Porté par des investissements de taille, le Golfe entame sa renaissance culturelle

Le Louvre Abu Dhabi (Photo fournie/Yiorgis Yerolymbos).
Le Louvre Abu Dhabi (Photo fournie/Yiorgis Yerolymbos).
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Publié le Vendredi 13 janvier 2023

Porté par des investissements de taille, le Golfe entame sa renaissance culturelle

  • Trois pays arabes du Golfe ont investi des milliards dans des entreprises culturelles, des musées, des espaces d'exposition et des salles de concert
  • Ces investissements portent leurs fruits et les pays connaissent une renaissance culturelle grâce au mécénat public et privé

DUBAÏ: Après les périodes de confinement et les interdictions de voyage liées à la pandémie de la Covid-19, qui ont dévasté le tourisme, le divertissement et les concerts, l'année 2022 a été marquée par ce que l'on pourrait appeler une course folle pour rattraper le temps perdu.
Alors même que les perspectives de reprise économique post-pandémique s'assombrissent pour le reste du monde en raison de la guerre en Ukraine, les pays exportateurs d'énergie du Golfe – en particulier l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar – réinvestissent une bonne partie de leurs bénéfices exceptionnels dans des activités culturelles.
Au cours de la dernière décennie, ces pays ont investi des milliards dans des entreprises culturelles, créant de nouveaux musées, des espaces d'exposition et des salles de concert pour stimuler le tourisme, la croissance économique et inculquer un sentiment de fierté nationale.

Le Musée olympique et sportif du Qatar 3-2-1. (Photo, David Levene)

Ces investissements semblent porter leurs fruits, puisque les pays du Golfe connaissent une renaissance culturelle, stimulée par le mécénat public et privé. Et ce, à un moment où les gouvernements du reste du monde réduisent leurs budgets artistiques.
Au Royaume-Uni, par exemple, les principales galeries et les principaux musées ont vu leur financement par l'Arts Council England réduit de manière drastique pour 2023, tandis que les anciennes capitales culturelles arabes de Damas, Bagdad et Beyrouth, dévastées par les guerres, l'instabilité et la fuite des talents, ne sont aujourd'hui que les ombres d'elles-mêmes.
Lorsque le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, a lancé la Vision 2030 en 2016, il a placé la culture et le façonnement d'une nouvelle économie créative au centre du programme de développement du Royaume.
Ce plan visait à diversifier l'économie saoudienne en dehors du pétrole et du gaz et à mettre en œuvre des réformes économiques, éducatives et administratives ainsi qu'une transformation sociale.
Depuis sa création en 2018, le ministère de la Culture a été le fer de lance d'une liste croissante d'événements culturels dans le Royaume et à l'international. En 2021, il a indiqué que l'Arabie saoudite avait accueilli 100 événements culturels dirigés par 25 nouvelles organisations culturelles.
Parmi les événements récents et prochains, citons la Biennale d'art contemporain de Diriyah, qui s’est tenue pour la première fois en décembre 2021, et la Biennale des arts islamiques, qui ouvrira ses portes le 23 janvier dans le terminal du Hajj de l'aéroport international Roi Abdelaziz de Djeddah.
Selon le «Rapport 2021 du ministère sur l'état de la culture dans le Royaume d'Arabie saoudite: La culture dans les espaces publics», quelque 10,5 millions de touristes nationaux ont visité les sites culturels du pays au cours des dix premiers mois de 2021 – dépassant le total de 8,5 millions de 2019.
En décembre, le ministère a ouvert un centre culturel, Fenaa Alawwal, dans l'ancien siège de la première banque commerciale du Royaume à Riyad. Il a créé ce centre dans le cadre de ses efforts pour atteindre l'objectif de la Vision 2030 consistant à «encourager la culture comme mode de vie».
Le centre, qui sera utilisé pour toute une série d'activités culturelles, vise à réunir des créateurs saoudiens et internationaux.

Le Musée olympique et sportif 3-2-1 du Qatar a ouvert ses portes à Doha l'année dernière (Photo, David Levene).

