La guerre en Ukraine a ravivé la peur d'un conflit nucléaire

Des militaires ukrainiens tirent avec un mortier de 120 mm vers des positions russes à la périphérie de Bakhmut, dans l'est de l'Ukraine, le 30 décembre 2022. (Photo de Sameer Al-DOUMY / AFP)
Des militaires ukrainiens tirent avec un mortier de 120 mm vers des positions russes à la périphérie de Bakhmut, dans l'est de l'Ukraine, le 30 décembre 2022. (Photo de Sameer Al-DOUMY / AFP)
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Publié le Samedi 31 décembre 2022

La guerre en Ukraine a ravivé la peur d'un conflit nucléaire

  • Bien avant l'Ukraine, l'échaffaudage stratégique international avait commencé à vaciller depuis des années. En Europe, mais aussi et surtout en Asie et au Moyen-Orient
  • Plus que jamais désormais, se pose la question du risque d'une accélération de la prolifération, alors qu'un pays dénucléarisé, l'Ukraine, a été envahie par son voisin

PARIS: L'éventualité longtemps occultée d'une guerre nucléaire est brutalement revenue au premier plan avec l'invasion russe de l'Ukraine, même si la délicate architecture de sécurité internationale bâtie après la Deuxième guerre mondiale avait commencé à se déliter depuis des années.

Mêmes vagues et imprécises, les menaces du président russe Vladimir Poutine laissant entendre qu'il pourrait utiliser l'arme atomique si ses ambitions ukrainiennes étaient contrariées, ont rompu un pacte tacite fondé sur la retenue, et bouleversé le concept de dissuasion.

"C'est la première fois depuis le début de l'âge nucléaire qu'une puissance dotée utilise son statut et mène une guerre conventionnelle sous l'ombre portée du nucléaire", résume l'ancien secrétaire général adjoint de l'OTAN, le Français Camille Grand.

"On imaginait qu'une telle attitude serait le fait d'Etats voyous. Or, tout à coup, c'est l'une des deux puissances nucléaires majeures, membre du Conseil de sécurité de l'ONU, qui se comporte en +pirate stratégique+, c'est nouveau et préoccupant", ajoute-t-il, même si l'emploi de l'arme lui semble encore "improbable".

Le "tabou nucléaire", concept à la fois moral et stratégique sur le non emploi de l'arme atomique, forgé après les bombardements américains d'Hiroshima et Nagasaki en 1945, tient toujours, mais pas la rhétorique, désormais totalement désinhibée.

En 2022, des télévisions russes peuvent ainsi évoquer les possibilités d'une frappe nucléaire sur Paris ou New-York, et un ancien diplomate russe affirmer sans sourciller que si Poutine pense la Russie menacée de disparaître, "il appuiera sur le bouton".

Désinhibition, extrême "brutalisation" des relations internationales, retour de la guerre en Europe...

Pour les démocraties, qui ont longtemps vécu sur "les dividendes de la paix", le réveil est brutal. A tel point que le président américain Joe Biden a mis en garde en octobre contre un possible "Armageddon" nucléaire, illustrant le sentiment désormais répandu que le monde danse sur un volcan.

Déconstruction des traités 

"L'événement le plus spectaculaire du dernier demi-siècle est un événement qui ne s'est pas produit", écrivait en 2007 le Prix Nobel d'Economie et spécialiste américain des questions stratégiques Thomas Schelling, résumant parfaitement la fragilité de l'équilibre sur lequel a reposé le monde depuis Hiroshima et Nagasaki en 1945.

Bien avant l'Ukraine, l'échaffaudage stratégique international avait commencé à vaciller depuis des années. En Europe, mais aussi et surtout en Asie et au Moyen-Orient.

Pour l'historien et spécialiste français de non prolifération et désarmement, Benjamin Hautecouverture, le bouleversement est à l'œuvre depuis le début des années 2000.

La sortie en 2002 des Etats-Unis du traité ABM interdisant les missiles anti-balistiques, qui a longtemps constitué la clef de voûte de l'équilibre nucléaire entre les Etats-Unis et l'URSS, marque le début de la déconstruction des traités de contrôle ou de désarmement signés entre les anciens rivaux de la guerre froide. Parmi eux, l'emblématique traité FNI sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, signé en 1987 et mort en 2019 après les retraits américain puis russe.

"Sur le plan du désarmement, c'est un champ de ruines, à part New Start", le dernier accord du genre liant Etats-Unis et Russie, constate Camille Grand.

