L'Irak fait la chasse aux «contenus décadents» des YouTubeurs et TikTokeurs

Un homme irakien montre un contenu sur une plateforme de médias sociaux le 12 février 2023 dans la capitale Bagdad, avec une photo de la célébrité TikTok Assal Hossam, qui a été emprisonnée par les autorités. (AFP)
Un homme irakien montre un contenu sur une plateforme de médias sociaux le 12 février 2023 dans la capitale Bagdad, avec une photo de la célébrité TikTok Assal Hossam, qui a été emprisonnée par les autorités. (AFP)
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Publié le Jeudi 16 février 2023

L'Irak fait la chasse aux «contenus décadents» des YouTubeurs et TikTokeurs

  • Début février, la jeune femme a été condamnée à six mois de prison. En cause: des vidéos où elle apparaît dans des tenues moulantes, se trémoussant sur de la pop irakienne
  • Suivie par plus de 145.000 personnes sur TikTok, Om Fahad a été l'une des premières à faire les frais de cette nouvelle politique

BAGDAD: Sur les réseaux sociaux, ils publient des vidéos se voulant légères et amusantes, parfois même suggestives. Mais l'Irak fait désormais la chasse aux YouTubeurs et TikTokeurs accusés de partager des "contenus décadents", une campagne liberticide selon certains.

Pour lutter contre ces "contenus décadents" allant "à l'encontre des mœurs et des traditions" d'une société irakienne encore largement conservatrice et patriarcale, le ministère de l'Intérieur a annoncé mi-janvier la création d'un comité spécialisé.

"Ce type de contenu n'est pas moins dangereux que le crime organisé. C'est l'une des causes de la destruction de la famille irakienne et de la société", s'insurge le ministère dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.

Suivie par plus de 145.000 personnes sur TikTok, Om Fahad a été l'une des premières à faire les frais de cette nouvelle politique.

Début février, la jeune femme a été condamnée à six mois de prison. En cause: des vidéos où elle apparaît dans des tenues moulantes, se trémoussant sur de la pop irakienne.

«Terminologie vague»

Quelques jours plus tard, une autre TikTokeuse - sous le pseudonyme d'"Assal Hossam" - écope de deux ans de prison, pour des vidéos dans laquelle elle met en valeur ses formes, parfois vêtue d'un uniforme militaire.

Au total, une dizaine de personnes ont été interpellées pour des "contenus décadents", d'après un responsable du ministère de l'Intérieur, qui souhaite conserver l'anonymat. Via une plateforme mise en place par les autorités, 96.000 signalements ont été envoyés par le grand public, selon la même source.

Six verdicts ont déjà été prononcés dans ces affaires, d'après la justice.

Et à Amarah, dans le sud de l'Irak, un juge d'instruction a récemment entendu quatre petites célébrités des réseaux sociaux, soupçonnées d'"offense aux mœurs publiques et d'attentat à la pudeur", indique un communiqué du Conseil suprême de la magistrature.

Parmi ces accusés, remis en liberté, "Aboud Skeeba" (161.000 abonnés sur TikTok), connu pour des vidéos humoristiques au charabia incompréhensible débité avec un pseudo-accent américain.

Ou encore Hassan al-Chamri, suivi sur l'application chinoise par plus de trois millions de personnes pour ses vidéos où, voile noir sur les cheveux et vêtu d'une djellaba, il se travestit en "Madiha", une Irakienne d'origine modeste et au fort tempérament.

Dans une vidéo publiée après sa libération, il fait son mea culpa, indiquant avoir effacé certaines publications au contenu "offensant". Pour autant, il affirme vouloir continuer à réaliser des vidéos.

Pour poursuivre ces TikTokeurs et YouTubeurs, l'Etat a recours à certains articles du code pénal "à la terminologie vague et élastique, comme les mœurs publiques et l'attentat à la pudeur", déplore Moustafa Saadoun, de l'Observatoire irakien pour les droits de l'Homme.

Des formulations prêtant le flanc à "des interprétations", assure-t-il. Résultat: "quelqu'un qui n'a rien fait de mal risque d'être arrêté."

«Politiciens de pacotille»

Ravagé par des décennies de conflits et des affrontements confessionnels après l'invasion américaine qui renversa Saddam Hussein en 2003, l'Irak a renoué avec un semblant de normalité, malgré l'instabilité politique et des violences sporadiques.

Mais les droits et les libertés personnelles ou publiques - des femmes, de l'opposition politique ou des minorités sexuelles - se heurtent encore au carcan d'une société patriarcale, fortement imprégnée de culture tribale.

S'il ne cautionne pas les contenus produits par les YouTubeurs et TikTokeurs en vogue, M. Saadoun appelle les autorités à "punir plutôt ceux qui publient fake news et discours de haine".

Avec la répression actuelle, il craint que le pouvoir ne soit en train de "prendre le pouls" de la société "avant de passer à une étape plus dangereuse: faire rendre des comptes à tous ceux qui critiquent les institutions de l'Etat et les politiciens".

