Afghanistan: Cruel dilemme pour les ONG empêchées de travailler avec des femmes

Sur cette photo prise le 27 décembre 2022, Reshma Azmi, responsable pays adjointe du groupe d'aide humanitaire CARE, s'exprime lors d'un entretien avec l'AFP à Kaboul (Photo, AFP).
Sur cette photo prise le 27 décembre 2022, Reshma Azmi, responsable pays adjointe du groupe d'aide humanitaire CARE, s'exprime lors d'un entretien avec l'AFP à Kaboul (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 05 janvier 2023

Afghanistan: Cruel dilemme pour les ONG empêchées de travailler avec des femmes

  • Quelque 1260 ONG exercent une activité en Afghanistan, selon les derniers chiffres fournis par le ministère de l'Economie
  • Les associations disent toutes vouloir privilégier le dialogue, espérant que les talibans reviennent sur leur décision

KABOUL: En interdisant par surprise le soir de Noël aux ONG en Afghanistan d'employer des femmes, les talibans ont placé les associations humanitaires au "pied du mur", remettant en cause leur travail de terrain dans l'un des pays les plus pauvres au monde.

"Nous avons dû prendre une décision très difficile pour savoir si nous devions continuer ou non sans notre personnel féminin et nous sommes arrivés à la conclusion qu'il nous était impossible de poursuivre nos activités dans le pays, sans elles", explique, dépitée, Samira Sayed-Rahman, responsable de la communication au International Rescue Committee (IRC).

Le 24 décembre, le ministère afghan de l'Economie a annoncé que les organisations non gouvernementales (ONG), locales et internationales, avaient désormais interdiction de travailler avec des femmes afghanes en raison de "plaintes sérieuses" quant au non-respect du port du hijab, consistant en Afghanistan à se couvrir entièrement le corps, ainsi que le visage.

Dès le lendemain, plusieurs ONG comme IRC - qui, sur ses 8 000 collaborateurs, compte 3 000 femmes - ont annoncé qu'elles suspendaient leurs activités et demandé aux talibans la levée de l'interdiction.

Quelque 1 260 ONG exercent une activité en Afghanistan, selon les derniers chiffres fournis par le ministère de l'Economie à l'AFP, et emploient plusieurs milliers de femmes à des postes essentiels, pour les programmes d'aide alimentaire et dans les domaines de la santé, de l'éducation ou encore de l'assainissement.

"Les travailleuses humanitaires participent à l'identification des femmes bénéficiaires, à leur enregistrement et à leur formation", explique Reshma Azmi, responsable adjointe de CARE Afghanistan, qui emploie 38% de femmes.

«Au pied du mur»

Dans ce pays extrêmement conservateur, seule une femme est autorisée à approcher une bénéficiaire du même sexe. "Il est très difficile pour un homme d'entrer en contact avec une femme s'il n'a pas de lien de parenté avec elle. Ces normes sociétales sont profondément ancrées", relève Reshma Azmi.

Mais pour les talibans, l'aide peut encore parvenir aux familles en étant remise aux hommes du foyer, ce qui permet de se passer d'employées féminines.

Exclues la même semaine des universités publiques et privées, là aussi pour non-respect du code vestimentaire, les femmes sont de plus en plus isolées et invisibilisées en Afghanistan. Elles ont été écartées de nombreux emplois publics et ne peuvent pas voyager sans être accompagnées d'un parent masculin.

Les ONG demeuraient pour une partie d'entre elles une planche de salut et permettaient à certaines de toucher le seul salaire faisant vivre des familles souvent très nombreuses.

"Les talibans nous ont poussés dans nos retranchements en nous mettant au pied du mur", analyse un responsable humanitaire sous couvert d'anonymat.

"Ils nous disent 'vous devez choisir entre obéir à nos règles ou partir' et voir la situation (humanitaire) empirer."

Depuis le départ des forces étrangères du pays, l'arrêt de l'aide internationale, qui représentait 75% du budget afghan, a enfoncé l'Afghanistan dans une profonde crise humanitaire.

Empêcher la famine

Quelque 22,8 millions de personnes - plus de la moitié de la population - sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë et trois millions d'enfants risquent de souffrir de malnutrition, selon des économistes.

"L'hiver dernier, c'est l'aide humanitaire qui a empêché une famine dans ce pays", relève Samira Sayed-Rahman. "Si nous ne sommes pas capables de renouveler cette aide, nous allons être confrontés à une situation horrible".

L'annonce a pris de court les associations qui, même pendant les 20 ans de combat opposant les talibans aux forces américaines et leurs alliés, ont réussi à travailler avec des femmes des zones contrôlées par les islamistes.

"Il y avait beaucoup de négociations (avec les talibans locaux), mais même à cette époque, nous avions beaucoup de personnel féminin", dit un responsable d'ONG.

Depuis le retour des talibans en août 2021, "Action contre la faim, comme le reste des organisations humanitaires, respecte les valeurs, la tradition, la culture en Afghanistan et a aussi accepté de mettre en place toutes les demandes (...) faites", souligne Samy Guessabi, directeur d'Action contre la faim en Afghanistan.

