a fait part de son amour inconditionnel pour ce pays, «terre d’inspiration et d’échange», selon ses propres mots. C’est à Tanger qu’il a tourné Only Lovers Left Alive (2013). Il évoque une rencontre importante, qu’il a faite «ici même il y a une dizaine d’années»: celle de l’artiste libanaise Yasmine Hamdane. «Elle a interprété quelques chansons et j’ai été ébloui par sa voix. Nous avons fait connaissance. J’ai passé du temps avec elle et nous sommes devenus amis. Puis elle a chanté dans mon film Only Lovers Left Alive; elle était exceptionnelle. Elle a été en quelque sorte une professeure pour moi; elle m’a appris l’histoire de la musique populaire arabe», affirme-t-il, précisant qu’il a accumulé de nombreux enregistrements, notamment grâce à Yasmine, depuis quelques années. «Je suis toujours en cours d’apprentissage, mais n’essayez pas de tester mes connaissances!», plaisante-t-il. Le réalisateur cultive un intérêt pour différents genres de musique orientale – «toutes régions confondues», précise-t-il. 

 

 

Cette musique joue un rôle essentiel dans les films, mais aussi dans la vie de Jim Jarmusch. «Lorsque je rédige un scénario, je prépare des enregistrements qui me donnent de l’inspiration par rapport à ce que j’essaie d’imaginer. Par exemple, dans le film Ghost Dog, j’étais en train d’écrire le scénario et j’ai acheté un quarante-cinq tours du groupe Wu-Tang Clan parce qu’il y avait des morceaux instrumentaux sur la face B. J’ai donc fait des enregistrements instrumentaux et je les ai écoutés en boucle. À l’époque, je ne connaissais pas RZA [membre de Wu-Tang Clan, NDLR]. Lorsque j’ai achevé le scénario, j’ai voulu recueillir son avis. Je l’ai donc rencontré et je lui ai dit que j’avais envie qu’il fasse la musique du film. Je lui ai demandé s’il était intéressé. Il a été d’accord», se souvient-il. «C’était formidable. Mais je procède toujours ainsi. J’écoute des morceaux bien spécifiques lors de mes enregistrements», ajoute-t-il, enthousiaste. 

 

 

«Par exemple, pendant que j’écrivais le scénario de Broken Flowers, j’étais obsédé par la musique de Mulatu Astatke, un Éthiopien. Mais le film n’a absolument rien à voir avec l’Éthiopie. Comment pouvais-je bien adapter la musique au film? J’ai fait en sorte que le personnage de Winston – interprété par Jeffrey Wright – soit d’origine éthiopienne. Et cette musique, qui n’avait, au départ, rien à voir avec le film, en a fait partie intégrante», explique-t-il.

 

 

Évoquant les difficultés auxquelles fait face la production cinématographique actuelle, notamment le cinéma indépendant, Jim Jarmusch souligne que «de nos jours, le monde est très axé sur les affaires et les gens qui ont de l’argent ont peur d’expérimenter de nouvelles choses. Mais c’est aussi plus facile sur le plan technologique, puisqu’il est possible de tourner un film avec son iPhone. Nous avons des appareils numériques et le matériel d’éclairage n’est pas aussi important qu’autrefois. Le processus de création d’un film est donc plus facile. Mais le financement devient de plus en plus difficile pour moi, à chaque fois».

 

 

Il affirme que les gens créatifs ne sont pas ceux qui prennent les décisions financières. Et ces derniers ne sont pas très courageux. Ils veulent savoir qui va regarder le film, combien de bénéfices il va rapporter, à quel public il est destiné. Ce n’est pas aux personnes qui créent le film d’y penser ni de déterminer combien d’argent le film va rapporter. Il le reconnaît: c’est difficile. Mais le réalisateur reste confiant dans le potentiel de créativité de la jeunesse. 

«Si j’avais un conseil à donner, ce serait de choisir vous-même vos collaborateurs artistiques. Ne laissez pas d’autres gens vous dicter les personnes que vous devez choisir. Fiez-vous à votre instinct. Faites-vous confiance. Certes, vous ferez des erreurs, mais vous en tirerez des leçons. Faites confiance à votre instinct et n’ayez pas peur d’échouer. Les erreurs que nous faisons, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, nous permettent d’apprendre. L’important, c’est d’apprendre. N’ayez pas peur de tester de nouvelles choses et de faire confiance à votre instinct. Il ne faut pas rechercher l’argent ni la célébrité. Ces choses-là ne permettront pas de bâtir sur une base solide. C’est le conseil que je peux vous donner», conclut Jim Jarmusch.


