Le Brésil est à la recherche d’investisseurs arabes désireux de financer des projets d’infrastructure

Le pays sud-américain est le plus grand exportateur de protéines halal au monde. Des partenariats avec les pays du Golfe pour améliorer les systèmes logistiques du Brésil seraient donc tout à fait naturels. (Photo fournie)
Le pays sud-américain est le plus grand exportateur de protéines halal au monde. Des partenariats avec les pays du Golfe pour améliorer les systèmes logistiques du Brésil seraient donc tout à fait naturels. (Photo fournie)
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Publié le Lundi 27 février 2023

Le Brésil est à la recherche d’investisseurs arabes désireux de financer des projets d’infrastructure

  • Le pays a ouvert la voie aux investissements privés dans le secteur public au cours des trente dernières années
  • Le Brésil dispose actuellement de nombreux agents locaux qui peuvent apporter une fiabilité supplémentaire aux investisseurs internationaux

SÃO PAULO: Avec de nouveaux gouverneurs et un nouveau président, le Brésil devrait devenir un terreau fertile pour les investisseurs internationaux qui souhaitent financer des projets d’infrastructure. Les pays du Golfe sont bien placés pour participer à ce processus.

Actuellement, plusieurs raisons font du Brésil un lieu propice pour les investissements. Non seulement il doit développer de toute urgence ses systèmes logistiques et ses infrastructures de production d’énergie, mais ses autorités ont également appris, au fil du temps, qu’elles doivent favoriser les partenariats public-privé si elles veulent avoir accès aux fonds nécessaires et accélérer le changement.

Lors du Forum économique mondial (WEF) de Davos en janvier, le ministre brésilien des Finances, Fernando Haddad, a rencontré le ministre saoudien de l’Investissement, Khaled al-Falih. Les deux dirigeants ont discuté de partenariats potentiels.

«Ils disposent de fonds d’investissement et ils portent une attention particulière aux appels à partenariats que le gouvernement brésilien, les États et les municipalités vont désormais initier. C’est une situation positive, car cela permettra de dégager un volume important de fonds», a déclaré M. Haddad après la réunion.

Le gouverneur de São Paulo, Tarcisio de Freitas, a également rencontré M. Al-Falih et lui a présenté, ainsi qu’à Bandar Alkhorayef, ministre saoudien de l’Industrie et des Ressources minérales, le portefeuille d’actifs de l’État.

Au cours du forum, le gouverneur s’est également entretenu avec Mansour ben Ebrahim al-Mahmoud, PDG de la Qatar Investment Authority, et Sultan Ahmed ben Soulayem, PDG de la multinationale émiratie de logistique DP World.

Le ministre brésilien des Finances, Fernando Haddad, discute de partenariats potentiels avec le ministre saoudien de l’Investissement, Khalid al-Falih, lors du Forum économique mondial en janvier. (Photo fournie)
Le ministre brésilien des Finances, Fernando Haddad, discute de partenariats potentiels avec le ministre saoudien de l’Investissement, Khalid al-Falih, lors du Forum économique mondial en janvier. (Photo fournie)

Guilherme Schmidt, associé dans le cabinet d’avocats Schmidt Valois Advogados et expert en projets d’infrastructure, déclare à Arab News: «C’est un moment intéressant pour les investissements potentiels étant donné que les premières années de gouvernement offrent généralement de nouvelles possibilités.»

«Heureusement, le Brésil a appris de ses erreurs passées. Il évitera ainsi de les répéter et de faire fuir les investisseurs.»

Le pays a ouvert la voie aux investissements privés dans le secteur public au cours des trente dernières années. Il n’y a désormais plus de risques politiques pour les agents étrangers dans le pays, déclare Armando Castelar, économiste et expert en infrastructure.

«Le gouvernement fédéral ne provoquera pas de perturbations dans ce domaine. La société brésilienne comprend déjà l’importance des investissements privés», confie-t-il à Arab News.

Le Parti des travailleurs du président, Luiz Inacio Lula da Silva, a critiqué dans le passé les politiques de privatisation initiées par l’ancien président, Fernando Henrique Cardoso (1995-2003).

Toutefois, durant les deux premiers mandats de M. Lula (2003-2010) et les administrations de la présidente Dilma Rousseff (2011-2016), le gouvernement brésilien a collaboré étroitement avec le secteur privé.

