Macron à l’épreuve des grèves dures!

Pour Emmanuel Macron, ce qui se passera dans la rue ne sera qu’un élément d’évaluation parmi d’autres. Son gouvernement aura à gérer une bataille parlementaire des plus sensibles. (AFP).
Pour Emmanuel Macron, ce qui se passera dans la rue ne sera qu’un élément d’évaluation parmi d’autres. Son gouvernement aura à gérer une bataille parlementaire des plus sensibles. (AFP).
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Publié le Mercredi 18 janvier 2023

Macron à l’épreuve des grèves dures!

Macron à l’épreuve des grèves dures!
  • Ironie et danger du calendrier, Emmanuel Macron a dégoupillé sa réforme sur les retraites dans un contexte social déjà explosif
  • Il paraît clair aujourd’hui que l’avenir de la réforme des retraites si chère au président français se trouve actuellement entre les mains des Républicains

Reportée à de multiples reprises sous des prétextes divers et variés, la réforme du système des retraites proposée par Emmanuel Macron a enfin été dévoilée par sa Première ministre, Elisabeth Borne. Il s’est ensuivi un énorme travail d’explication de tout ce que compte la «Macronie» de communicateurs et de pédagogues.

Sans grand succès pour le moment. Car les partis de l’opposition et les centrales syndicales sont vent debout contre cette réforme qu’ils considèrent à la fois comme anachronique et injuste. Entre le gouvernement et l’opposition politique et syndicale, l’heure est à l’escalade verbale et à l’exhibition des forces et des défis.

Les partis politiques et les syndicats misent sur l’électrochoc qu’une telle réforme pourrait provoquer dans le pays, obligeant des Français à descendre par millions dans la rue, comme ils l’ont déjà fait dans les années 1990, quand des réformes structurelles touchant le monde du travail ou de l’éducation avaient été proposées. Sous la pression de la rue, les gouvernements de gauche comme de droite avaient dû reculer, donnant le spectacle d’une puissance syndicale et populaire indépassable.

Si l’opposition arrive à mobiliser lourdement dans la rue et sur la durée, le gouvernement pourrait à terme être contraint de retirer son projet ou du moins de l’expurger de ses mesures les plus contestables.

De son côté, le gouvernement mise sur une probable impopularité de ces mouvements de contestation, qui feraient descendre dans la rue beaucoup moins de Français que ce dont rêvent les syndicats aujourd’hui.

Ironie et danger du calendrier, Emmanuel Macron a dégoupillé sa réforme sur les retraites dans un contexte social déjà explosif. La hausse des prix et la perte manifeste de pouvoir d’achat poussent  déjà les Français à exprimer leurs mécontentement dans la rue. L’éventuel retour du phénomène des Gilets jaunes, qui avait déjà pourri le premier mandat de Macron, est un signal supplémentaire d’une grande tension au sein de la société française, dont l’humeur est actuellement gonflée à bloc en raison de nombreuses frustrations sociales.

La grève dure est au cœur de ce bras de fer. Si l’opposition arrive à mobiliser lourdement dans la rue et sur la durée, le gouvernement pourrait à terme être contraint de retirer son projet ou du moins de l’expurger de ses mesures les plus contestables.

Mais pour Emmanuel Macron, ce qui se passera dans la rue ne sera qu’un élément d’évaluation parmi d’autres. Son gouvernement aura à gérer une bataille parlementaire des plus sensibles. Recourir au fameux article 49.3 pour faire adopter cette réforme par le Parlement ne ferait que jeter de l’huile bouillante sur le feu de la contestation sociale.

Pour éviter de se retrouver face à un tel dilemme, Emmanuel Macron compte beaucoup sur la capacité de son gouvernement à convaincre les députés du parti Les Républicains de voter cette réforme. Le président disposerait ainsi de la fameuse majorité absolue qui lui fait tant défaut depuis les dernières élections législatives.

La réforme du système des retraites est le premier chantier qui pourrait acter ce rapprochement entre Macron et les Républicains.

Emmanuel Macron a des raisons d’être optimiste à ce sujet. Les nombreux signaux en provenance des Républicains montrent une disponibilité de ce parti à constituer une force d’appoint au gouvernement à l’Assemblée nationale.

Il faut dire que l’Élysée craignait que l’élection du très droitier Éric Ciotti à la tête des Républicains ne complique le rapprochement entre la majorité présidentielle et la droite républicaine. Éric Ciotti était davantage pressenti comme favorable à une recherche d’alliance avec les partis d’extrême droite, comme le Rassemblement national ou Reconquête, d’Éric Zemmour, plutôt qu’à une lune de miel politique avec Emmanuel Macron.

Pour les Républicains, le risque est grand de voir s’agrandir les fissures entre ceux qui voudraient amarrer leur parti à Emmanuel Macron et rejoindre sa majorité, et ceux qui rêvent de constituer une alliance des droites pour préparer demain l’alternative à l’actuel président de la République, empêché par la Constitution d’envisager un troisième mandat.

La réforme du système des retraites est le premier chantier qui pourrait acter ce rapprochement entre Macron et les Républicains. Il paraît clair aujourd’hui que l’avenir de cette réforme si chère au président français se trouve actuellement entre les mains des Républicains. Si le parti lui accorde sa bienveillance, l’habillage démocratique de son adoption sera sauf, et ce, quelle que soit l’ampleur des manifestations de rue qui vont la dénoncer.

 

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

TWITTER: @tossamus

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.