Fayrouz, l’une des plus grandes icônes vivantes de la chanson libanaise

Fayrouz en concert à Beyrouth en 2011. (AFP)
Fayrouz en concert à Beyrouth en 2011. (AFP)
Short Url
Publié le Dimanche 18 décembre 2022

Fayrouz, l’une des plus grandes icônes vivantes de la chanson libanaise

Fayrouz en concert à Beyrouth en 2011. (AFP)
  • Fayrouz est restée au Liban pendant toute la guerre et a refusé de prendre parti
  • C’est la splendeur et la polyvalence de la voix de Fayrouz qui continue de captiver le public à travers le monde

DUBAÏ: Fayrouz est la plus grande icône musicale vivante du monde arabe. Elle reste cependant une énigme et conserve une aura de mystère parfois exaspérante. Elle accorde rarement des entretiens et protège ardemment la vie privée de sa famille. Sur scène, elle apparaît immobile et sans expression. Ces caractéristiques sont elles-mêmes devenues emblématiques. Les traits marquants, mais dépourvus d’émotion de Fayrouz, ornent tout – des sacs à main aux affiches en passant par les murs de la ville de Beyrouth.

Née Nouhad Haddad en 1934, Fayrouz a enregistré, au cours de sa carrière, des centaines de chansons, joué dans des dizaines de comédies musicales et de films et fait le tour du monde. À partir de 1957, date de son premier concert au Festival international de Baalbeck, elle est devenue l’une des chanteuses les plus appréciées du monde arabe. Et ce faisant, elle unifierait sa patrie souvent agitée.

Tous les Libanais se souviennent de la première fois où ils ont entendu Fayrouz. Pour Tania Saleh, c’était lors d’un trajet en voiture vers la Syrie alors qu’elle fuyait le début de la guerre civile libanaise. Elle se souvient d’une chanson en particulier «Roudani Ila Biladi» (Ramenez-moi dans ma patrie).

«Cette chanson m’a vraiment marquée», déclare Tania Saleh, auteure-compositrice-interprète et artiste visuelle. «Ma mère pleurait pendant qu’elle conduisait et la chanson a créé ce moment d’émotion vraiment intense. «Comment une chanson peut-elle autant affecter quelqu’un? Ce n’est qu’une chanson», avais-je pensé. «Mais elle m’a aussi affectée d’une manière que j’avais du mal à comprendre à l’époque.»

1
Fayrouz (au centre) se produit au Théâtre Picadilly de Beyrouth en 1975 avec William Haswani (à droite) et son fils Ziad Rahbani (à gauche), habillés en policiers ottomans, dans la pièce musicale Mais el-Rim, écrite par les frères Rahbani. (AFP)

Fayrouz est restée au Liban pendant toute la guerre et a refusé de prendre parti. Bien qu’elle ait continué à chanter dans des salles à travers le monde, elle ne s’est pas produite au Liban jusqu’à la fin du conflit. Cette neutralité et la nature patriotique de nombre de ses chansons ont fait d’elle un symbole rare d’unité nationale. Tous les partis écoutaient sa musique tout au long des quinze années de guerre civile. Elle était, comme le dit Tania Saleh, un «point d’ancrage affectif pour tous les Libanais pendant la guerre», quelles que soient leur religion et leurs convictions politiques. Lorsqu’elle sort «Li Beirut», dont l’adaptation et l’arrangement musical ont été faits par Ziad Rahbani en 1984, Fayrouz et Beyrouth deviennent inséparables. Plus que jamais, elle incarnait l’essence même de l’identité libanaise.

Rien de tout cela n’aurait été possible sans la musique des frères Rahbani. Fayrouz, qui était choriste à Radio Liban au début des années 1950, a rencontré Mansour et Assi Rahbani par l’intermédiaire du compositeur Halim el-Roumi en 1951. Elle a épousé Assi quelques années plus tard et ensemble, le trio allait révolutionner la musique populaire libanaise. Les frères Rahbani ont favorisé la fusion des genres musicaux, y compris les traditions folkloriques levantines et la musique d’Amérique latine, incorporant des éléments occidentaux et russes dans leurs compositions. C’est cependant Fayrouz qui fut la voix de leur vision musicale.