Dans les bureaux, femmes et hommes sont séparés, un 'mahram' (homme de la famille) accompagne les collègues féminines lors de leurs déplacements et le port du hijab est respecté, énumère-t-il.

Autre frustration pour les acteurs humanitaires: depuis la fin de la guerre et l'amélioration de la sécurité, ils ont accès à des populations reculées "pratiquement inaccessibles (autrefois) non seulement aux acteurs humanitaires mais aussi au gouvernement et aux acteurs internationaux", relève Samira Sayed-Rahman.

"Il y a de nombreuses régions de ce pays qui ont reçu de l'aide pour la toute première fois et (...) les femmes ont été une partie intégrante de cette réponse."

Les associations interrogées par l'AFP disent toutes vouloir privilégier le dialogue, espérant que les talibans reviennent sur leur décision. Dans le cas contraire, elles refusent de se prononcer sur un éventuel retrait définitif du pays.

"Quelle que soit la personne au pouvoir, nous sommes neutres (...) Le but est d'atteindre les personnes qui sont dans le besoin et rien d'autre", rappelle Reshma Azmi.


Les Etats-Unis accusent la Russie d'avoir usé d'un agent chimique en Ukraine

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  • Washington a annoncé mercredi une nouvelle vague de sanctions visant des entreprises ou des personnes russes ou étrangères
  • Une centaine d'entreprises russes, parmi les plus de 200 également visées, opèrent spécifiquement dans les secteurs de la défense, du transport ou des technologies

WASHINGTON: Les Etats-Unis accusent la Russie d'avoir eu recours à un agent chimique, la chloropicrine, contre les forces ukrainiennes, en violation de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC), selon un communiqué mercredi du département d'Etat.

En outre, la Russie se sert d'agents anti-émeutes comme "méthode de guerre en Ukraine, également en violation de la convention", ajoute la diplomatie américaine dans ce texte.

"L'utilisation de ces produits chimiques n'est pas un incident isolé et est probablement motivée par le désir des forces russes de déloger les forces ukrainiennes de positions fortifiées et de réaliser des avancées tactiques sur le champ de bataille", écrit le département d'Etat.

Washington a annoncé en parallèle mercredi une nouvelle vague de sanctions visant des entreprises ou des personnes russes ou étrangères, accusées de participer à l'effort de guerre russe dans l'invasion de l'Ukraine.

Outre des entreprises russes de la défense, ainsi que des entités chinoises, ces sanctions concernent également plusieurs unités de recherche et entreprises impliquées dans les programmes d'armes chimiques et biologiques russes.

"Le mépris permanent de la Russie pour ses obligations au titre de la CIAC s'inscrit dans la même logique que les opérations d'empoisonnement d'Alexeï Navalny et de Sergueï et Ioulia Skripal avec des agents neurotoxiques de type Novichok", poursuit le département d'Etat.

Alexeï Navalny, ancien opposant au président russe Vladimir Poutine, décédé le 16 février, avait été victime d'un grave empoisonnement qu'il avait attribué au Kremlin,

L'ancien agent double russe Sergueï Skripal et sa fille Ioulia Skripal avaient été empoisonnés en Angleterre en 2018.

La Russie a déclaré ne plus posséder d'arsenal chimique militaire, mais le pays fait face à des pressions pour plus de transparence sur l'utilisation d'armes toxiques dont il est accusé.

Selon les Instituts nationaux de la santé (NIH), la chloropicrine est un produit chimique qui a été utilisé comme agent de guerre et comme pesticide et qui, en cas d'inhalation, présente un risque pour la santé.

«Contournement» des sanctions 

"Les sanctions prises aujourd'hui visent à perturber encore plus et affaiblir l'effort de guerre russe en s'attaquant à son industrie militaire de base et aux réseaux de contournement (des sanctions existantes, ndlr) qui l'aident à se fournir", a déclaré la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, citée dans un communiqué.

Parmi les entreprises étrangères visées, seize sont chinoises ou hongkongaises, pour la plupart accusées d'aider la Russie à se fournir en composants qui sont normalement interdits, mais aussi, pour deux d'entre elles, d'avoir procuré les matériaux nécessaires à la production de munitions.

Les sanctions concernent des entreprises issues de cinq autres pays: les Emirats arabes unis, la Turquie et l'Azerbaïdjan, ainsi que deux membres de l'Union européenne, la Belgique et la Slovaquie.

Une centaine d'entreprises russes, parmi les plus de 200 également visées, opèrent spécifiquement dans les secteurs de la défense, du transport ou des technologies.

Enfin, les sanctions concernent aussi les infrastructures de gaz et pétrole russes, alors que Moscou cherche à développer celles qui lui permettraient d'exporter plus facilement ses hydrocarbures, en particulier vers la Chine. Ces exportations se font actuellement par pétroliers ou méthaniers, faute d'oléoducs et gazoducs suffisants vers l'est.