"Rien à voir avec la liberté d'expression", défendait toutefois récemment le porte-parole du ministère de l'Intérieur Saad Maan. "Ces personnalités égarées ne représentent pas les Irakiens, la femme irakienne, ni la société irakienne", lançait-il sur la chaîne de télévision irakienne Al-Rachid.

Si le commentateur politique Ahmed Ayyash al-Samarraï se dit favorable à la condamnation des influenceurs, il rappelle qu'ils ne sont pas les seuls en tort.

"Depuis 20 ans, tous les jours nous voyons les contenus décadents que nous présentent politiciens de pacotille, barons de la politique, et ceux qui se disent hommes de religion", dénonce-t-il sur Twitter.

Et d'énumérer les griefs à leur encontre: "Conflits sectaires, discriminations racistes, incitation à la violence..."

Le contenu des influenceurs n'est "pas plus décadent que (le contenu) de ceux que j'ai mentionnés".


Le Premier ministre du Qatar juge le cessez-le-feu à Gaza incomplet sans "un retrait total" d'Israël

Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, s'exprime lors de la première journée de la 23e édition du Forum annuel de Doha, à Doha, au Qatar, le 6 décembre 2025. (Reuters)
Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, s'exprime lors de la première journée de la 23e édition du Forum annuel de Doha, à Doha, au Qatar, le 6 décembre 2025. (Reuters)
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  • Le Qatar affirme qu’un cessez-le-feu réel à Gaza ne peut être atteint sans un retrait total des forces israéliennes et le rétablissement de la stabilité dans l’enclave
  • Les médiateurs — Qatar, Turquie, Égypte et États-Unis — travaillent à une seconde phase incluant retrait complet, désarmement du Hamas et déploiement d’une Force internationale de stabilisation (FIS)

DOHA: Le cessez-le-feu dans la bande de Gaza reste incomplet sans un "retrait total" des forces israéliennes du territoire palestinien, a affirmé samedi le premier ministre du Qatar, pays médiateur dans le conflit.

"Nous sommes à un moment critique (...) Nous ne pouvons pas encore considérer qu'il y a un cessez-le-feu, un cessez-le-feu ne peut être complet qu'avec le retrait total des forces israéliennes, (et) un retour de la stabilité à Gaza", a affirmé Cheikh Mohammed ben Abdelrahmane al-Thani, lors d'une conférence à Doha.

Après deux ans de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, les pays médiateurs - Qatar, Etats-Unis et Egypte - ont arraché un accord de cessez-le-feu, entré en vigueur le 10 octobre.

La première phase prévoyait la restitution de tous les otages du 7-Octobre - les vivants comme les morts dont un dernier doit encore être remis à Israël - , en échange de la libération de centaines de prisonniers palestiniens, ainsi qu'un retrait partiel des forces israéliennes de Gaza.

La deuxième étape du plan, qui n'a pas encore été approuvée, prévoit le retrait total de l'armée israélienne, le désarmement du Hamas, la mise en place d'une autorité de transition et le déploiement d'une force internationale de stabilisation (FIS).

"En ce moment, nous (...) le Qatar, la Turquie, l'Égypte, avec les États-Unis, nous nous réunissons pour faire avancer la prochaine phase", a relevé le premier qatari. "Et cette prochaine phase est également temporaire de notre point de vue" dans l'attente d'une "solution durable", a-t-il ajouté.

Des discussions sur la structure de la FIS et les pays qui pourraient y participer sont en cours, a affirmé de son côté le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan.

Mais le premier objectif de cette force doit être "de séparer les Palestiniens des Israéliens", a-t-il souligné. "Cela doit être notre objectif principal. Ensuite, nous pourrons aborder les autres questions en suspens".

Ankara a indiqué qu'elle souhaitait participer à la FIS, mais Israël l'accuse d'être trop proche du Hamas, dont l'attaque sans précédent sur Israël le 7 octobre 2023 a déclenché la guerre à Gaza.

"La seule manière viable de terminer cette guerre est de s'engager sincèrement et fermement dans des pourparlers de paix", a également affirmé M.Fidan.

Egalement présent à Doha, le ministre des Affaires étrangères égyptien, Badr Abdelatty, a rencontré son homologue qatari, en marge de la conférence.

Les deux hommes ont appelé à "la formation rapide de la FIS pour lui permettre de remplir son mandat", a indiqué le ministère égyptien.

Ils ont également "souligné l'importance de poursuivre les efforts visant à mettre en oeuvre l'accord de paix (...) dans toutes ses étapes, à consolider le cessez-le-feu".


Le Liban assure ne pas vouloir de guerre avec Israël, après de premières discussions directes

Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
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  • Le Liban, par la voix du président Joseph Aoun, réaffirme qu’il ne veut pas d’une nouvelle guerre avec Israël et mise sur la diplomatie pour faire cesser les frappes israéliennes dans le sud du pays
  • Le Hezbollah soutient l’approche diplomatique de Beyrouth mais critique l’inclusion d’un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu

BEYROUTH: Le Liban ne veut pas d'une nouvelle guerre avec Israël, a assuré vendredi son président, Joseph Aoun, deux jours après de premières discussions directes, depuis plusieurs décennies, entre des représentants des deux pays.