 

Fayrouz a chanté un Liban presque mythique. Elle a chanté l’amour et le désir mais aussi un village de montagne libanais idéalisé, des oliviers et du jasmin, des vignes et des ruisseaux. «D’un point de vue lyrique, ils ont créé le Liban que nous aimons maintenant», dit Tania Saleh à propos des frères Rahbani, qui ont suivi les traces d’écrivains comme Khalil Gibran et Mikhail Naimy et qui ont contribué à forger une image romancée du Liban à laquelle beaucoup de citoyens s’accrochent encore aujourd’hui.

Comme le note la poétesse et réalisatrice palestinienne Hind Shoufani, Fayrouz représente «la fille du village, les histoires d’amour, la quête d’eau douce, la montagne, la résistance, le pouvoir du peuple; ce genre d’existence quotidienne simple et belle qui est en harmonie avec la nature. À ce titre, ses chansons ont une émotion supplémentaire, déchirante, puisque le Liban qu’elle chante ne ressemble en rien au Liban d’aujourd'hui. Elle chante un rêve qui s’estompe – un rêve partagé par une grande partie du monde arabe.

1
Fayrouz et son mari Assi Rahbani (deuxième à partir de la droite) arrivent à l’aéroport d’Orly en France en 1975. Ils sont accueillis par l’impresario français Johnny Stark (à droite). (Getty Images)

Cette vision était enracinée dans l’âge d’or du Liban, Fayrouz étant intimement liée à la formation d’une identité culturelle nationale dans les années qui ont suivi l’indépendance de la France. Comme le dit le célèbre producteur de musique indépendante Zeid Hamdan, Fayrouz porterait cette identité «avec élégance et profondeur comme aucun autre chanteur».

Fayrouz et les frères Rahbani ont changé à jamais la musique arabe populaire. Oum Koulthoum, une autre icône du monde arabe, chantait des chansons d’amour qui pouvaient durer une heure parfois et étaient profondément ancrées dans la tradition du tarab. Les chansons de Fayrouz et des frères Rahbani, cependant, étaient beaucoup plus courtes, utilisaient le dialecte libanais et comprenaient de nouvelles formes mélodiques.

«En tant que musicien, je suis très inspiré par le dialecte que chante Fayrouz», déclare M. Hamdan, mieux connu comme la moitié du duo trip-hop Soapkills. «Ce n’est pas seulement l’arabe classique, c’est souvent le libanais moderne, et les Rahbani – de Assi à Ziad – ont utilisé le dialecte libanais de manière très intelligente dans leur répertoire.»

1
Fayrouz se produit à l’Ice Skating Arena du Koweït le 3 mai 2001. (AFP)

M. Hamdan a été présenté à Fayrouz à la fin des années 1990 par Yasmine Hamdan, sa partenaire au sein du duo Soapkills. Encouragé par elle, il achète une double cassette de «Andaloussiyat» de Fayrouz et tombe immédiatement amoureux de trois titres, dont «Ya Man Hawa».

«Les paroles sont tout simplement incroyables», dit-il. «C’est une forme de poésie vieille de plusieurs centaines d’années appelée muwashshah et j’aimerais pouvoir rendre justice à la beauté des mots.» Une autre était «Yara El Jadayel» où Fayrouz «chante très haut et très doucement – la mélodie presque chuchotée sur un arpège».

C’est la splendeur et la polyvalence de la voix de Fayrouz qui continue de captiver le public à travers le monde. M. El-Roumi a trouvé sa voix si belle qu’il lui a donné le surnom de Fayrouz (turquoise en arabe), devenant la première personne à composer des musiques pour elle.

«Fayrouz a l’une des voix les plus caractéristiques du monde arabe», affirme la chanteuse égypto-belge Natacha Atlas, qui a travaillé avec des artistes comme Peter Gabriel et Nitin Sawhney. «On peut toujours savoir que c’est elle. Sa voix est aussi délicate que belle et forte, et la capacité de sa voix à porter des émotions aussi fortes est toujours extraordinaire. Elle est l’une de mes plus grandes influences. Quand je l’entends, je fonds souvent en larmes devant la beauté pure de sa voix. Elle évoque aussi une profonde nostalgie en moi pour le Moyen-Orient tel qu’il était autrefois, et comment tout a changé presque au-delà de toute reconnaissance.»