Si l'idée d'une renaissance signale un épanouissement de l'activité artistique, elle renvoie également à l'idée de faire tomber les barrières, en offrant une plate-forme pour le libre échange des idées.
«Dans l'histoire, il existe de nombreux tournants qui ont été importants pour les mouvements artistiques, de la Renaissance en Italie à la Nahda dans le monde arabe, qui ont tous été caractérisés par une immense créativité et une scène artistique florissante», a déclaré à Arab News, Manuel Rabate, directeur du Louvre Abu Dhabi.
«Il est indéniable que le Golfe a connu un développement culturel important ces dernières années, et cela est alimenté par des investissements continus, des collaborations interculturelles et la reconnaissance de l'importance de la culture et des arts pour construire une compréhension plus profonde qui favorise le dialogue.»
La transformation sociale du Royaume est tout simplement palpable. En allant des gigantesques fêtes dans le désert aux festivals tels que Riyadh Seasons, en passant par les biennales d'art et les écoles de cinéma, le processus inspire la pensée créative et le dialogue interculturel.
«Pour la communauté, il y a certainement une augmentation de la variété, de la quantité et de la qualité des expositions d'art dans toutes les grandes villes saoudiennes», a signalé à Arab News Qaswra Hafez, fondateur et directeur de la Hafez Gallery de Djeddah.
«Nous contribuons comme nous l'avons toujours fait, en produisant des expositions organisées par des professionnels, notamment pour des artistes saoudiens, et en facilitant l'exposition de nos artistes en participant à des foires d'art locales, régionales et internationales», a-t-il poursuivi.
Le Qatar, voisin de l'Arabie saoudite, a ses propres plans culturels dirigés par l'État. Depuis plus d'une décennie, le Qatar investit des milliards dans sa scène culturelle, qui s'est développée parallèlement à l'organisation de la Coupe du monde de la FIFA en 2022.
Son objectif, comme celui de l'Arabie saoudite, est de faire évoluer son économie pour qu'elle soit moins dépendante du pétrole et du gaz naturel, et qu’elle compte plutôt sur le tourisme et les activités culturelles.
À la tête de la campagne culturelle du Qatar se trouve Cheikha Al-Mayassa al-Thani, mécène et collectionneuse d'art de renommée mondiale et sœur de l'émir, le Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani.
En mars 2022, Cheikha Mayassa a annoncé que le Qatar construirait trois nouveaux musées: le Lusail Museum, l’Art Mill Museum et le Qatar Auto Museum.

en bref

- L'Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis ont revu à la hausse leurs plans culturels pour l'année prochaine.

- Le tourisme intérieur en Arabie saoudite a connu des taux de croissance annuels de 4,5% entre 2017 et 2021.

Les nouveaux édifices seront exploités par Qatar Museums, une entité gouvernementale fondée en 2015 pour superviser les institutions culturelles, notamment Mathaf, le musée arabe d'art moderne et le musée d'art islamique.
«La culture est l'outil le plus puissant. Elle n'a pas de religion, pas de langue; elle est juste ouverte», a écrit Cheikha Al-Mayassa dans son livre «The Power of Culture» (Le pouvoir de la culture), publié en 2022. Mais, comme elle l'a souligné dans sa conférence TED de 2014, l'art et la culture servent aussi à l'édification d’une identité nationale.
Reem al-Thani, directrice générale adjointe par intérim des expositions et du marketing et directrice des expositions centralisées des musées du Qatar, affirme qu'il existe un fort désir de partager l'identité culturelle de la nation avec le monde extérieur.
«Nous voulons présenter notre histoire et le contexte plus large de notre nation; ce n'est pas seulement que tout d'un coup nous sommes ici grâce au pétrole», a-t-elle déclaré à Arab News.
«Voici qui nous sommes. C'est notre histoire, c'est d'où nous venons, ce sont nos traditions, nos sagesses et notre intelligence.

«Il est indéniable que le Golfe a connu un développement culturel important ces dernières années», a déclaré Manuel Rabate, directeur du Louvre Abu Dhabi.(Photo fournie).

«C'est aussi le rôle des musées de présenter cela de manière très précise. Nous voulons aussi nous assurer que la génération qatarie actuelle comprenne son passé.»
Depuis plus de dix ans, les Émirats arabes unis poursuivent une stratégie similaire, tout en essayant d'attirer des galeries internationales de renom dans la péninsule arabique.
Le quartier culturel de Saadiyat, dans la capitale des Émirats arabes unis, abrite le Louvre Abu Dhabi, qui a ouvert ses portes en 2017 dans le cadre d'un projet de développement touristique et culturel de 27 milliards de dollars (1 dollar américain = 0,92 euro) sur l'île de Saadiyat.
Le quartier abrite également le Guggenheim, dont l'achèvement est prévu pour 2025, la Maison de la famille Abraham, prévue pour 2023, et le Musée national Zayed, prévu pour 2025.
«Tous ces musées représentent l'engagement des EAU en faveur du développement culturel et leur volonté d'être un leader mondial dans le domaine des arts», a indiqué Rabate à Arab News.
Les EAU, comme le Qatar et l'Arabie saoudite, ont mis en œuvre des plans financés par l'État afin de développer le secteur culturel et sa contribution à l'économie.
En 2018, les autorités culturelles des Émirats arabes unis sont convenues d'une stratégie culturelle à l'échelle nationale qui œuvrerait dans «une direction plus stratégique, durable et ambitieuse», baptisée Agenda culturel 2031.
La stratégie nationale des EAU pour les industries culturelles et créatives, lancée en 2021, vise à augmenter la contribution du secteur des industries culturelles et créatives de 5% du produit intérieur brut d'ici 2031.
Parmi ses principaux objectifs figurent «le renforcement de la position des Émirats arabes unis sur la carte mondiale de la culture et de la créativité» et «l'inspiration d'une pensée créative et l'attraction de talents culturels et d'entrepreneurs créatifs du monde entier».
La feuille de route met fortement l'accent sur les entreprises et l'esprit d'entreprise, avec des objectifs qui consistent notamment à «attirer les travailleurs indépendants et les jeunes entreprises créatives pour qu'ils s'installent, vivent et travaillent aux EAU».