Corée du Nord et Iran 

Outre la déconstruction des traités, la sortie unilatérale en 2003 de la Corée du Nord du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), est aussi un marqueur de la montée des périls. L'activisme balistique de Pyongyang s'est accru dangereusement, avec une série record de tirs de projectiles ces dernières semaines, et Washington, Tokyo et Séoul s'attendent à un septième test nucléaire imminent de ce pays.

La Corée du Nord a en outre annoncé en septembre une nouvelle doctrine précisant qu'elle ne renoncerait jamais à l'arme atomique et prévoyant son utilisation à des fins de préemption.

"Nous allons voir une crise très dangereuse en Asie", s'inquiétait Chung Min Lee, chercheur à la Carnegie, lors d'un récent colloque de la Fondation pour la Recherche stratégique (FRS) à Paris. Relayant les craintes des pays non nucléaires de la région sur la fiabilité du parapluie américain, il expliquait: "Si vous imaginez la dissuasion nucléaire comme un ballon rempli d'eau, ce ballon est aujourd'hui troué et l'eau s'échappe".

Ceci sans compter l'accroissement rapide des capacités nucléaires chinoises, qui préoccupe les spécialistes.

Selon des estimations du Pentagone, la Chine pourrait disposer de 1.000 TN (têtes nucléaires) d'ici une décennie, soit proche du nombre de TN déployées par les Américains.

Au Moyen-Orient, la question iranienne est au cœur des préoccupations, Téhéran étant soupçonné depuis 20 ans de chercher à se doter de la bombe et désormais proche de devenir "un Etat du seuil", s'il ne l'est déjà. Les négociations entre l'Iran et les grandes puissances pour faire revivre l'accord de 2015 prévoyant une limitation drastique du programme iranien contre une levée des sanctions, se sont engluées et leur reprise semble très improbable en raison de la situation intérieure en Iran.

Risques de prolifération 

Quel est l'avenir du TNP, outil vital pour la sécurité internationale? La conférence d'examen à l'ONU du traité en août dernier, où une déclaration commune des 191 pays signataires avait été bloquée au dernier moment par la Russie, raconte les bouleversements en cours. Une source diplomatique française a raconté "la rhétorique nucléaire extraordinairement agressive" de la Russie, et même son "dédain" vis à vis du TNP.

"On a assisté à une rupture de l'attitude de la Russie, pourtant historiquement en soutien du TNP", a dit cette source.

Elle a également relevé "l'attitude très vocale" de la Chine, qui s'était livrée à une "dénonciation très crue d'Aukus", l'alliance militaire dans l'Indo-Pacifique entre Etats-Unis, Australie et Grande-Bretagne, prévoyant notamment la livraison à Canberra de sous-marins à propulsion nucléaire.

La Chine a dénoncé une alliance "proliférante", mais, a noté la source, elle n'a pas elle-même "levé les doutes sur l'opacité de sa propre doctrine nucléaire, ni sur la vitesse d'augmentation de son arsenal".

Plus que jamais désormais, se pose la question du risque d'une accélération de la prolifération, alors qu'un pays dénucléarisé, l'Ukraine, a été envahie par son voisin.

"Aujourd'hui, des pays comme le Japon ou la Corée du Sud peuvent légitimement se poser la question", d'avoir la bombe, explique à l'AFP Jean-Louis Lozier, ancien chef de la division Forces Nucléaires de l'état-major des Armées. "Il en va de même au Moyen-Orient pour l'Arabie, la Turquie et l'Egypte", ajoute-t-il.

Neuf Etats aujourd'hui possèdent l'arme nucléaire: les cinq membres du Conseil de sécurité, le Pakistan, l'Inde, Israël (même si ce dernier ne l'a jamais officiellement reconnu) et la Corée du Nord.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.


Affaires de corruption en Espagne: Pedro Sánchez devant une commission d'enquête

Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez comparaît jeudi devant une commission d'enquête sénatoriale afin de s'expliquer sur un scandale de corruption dont les principaux protagonistes ont longtemps été ses hommes de confiance. (AFP)
Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez comparaît jeudi devant une commission d'enquête sénatoriale afin de s'expliquer sur un scandale de corruption dont les principaux protagonistes ont longtemps été ses hommes de confiance. (AFP)
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  • L'objectif du PP est de montrer que le Premier ministre était au courant des malversations révélées par l'enquête sur l'affaire Koldo et qu'il y était même impliqué
  • Face à ce séisme, Pedro Sánchez a demandé pardon à plusieurs reprises aux Espagnols, assurant qu'il ignorait tout de l'affaire et que le Parti socialiste, dont il est secrétaire général depuis 2017, n'avait jamais bénéficié de financements illégaux

MADRID: Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez comparaît jeudi devant une commission d'enquête sénatoriale afin de s'expliquer sur un scandale de corruption dont les principaux protagonistes ont longtemps été ses hommes de confiance.