La renommée de Fayrouz en dehors du Levant peut également être attribuée à son soutien à la cause palestinienne. Dès 1957, Fayrouz et les frères Rahbani sortent «Rajioun» (Nous reviendrons), une collection d’hymnes pro-palestiniens. Cela a été suivi en 1967 par la sortie de «Al-Quds Fil Bal» (Jérusalem dans mon cœur) et, pas plus tard qu’en 2018, elle dédiait encore des chansons aux Palestiniens tués à la frontière de Gaza avec Israël.

Lorsque la santé de son mari commence à décliner dans les années 1970, Fayrouz collabore plus étroitement avec son fils Ziad, l’aîné de ses quatre enfants. L’un des albums que lui-même a composés était «Wahdon» en 1979 et il comprend la chanson «Al Bosta».

«J’aime son expérience avec Ziad», déclare Tania Saleh. «Les albums qu’ils ont produit ensemble ont poussé Fayrouz vers le jazz, la bossa nova et parfois le funk. Cela a donné à Fayrouz une autre dimension – celle de la prise de risques. Elle est sortie de sa zone de confort et c’est très rare.»

Cela a contribué à renforcer sa réputation auprès d’une jeune génération et elle continue d’évoquer un profond sentiment de nostalgie, non seulement parmi les Libanais, mais à travers le Levant et l’Afrique du Nord. De nombreux Libanais commencent encore leur journée en écoutant les chansons de Fayrouz et, malgré les disputes familiales sur les redevances, sa performance controversée à Damas en 2008 et les accusations de plagiat dirigées contre la famille Rahbani, son statut d’icône culturelle perdure. Lorsque le président français Emmanuel Macron s’est rendu au Liban en 2020, il a choisi la maison de Fayrouz comme l’une de ses premières escales, et non celles des dirigeants politiques du pays.

«Ils ont décrit ce beau Liban, nous faisant croire que c’était notre pays, alors que ce n’était, en réalité, qu’une image qu’ils avaient créée», dit Tania Saleh de Fayrouz et des frères Rahbani. «Nous l’avons cherché. Où est ce Liban dont vous parlez les amis? Nous avons toujours essayé de le trouver, mais sans succès. Heureusement, ils ont créé cette image et nous leur devons le lien que nous avons avec notre pays.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


A Paris, le Centre Pompidou s'offre une dernière fête avant cinq ans de fermeture

un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
Short Url
  • Le Centre Pompidou organise un dernier week-end festif baptisé « Because Beaubourg » avant cinq ans de travaux, transformant ses huit étages en un immense terrain de jeu mêlant concerts, performances et expériences immersives
  • L’événement, réunissant 80 artistes et plusieurs grandes marques partenaires, célèbre la culture et l’esprit d’ouverture du lieu avant sa fermeture pour rénovation complète

PARIS: Dans un tourbillon de musique, d'images et de patins à roulettes, le Centre Pompidou à Paris s'offre un dernier week-end festif avant cinq ans de travaux, avec "Because Beaubourg", événement qui transforme l'intégralité du bâtiment en un immense terrain de jeu.

"Je suis venu parce que j'ai entendu dire que c'était la fermeture. Et j'avais envie de participer à ça une dernière fois, pour en profiter un petit peu", explique à l'AFP Eliot Ibert, 23 ans, en coloriant une fresque participative.

Fermé au public depuis le 22 septembre, le bâtiment aux emblématiques tuyaux colorés rouvre ses portes ce week-end avec un parcours inédit. De vendredi à dimanche, quelque 80 artistes se produisent à travers concerts, DJ sets, performances, masterclasses, projections et expériences immersives sur les huit étages.

"C'est le plus grand événement que le Centre Pompidou ait fait depuis son ouverture", assure Paul Mourey, codirecteur artistique de l'événement, imaginé avec le label Because Music.

- "Spleen" -

Chaque étage propose une expérience différente. Au niveau -1, des pianistes amateurs se succèdent devant une fresque des étudiants des Beaux-Arts, tandis que le Forum, au rez-de-chaussée, devient le théâtre de performances en journée et un club illuminé la nuit.