MISK Art Week à Riyad (Photo fournie).

Le secteur de l'art privé à Dubaï en particulier a été stimulé par l'arrivée d'acteurs étrangers. Il convient de noter le nombre de galeries internationales qui ont ouvert ces dernières années, notamment celle du marchand d'art français Emmanuel Perrotin, qui a ouvert son premier espace à Dubaï en 2022.
D'autres galeries artistiques, comme Efie Gallery, la première galerie d'art contemporain à capitaux africains de Dubaï, a été lancée en 2021 avec pour mission «d'être à l'avant-garde de la scène artistique africaine contemporaine en plein essor dans le monde», selon son cofondateur Kwame Mintah.
«Le choix de Dubaï comme premier site est dû à la relative naïveté de la scène artistique locale, qui a offert le terrain idéal pour l'expansion et l'innovation», a-t-il avoué à Arab News.
Les galeristes étrangers n'affluent pas seulement à Dubaï pour participer à l'expansion culturelle des Émirats arabes unis; ils sont attirés par l'environnement commercial accueillant qui s'ouvre dans le Golfe.
«C'est la facilité de faire des affaires ici – probablement plus facile que partout ailleurs dans le monde – ainsi que l'énorme soutien du gouvernement qui nous a aidé à ouvrir ici», a déclaré à Arab News le collectionneur et entrepreneur d'art indien Tushar Jiwarajka, qui a lancé Volte Art Projects de Mumbai à Dubaï en septembre 2021.
«Dubaï offre une toile relativement vierge en termes de paysage culturel – c'est l'un des rares endroits au monde où l'on peut réellement contribuer à façonner le paysage culturel», a soutenu Jiwarajka.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Amin Maalouf apporte un soutien inattendu aux langues régionales

Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
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  • Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs,
  • Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale.

PARIS : Une initiative d'un collectif visant à enseigner le patrimoine littéraire dans les langues régionales de France a reçu lundi  un soutien inattendu : celui du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Amin Maalouf.

M. Maalouf, écrivain franco-libanais, a été élu en 2023 à la tête d'une institution dont la mission est de veiller au rayonnement et à l'intégrité de la langue française.

Toutefois, il soutient la démarche du Collectif pour les littératures en langues régionales, qui suggère un enseignement de ce type au collège ou au lycée, a indiqué ce collectif à l'AFP.

Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs, afin de sensibiliser à la « richesse de la production littéraire » dans d'autres langues que le français. 

« M. Maalouf, comme nous, est convaincu qu'il est nécessaire que les élèves français découvrent ces trésors culturels », écrit ce collectif à M. Bayrou, qui parle lui-même le béarnais.

Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale (de l'alsacien au tahitien, en passant par le basque ou le corse), traduits en français.

On y trouve entre autres un poème en provençal de Frédéric Mistral (prix Nobel de littérature en 1904) intitulé Mirèio, une chronique en breton de Pierre-Jakez Hélias intitulée Bugale ar Republik, un court récit en créole martiniquais de Raphaël Confiant intitulé Bitako-a, ainsi qu'une chanson en picard d'Alexandre Desrousseaux intitulée Canchon dormoire (plus connue sous le nom de P'tit Quinquin).

« Il ne s'agit pas de donner des cours de langues régionales, mais de présenter des œuvres issues des littératures en langues régionales, que ce soit en français ou en version bilingue », précise le collectif.

Idéalement, selon lui, les élèves aborderaient des langues issues d'autres régions que la leur. « Pourquoi seuls les élèves antillais apprendraient-ils qu'il existe une littérature en créole ? », demande ce collectif, qui présente son initiative à la presse lors d'une visioconférence lundi après-midi. 


L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle

L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
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  • Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif.
  • « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018.

RIYAD : Ce mois-ci, l'artiste saoudienne Ahaad Alamoudi fait monter la température au Basel Social Club qui se tient jusqu'au 21 juin dans la ville suisse avec sa dernière installation, « The Social Health Club ». 

Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif. Elle marque également une première pour l'artiste avec un élément de performance en direct.