«Nous ne devrions pas attendre la privatisation des entreprises publiques pendant le mandat de M. Lula, mais nous aurons plusieurs accords de concession. Mme Rousseff, à titre d’exemple, a ouvert des concessions pour les aéroports», précise M. Castelar.

De nombreuses possibilités de partenariat vont émerger dans les énergies renouvelables et le Brésil dispose déjà d’un solide modèle de concession.

Des projets sont développés pour produire des biocarburants, des appels d’offres pour des centrales éoliennes continueront d’être programmés et l’énergie solaire connaîtra une croissance plus importante.

Le Brésil dispose déjà d’un solide modèle de concession dans les énergies renouvelables. (Photo fournie)
Le Brésil dispose déjà d’un solide modèle de concession dans les énergies renouvelables. (Photo fournie)

Mais les attentes sont plus élevées en matière d’infrastructure logistique. Au mois de janvier, le ministre des Transports, Renan Filho, a annoncé qu’il souhaitait augmenter la participation des chemins de fer dans le système logistique brésilien de 20 à 40% d’ici à 2035.

En avril, a-t-il indiqué, le gouvernement programmera la vente aux enchères d’une nouvelle partie de la concession du chemin de fer d’intégration ouest-est dans l’État de Bahia.

Le gouvernement a également l’intention de reprendre le projet Ferrograo, un chemin de fer qui reliera l’État du Mato Grosso, l’épicentre de l’agro-industrie brésilienne, à l’État du Pará, d’où les expéditions pourront atteindre l’Atlantique par l’intermédiaire du fleuve Tapajos.

Les plans du projet ont été suspendus en raison de préoccupations environnementales, mais M. Filho espère que ces obstacles pourront désormais être résolus et il discutera de la question avec la ministre de l’Environnement, Marina Silva.

«Le domaine des transports présente des défis supplémentaires étant donné que concéder des projets au secteur privé est une démarche assez nouvelle. Parfois, il n’existe pas de modèles établis en ce sens au Brésil», soutient Armando Castelar.

Les ports constituent un autre domaine prometteur. M. De Freitas incite le gouvernement fédéral à lui permettre de privatiser le port de Santos – le plus important du pays.

Le chef de cabinet de M. Lula, Rui Costa, semble disposé à débattre de cette possibilité, tandis que le ministre des Ports et Aéroports, Marcio França, rejette l’idée.

M. França estime cependant qu’un certain nombre de services dans les ports, comme le dragage, peuvent être privatisés.

«Le Brésil compte des dizaines de ports qui pourraient potentiellement être modernisés avec l’aide du secteur privé», rapporte Tamer Mansour, secrétaire général de la Chambre de commerce arabo-brésilienne, à Arab News.

«Nous faisons face à de grandes difficultés étant donné que les ports de Santos et de Paranagua ne peuvent plus répondre aux besoins du commerce entre le Brésil et le Moyen-Orient.»

Le pays sud-américain est le plus grand exportateur de protéines halal au monde. Des partenariats avec les pays du Golfe pour améliorer les systèmes logistiques du Brésil seraient donc tout à fait naturels, souligne M. Mansour, ajoutant que le moment était venu pour faire de tels investissements.

Au cours des quatre dernières années, sous l’administration du président, Jair Bolsonaro, le Brésil a renforcé ses liens avec le Golfe.

M. Bolsonaro a rencontré les autorités du Golfe à différentes occasions et il a signé des accords importants. Le Fonds public d’investissement (PIF) d’Arabie saoudite, à titre d’exemple, a annoncé des investissements d’une valeur de dix milliards de dollars (1 dollar = 0,95 euro) dans différentes régions du Brésil après la visite de Jair Bolsonaro dans le Royaume en 2019.

«Je suis encore plus optimiste avec l’administration actuelle», précise Tamer Mansour, ajoutant que M. Lula «était un grand partenaire des nations arabes lors de ses administrations précédentes. Il œuvrera à intensifier les partenariats et les investissements.»

Le gouvernement brésilien est mieux préparé à accroître la transparence de ses projets, en présentant tous les détails nécessaires en temps voulu, déclare-t-il.

«Je pense que les pays arabes sont prêts à investir davantage dans des pays comme le Brésil. Il y a désormais davantage de stabilité et le bon état d’esprit pour travailler sur des partenariats», poursuit M. Mansour.

L’un des exemples de coopération réussis entre les pays du Golfe et le Brésil dans le domaine des infrastructures est la participation du groupe émirati Mubadala Capital au système de métro de Rio de Janeiro.

