Interdiction aux femmes afghanes d'étudier: un professeur déchire ses diplômes

Sur cette photo prise le 30 décembre 2022, Ismail Mashal, maître de conférences en journalisme dans trois universités, parle lors d'une interview avec l'AFP à Kaboul. (Photo de l'AFP)
Sur cette photo prise le 30 décembre 2022, Ismail Mashal, maître de conférences en journalisme dans trois universités, parle lors d'une interview avec l'AFP à Kaboul. (Photo de l'AFP)
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Publié le Samedi 31 décembre 2022

Interdiction aux femmes afghanes d'étudier: un professeur déchire ses diplômes

  • Dans la société profondément conservatrice et patriarcale de l'Afghanistan, il est rare de voir un homme protester en faveur des femmes
  • «Les talibans n'ont jusqu'à présent donné aucune raison logique à l'interdiction qui touche environ 20 millions de filles». L'interdiction n'a même aucun fondement dans la charia islamique, relève le professeur

KABOUL : «Nous régressons!», s'insurge Ismail Mashal, l'un des rares hommes en Afghanistan à défendre ouvertement les droits des femmes. Il y a quelque jours ce professeur a déchiré ses diplômes à la télévision en signe de protestation contre l'interdiction, par les talibans, faite aux filles d'étudier.

Le geste d'Ismail Mashal, qui a démissionné la semaine dernière de trois universités privées de Kaboul, n'est pas passé inaperçu: ses diplômes ont été déchirés en direct, lors d'une interview mardi sur l'une des plus importantes chaînes privées du pays, TOLOnews.

«En tant qu'homme et en tant qu'enseignant, je n'étais pas en mesure de faire autre chose pour elles, et je sentais que mes certificats étaient devenus inutiles. Alors, je les ai déchirés», explique cet homme de 35 ans, rencontré par l'AFP dans son bureau à Kaboul.

Les images de sa colère sur le plateau de télévision, reprises par les réseaux sociaux, sont depuis devenues virales. Salué par certains, son comportement a aussi été critiqué par des partisans des talibans.

«J'élève la voix. Je suis debout avec mes sœurs (étudiantes). Ma protestation continuera même si cela me coûte la vie», poursuit-il.

Dans la société profondément conservatrice et patriarcale de l'Afghanistan, il est rare de voir un homme protester en faveur des femmes, mais le professeur assure qu'il poursuivra sa campagne en faveur de leurs droits. Les manifestations de femmes sont quant à elles sporadiques et rassemblent rarement plus de quarantaine de participantes.

«Une société où les livres et les stylos sont arrachés aux mères et aux sœurs ne mène qu'aux crimes, à la pauvreté et à l'humiliation», dénonce celui qui enseigne le journalisme depuis plus de dix ans.

Après les avoir bannies des écoles secondaires, le 20 décembre, les talibans ont interdit aux femmes d'accéder à l'enseignement universitaire car, selon eux, elles ne respectaient pas un code vestimentaire islamique strict consistant en Afghanistan à se couvrir le visage et le corps entièrement.

- «Pas de raison logique» -

Ismail Mashal, qui dirige également son propre institut de formation professionnelle pour hommes et femmes rejette l'accusation.

«Ils nous ont dit de mettre en place le port du hijab pour les femmes, nous l'avons fait. Ils nous ont dit de séparer les classes, nous l'avons fait aussi», souligne le trentenaire vêtu d'un costume noir.

«Les talibans n'ont jusqu'à présent donné aucune raison logique à l'interdiction qui touche environ 20 millions de filles». L'interdiction n'a même aucun fondement dans la charia islamique, relève-t-il.

«Le droit à l'éducation pour les femmes a été donné par Dieu, par le Coran, par le prophète (Mohammad) et par notre religion», alors «pourquoi devrions-nous regarder les femmes de haut ?», poursuit le professeur.

En dépit de leurs promesses de se montrer plus souples, les talibans sont revenus à l'interprétation ultra-rigoriste de l'islam qui avait marqué leur premier passage au pouvoir (1996-2001) et ont multiplié les mesures à l'encontre des femmes depuis leur retour au pouvoir en août 2021.

Le 24 décembre, ils ont ordonné aux ONG afghanes et internationales de ne plus travailler avec des femmes afghanes. Les femmes ont aussi été exclues de la plupart des emplois dans la fonction publique ou reçoivent une un salaire de misère pour rester à la maison. Depuis novembre, elles n'ont également plus le droit de se rendre dans les parcs, les gymnases et les bains publics.

Elles sont en outre empêchées de voyager sans un proche parent masculin et elles doivent se couvrir en public.

«Nous régressons», estime Ismail, dont la femme a perdu son emploi d'enseignante après le retour des talibans.

