Le gouvernement va créer un "délit d'écocide" pour punir les atteintes à l'environnement

Le ministre français de la Justice, Eric Dupond-Moretti, quitte le pays après avoir assisté au conseil de cabinet hebdomadaire au Palais de l'Elysée à Paris. (Ludovic MARIN / AFP)
Le ministre français de la Justice, Eric Dupond-Moretti, quitte le pays après avoir assisté au conseil de cabinet hebdomadaire au Palais de l'Elysée à Paris. (Ludovic MARIN / AFP)
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Publié le Dimanche 22 novembre 2020

Le gouvernement va créer un "délit d'écocide" pour punir les atteintes à l'environnement

  • Dans une interview conjointe au JDD, le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti et la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili détaillent ce nouveau "délit"
  • "A l'enthousiasme citoyen qui s'est exprimé doit succéder une traduction juridique dans le code pénal", justifie le garde des Sceaux

PARIS: Un "délit d'écocide" visant à sanctionner les atteintes graves à l'environnement, dérivé d'une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, va être créé, mais diverses voix dans la mouvance écologique regrettent que le "crime d'écocide" n'ait pas été retenu.

Dans une interview conjointe au JDD, le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti et la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili détaillent ce nouveau "délit", alors que les 150 citoyens de la Convention avaient souhaité la définition bien plus forte de "crime".

"A l'enthousiasme citoyen qui s'est exprimé doit succéder une traduction juridique dans le code pénal", justifie le garde des Sceaux, faisant valoir un problème de constitutionnalité à l'égard du mot "crime".

"Nous allons créer un délit général de pollution. Les pénalités seront modulées en fonction de l’intentionnalité de l’auteur. Les peines encourues vont de trois ans à dix ans d’emprisonnement selon qu’on est en présence d’une infraction d’imprudence, d’une violation manifestement délibérée d’une obligation et la plus lourde, d’une infraction intentionnelle", rapporte Eric Dupont-Moretti.

Les amendes iront de 375.000 à 4,5 millions d'euros. "Autrefois vous polluiez, vous gagniez, demain vous polluerez, vous paierez jusqu'à dix fois le bénéfice que vous auriez fait si vous aviez jeté vos déchets dans le fleuve", assure le garde des Sceaux. 

Un deuxième délit de "mise en danger de l'environnement" devrait aussi voir le jour. Les sanctions pourront s'appliquer y compris quand la pollution n'a pas encore eu lieu, a précisé à l'AFP le ministère de la Transition écologique.

"Le texte vise à pénaliser la mise en danger délibérée de l'environnement par des violations délibérées d'une obligation", souligne M. Dupond-Moretti. La peine encourue est d'un an de prison et 100.000 euros d'amende. 

"Bel exercice de communication"

Les deux ministres s'entretiendront virtuellement lundi avec des représentants des 150 citoyens de la Convention pour le climat, alors que les accusations d'un détricotage de leurs proposition se sont multipliées ces dernières semaines.

L'association "Notre Affaire à tous" a précisément regretté cette annonce "avec fracas" par voix de presse avant la réunion, y voyant un "bel exercice de communication auquel le gouvernement est habitué".

La juriste Valérie Cabanes, sa présidente d’honneur, se dit "très déçue": "ce crime contre la sûreté de la planète (...) a été relégué au rang de délit environnemental. Utiliser le terme d’écocide en le vidant de sa substance est un mauvais tour fait aux citoyens". 

Selon l'ONG, "le crime d’écocide ainsi que les limites planétaires (seuils que l'humanité ne doit pas dépasser pour vivre dans un écosystème sûr, NDLR) sont définitivement enterrés au profit d’un délit général d’atteinte aux eaux, aux sols et à l’air qui semblait déjà en cours de discussion au sein du gouvernement".

"Nous serons d’une extrême vigilance. La notion d’écocide ne doit pas être vidée de son contenu si l’on veut qu’elle vienne sanctionner les crimes aujourd’hui commis en toute impunité", a commenté l'eurodéputée écologiste Marie Toussaint, cofondatrice de "Notre affaire à tous".

"La proposition qui sera présentée aux députés est infiniment moins ambitieuse que celle portée par la Convention citoyenne et ne correspond pas aux définitions internationale de l'écocide", a déploré le militant écologiste Cyril Dion sur Twitter. Le réalisateur qui était aussi un des garants de la CCC salue toutefois "une amélioration du droit".

La Convention a été constituée en octobre 2019, à l'initiative du chef de l’État. Elle a regroupé 150 citoyens tirés au sort dans le but de proposer des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle en a proposé 149 à Emmanuel Macron, qui s'est engagé à en reprendre 146. 

Concernant l'écocide, il s'était engagé à porter "ce combat au nom de la France dans des instances multilatérales". Mais sur le plan français, il avait noté que la proposition devait encore être travaillée pour respecter les principes fondamentaux du droit français.


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.