Le fonds a acquis une partie de la société en charge du métro en 2017 et il en a pris le contrôle total en 2021.

«La société d’investissement arabe a été très professionnelle et elle a fait un excellent travail. Depuis, on a recouru à ses services pour de nombreux autres projets», déclare M. Schmidt, qui a travaillé sur ce dossier, dans un entretien accordé à Arab News.

Parmi les États brésiliens, non seulement São Paulo, mais aussi Paraná, Rio Grande do Sul et Goiás prendront probablement l’initiative et programmeront des projets d’infrastructure financés par le secteur privé, estime M. Castelar. «Ce sont les États qui ont le plus progressé dans la structuration des modèles de partenariat public-privé», ajoute-t-il.

Tamer Mansour affirme que certains gouverneurs ont assisté à l’Expo 2020 à Dubaï et qu’ils ont entamé le dialogue avec les autorités arabes.

«Ils ont été réélus et la structure de leurs administrations demeure inchangée, ce qui peut donner plus de confiance aux investisseurs», note-t-il.

M. Mansour indique que le Brésil dispose actuellement de nombreux agents locaux qui peuvent apporter une fiabilité supplémentaire aux investisseurs internationaux.

«Quand on parle de mégaprojets, on a toujours besoin de partenaires locaux pour participer aux investissements, de manière directe ou indirecte. Le Brésil dispose d’institutions financières solides qui jouent ce rôle», conclut-il.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'aéroport de Riyad presque à l'arrêt en raison de problèmes opérationnels

 L'aéroport international King Khalid à Riyad. Getty
L'aéroport international King Khalid à Riyad. Getty
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  • Les compagnies aériennes publient des déclarations, tandis que des sources indiquent à Arab News que la pluie est à blâmer
  • Dans son propre communiqué, Saudia a déclaré : "Les clients touchés sont contactés par l'intermédiaire de la compagnie aérienne"

RIYAD: Des milliers de passagers voyageant vers et depuis l'aéroport international King Khalid de Riyad ont été laissés en plan alors que les principales compagnies aériennes se sont efforcées de proposer des vols alternatifs suite à une série d'annulations et de retards.

Saudia et flyadeal ont été parmi les compagnies aériennes qui ont rencontré des difficultés, les deux compagnies ayant publié des déclarations attribuant ces problèmes à des problèmes opérationnels temporaires.

Une déclaration de l'aéroport sur son compte officiel X a exhorté les voyageurs à contacter directement les compagnies aériennes avant de se rendre à la plate-forme d'aviation pour vérifier l'état actualisé et l'horaire de leurs vols.

Le communiqué dit ceci : "L'aéroport international King Khalid souhaite vous informer qu'en raison de la concomitance d'un certain nombre de facteurs opérationnels au cours des deux derniers jours - y compris plusieurs vols détournés d'autres aéroports vers l'aéroport international King Khalid, en plus des travaux de maintenance programmés dans le système d'approvisionnement en carburant - cela a eu un impact sur les horaires de certains vols, y compris le retard ou l'annulation d'un certain nombre de vols opérés par certaines compagnies aériennes".

L'aéroport a ajouté que les équipes opérationnelles travaillent "24 heures sur 24 en étroite coordination avec nos partenaires aériens et les parties prenantes concernées pour faire face aux développements et rétablir la régularité opérationnelle dès que possible", tout en prenant toutes les mesures nécessaires pour minimiser l'impact sur l'expérience des passagers.

Des sources aéroportuaires ont déclaré à Arab News que le problème était lié aux fortes pluies qui se sont abattues sur Riyad plus tôt dans la journée de vendredi. De l'eau s'est apparemment infiltrée dans les réservoirs de carburant censés ravitailler les avions à réaction avant leur décollage, et plusieurs compagnies aériennes se sont alors efforcées de reprogrammer les vols des passagers.

Dans son propre communiqué, Saudia a déclaré : "Les clients touchés sont contactés par l'intermédiaire de la compagnie aérienne : "Les clients concernés sont contactés par le biais de divers canaux de communication, et tous les changements de billets sont effectués sans frais supplémentaires.

Arab News a contacté Saudia pour de plus amples informations.

Toujours dans un communiqué publié sur X, flyadeal a déclaré que tous ses passagers touchés par la perturbation "seront informés directement par e-mail et SMS des options de rebooking et d'assistance".