Le père de famille s'inquiète désormais pour sa fille, qui est en sixième année, la dernière classe de l'école primaire, après quoi elle ne sera plus autorisée à poursuivre les cours.

«Je ne sais pas comment lui dire d'arrêter ses études après la sixième année. Quel crime a-t-elle commis ?», s'interroge le professeur.


La BBC doit «se battre» pour défendre son journalisme, dit le DG sortant

Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC". (AFP)
Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC". (AFP)
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  • Tim Davie, qui a démissionné dimanche, a reconnu qu'une "erreur" avait été commise dans un documentaire sur le président américain diffusé en octobre 2024, selon ses propos tenus lors d'une visioconférence avec les employés du groupe audiovisuel public
  • Le groupe audiovisuel public britannique est dans la tourmente après avoir réalisé, pour ce documentaire diffusé dans son magazine d'information phare "Panorama", un montage trompeur d'un discours de Donald Trump

LONDRES: La BBC doit "se battre" pour défendre son journalisme, a déclaré mardi le directeur général sortant de la BBC, Tim Davie, alors que le groupe public britannique est menacé de plainte en diffamation par Donald Trump.

Tim Davie, qui a démissionné dimanche, a reconnu qu'une "erreur" avait été commise dans un documentaire sur le président américain diffusé en octobre 2024, selon ses propos tenus lors d'une visioconférence avec les employés du groupe audiovisuel public, rapportés par la chaîne BBC News.

Le groupe audiovisuel public britannique est dans la tourmente après avoir réalisé, pour ce documentaire diffusé dans son magazine d'information phare "Panorama", un montage trompeur d'un discours de Donald Trump, le 6 janvier 2021, qui donnait l'impression que le président sortant incitait explicitement ses partisans à une action violente contre le Congrès.

"Nous avons fait une erreur, et il y a eu un manquement à nos règles éditoriales", a reconnu Tim Davie, expliquant qu'il avait assumé sa "part de responsabilité" en démissionnant.

Il n'a toutefois pas mentionné directement la menace d'action en justice lancée par Donald Trump, ni la date de son départ effectif, lors de cette visioconférence avec le président de la BBC, Samir Shah.

Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC".

"Mais nous nous en sortirons", et "nous devons nous battre pour défendre notre journalisme", a-t-il insisté.

"Nous sommes une organisation unique et précieuse, et je vois la liberté de la presse mise à rude épreuve, je vois son instrumentalisation", a-t-il encore ajouté.


Le président allemand demande à son homologue algérien de gracier l'écrivain Boualem Sansal

La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs. (AFP)
La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs. (AFP)
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  • "Un tel geste serait l'expression d'une attitude humanitaire et d'une vision politique à long terme. Il refléterait ma relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays"
  • Appelant son homologue Abdelmadjid Tebboune à un "geste humanitaire", Frank-Walter Steinmeier propose aussi que Boualem Sansal soit transféré en Allemagne pour "y bénéficier de soins médicaux (...) compte tenu de son âge avancé (...)"

BERLIN: Le président allemand a exhorté lundi son homologue algérien à gracier l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné depuis un an en Algérie et au coeur d'une grave crise diplomatique entre Alger et Paris.

Appelant son homologue Abdelmadjid Tebboune à un "geste humanitaire", Frank-Walter Steinmeier propose aussi que Boualem Sansal soit transféré en Allemagne pour "y bénéficier de soins médicaux (...) compte tenu de son âge avancé (...) et de son état de santé fragile".

"Un tel geste serait l'expression d'une attitude humanitaire et d'une vision politique à long terme. Il refléterait ma relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays", a estimé le président allemand, dans un communiqué.

La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs.

Selon des spécialistes à Alger, le fait que la présidence et la télévision publique reprennent les éléments de langage du président allemand peut être perçu comme un signe positif.

Mais aucune indication n'a été donnée quant au calendrier de la prise de décision par le président algérien.

Dans une longue interview accordée en septembre dernier, le président Abdelmadjid Tebboune avait par ailleurs évoqué la possibilité de se rendre en Allemagne fin 2025 ou début 2026.

Arrêté à Alger le 16 novembre 2024, le romancier et essayiste franco-algérien Boualem Sansal a été condamné en appel en juillet à cinq ans de réclusion pour avoir notamment déclaré que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque-là au Maroc.

Jeudi, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, avait souligné que la France menait un "dialogue exigeant" avec Alger pour obtenir la libération de Boualem Sansal.