Connue sous le nom d'"affaire Koldo", du nom de Koldo García Izaguirre, l'assistant d'un ancien ministre des Transports et ex-bras droit de M. Sánchez, José Luis Ábalos, cette affaire est l'un des scandales qui éclaboussent depuis plus d'un an l'entourage du Premier ministre.

Sa comparution devant cette commission sénatoriale se produira dans un climat de polarisation politique extrême, le Parti populaire (PP, opposition de droite), majoritaire à la chambre haute, ayant fait de la corruption l'axe principal de son offensive contre le gouvernement de gauche dirigé par M. Sánchez.

"Pensez-vous dire la vérité demain (jeudi) devant la commission?", lui a ainsi demandé le leader du PP, Alberto Núñez Feijóo, mercredi matin au Congrès des députés.

"Vous mentirez de nouveau" 

M. Feijóo a ajouté que sa question était "rhétorique", dans la mesure où il est, selon lui, exclu que Pedro Sánchez puisse dire la vérité sur cette affaire, de peur de s'incriminer.

"Vous mentirez de nouveau, parce que vous savez que la vérité entraînerait votre chute" a lancé le chef du premier parti d'opposition, accusant M. Sánchez d'avoir menti "à tous" et sur tous les sujets.

L'objectif du PP est de montrer que le Premier ministre était au courant des malversations révélées par l'enquête sur l'affaire Koldo et qu'il y était même impliqué.

Ce scandale a éclaté au grand jour en février 2024 avec l'arrestation de Koldo García Izaguirre, soupçonné d'être au cœur d'une énorme escroquerie ayant permis à une petite société d'obtenir entre mars et juin 2020 - au plus fort de la pandémie de Covid-19 - des contrats d'un montant de 53 millions d'euros pour fournir des masques à diverses administrations. Ces contrats avaient dégagé des commissions illégales de plusieurs millions d'euros.

La justice est vite remontée jusqu'à José Luis Ábalos, le juge chargé de l'enquête considérant qu'il avait joué un rôle d'"intermédiaire" dans la combine.

Outre son poste de ministre, M. Ábalos était surtout secrétaire à l'Organisation du Parti socialiste, poste clé qui en faisait l'homme de confiance de M. Sánchez.

Il a été expulsé du Parti socialiste, mais l'affaire n'a fait ensuite que s'aggraver pour le Premier ministre.

Car le successeur de M. Ábalos comme secrétaire à l'Organisation du Parti socialiste, Santos Cerdán, a à son tour été mis en cause en juin dernier, après la publication d'un rapport de police selon lequel il était au cœur du réseau de corruption et avait touché des pots-de-vin en échange de contrats publics.

Il a été placé en détention provisoire en juillet.

Englué 

Face à ce séisme, Pedro Sánchez a demandé pardon à plusieurs reprises aux Espagnols, assurant qu'il ignorait tout de l'affaire et que le Parti socialiste, dont il est secrétaire général depuis 2017, n'avait jamais bénéficié de financements illégaux.

Il a redit en septembre qu'il ne disposait d'"aucune information" sur les délits reprochés à José Luis Ábalos, Santos Cerdán et Koldo García Izaguirre, et a rejeté toute "corruption systémique" au sein de son parti.

Il reprendra cette ligne de défense jeudi devant la commission sénatoriale, mais il est certain qu'il ne convaincra pas la droite, qui se dit assurée qu'il était au courant et l'accuse d'avoir tenté d'étouffer le scandale.

Outre cette tentaculaire affaire Koldo, M. Sánchez est englué dans d'autres affaires judiciaires qui le touchent de près: son épouse, Begoña Gómez, devrait être jugée pour une affaire de corruption et trafic d'influence, son frère David le sera également pour trafic d'influence et le procureur général de l’État, Álvaro García Ortiz, qu'il a nommé, sera jugé à partir de lundi pour violation du secret judiciaire.

L'audition de Pedro Sánchez, qui doit débuter à 09H00 (08H00 GMT), devrait durer plusieurs heures.