Une nouvelle initiative cinématographique à AlUla vise à stimuler le talent créatif saoudien

Le programme propose des cours de formation et des ateliers couvrant toutes les étapes de la production cinématographique, de l'écriture du scénario et de la réalisation à la cinématographie, au montage et à la post-production. (SPA)
Le programme propose des cours de formation et des ateliers couvrant toutes les étapes de la production cinématographique, de l'écriture du scénario et de la réalisation à la cinématographie, au montage et à la post-production. (SPA)
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  • Les efforts visent à soutenir les jeunes talents et à contribuer à la croissance du secteur cinématographique du Royaume
  • Villa Hegra organise également des programmes éducatifs et interactifs pour les enfants afin de développer leurs talents et leurs capacités créatives

ALULA : Villa Hegra, en collaboration avec Film AlUla, a lancé un programme spécialisé dans la réalisation de films pour développer les compétences cinématographiques et soutenir les talents créatifs, a rapporté lundi l'Agence de presse saoudienne.

Cette initiative reflète l'engagement de Villa Hegra à renforcer l'activité culturelle et cinématographique tout en favorisant un environnement inspirant pour les créateurs de contenu et les cinéphiles.

Le programme propose des cours de formation et des ateliers couvrant toutes les étapes de la production cinématographique, de l'écriture du scénario et de la réalisation à la cinématographie, au montage et à la post-production.

Ces efforts visent à soutenir les jeunes talents et à contribuer à la croissance du secteur cinématographique du Royaume, a ajouté la SPA.

Villa Hegra organise également des programmes éducatifs et interactifs pour les enfants afin de développer leurs talents et leurs capacités créatives.

Ces programmes comprennent des ateliers qui simplifient les concepts scientifiques et les intègrent aux pratiques artistiques modernes, créant ainsi un environnement d'apprentissage qui encourage la découverte et l'innovation.

Ils ont suscité une forte participation des élèves dans tout le gouvernorat en raison de leur approche pratique et interactive, qui renforce la réflexion et la créativité des enfants.

Les initiatives sont mises en œuvre en collaboration avec des institutions françaises et saoudiennes, reflétant ainsi la diversité culturelle et les partenariats internationaux tout en améliorant la qualité du contenu éducatif pour les jeunes générations.

Villa Hegra est la première fondation culturelle franco-saoudienne basée à AlUla. Lancée en octobre, elle soutient la scène culturelle de la région en proposant des plateformes éducatives qui développent les compétences des enfants et des jeunes saoudiens, tout en renforçant la présence d'AlUla sur la scène culturelle internationale.


Eurovision: Nemo rend son trophée 2024 pour protester contre la participation d'Israël

Le chanteur suisse Nemo, qui représentait la Suisse avec la chanson « The Code », célèbre sur scène avec son trophée après avoir remporté la finale du 68e Concours Eurovision de la chanson (CEC) 2024, le 11 mai 2024 à la Malmö Arena de Malmö, en Suède. (AFP)
Le chanteur suisse Nemo, qui représentait la Suisse avec la chanson « The Code », célèbre sur scène avec son trophée après avoir remporté la finale du 68e Concours Eurovision de la chanson (CEC) 2024, le 11 mai 2024 à la Malmö Arena de Malmö, en Suède. (AFP)
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  • L’artiste suisse Nemo, vainqueur de l’Eurovision 2024, rend son trophée pour protester contre la participation maintenue d’Israël, dénonçant une contradiction avec les valeurs d’unité et de dignité affichées par l’UER
  • Cinq pays — Islande, Espagne, Pays-Bas, Irlande et Slovénie — ont déjà annoncé leur boycott de l’édition 2026, sur fond de critiques liées à la guerre à Gaza et d’accusations d’irrégularités de vote

GENEVE: L'artiste suisse Nemo, qui a remporté l’Eurovision 2024 en Suède, a annoncé jeudi rendre son trophée pour protester contre le maintien de la participation d'Israël dans la compétition, qui a déjà provoqué le boycott de cinq pays.

"En tant que personne et en tant qu'artiste, aujourd'hui, je ne pense plus que ce trophée ait sa place sur mon étagère", a déclaré dans une vidéo postée sur Instagram Nemo, qui s'était déjà joint aux appels réclamant l'exclusion d'Israël du plus grand événement musical télévisé en direct au monde.

"L'Eurovision prétend défendre l'unité, l'inclusion et la dignité de tous (...) Mais la participation continue d'Israël, alors que la commission d'enquête internationale indépendante (mandatée par) l'ONU a conclu à un génocide, démontre un conflit évident entre ces idéaux et les décisions prises par" l'Union européenne de Radio-Télévision (UER), a déclaré le chanteur de 26 ans.

