L'«économie de guerre», un chantier de longue haleine

Le président français Emmanuel Macron salue des soldats lors de sa visite à la base aérienne de Mont-de-Marsan, dans le sud-ouest de la France, le 20 janvier 2023 (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron salue des soldats lors de sa visite à la base aérienne de Mont-de-Marsan, dans le sud-ouest de la France, le 20 janvier 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 21 janvier 2023

L'«économie de guerre», un chantier de longue haleine

  • Le conflit en Ukraine a mis en lumière des faiblesses de la France, qui se veut avoir un "modèle d'armée complet"
  • L'industrie d'armement doit, selon le président, «faire autrement, raccourcir drastiquement les cycles de production, ne pas céder à la sur-sophistication»

PARIS: Le passage à une "économie de guerre" annoncé au printemps par Emmanuel Macron doit permettre à l'industrie de défense de monter rapidement en puissance face au spectre d'un conflit majeur, mais ce chantier peine à se matérialiser.

En contrepartie de l'augmentation de plus d'un tiers du budget de la future loi de programmation militaire (LPM) --400 milliards d'euros entre 2024 et 2030-- annoncée vendredi, le président de la République a appelé les armées et industriels à "faire beaucoup plus vite, beaucoup mieux, parfois à moindre coût" dans la fourniture d'équipements militaires.

Le conflit en Ukraine a mis en lumière des faiblesses de la France, qui se veut avoir un "modèle d'armée complet" mais calculé au plus juste, particulièrement en ce qui concerne les stocks de munitions ou la défense sol-air.

L'industrie d'armement dont la capacité de production est taillée pour les besoins limités des 30 dernières années malgré ses 200 000 salariés, doit, selon le président, "faire autrement, raccourcir drastiquement les cycles de production, ne pas céder à la sur-sophistication".

"La consommation des munitions et l'attrition du matériel au combat impose de produire et de livrer vite", souligne-t-on au ministère des Armées, où les réunions avec les industriels s'enchaînent pour identifier les leviers.

L'objectif est par exemple de ramener le délai de production d’un canon Caesar, tel que ceux fournis à l'armée ukrainienne, de 24 à 12 mois et celui des obus qu'il tire de 9 à 3 mois.

Pour les armées, il s'agit notamment de réduire de 20% la paperasse demandée dans les programmes d'armement, qui doivent être davantage standardisés pour limiter les coûts. L'Etat envisage également un mécanisme donnant la priorité aux commandes de défense par rapport à celles du monde civil.

Les industriels doivent pouvoir de leur côté rapidement faire monter en cadence leur production. Problème, pour cela "il faut un certain temps", selon Eric Béranger, PDG du fabricant de missiles MBDA.

"La meilleure solution serait de stocker des missiles pour être capable d’attendre le moment où l’on atteint la bonne cadence. C’est cher. L’alternative, c'est de faire des stocks de matières premières, de composants pour fabriquer plus rapidement", expliquait-il cet automne lors d'une conférence de l'IFRI.

Marges «relativement limitées» 

"Qui paye" ces stocks? s'interroge un autre industriel.

"Pour pouvoir accélérer la cadence, les industriels ont besoin de commandes, or on ne leur a pas parlé de budgets, de financement de stocks stratégiques", regrette Cédric Perrin, vice-président LR de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, qui dénonce un "coup de com'".

Avant d'engager des investissements, les industriels réclament de la visibilité. Pour y répondre, le gouvernement envisage de créer un dispositif de précommandes, garantissant  à l'industriel une commande future pour lui permettre d'être plus réactif.

Il faut également identifier les potentiels "goulets d'étranglement" qui ralentiraient la production. Selon le ministère des Armées, environ 200 entreprises, souvent des PME, sur les 4 000 de l'industrie de défense française, "ne seraient pas en mesure d'augmenter leur cadence".

"On doit savoir si c'est à cause d'un manque de machines, de ressources humaines limitées, de stocks insuffisants", confie-t-on au ministère.

Une piste pour augmenter les effectifs si nécessaire, alors que de nombreux industriels font état de difficultés à embaucher, serait de faire revenir dans l'entreprise les gens l'ayant quittée récemment ou d'instituer une réserve de personnels aux compétences précieuses à l'industrie de défense.

Pour accélérer les cadences, "des marges de manoeuvre ont été identifiées à court terme mais il faut reconnaître qu'elles sont relativement limitées", convient Guillaume Faury, président du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) et d'Airbus, mais "il y a beaucoup de possibilités à plus long terme".

L'expression même d'économie de guerre est excessive, jugent aussi certains, comme le consultant international Marc Chassillan.

"Sur le plan industriel, si aujourd’hui on est au niveau 1 de l’échelle, le niveau 2 serait une base industrielle capable de satisfaire les besoins déployés dans les années 1960-70, le niveau 3 serait le plan de réarmement de 1936 et le niveau 4 la véritable économie de guerre, celle de 1915-1918", analyse-t-il.

"Avec la LPM qui se prépare, on va se situer bien au-dessous du niveau 2", selon lui.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".