Elon Musk lance Grokipedia pour concurrencer Wikipédia qu'il juge orienté à gauche

Le PDG de Tesla, Elon Musk, assiste à la cérémonie de commémoration de l'activiste d'extrême droite Charlie Kirk au State Farm Stadium à Glendale, Arizona. (AFP)
Le PDG de Tesla, Elon Musk, assiste à la cérémonie de commémoration de l'activiste d'extrême droite Charlie Kirk au State Farm Stadium à Glendale, Arizona. (AFP)
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  • Elon Musk et xAI ont lancé Grokipedia, une encyclopédie en ligne concurrente de Wikipédia, générée par intelligence artificielle et présentée comme “plus objective” selon Musk, avec déjà 885.000 définitions
  • Grokipedia est critiquée pour un biais idéologique apparent dans certains articles, notamment ceux sur Musk, Black Lives Matter ou Tucker Carlson, tandis que Wikipédia revendique un point de vue neutre

NEW YORK: Elon Musk et son entreprise xAI ont mis en ligne lundi Grokipedia, présenté comme le concurrent de l'encyclopédie en ligne Wikipédia, accusée de biais idéologique par une partie des républicains aux États-Unis.

La version a été numérotée 0.1 et comptait déjà lundi soir plus de 885.000 définitions, contre plus de 7 millions en anglais pour Wikipédia.

Dans un message posté sur X, Elon Musk a promis l'arrivée prochaine d'une version 1.0, "dix fois meilleure" que la 0.1, qui est déjà "meilleure que Wikipédia à (son) avis".

Il y a une semaine, l'entrepreneur avait décidé de reporter de quelques jours le lancement de Grokipedia, annoncé fin septembre, un délai justifié par la nécessité d'effectuer "un travail supplémentaire pour purger la propagande".

A l'image de responsables républicains, Elon Musk critique régulièrement Wikipédia depuis plusieurs années. En 2024, il avait taxé le site d'être "contrôlé par des activistes d'extrême gauche" et appelé à ne plus faire de don à la plateforme.

"Le but de Grok et de (Grokipedia) est la vérité, toute la vérité, rien que la vérité", a affirmé l'homme le plus riche du monde, qui a précisé que le programme informatique de l'encyclopédie était en accès libre (open source). "Tout le monde peut donc l'utiliser pour n'importe quoi gratuitement."

- "Biais systémiques" -

Le contenu de certains articles de Grokipedia témoigne d'une orientation des résultats, à l'image de la page consacrée à Elon Musk.

Dans les premiers paragraphes de résumé, la plateforme indique que le patron de Tesla et SpaceX a "influencé le débat" sur plusieurs sujets, ce qui lui a valu "des critiques des médias traditionnels qui font preuve de penchants à gauche dans leur couverture".

Concernant le mouvement des droits civiques "Black Lives Matter", Grokipedia écrit qu'il a "mobilisé des millions de personnes".

"Cependant, ces manifestations ont entraîné des émeutes, (...) les plus coûteuses de l'histoire des assurance pour les dommages aux biens", poursuit l'encyclopédie, sans mentionner, comme le fait Wikipédia, que "la grande majorité des manifestations de 2020 se sont déroulées dans le calme".

Autre exemple, la page consacrée à l'éditorialiste conservateur Tucker Carlson, qui souligne son "rôle (...) dans la dénonciation des biais systémiques du journalisme traditionnel". Elle renvoie à un article du site du magazine Newsweek qui ne mentionne ces biais que dans des citations de Tucker Carlson lui-même.

Créé en 2001, Wikipédia est une encyclopédie collaborative gérée par des bénévoles, largement financée par des dons, et dont les pages peuvent être écrites ou modifiées par les internautes.

Elle revendique un "point de vue neutre" dans ses contenus.

Le contenu de Grokipedia est lui généré par intelligence artificielle (IA) et l'assistant d'IA générative Grok mais cite également plusieurs sources sur chaque page.

En avril, le procureur fédéral de Washington, Ed Martin, remplacé depuis, avait adressé une demande de documents à la fondation Wikimédia, qui a autorité sur Wikipédia.

Il disait vouloir déterminer si Wikimédia était bien habilitée à bénéficier de l'exonération d'impôts octroyée aux fondations.

Le procureur désigné par Donald Trump avait dénoncé "la manipulation de l'information" dont Wikipédia se rendait coupable, selon lui, la plateforme cherchant à "masquer la propagande".

Fin août, deux élus républicains de la Chambre des représentants, James Comer et Nancy Mace, ont ouvert une enquête sur des "manoeuvres organisées (...) pour influencer l'opinion américaine (...) en manipulant des articles Wikipédia".

La naissance de Grokipedia a été saluée par plusieurs personnalités de droite, notamment l'idéologue ultranationaliste russe Alexandre Douguine, qualifiant l'article le concernant de "neutre", "objectif" et "juste" alors que celui de Wikipédia est, selon lui, "diffamatoire".