Les sanctions contre Ankara se dessinent avant le sommet de l'UE

Recep Tayyip Erdogan et Ersin Tatar lors d'un événement marquant le 37e anniversaire de la déclaration d'indépendance de la République turque de Chypre du Nord, nord de Nicosie, Chypre, 15 novembre 2020 (Reuters)
Recep Tayyip Erdogan et Ersin Tatar lors d'un événement marquant le 37e anniversaire de la déclaration d'indépendance de la République turque de Chypre du Nord, nord de Nicosie, Chypre, 15 novembre 2020 (Reuters)
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Publié le Samedi 21 novembre 2020

Les sanctions contre Ankara se dessinent avant le sommet de l'UE

  • Il est peu probable que Bruxelles recule devant sa menace d’imposer des restrictions à la Turquie
  • Erdogan a appelé à une solution à «deux États» à Chypre

ANKARA: La Turquie fait de nouveau face à une menace de sanctions de la part de l'UE pour ses activités de forage controversées en Méditerranée orientale après que les leaders européens se sont alignés en vue de condamner les «provocations» d'Ankara dans la région.

La dernière salve de critiques intervient avant un sommet de l'UE prévu en décembre, au moment où Bruxelles discutera des mesures punitives contre la Turquie pour son exploration de gaz naturel dans des eaux contestées.

Les déclarations des leaders européens, dont la chancelière allemande Angela Merkel, montrent que Bruxelles ne devrait pas reculer devant sa menace d’imposer des restrictions suite à l’acharnement de la Turquie à effectuer des forages dans les zones contestées.

«Les choses ne se sont pas améliorées comme nous l'aurions souhaité», a déclaré Merkel à l'issue d'une réunion avec les leaders de l'UE jeudi soir.

Plus tôt dans la journée, le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas a affirmé que l'UE pourrait envisager d'imposer des sanctions contre la Turquie en décembre si Ankara ne parvient pas à mettre un terme à ses «provocations» dans la région.

«Si nous ne voyons aucun geste positif de la part de la Turquie d’ici décembre, rien que de nouvelles provocations telles que la visite du président turc Recep Tayyip Erdogan dans le nord de Chypre, alors nous nous dirigeons certes vers un débat difficile», a-t-il déclaré.

Dans le même jour, le chef de la politique étrangère de l'UE, Josep Borrell, a également averti Ankara qu'elle « ne fait qu’élargir son écart de l'UE», ajoutant que le bloc «est à l’approche d'un moment décisif dans nos relations avec la Turquie».

Le sommet des leaders européens aura lieu les 10 et 11 décembre prochain à Bruxelles.

Les récentes déclarations de la Turquie concernant Chypre ont également été critiquées par l’UE comme étant contraires aux résolutions de l’ONU.

Lors d'une visite plus tôt cette semaine critiquée par le gouvernement chypriote et décrite comme «provocatrice et illégale», Erdogan a appelé à une solution à «deux États» à Chypre.

Les experts estiment que Bruxelles est susceptible d'introduire des sanctions spécifiques, y compris l'interdiction d'entrée dans les ports européens à certaines personnes et entreprises turques.

Cependant, Charles Ellinas, analyste énergétique chypriote et chercheur principal au Centre mondial de l'énergie au Conseil de l'Atlantique, a déclaré que des sanctions européennes limitées ne décourageront probablement pas Erdogan.

Selon Ellinas, le dirigeant turc poursuit un programme agressif en Méditerranée orientale pour renforcer son soutien interne.

«Avec la détérioration de l'économie, la pandémie et la démission surprise de son gendre et ministre des Finances Berat Albayrak, il tente, à tout prix, de détourner l'opinion publique», a déclaré Ellinas à Arab News.

La France, l'Autriche et la Grèce poussent l'UE à prendre des mesures sévères, notamment la suspension de l'union douanière avec la Turquie.

Cependant, Ellinas a avoué que Bruxelles ne devrait certainement pas imposer des mesures plus sévères.

«Nous devrons attendre de voir ce que fera Biden une fois qu'il prendra les règnes de la maison blanche. L'influence d'Erdogan sur Trump ne l'aidera surement pas cette fois-ci », a-t-il ajouté.

La nouvelle administration américaine dirigée par Joe Biden devrait se concentrer sur la Méditerranée orientale - un point d'inflammabilité potentielle dans les relations américano-turques.

Madalina Sisu Vicari, experte indépendante en géopolitique énergétique, a déclaré que les relations entre l'UE et la Turquie deviendraient apparemment «plus agressive et tendues».

Elle a aussi révélé que la Turquie serait réticente à entamer des négociations avec l'UE si des sanctions sont introduites, car cela serait considéré comme une renonciation.