Basée à Djeddah, Alamoudi est connue pour créer des installations multimédias immersives s'inspirant de la dynamique complexe de son pays natal en pleine évolution. « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018, notamment divers équipements de sport, dont un rameur.

« Ce sont des pièces que j'ai chinées dans des brocantes. J'aime le fait qu'aucune instruction n'accompagne ces machines : je ne connais ni leur nom, ni leur provenance, ni leur fabricant. Mais elles font désormais partie du paysage urbain dans lequel j'évolue. J'ai essayé de créer un espace ludique », a-t-elle déclaré à Arab News. 

Dans « The Social Health Club », les équipements, peints principalement dans un jaune vif et saturé, restent intacts, symbolisant une culture obsédée par l'auto-optimisation. Au cœur de l'installation se trouve un caméo représentant un fer à repasser peint en jaune, déjà présent dans son œuvre vidéo de 2020 intitulée « Makwah Man » (Makwah signifie « fer à repasser » en arabe).

« Beaucoup de mes œuvres sont issues d'un récit que je crée dans une vidéo. Dans « Makwah Man », cet homme vêtu d'une thobe jaune repasse un long morceau de tissu jaune au milieu du désert. Et pendant qu'il repasse, il nous dit comment vivre notre vie. Mais en nous disant comment vivre notre vie, il commence aussi à remettre en question la sienne, à comprendre le rôle du pouvoir, à prendre conscience de la pression du changement et de l'adaptation », explique Alamoudi. 

« Le jaune est présent dans la vidéo, mais l'artiste porte également une thobe jaune. Il y a aussi, dans cette version présentée à Art Basel, un portant de thobes jaunes qui tournent dans l'exposition. Pour moi, la thobe jaune est un symbole unificateur. J'essaie de dire que nous vivons tous cela différemment. Ainsi, dans la performance (pour « The Social Health Club »), un culturiste local vêtu d'une thobe jaune fera des exercices sur ces machines. Il n'a pas de règles à suivre. Il ne connaît rien, ne sait pas comment utiliser « correctement » l'équipement. Il entrera dans l'espace et utilisera les machines comme il le pourra.

« La performance sera enregistrée. Mais je pense que c'est plutôt une activation », a-t-elle poursuivi. « Ce n'est pas l'œuvre elle-même. L'œuvre existe sous la forme des machines. 

« Le Social Health Club » a été créé en étroite collaboration avec la conservatrice Amal Khalaf. Ensemble, ils se sont rendus à Djeddah où Alamoudi a pu découvrir avec elle des « machines un peu inhabituelles, différentes des machines classiques que l'on trouve dans les salles de sport et dont tout le monde connaît immédiatement l'utilité », explique Alamoudi.

« Elle est vraiment incroyable », a-t-elle poursuivi. « Nous avons vraiment construit cet espace ensemble. En gros, j'ai principalement créé la vidéo ; tout le reste a été construit à partir de là. Elle m'a beaucoup aidée. Elle s'est vraiment intéressée aux changements sociaux et à la manière dont nous les abordons. Notre collaboration a été parfaite. »

Le jaune domine chaque centimètre carré de l'œuvre, de manière délibérée et intense. 

« Je suis obsédé par les symboles dans certaines de mes œuvres. Et cela s'accompagne également d'une couleur », explique Alamoudi. « Je voulais mettre en valeur quelque chose de luxueux, de coloré, presque comme de l'or, mais qui n'est pas de l'or. Son apparence est assez austère. » 

Le jaune est à la fois une invitation et un avertissement. « Je pense que le jaune est également assez trompeur. J'aime cette couleur qui incite les gens à s'approcher pour voir ce qui se passe, mais qui les amène en même temps à se demander ce que c'est  elle est si agressive qu'elle en devient un peu inconfortable. »

L'interaction du spectateur est essentielle à la signification de l'œuvre. 

« Je pense que les machines représentent quelque chose et qu'elles véhiculent quelque chose, mais elles sont en réalité activées par les gens, par ce que les gens font avec elles », explique Alamoudi. « C'est pourquoi j'encourage beaucoup de spectateurs à interagir avec les œuvres, à les utiliser ou à essayer de les utiliser sans aucune instruction. Beaucoup de personnes qui entrent dans l'espace peuvent avoir peur de les toucher ou d'interagir avec elles. La présence de l'artiste qui active les structures ajoute une autre dimension à l'œuvre elle-même. »

Elle espère que les visiteurs se sentiront libres d'explorer les œuvres, sans être encombrés par des attentes.

« Les gens sont censés les utiliser à leur guise. Ils peuvent s'asseoir dessus, se tenir debout dessus, les toucher — ils peuvent aussi les laisser tranquilles », conclut-elle en riant. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com