Sous les talibans, la loi islamique doit s'appliquer sans scrupule

Sur cette photo prise le 28 novembre 2022, le chef du tribunal pénal Mohammad Mobin (2e G) écoute un homme (2e D), condamné à mort pour meurtre, lors d'une audience à la cour d'appel de Ghazni à Ghazni , est de l'Afghanistan. (AFP)
Sur cette photo prise le 28 novembre 2022, le chef du tribunal pénal Mohammad Mobin (2e G) écoute un homme (2e D), condamné à mort pour meurtre, lors d'une audience à la cour d'appel de Ghazni à Ghazni , est de l'Afghanistan. (AFP)
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Publié le Mercredi 28 décembre 2022

Sous les talibans, la loi islamique doit s'appliquer sans scrupule

  • Les condamnations et les punitions sont désormais supervisées par des religieux et reposent entièrement sur la loi islamique
  • Pour les crimes les plus graves, l'application de la charia «exige des conditions strictes» avec un haut niveau de preuves, insiste le magistrat en activité pendant l'occupation américaine

GHAZNI: Agenouillé face à un juge enrubanné dans une minuscule pièce de la cour d'appel de Ghazni dans l'Est de l'Afghanistan, un vieil homme condamné à mort pour meurtre implore la clémence. Mais sous les talibans, la loi islamique doit s’appliquer sans état d'âme.

Depuis seize mois à la tête de l'Afghanistan après vingt ans de guerre contre les Américains et l'Otan, les talibans ont imposé une interprétation ultra-rigoriste de l'islam.

En vertu de la loi du talion, inscrite dans la charia (loi islamique), les islamistes ont repris les flagellations devant la foule et mis à exécution il y a quelques jours la première condamnation à mort en public d'un meurtrier.

Une sentence à laquelle tente d'échapper, à 150 kilomètres au sud de Kaboul, un vieil homme convoqué devant la cour d'appel de Ghazni à laquelle l'AFP a eu un rare accès.

Menottes au poignet, le détenu à la barbe blanche, vêtu du pyjama bleu rayé des prisonniers, espère obtenir la mansuétude du jeune juge au regard impassible assis par terre près d'un vieux poêle à bois, dans une chambre faisant office de salle d'audience.

Kalachnikov et livres religieux 

Dans la pièce exiguë où trône un lit superposé sur lequel ont été abandonnés une kalachnikov et des livres religieux, le prisonnier de 75 ans au visage creusé de rides ne conteste pas les faits. Il reconnaît avoir abattu la victime en raison de rumeurs de relations sexuelles entre celle-ci et la femme de son fils.

"Cela fait plus de huit mois que je suis en prison. Nous avons fait la paix entre les familles. J'ai des témoins qui peuvent prouver que nous nous sommes accordés sur une indemnisation. Ils sont d'accord pour m'épargner", explique le détenu en triturant un chapelet.

"Le tribunal n'aurait pas dû me condamner à mort", insiste le septuagénaire, sans avocat et dont l'entrevue ne durera pas plus de 15 minutes.

Le juge, Mohammad Mobin, accompagné d'un mufti (interprète de la loi musulmane) pose peu de questions et lui donne simplement rendez-vous dans plusieurs semaines avec ses témoins, afin qu'ils attestent qu'un accord a été conclu entre les deux familles, grâce auquel il peut espérer échapper à la peine capitale.

"S'il prouve ses dires, alors le jugement pourra être révisé." Mais dans le cas contraire, "il est certain que la Qisas (loi du talion) inscrite dans la charia s'appliquera", explique le juge, entouré de maigres dossiers compilant quelques pages manuscrites reliées par un bout de ficelle.

Les centaines de millions de dollars dépensés à la chute du premier règne des talibans (1996-2001) pour mettre en place un nouveau système judiciaire combinant droits islamique et laïque, avec des procureurs, des avocats de la défense et des juges qualifiés, ne sont plus qu'un lointain souvenir. Comme les femmes alors recrutées en nombre pour assurer un meilleur équilibre entre les sexes dans les affaires familiales.

Les condamnations et les punitions sont désormais supervisées par des religieux et reposent entièrement sur la loi islamique.

«Dieu nous guide»

Appelé à diriger les affaires pénales du tribunal au retour au pouvoir des islamistes en août 2021, Mohammad Mobin affirme qu'une "douzaine de condamnations à mort" ont été prononcées dans la province de Ghazni sous l'ère talibane, mais qu'aucune n'a encore été exécutée, notamment en raison de recours.

"Il est très difficile de prendre une telle décision (...) mais si nous avons des preuves certaines, alors Dieu nous guide et nous dit ne pas avoir de sympathie pour ces gens", commente le taliban de 34 ans.

Pour les musulmans du monde entier, la charia fait office de code de vie, mais les interprétations varient en fonction des coutumes, de la culture et des écoles religieuses locales.

Mi-novembre, le chef suprême des talibans, Hibatullah Akhundzada, qui doit valider le verdict après un dernier avis de la Cour suprême, avait sommé les juges d'appliquer scrupuleusement la charia sans omettre les châtiments corporels - de l'amputation d'un membre à la lapidation - avant l'exécution.

La première a eu lieu quelques semaines plus tard à Farah (ouest): un meurtrier a été abattu devant la foule de trois balles tirées par le père de sa victime.

"Odieuse" et "rétrograde", l'exécution a été vivement commentée notamment par les Etats-Unis, l'ONU et la France, même si les voix osant la critiquer sont extrêmement rares en Afghanistan.

«Lourdes responsabilités»

"Pour certaines affaires, il est mieux de juger rapidement", estime un ex-procureur sous anonymat, alors que de nombreux Afghans se plaignaient de la lenteur de la justice du précédent gouvernement.

Toutefois, dans la plupart des cas, la rapidité avec laquelle les investigations sont aujourd'hui menées "entraîne des décisions hâtives", déplore-t-il.

Pour les crimes les plus graves, l'application de la charia "exige des conditions strictes" avec un haut niveau de preuves, insiste le magistrat en activité pendant l'occupation américaine.

"Sans Constitution, il est difficile d'agir, de gouverner", pointe encore l'ex-procureur dont le rôle, comme celui de ses confrères, a été suspendu par un décret du chef suprême des talibans.

Des critiques balayées par le directeur des publications de la Cour suprême, Abdul Rahim Rashid, pour qui le "rôle des procureurs n'était pas important" et "retardait le traitement des dossiers".

"La plupart des cas qui arrivent ici sont révisés. Si un juge a fait une erreur, nous enquêtons", abonde le chef de la cour d'appel de Ghazni, Mohiuddin Umari, lors d'un entretien avec l'AFP.

Pour lui, "l'Emirat islamique fait preuve de transparence" après la corruption généralisée qui a gangrené le pays classé par l'ONG Transparency International au 177e rang sur 180 des Etats les plus corrompus en 2021.

"La différence" entre l'ancien système et celui d'aujourd'hui "est aussi grande que la terre et le ciel", insiste, entre deux gorgées de thé, le magistrat qui a obtenu son diplôme en Iran où il avait fui pendant une partie de la guerre avant de revenir combattre en Afghanistan.

Il reconnaît néanmoins, comme son collègue Mobin, qu'il aurait préféré exercer un métier avec de "moins lourdes responsabilités".

Le vieux prisonnier, lui, attend toujours de savoir s'il sera grâcié.


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.