«La meilleure option est d'éviter les faux pas qui conduiraient, sans faute, à une escalade de tensions et ainsi à une accélération imminente de sanctions», a-t-elle déclaré.

La Turquie n'a encore pas renouvelé le Navtex (système d'information maritime automatique en radio télétype) pour les activités de recherche sismique de son navire d'étude Oruc Reis en Méditerranée orientale depuis le 14 novembre.

Gabriel Mitchell, chercheur politique au Mitvim, l’institut israélien pour les politiques étrangères régionales, a déclaré que des sanctions «appropriées» viseraient sûrement l'industrie énergétique turque, les ports et le transport maritime.

«La question sera de savoir si les industries concernées peuvent dissuader Erdogan. Avec les changements au ministère des Finances et les commentaires sur un possible réamorçage avec les États-Unis, il est prévisible que la Turquie se dirige vers des négociations, mais il ne faudrait pas négliger la possibilité pour Ankara de jouer le jeu de l’instrumentalisation politique dans un but de diaboliser l'UE» a-t-il déclaré à Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Liban: le chef de l'Etat demande à l'armée de «s'opposer à toute incursion israélienne»

Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit. (AFP)
Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit. (AFP)
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  • Dans un communiqué, le chef de l'Etat a condamné cette opération et "demandé à l'armée de faire face à toute incursion israélienne (...) pour défendre le territoire libanais et la sécurité des citoyens"
  • Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière"

BERYROUTH: Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit.

Dans un communiqué, le chef de l'Etat a condamné cette opération et "demandé à l'armée de faire face à toute incursion israélienne (...) pour défendre le territoire libanais et la sécurité des citoyens".

Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière".

Cette unité "a investi le bâtiment de la municipalité du village, où dormait Ibrahim Salamé, un employé municipal, qui a été tué par les soldats de l'ennemi", a ajouté l'Ani.

Le ministère de la Santé a confirmé la mort de l'employé municipal.

Des villageois cités par l'Ani ont indiqué que l'incursion avait duré plusieurs heures et que les forces israéliennes s'étaient retirées à l'aube.

Sur X, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a dénoncé "une agression flagrante contre les institutions de l'Etat libanais et sa souveraineté".


Liban: incursion israélienne dans un village frontalier, un employé municipal tué

Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien. (AFP)
Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien. (AFP)
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  • En vertu d'un cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël, ce pays a retiré ses troupes du sud du Liban mais continue d'occuper cinq points sur le territoire libanais, frontalier du nord d'Israël
  • Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière"

BEYROUTH: Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien.

En vertu d'un cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël, ce pays a retiré ses troupes du sud du Liban mais continue d'occuper cinq points sur le territoire libanais, frontalier du nord d'Israël.

Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière".

Cette unité "a investi le bâtiment de la municipalité du village, où dormait Ibrahim Salamé, un employé municipal, qui a été tué par les soldats de l'ennemi", a ajouté l'Ani.

Le ministère de la Santé a confirmé la mort de l'employé municipal.

Des villageois cités par l'Ani ont indiqué que l'incursion avait duré plusieurs heures et que les forces israéliennes s'étaient retirées à l'aube.

Sur X, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a dénoncé "une agression flagrante contre les institutions de l'Etat libanais et sa souveraineté".

L'armée israélienne a confirmé avoir mené cette incursion, affirmant qu'elle intervenait dans le cadre de ses "activités visant à détruire une infrastructure terroriste" du Hezbollah.

Elle a ajouté que l'unité avait "repéré un suspect à l'intérieur du bâtiment" de la municipalité et ouvert le feu après avoir identifié "une menace directe" sur les soldats.

L'incident "fait l'objet d'une enquête", selon l'armée.

Dans un autre village frontalier, Adaissé, une unité israélienne a dynamité un bâtiment servant à abriter des cérémonies religieuses, selon l'Ani.

Ces derniers jours, l'aviation israélienne a intensifié ses frappes au Liban, affirmant viser des membres ou des infrastructures du Hezbollah.

Mardi, le porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, Jeremy Laurence, a indiqué que 111 civils avaient été tués au Liban par les forces israéliennes depuis la fin de la guerre.

Le Hezbollah est sorti très affaibli du conflit et les Etats-Unis exercent une intense pression sur le gouvernement libanais pour qu'il livre ses armes à l'armée nationale, ce qu'il refuse jusqu'à présent.

Le mécanisme de surveillance du cessez-le-feu, qui regroupe outre le Liban et Israël, les Etats-Unis, la France et l'ONU, s'est réuni mercredi dans la localité frontalière de Naqoura, qui abrite le quartier général des forces de l'ONU.

L'émissaire américaine Morgan Ortagus a déclaré au cours de la réunion que "l'armée libanaise doit à présent exécuter entièrement son plan" visant à "placer toutes les armes sous le contrôle de l'Etat d'ici la fin de l'année".