Le Village des enfants prend place au 3e étage, tandis que plusieurs artistes et sociétés ont investi le 4e niveau. Shygirl, Shay ou Pedro Winter, fondateur du label Ed Banger, ainsi que les entreprises Spotify, Samsung et Snapchat, qui proposent de tester ses lunettes de réalité augmentée, participent à des installations et expériences interactives.

Autant de partenaires qui contribuent à financer l'événement.

Le premier et le sixième étage accueillent, de jour comme de nuit, des artistes tels que Catherine Ringer, Christine and the Queens, Selah Sue, Keziah Jones ou Sébastien Tellier.

Le musicien français, qui profite de l'événement pour promouvoir son nouvel album prévu en janvier, souligne l'importance de participer à cette célébration : "La culture, aujourd'hui, elle est rare. Quand il y a des petits îlots de culture, c'est important d'y être. Je n'avais pas envie de manquer ça."

Brigitte Baleo, 78 ans, retraitée ayant travaillé dix ans à la bibliothèque du Centre Pompidou, confie que la fermeture lui laisse "un peu de spleen".

"Ça tend l'estomac, il y a trop de souvenirs", ajoute-t-elle, émue. "Mais il faut que la fermeture ait lieu, pour réhabiliter ce monument".

Conçu en 1977 comme un lieu "ouvert à tous" par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, le bâtiment souffre aujourd'hui de vétusté.

Désamiantage, accessibilité du lieu, sécurité et complet réaménagement intérieur sont au menu de ses importants travaux de rénovation.

- Rollers et vue panoramique -

Cette fermeture, "c'est quelque chose qui me touche", abonde Florence, qui n'a pas souhaité donner son nom.

Férue d'électro, la Bordelaise de 57 ans vient d'assister au deuxième étage à "Space Opera", un film musical du duo français Justice projeté comme une expérience de clubbing, à quelques pas de l'installation inédite Camera/Man de Thomas Bangalter, un des deux membres de Daft Punk.

Pour encore plus de mouvements, elle compte bien expérimenter le Roller Disco qui fait vibrer l'ancienne galerie 1, au dernier étage.

Entre DJ sets, patins à roulettes et vues panoramiques sur Paris, l'ambiance mêle nostalgie et effervescence festive.

Gulliver Hubard, un étudiant britannique de 20 ans, savoure lui sa première visite. "C'est une chance de le voir avant sa fermeture", assure-t-il.

En journée, le programme est entièrement gratuit, et les organisateurs espèrent accueillir entre 10.000 et 15.000 visiteurs par jour.

Le programme nocturne, payant, a lui été pris d'assaut : les 12.000 billets se sont arrachés en à peine une journée.


AlUla ou comment le désert devient atelier d’art

Short Url
  • AlUla se transforme en laboratoire artistique où design, architecture et patrimoine dialoguent avec le désert
  • Entre traditions locales et innovation contemporaine, le désert devient un espace d’expérimentation, d’apprentissage et de création, où culture et paysage s’influencent mutuellement

PARIS: De la résidence de design à la construction du futur musée d’art contemporain confié à Lina Ghotmeh, AlUla se façonne dans le respect de sa mémoire et de son paysage.

À Paris, une table ronde organisée par la RCU et AFALULA a révélé les coulisses de cette transformation, celle d’un territoire millénaire devenu laboratoire d’expérimentation et vitrine du dialogue culturel franco-saoudien.

Dans le parc de l’hôtel des maisons (un hôtel particulier parisien construit au XVIII), la conversation s’est ouverte sur une question presque philosophique : comment bâtir dans le désert sans le dominer ? Comment concevoir à AlUla, ce paysage d’infini, une architecture qui parle à l’échelle humaine ?

La table ronde, intitulée “From the Land Up: Designing AlUla from Desert to Human Scale”, a réuni les acteurs clés du projet et plusieurs anciens résidents du programme AlUla Design Residency, créé il y a deux ans.

Ils ont tous en commun d’avoir approché cette terre d’exception, non comme un territoire vierge, mais comme un organisme vivant, porteur d’histoires et de voix anciennes.

L’événement, organisé par la Commission royale pour AlUla (RCU) et l’agence Française pour le développement d’Alula (AFALULA), a célébré l’ADN rare de cette région, qui est un mélange entre fouilles historiques, architecture, design et diplomatie culturelle notamment avec la villa Hegra. 