IA: pour la présidente de Microsoft France, il n'y a pas de «bulle»

 "Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs. (AFP)
"Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs. (AFP)
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  • Microsoft propose son propre assistant IA, baptisé Copilot, et contrôle 27% du capital de la start-up OpenAI, le créateur de ChatGPT, chatbot le plus utilisé au monde
  • En France, 40,9% des citoyens en âge de travailler ont adopté l'IA, assure Mme de Bilbao, contre 26,3% aux États-Unis, ce qui place la France à la cinquième place mondiale en termes d'adoption, selon une étude du Microsoft AI Economy Institute

PARIS: "Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs.

Pour certains experts, les investissements colossaux dans l'IA semblent démesurés par rapport aux bénéfices générés, alimentant la peur d'une survalorisation du secteur.

Mais selon Corine de Bilbao, à la tête de la filiale française du géant américain des logiciels depuis 2021, "il y a des signes forts" de solidité comme le fait que cette technologie se diffuse "dans toutes les sphères de la société".

Microsoft propose son propre assistant IA, baptisé Copilot, et contrôle 27% du capital de la start-up OpenAI, le créateur de ChatGPT, chatbot le plus utilisé au monde, dans laquelle Microsoft a investi plus de 13 milliards de dollars.

En France, 40,9% des citoyens en âge de travailler ont adopté l'IA, assure Mme de Bilbao, contre 26,3% aux États-Unis, ce qui place la France à la cinquième place mondiale en termes d'adoption, selon une étude du Microsoft AI Economy Institute.

Un milliard d'agents IA

L'énergéticien français TotalEnergies utilise par exemple Copilot et des agents IA, capables de réaliser des tâches de façon autonome, à travers des cas d'usage "dans la maintenance, les achats, la sécurité", énumère la patronne.

Tandis que l'assureur italien Generali a "adopté massivement l'IA et automatisé plus d'un million d'opérations", ajoute-t-elle.

"Plus d'un milliard d'agents à l'échelle mondiale vont être diffusés dans les entreprises" d'ici 2028, s'enthousiasme Corine de Bilbao, citant une étude IDC pour Microsoft.

L'irruption de l'intelligence artificielle dans les entreprises peut toutefois se traduire par des vagues de licenciements comme chez Amazon, le groupe informatique HP ou encore l'assureur allemand Allianz Partners.

Microsoft France, qui compte près de 2.000 employés, a de son côté supprimé 10% de ses effectifs via un accord collectif de rupture conventionnelle sur la base du volontariat.  -

"C'est lié à la transformation de certains métiers, mais pas à l'IA", assure la dirigeante, ajoutant qu'en parallèle Microsoft est en train de recruter "des profils plus techniques", comme des "ingénieurs solutions", pour s'adapter aux demandes de ses clients.

"L'IA suscite beaucoup de peur", reconnaît Mme de Bilbao."On préfère parler de salariés augmentés" plutôt que d'emplois supprimés, poursuit-elle, beaucoup de tâches considérées comme rébarbatives pouvant être réalisées avec l'assistance de l'intelligence artificielle.

Selon elle, l'enjeu central est surtout celui de la formation des salariés à ces nouveaux outils.

"Nouvelle économie" 

"Il n'y aura pas de déploiement de l'IA s'il n'y a pas de valeur partagée, si l'ensemble des citoyens, des étudiants, des entreprises ne sont pas formés", souligne la patronne.

En France, le géant de Redmond (Etat de Washington) a déjà formé 250.000 personnes à l'IA sur un objectif d'un million d'ici 2027 et veut accompagner 2.500 start-up françaises.

"Un écosystème complet se développe entre les fournisseurs de modèles de langage, les infrastructures, on est en train de créer une nouvelle économie autour de cette IA", déclare Corine de Bilbao.

Microsoft a ainsi annoncé en 2024 un investissement de 4 milliards d'euros en France lors du sommet Choose France pour agrandir ses centres de données dans les régions de Paris et Marseille (sud), et construire un datacenter dans l'est de la France, près de Mulhouse.

"Ca avance très bien", explique-t-elle, sans donner de date à laquelle le centre sera opérationnel. "Cela ne pousse pas comme des champignons, ce sont des projets qui prennent quelques années en général", entre le dépôt de permis, de construction et l'accompagnement.

Pour 2026, le défi sera de passer d'une intelligence artificielle "expérimentale à une IA opérationnelle, qui délivre de la valeur pour les entreprises, à la fois sur leurs revenus, la productivité, et qui les aide à se transformer", conclut-elle.