Ces sanctions prévoient notamment le gel des avoirs des entreprises ou personnes visées et présentes aux Etats-Unis, ainsi que l'interdiction pour des entités ou citoyens américains de faire affaire avec les cibles des sanctions.

Les membres du G7 ainsi que l'UE et plusieurs pays proches, tels que l'Australie ou la Corée du Sud, ont multiplié les sanctions à l'encontre de la Russie depuis le déclenchement de l'invasion de l'Ukraine en février 2022.

Les dernières sanctions ont en particulier ciblé le secteur minier, notamment l'aluminium, le cuivre et le nickel, dont l'importation aux Etats-Unis et au Royaume-Uni sont désormais interdits.


Ukraine: une attaque russe de missiles à Odessa fait une dizaine de blessés

Un policier ukrainien se tient à côté du corps d'une victime sur le site d'une frappe, dans le village de Zolotchiv, dans la région de Kharkiv, le 1er mai 2024, au milieu de l'invasion russe de l'Ukraine. (AFP)
Un policier ukrainien se tient à côté du corps d'une victime sur le site d'une frappe, dans le village de Zolotchiv, dans la région de Kharkiv, le 1er mai 2024, au milieu de l'invasion russe de l'Ukraine. (AFP)
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  • Odessa, un port sur la mer Noire vital pour les exportations ukrainiennes, est régulièrement visé par des attaques meurtrières de missiles et de drones
  • Tôt mercredi, les autorités locales avaient annoncé la mort d'au moins trois personnes, victimes d'une attaque russe de missiles sur la ville

KIEV: Une attaque russe de missiles a fait une dizaine de blessés à Odessa, une ville portuaire ukrainienne déjà ciblée en début de semaine par des attaques meurtrières, ont rapporté les autorités locales dans la nuit de mercredi à jeudi.

"Une nouvelle attaque russe de missiles balistiques" a touché Odessa, a rapporté le maire de cette ville du sud-ouest de l'Ukraine, Guennadiï Troukhanov, sur le réseau social Telegram.

"Des infrastructures civiles ont été détruites" et "13 personnes ont été blessées" dans l'attaque, a-t-il précisé, ajoutant que les pompiers combattaient "un incendie" d'ampleur, sans fournir davantage de détails.

Oleg Kiper, le gouverneur de la région d'Odessa, a de son côté affirmé qu'une "attaque russe de missile sur Odessa" avait blessé 14 personnes. "Des infrastructures civiles ont été endommagées, dont des entrepôts postaux", a-t-il ajouté.

Odessa, un port sur la mer Noire vital pour les exportations ukrainiennes, est régulièrement visé par des attaques meurtrières de missiles et de drones.

Tôt mercredi, les autorités locales avaient annoncé la mort d'au moins trois personnes, victimes d'une attaque russe de missiles sur la ville. Et lundi, une attaque similaire conduite par Moscou y avait tué cinq personnes, d'après des responsables locaux.

La Russie frappe sans relâche les villes ukrainiennes depuis des mois et avance sur le front est de l'Ukraine avant l'arrivée d'armes américaines cruciales pour Kiev.


Guerre à Gaza: la Colombie rompt ses liens diplomatiques avec Israël

Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza. (AFP).
Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza. (AFP).
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  • Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza
  • Israël a immédiatement accusé M. Petro de "récompenser" le mouvement islamiste palestinien Hamas qui a, de son côté, salué l'annonce du dirigeant colombien, la qualifiant de "victoire"

BOGOTA: Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza.

Israël a immédiatement accusé M. Petro de "récompenser" le mouvement islamiste palestinien Hamas qui a, de son côté, salué l'annonce du dirigeant colombien, la qualifiant de "victoire".

M. Petro avait vivement critiqué, à plusieurs reprises, la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza après les attaques sans précédent du Hamas dans le sud du territoire israélien le 7 octobre.

"Demain (jeudi), les relations diplomatiques avec l'Etat d'Israël seront rompues (parce qu'il a) un gouvernement, un président génocidaire", a déclaré mercredi le président colombien, lors d'un discours prononcé devant plusieurs milliers de partisans à Bogota à l'occasion du 1er-Mai.

En Israël, le chef du gouvernement est le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, tandis que le président, Isaac Herzog, a  un rôle avant tout symbolique.

"On ne peut pas revenir aux époques de génocide, d'extermination d'un peuple entier", a déclaré le président colombien. "Si la Palestine meurt, l'humanité meurt", a-t-il lancé, déclenchant les vivats de la foule.

Le ministre israélien des Affaires étrangères Israël Katz a aussitôt réagi en qualifiant Gustavo Petro d'"antisémite". "Le président colombien avait promis de récompenser les meurtriers et violeurs du Hamas, aujourd'hui il a tenu promesse", a écrit M. Katz sur X.

"Nous apprécions grandement la position du président colombien Gustavo Petro (...) que nous considérons comme une victoire pour les sacrifices de notre peuple et sa cause qui est juste", a déclaré pour sa part dans un communiqué la direction du Hamas, en appelant d'autres pays d'Amérique latine à "rompre" leurs relations avec Israël.