"Il ne s'agit pas d'individus ou d'artistes. Il s'agit du fait que le concours a été utilisé à maintes reprises pour redorer l'image d'un État accusé de graves atrocités", a ajouté Nemo, devenu en 2024 le premier artiste non binaire à être sacré à l'issue d'une édition déjà marquée par une controverses sur la participation d'Israël en pleine guerre dans la bande de Gaza.

Mercredi, la télévision publique islandaise RUV a annoncé boycotter l'édition 2026 de l'Eurovision après le feu vert donné à la participation d'Israël, devenant le cinquième pays à ne pas participer au prochain concours à Vienne.

Début décembre, la majorité des membres de l'UER avaient estimé qu'il n'était pas nécessaire de voter sur la participation d'Israël avec sa télévision publique KAN.

Cette décision a déclenché instantanément les annonces de boycott des diffuseurs de l'Espagne, des Pays-Bas, de l'Irlande et de la Slovénie, sur fond de critiques de la guerre dans la bande de Gaza mais aussi d'accusations d'irrégularités dans les votes lors des précédentes éditions.

"Quand des pays entiers se retirent, il est évident que quelque chose ne va pas du tout. C'est pourquoi j'ai décidé de renvoyer ce trophée au siège de l'UER à Genève, avec gratitude et un message clair : incarnez vos valeurs", a ajouté Nemo, avant de déposer son trophée dans une boite.


Layali Diriyah réchauffe le cœur historique du Royaume

Layali Diriyah est organisé dans l'une des fermes du district d'Al-Murayih, transformant ce site historique en une expérience vivante et en plein air. (Photo AN/Huda Bashatah)
Layali Diriyah est organisé dans l'une des fermes du district d'Al-Murayih, transformant ce site historique en une expérience vivante et en plein air. (Photo AN/Huda Bashatah)
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  • L’événement constitue un pilier de la Diriyah Season, célébration vibrante de la culture saoudienne
  • La gastronomie y occupe une place majeure, avec un large éventail de cuisines saoudiennes et internationales

​​​​​​RIYAD : Layali Diriyah est de retour comme pièce maîtresse de la Diriyah Season de cette année, attirant les visiteurs vers un Al-Murayih transformé en une célébration en plein air de la culture, de la cuisine et de l’artisanat saoudiens.

L’événement se tient tous les jours de 17h à 2h du matin jusqu’en mars 2026. Des allées bordées de palmiers illuminées de guirlandes scintillantes instaurent une atmosphère mêlant l’héritage traditionnel najdi à la créativité saoudienne contemporaine.

Pour de nombreux visiteurs, le cadre lui-même fait partie de l’expérience. Shatha Abdulaziz, une visiteuse, a confié à Arab News : « Mon expérience a été merveilleuse et très agréable. Ce qui m’a réellement impressionnée, c’est l’atmosphère paisible, le thème traditionnel, l’organisation et les détails.

« Bien que je sois déjà venue lors des saisons précédentes, je pense qu’il y a eu une amélioration significative cette année. »

La gastronomie est un attrait majeur, avec un large choix de cuisines saoudiennes et internationales, dont des spécialités italiennes et méditerranéennes proposées par des restaurants exclusifs présents cette année.

« Ce fut une excellente expérience », a déclaré le visiteur Mohammed Fahad, ajoutant que l’attention portée aux détails était remarquable, tout comme « l’authenticité historique dans chaque recoin de Diriyah Nights ».

Il a ajouté : « Cela mêle véritablement le présent et le passé avec une touche raffinée et artistique. »

Des boutiques et stands proposent des articles en édition limitée à ceux en quête d’une expérience de shopping singulière.

Rawan Alsubaie, habituée de Diriyah mais présente à Layali Diriyah pour la première fois, a souligné le caractère exclusif des produits.

Elle a expliqué : « J’ai regardé certaines boutiques et stands et je les ai trouvés uniques, avec des produits introuvables en dehors de Diriyah Nights.

« Il y a des parfums que je n’ai trouvés nulle part ailleurs. J’ai même demandé aux commerçants s’ils avaient d’autres points de vente, mais ils m’ont dit que non, ce que je trouve remarquable.

« Je suis venue en m’attendant à découvrir quelque chose d’exceptionnel et, effectivement, l’endroit est magnifique, surtout durant la saison hivernale. C’est parfait. »

La Diriyah Season de cette année continue de mettre en valeur la richesse de l’héritage najdi tout en embrassant la créativité qui façonne l’Arabie saoudite moderne.

À travers des spectacles, des expositions et des expériences immersives, les visiteurs découvrent les traditions qui définissent Diriyah, ainsi que l'énergie qui anime son renouveau culturel.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com