Soudan: l'ONU appelle à mettre un terme au siège d'El-Facher après une tuerie dans une maternité

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  • Le chef des paramilitaires soudanais Mohamed Daglo a reconnu mercredi soir une "catastrophe" dans la ville, assurant: "La guerre nous a été imposée"
  • Antonio Guterres s'est dit "gravement préoccupé par l'escalade militaire récente" à El-Facher, appelant à "mettre un terme immédiatement au siège et aux hostilités"

PORT-SOUDAN: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé jeudi à mettre un terme à l'"escalade militaire" au Soudan, après le meurtre de plus de 460 personnes dans une maternité à El-Facher, ville clé prise par les forces paramilitaires.

Les informations se multiplient sur des exactions massives depuis que les Forces de soutien rapide (FSR, paramilitaires) ont pris dimanche, après 18 mois de siège, cette dernière grande ville qui échappait à leur contrôle dans la vaste région du Darfour, où "les massacres continuent" selon des images satellite analysées par le Humanitarian Research Lab (HRL) de l'université Yale.

Le chef des paramilitaires soudanais Mohamed Daglo a reconnu mercredi soir une "catastrophe" dans la ville, assurant: "La guerre nous a été imposée".

Antonio Guterres s'est dit "gravement préoccupé par l'escalade militaire récente" à El-Facher, appelant à "mettre un terme immédiatement au siège et aux hostilités".

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'est dite "consternée par les informations faisant état du meurtre tragique de plus de 460 patients et accompagnateurs à la maternité saoudienne d'El-Facher". Selon l'institution, cette maternité était le seul hôpital encore partiellement opérationnel dans la ville.

Après la prise d'El-Facher à leurs rivaux, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, les FSR contrôlent désormais l'ensemble du Darfour, vaste région de l'ouest du Soudan couvrant le tiers du pays.

Les communications satellite restent coupées -sauf pour les FSR qui contrôlent le réseau Starlink-, les accès d'El-Facher restent bloqués malgré les appels à ouvrir des corridors humanitaires. Dans ce contexte, il est extrêmement compliqué de joindre des sources locales indépendantes.

Maîtres du Darfour 

"Plus de 2.000 civils ont été tués au cours de l'invasion de la milice (des FSR) à El-Facher, ciblant les mosquées et les volontaires du Croissant-Rouge", a pour sa part affirmé Mona Nour Al-Daem, chargée de l'aide humanitaire au gouvernement pro-armée.

A El-Facher, le comité de résistance local, qui documente les exactions depuis le début du conflit, a rapporté mercredi soir avoir entendu des tirs dans l'ouest de la ville, "où quelques soldats restants combattent avec (...) ténacité".

Depuis dimanche, plus de 36.000 personnes ont fui les violences, majoritairement vers la périphérie d'El-Facher et vers Tawila, cité située à 70 km plus à l'ouest et qui était déjà la plus importante zone d'accueil du Soudan, selon l'ONU, avec plus de 650.000 déplacés.

De rares images de l'AFP en provenance de Tawila montrent des déplacés portant leurs affaires sur leur dos ou sur leur tête. Certains montent des tentes, d'autres, parfois blessés, sont assis dans des conditions précaires.

Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a alerté sur le "risque croissant d'atrocités motivées par des considérations ethniques" en rappelant le passé du Darfour, ensanglanté au début des années 2000 par les massacres et les viols des milices arabes Janjawid, dont sont issues les FSR, contre les tribus locales Massalit, Four ou Zaghawa.

"Unité" 

Les FSR, qui ont installé au Darfour une administration parallèle, contrôlent désormais l'ouest du Soudan et certaines parties du sud, avec leurs alliés. L'armée contrôle le nord, l'est et le centre du troisième plus vaste pays d'Afrique, ravagé par plus de deux ans de guerre.

Des experts craignent une nouvelle partition du Soudan, après l'indépendance du Soudan du Sud en 2011. Mais le chef des FSR a affirmé mercredi que la prise complète du Darfour par ses forces favoriserait "l'unité" du pays.

"La libération d'El-Facher est une opportunité pour l'unité du Soudan et nous disons : l'unité du Soudan par la paix ou par la guerre", a déclaré M. Daglo mercredi.

Les pourparlers menés depuis plusieurs mois par le groupe dit du "Quad", qui réunit les Etats-Unis, l'Egypte, les Emirats arabes Unis et l'Arabie saoudite, sont restés dans l'impasse, selon un responsable proche des négociations.

Leurs propositions de trêve se heurtent, selon lui, "à l'obstructionnisme continu" du pouvoir de M. Burhane, qui a refusé en septembre une proposition prévoyant à la fois son exclusion et celle des FSR de la transition politique post-conflit.