AlUla, déjà célèbre pour son patrimoine nabatéen et ses falaises sculptées par le vent, devient aujourd’hui un territoire d’expérimentation artistique mondiale, où le passé inspire le futur, et lui donne forme.

Au centre du projet, la vision de Lina Ghotmeh, architecte franco-libanaise à la tête du futur musée d’art contemporain d’AlUla, « Le musée ne doit pas être une icône posée dans le désert » explique-t-elle, « mais un générateur de liens, un espace de rencontre et d’hospitalité ».

Implanté près d’une ancienne oasis agricole, le musée s’enracinera dans le paysage tout en redonnant vie à des savoir-faire ancestraux, « nous travaillons avec la terre locale, avec des techniques de construction traditionnelles : torchis, terre comprimée, architecture bioclimatique, l’objectif est de renouer avec les ressources naturelles et la mémoire des lieux », souligne l’architecte.

Ghotmeh évoque aussi le dialogue qu’elle a tissé avec la communauté locale, « j’ai passé du temps à rencontrer les habitants, à partager un thé sous un oranger, à écouter les femmes qui ravivent l’artisanat, à visiter les écoles ».

Un jour, une fillette m’a dit, « le musée, c’est le lieu de l’extraordinaire, cette phrase m’accompagne toujours, car au fond, c’est bien de cela qu’il s’agit, créer un lieu qui relie la connaissance, l’émotion et la beauté ».

Dans son approche sensible, le musée devient un prolongement du paysage, un lieu où les visiteurs respireront la même lumière que les habitants, où la culture se fera conversation et échange.

« Il ne s’agit pas d’importer la culture, mais de la créer à partir du territoire », souligne Arnaud Morand, responsable des arts et industries créatives à AFALULA, c’est cette conviction qui guide toute la programmation culturelle d’AlUla.

L’une des premières grandes expositions préfigurant le musée verra le jour en janvier prochain, consiste en une collaboration entre AlUla et le Centre Pompidou, présentée d’abord dans une architecture temporaire conçue sur place avant de voyager dans le monde.

« C’est une coopération basée sur l’échange de savoirs et la lenteur, dit-il. À AlUla, on apprend à prendre le temps, l'art naît du sol, pas de la vitesse ».

Cette philosophie irrigue aussi les résidences de design et d’artistes qu’AFALULA co-dirige sur place, des programmes où jeunes talents et créateurs confirmés expérimentent à ciel ouvert, dans une relation directe avec le territoire, « Là-bas, chaque projet s’élabore dans l’écoute et l’humilité » affirme Morand.

« Lorsque nous arrivons à AlUla, nous devons laisser nos certitudes à la porte du désert » observe Ali Al Gazzaoui responsable du programme de résidences d’artistes, « il faut apprendre à écouter les habitants, à comprendre leur rapport au paysage, à la lumière, à la convivialité ».

C’est cette humilité partagée qui transforme le désert en école, les fondateurs du Studio Raw Material, Dushyant Bansal et Priyanka Sharma, anciens résidents du programme, racontent leur découverte émerveillée d’un lieu où « le matériau est partout de la roche, au sable, à la chaleur, et la lumière, tout devient matière à création ».

Leur expérience les a conduits à réfléchir à une forme de design « hors des centres urbains » à la faveur d’une pratique ancrée dans la vie quotidienne et les gestes ordinaires, « à AlUla, on apprend à se salir les mains, à construire, à inventer avec ce que la nature nous offre ».

Cette approche artisanale et poétique rejoint la vision d’Ali Alghazzawi, pour lui, « notre mission est de créer un écosystème où les créatifs peuvent dialoguer librement avec le paysage et expérimenter, car la durabilité ne se décrète pas, elle se vit ».

Tout ceci confère à AlUla qui est un site touristique d’exception, une autre dimension qui est celle de pépinière d’idées, de territoire d’apprentissage et de création contemporaine.