Le Hezbollah pro-iranien a de son côté assuré soutenir l'approche diplomatique de Beyrouth "pour faire cesser l'agression" israélienne. Mais il a  qualifié d'"erreur" l'inclusion, pour la première fois, d'un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à sa dernière guerre avec Israël.

Alors qu'Israël a multiplié ces dernières semaines ses frappes aériennes au Liban, disant viser le Hezbollah, des responsables civils libanais et israélien ont participé mercredi à une réunion de cet organisme, une rencontre inédite depuis plusieurs décennies entre les deux pays, toujours en état de guerre.

Israël justifie ses frappes en accusant le Hezbollah de se réarmer en violation du cessez-le-feu, ce que le mouvement chiite dément.

Beyrouth pour sa part accuse régulièrement Israël de violer la trêve en poursuivant ses raids et en maintenant une présence militaire dans cinq positions dans le sud du Liban.

Les Libanais "ne veulent pas d'une nouvelle guerre, ils ont assez souffert et il n'y aura pas de retour en arrière", a déclaré M. Aoun à une délégation du Conseil de sécurité de l'ONU en visite dans son pays, selon un communiqué de la présidence.

- "Sous les bombes" -

Auprès de ses interlocuteurs, il "a insisté sur la nécessité de faire pression sur la partie israélienne pour mettre en oeuvre le cessez-le-feu et son retrait" du sud du Liban.

Mettant en avant "l'engagement de la partie libanaise à appliquer les résolutions internationales", il a aussi appelé la communauté internationale à "soutenir l'armée libanaise dans sa mission" de désarmement du Hezbollah.

Beyrouth a choisi "la diplomatie pour faire cesser l'agression israélienne" et "nous soutenons cette approche", a de son côté déclaré le chef du Hezbollah, Naïm Qassem dans une allocution télévisée.

Le groupe invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban pour s'opposer à son désarmement, pour la mise en oeuvre duquel les Etats-Unis et Israël exercent une forte pression sur Beyrouth.

Arrivée de Damas, la délégation des 15 diplomates onusiens doit rencontrer plusieurs responsables libanais vendredi. Elle se rendra samedi dans la région frontalière du sud, accompagnée de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le Liban a qualifié de "positives" les discussions directes avec Israël, mais le pays voisin a de nouveau bombardé le lendemain, jeudi, le sud du Liban, disant viser des infrastructures militaires du Hezbollah.

"Il est inacceptable de négocier sous les bombes", a souligné le président du Parlement Nabih Berri, proche allié du Hezbollah, après avoir rencontré la délégation onusienne.

L'issue de ces pourparlers "dépend principalement de la position d'Israël, qui déterminera si les négociations aboutiront à des résultats concrets ou échoueront", a prévenu M. Aoun.

La commission chargée de superviser le cessez-le-feu tiendra de nouvelles sessions avec la participation de délégués civils libanais et israélien à partir du 19 décembre.


L’Arabie saoudite et ses partenaires régionaux rejettent tout déplacement forcé des Palestiniens de Gaza

Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
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  • Les ministres ont exprimé une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes sur l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens

RIYAD : Les ministres des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, d’Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d’Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens, rapporte l’Agence de presse saoudienne.

Dans une déclaration conjointe, les ministres ont estimé que cette mesure pourrait faciliter le déplacement des Palestiniens de la bande de Gaza vers l’Égypte.

Ils ont fermement rejeté toute tentative de forcer les Palestiniens à quitter leurs terres, soulignant la nécessité d’une pleine application du plan proposé par le président américain Donald Trump, qui prévoyait l’ouverture du passage de Rafah dans les deux sens et garantissait la liberté de circulation sans coercition.

Les ministres ont insisté sur la création de conditions permettant aux Palestiniens de rester sur leurs terres et de participer à la reconstruction de leur pays, dans le cadre d’un plan global visant à restaurer la stabilité et à répondre à la crise humanitaire à Gaza.

Ils ont réitéré leur appréciation pour l’engagement de Trump en faveur de la paix régionale et ont souligné l’importance de la mise en œuvre complète de son plan, sans entrave.

La déclaration a également mis en avant l’urgence d’un cessez-le-feu durable, de la fin des souffrances des civils, de l’accès humanitaire sans restriction à Gaza, ainsi que du lancement d’efforts de relèvement et de reconstruction précoces.

Les ministres ont en outre demandé la mise en place de conditions permettant à l’Autorité palestinienne de reprendre ses responsabilités dans l’enclave.

Les huit pays ont réaffirmé leur volonté de continuer à coordonner leurs actions avec les États-Unis et les partenaires internationaux pour assurer la pleine mise en œuvre de la résolution 2803 du Conseil de sécurité de l’ONU et des autres résolutions pertinentes, en vue d’une paix juste et durable fondée sur le droit international et la solution à deux États, incluant la création d’un État palestinien indépendant selon les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com