2022 en France, l’année de l’exacerbation des inégalités

Dans ses vœux aux Français le 31 décembre 2021, le président Emmanuel Macron avait qualifié la nouvelle année à venir comme celle «de tous les possibles». (AFP)
Dans ses vœux aux Français le 31 décembre 2021, le président Emmanuel Macron avait qualifié la nouvelle année à venir comme celle «de tous les possibles». (AFP)
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Publié le Samedi 31 décembre 2022

2022 en France, l’année de l’exacerbation des inégalités

  • En deux ans de pandémie suivie d’une guerre, les inégalités se sont exacerbées, les services publics se sont gravement détériorés
  • Nous voici face à face avec tous les ingrédients qui nourrissent la peur et la haine, voire le désespoir

PARIS: Dans ses vœux aux Français le 31 décembre 2021, le président Emmanuel Macron avait qualifié la nouvelle année à venir comme celle «de tous les possibles». Le pays émergeait alors de la pandémie de Covid-19. Grâce à une campagne de vaccination massive, le danger était contenu. Les Français commençaient à renouer avec une certaine légèreté, avec la normalité sociale et l’espoir d’une reprise économique. La France s’apprêtait à prendre pour six mois la présidence de l’Union européenne et nourrissait l’espoir d’opérer un tournant qui permettrait de consolider l’Union et de la rapprocher des citoyens.

Ce regain de vitalité a été de courte durée, puisque dès le 24 février 2022, l’armée russe a lancé son assaut contre l’Ukraine. À peine sorties de la crise sanitaire, la France et l’Europe se retrouvent ainsi face à la guerre, que l’on croyait endiguée et qui resurgit sur le continent, violente et menaçante, avec son cortège de massacres, de destructions et de mouvements migratoires.

Cette guerre, Macron a tout tenté pour l’éviter, usant de toutes les cartes diplomatiques et allant à la rencontre du président russe, Vladimir Poutine, pour un entretien marathon de plus de cinq heures au Kremlin, le 7 février. Mais ces efforts étaient vains. Les chars russes ont avancé sur le territoire ukrainien au moment où le président français s’apprêtait à annoncer sa candidature pour un second mandat présidentiel à l’élection prévue au printemps. Il a dû mettre en berne tous ses préparatifs et troquer son costume de candidat contre celui de chef de guerre. Ce costume-là, il le gardera jusqu’au dernier quart d’heure. Travaillant jour et nuit, il discutait avec les belligérants russes et ukrainiens, et avec la majorité des dirigeants de la planète pour tenter de faire taire les canons et épargner les civils, principales victimes des hostilités. La guerre a accaparé son agenda, éclipsant tout autre sujet, y compris la campagne présidentielle, et l’a propulsé comme un acteur incontournable sur la scène internationale.

Cela lui a sans doute permis de sortir du lot et de se distinguer de ses principaux concurrents dans la course à l’Élysée, mais lui a valu par ailleurs d’être accusé de se désintéresser des problèmes des Français et de dénigrer la campagne électorale. La guerre en Ukraine a tout éclipsé, l’obligeant à se contenter d’un seul grand meeting électoral, à la veille du premier tour, qui s’est avéré riche en rebondissements. Ses deux concurrents, Valérie Pécresse de la droite traditionnelle et Éric Zemmour de l’extrême droite identitaire ont explosé en vol. Quant au candidat de l’extrême gauche, Jean-Luc Mélenchon, il est arrivé en troisième place. Macron s’est donc de nouveau retrouvé, comme en 2017, face à la candidate d’extrême droite, Marine Le Pen.

Le barrage républicain a refonctionné, de justesse cette fois, reconduisant Macron dans ses fonctions pour un second mandat présidentiel. Les Français n’ont pas voulu s’en remettre à Le Pen pour les diriger, mais ils ont tenu à adresser à Macron un message fort d’insatisfaction. D’où l’anomalie démocratique à laquelle ont donné lieu les élections législatives, concédant au président une majorité parlementaire relative et lui infligeant deux blocs d’opposition de poids, d’extrême gauche et d’extrême droite. Le débat parlementaire s’en est trouvé réduit comme peau de chagrin, l’hémicycle s’est transformé en lieu de joutes verbales et d’affrontements violents, obligeant Elisabeth Borne, deuxième femme à prendre la tête du conseil des ministres, à recourir à un article d’exception, le 49.3, pour faire passer ses projets de lois budgétaires. 

Les deux grands blocs d’opposition trouvaient plus judicieux d’entraver l’action du gouvernement plutôt que d’avancer sur des mesures de redressement du pays exsangue à la suite de la pandémie, puis de la guerre russo-ukrainienne dont on ne voit toujours pas l’issue. L’important pour eux, c’est de faire échouer Macron, malgré une inflation galopante et une flambée des prix de l’énergie. Assurant vouloir défendre les intérêts des Français, ils s’adonnent à un sabordage systématique de l’action gouvernementale sans se soucier de l’état du pays.

Or, en deux ans de pandémie suivie d’une guerre, les inégalités se sont exacerbées, les services publics – enseignement, secteur sanitaire, transports et autres – se sont gravement détériorés et la misère touche de plus en plus de catégories sociales. Nous voici face à face avec tous les ingrédients qui nourrissent la peur et la haine, voire le désespoir. 

Il n’est donc pas étonnant que l’année 2022 en France s’achève dans le sang: une fusillade survenue le 23 janvier dans le Xe arrondissement de Paris a fait trois morts et trois blessés, tous des ressortissants kurdes. Au moment de son interpellation par un policier, William M. (69 ans), auteur de la fusillade, affirme avoir agi de la sorte parce qu’il est «raciste». Cet aveu cru, implacable et pétrifiant en dit long sur l’état de la France, ou plutôt sur l’état d’esprit d’une certaine France du désespoir, qui estime que tuer des étrangers constitue la solution aux problèmes du quotidien.


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.