Le Gray fait son grand retour à Beyrouth : symbole d’espoir et de renouveau

Le chef étoilé Alan Geaam au Le Gray à Beyrouth, le 14 octobre 2025. De retour dans son pays natal après son succès à Paris, il dirige les cuisines de l’hôtel. (AFP)
Le chef étoilé Alan Geaam au Le Gray à Beyrouth, le 14 octobre 2025. De retour dans son pays natal après son succès à Paris, il dirige les cuisines de l’hôtel. (AFP)
Short Url
  • Cinq ans après l’explosion du port, Le Gray rouvre ses portes en novembre 2025, devenant un symbole fort de relance pour le centre-ville de Beyrouth et l’hospitalité libanaise
  • Sous la direction de Charles Akl et du chef étoilé Alan Geaam, l’hôtel incarne l’alliance du luxe, de la mémoire et du renouveau culturel, gastronomique et économique de la capitale

BEYROUTH: Cinq ans après l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth et la fermeture qui s’en est suivie, l’hôtel Le Gray s’apprête à rouvrir ses portes en novembre 2025, marquant un tournant symbolique pour la capitale libanaise. Situé sur la place des Martyrs, au cœur du centre-ville, cet établissement iconique, membre du réseau Leading Hotels of the World (LHW) retrouve son éclat d’antan et incarne l’espoir d’un renouveau pour l’hospitalité et la culture libanaises.

Un nouveau souffle pour Beyrouth

La réouverture de Le Gray intervient dans un contexte d’effort de relance économique. Depuis l’arrivée d’un nouveau gouvernement en janvier 2025, le Liban semble s’engager dans une phase de stabilisation et de redressement. L’ouverture des Beirut Souks plus tôt en octobre a déjà insufflé un vent d’optimisme dans une ville meurtrie, encore marquée par les séquelles de la guerre de 2024.

« C’est un retour à la vie et une réaffirmation de notre engagement envers Beyrouth, » déclare Charles Akl, directeur général de Le Gray.

« Le Gray a toujours été plus qu’un hôtel : c’est un symbole, un lieu de rencontre, une part de l’âme de la ville. Aujourd’hui, il revient pour redonner espoir et dynamisme au centre-ville. »

La gastronomie au cœur du renouveau

Symbole fort de ce retour : la cuisine. Le chef franco-libanais Alan Geaam, seul chef libanais étoilé au Guide Michelin, prend les commandes des restaurants de l'hôtel. Après vingt-sept ans en France, il signe ici un retour aux sources empreint d’émotion et d’ambition.

« Mon objectif est de porter encore plus haut le nom du Liban sur la scène gastronomique internationale, » confie le chef. « C’est un honneur de revenir à Beyrouth, de former de jeunes talents et de faire rayonner notre cuisine. »

Alan Geaam introduit à cette occasion Qasti Beyrouth, déclinaison locale de son restaurant emblématique présent à Paris et dans d’autres grandes villes, ainsi que Padam, une adresse signature au sein de l’hôtel.

--
Qasti Beyrouth : la cuisine d’Alan Geaam au cœur de Le Gray. (Photo: ANFR)

Une redécouverte d’un joyau urbain

À l’occasion du pre-opening de l’hôtel, un groupe de journalistes a été invité à redécouvrir les lieux. L’expérience a été décrite comme un moment d’émotion et de redécouverte, dans un cadre où se mêlent raffinement, art et mémoire.

Avec plus de 100 chambres et suites repensées sous la direction artistique de l’architecte Galal Mahmoud, l’hôtel allie élégance contemporaine et références subtiles à l’histoire et à la culture libanaises. Plus de 600 œuvres d’art ornent les espaces communs et les chambres, transformant l’hôtel en véritable galerie.

Le Gray propose également des espaces événementiels et de conférence modulables, capables d’accueillir aussi bien des événements professionnels que des célébrations privées.

Un lieu au carrefour du passé et de l’avenir

À quelques pas des Beirut Souks, du front de mer et de Zaitouna Bay, Le Gray se trouve à la croisée de l’histoire, de la culture et du renouveau économique. Il se veut désormais moteur du redéploiement touristique du centre-ville.

Pour Charles Akl, cette réouverture dépasse le simple acte économique : « C’est une responsabilité collective : celle de redonner de l’élan à la ville, de raviver les talents, et de réaffirmer la place de Beyrouth sur la carte mondiale de l’hospitalité et de la culture. »

Avec cette réouverture très attendue, Le Gray ne se contente pas de retrouver sa place dans le paysage hôtelier. Il incarne la résilience d’un peuple et la volonté d’un pays de se reconstruire, avec élégance et conviction.