L'affaire s'inscrit dans un contexte d'hostilité entre Paris et Alger, qui sont empêtrés depuis plus d'un an dans une crise diplomatique sans précédent qui s'est traduite par des expulsions de fonctionnaires de part et d'autre, le rappel des ambassadeurs des deux pays et des restrictions sur les porteurs de visas diplomatiques.


La BBC, dans l'oeil du cyclone, sommée de s'expliquer

Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump. (AFP)
Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump. (AFP)
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  • La BBC, institution longtemps chérie des Britanniques mais cible régulière des médias et responsables politiques conservateurs, est dans la tourmente, accusée ces derniers jours d'avoir déformé des propos du président américain dans un documentaire
  • La BBC est mise en cause pour avoir monté des passages différents d'un discours de Donald Trump datant du 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole à Washington, de telle façon qu'il semble inciter ses partisans à marcher vers le siège du Congrès

LONDRES: Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump.

La BBC, institution longtemps chérie des Britanniques mais cible régulière des médias et responsables politiques conservateurs, est dans la tourmente, accusée ces derniers jours d'avoir déformé des propos du président américain dans un documentaire de son magazine d'information phare, "Panorama", diffusé en octobre 2024, une semaine avant la présidentielle américaine.

La BBC est mise en cause pour avoir monté des passages différents d'un discours de Donald Trump datant du 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole à Washington, de telle façon qu'il semble inciter ses partisans à marcher vers le siège du Congrès pour se "battre comme des diables".

Or, dans la phrase originale, M. Trump disait: "Nous allons marcher vers le Capitole et nous allons encourager nos courageux sénateurs et représentants et représentantes au Congrès". L'expression "se battre comme des diables" correspondait à un autre passage du discours.

Face à la polémique grandissante, son directeur général, Tim Davie, et la patronne de la chaîne d'information du groupe BBC News, Deborah Turness, ont annoncé dimanche leur démission, qui fait la Une des journaux lundi.

Le président américain a dénoncé les "journalistes corrompus" et "malhonnêtes" de la BBC, sur son réseau Truth Social.

Le président du conseil d'administration du groupe, Samir Shah, doit s'excuser et s'expliquer dans une réponse écrite aux questions de la commission parlementaire sur la culture sur cette affaire, et sur d'autres accusations de partialité sur la couverture de la guerre à Gaza.

"La BBC doit répondre à de graves questions concernant ses normes éditoriales et la manière dont la direction gère les problèmes", a jugé la présidente de la commission, Caroline Dinenage, estimant que le groupe public "se devait d'être exemplaire" face à la montée de la désinformation.

Lundi, la patronne démissionnaire de BBC News a de nouveau assuré qu'il n'y avait "pas de partialité institutionnelle" sur la chaîne, qui a produit le programme mis en accusation.

 

- "Violation des règles" -

 

La classe politique a quasi unanimement critiqué la BBC pour sa gestion de l'affaire, qui tombe d'autant plus mal que le groupe audiovisuel doit renégocier d'ici fin 2027 son nouveau contrat de mission avec le gouvernement.

La cheffe de l'opposition, Kemi Badenoch, a déploré "un catalogue de graves défaillances". Le chef du parti d'extrême droite Reform UK, Nigel Farage, a appelé à "un changement de fond en comble" du groupe public.

La BBC tire une grande part de ses ressources de la redevance annuelle (174,50 livres, soit 198 euros), payée par 22,8 millions de foyers, soit 3,8 milliards de livres.

Samir Shah a dit espérer que le futur directeur général du groupe, dont la nomination pourrait prendre plusieurs mois, "façonnerait positivement" le prochain contrat de mission. la ministre de la Culture, Lisa Nandy, qui a qualifié la situation d'"extrêmement grave", a affirmé que le futur contrat aiderait la BBC à "garantir son rôle" auprès du public.

Le chef du parti libéral démocrate (centriste), Ed Davey, a appelé le Premier ministre Keir Starmer, et la classe politique en général, à défendre la BBC face à Donald Trump et la sphère Maga. "Il est facile de voir pourquoi Trump veut détruire la première source d'information dans le monde. Nous ne pouvons pas le laisser faire", a-t-il prévenu sur la plateforme X.

Le Telegraph a eu connaissance d'une note interne rédigée par l'ancien conseiller indépendant du comité des normes éditoriales de la BBC, Michael Prescott, dans laquelle il suggérait que des erreurs avaient été commises dans le montage. Il affirme que les responsables chargés des normes éditoriales du groupe auprès de qui il a soulevé le problème ont nié toute violation des règles.

En octobre, le régulateur des médias avait épinglé la BBC pour avoir "enfreint les règles de diffusion" à propos d'un reportage à Gaza dans lequel le narrateur principal, un enfant, était le fils d'un haut responsable du mouvement islamiste palestinien Hamas.