Mercosur: Paris et Rome contrarient les plans de l'UE, ultimatum de Lula

Cette photographie montre des drapeaux européens flottant devant le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 décembre 2025. (AFP)
Cette photographie montre des drapeaux européens flottant devant le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 décembre 2025. (AFP)
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  • L’Italie rejoint la France pour demander un report de l’accord UE–Mercosur, menaçant la signature espérée par Ursula von der Leyen et ouvrant la voie à une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept
  • Le Brésil met la pression, tandis que les divisions européennes persistent entre défense des agriculteurs et impératif économique face à la concurrence chinoise et américaine

BRUXELLES: L'Italie a rejoint la France mercredi pour réclamer un report de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, ce qui risque d'empêcher Ursula von der Leyen de parapher ce traité en fin de semaine, au grand dam du Brésil.

Une signature dans les prochains jours est "prématurée", a lâché Giorgia Meloni à la veille d'un sommet européen à Bruxelles.

La cheffe du gouvernement italien veut d'abord des garanties "suffisantes" pour le secteur agricole, et se dit "convaincue qu'au début de l'année prochaine, toutes ces conditions seront réunies".

Cette sortie est une douche froide pour la Commission européenne. Bruxelles n'a cessé de marteler ces derniers jours qu'une signature était indispensable avant la fin de l'année, pour la "crédibilité" de l'Union européenne et afin de ne pas contrarier les partenaires latino-américains.

Prudent, l'exécutif européen fait mine d'y croire encore. "Les chefs d'Etat et de gouvernement vont en discuter au sommet européen" ce jeudi, a dit à l'AFP Olof Gill, porte-parole de la Commission.

Au Brésil, le président Lula, qui avait appelé à la responsabilité Emmanuel Macron et Georgia Meloni, a posé une forme d'ultimatum.

"Si on ne le fait pas maintenant, le Brésil ne signera plus l'accord tant que je serai président", a-t-il menacé. "Si jamais ils disent non, nous serons désormais fermes avec eux, parce que nous avons cédé sur tout ce qu'il était possible de céder diplomatiquement".

- "Billet remboursable" -

La prise de position de Rome sur ce dossier est potentiellement décisive.

Avec la France, la Pologne et la Hongrie, l'Italie est en capacité de former une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept, ce qui empêcherait un examen de l'accord durant la semaine.

"Ca risque d'être très chaud", convient un diplomate européen anonymement, alors que l'Allemagne comme l'Espagne insistent pour approuver ce traité de libre-échange le plus vite possible.

Le chancelier allemand, Friedrich Merz, a promis d'exercer une pression "intensive" sur ses partenaires européens mercredi soir et jeudi matin, en appelant à ne pas "chipoter" avec les grands traités commerciaux.

Emmanuel Macron a prévenu que "la France s'opposerait de manière très ferme" à un éventuel "passage en force" de l'Union européenne, a rapporté la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Paris ne considère pas encore comme "acquis" le report de la signature du traité, mais les déclarations de Giorgia Meloni sont la "preuve" que "la France n'est pas seule", a-t-elle ajouté.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, espérait parapher ce traité lors du sommet du Mercosur samedi dans la ville brésilienne de Foz do Iguaçu. Mais elle a besoin au préalable de l'aval d'une majorité qualifiée d'Etats membres à Bruxelles.

"J'espère qu'elle a un billet (d'avion) remboursable", glisse une source diplomatique européenne.

- Manifestation à Bruxelles -

Cet accord commercial avec l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay permettrait à l'UE d'exporter davantage de véhicules, de machines, de vins et de spiritueux, tout en facilitant l'entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, ce qui inquiète les filières concernées.

Les agriculteurs européens ne décolèrent pas et annoncent une dizaine de milliers de manifestants jeudi à Bruxelles contre ce traité.

Pour rassurer la profession, l'UE a ajouté des mesures de sauvegarde: un suivi des produits agricoles sensibles et une promesse d'intervention en cas de déstabilisation du marché.

Un compromis a été trouvé mercredi soir sur ce volet entre des eurodéputés et des représentants des États membres: les garanties pour les agriculteurs y sont supérieures à ce qu'avaient voté les Vingt-Sept en novembre, mais en deçà de la position adoptée par le Parlement européen mardi.

Elles ne devraient toutefois pas suffire à la France. Le bras de fer avec Bruxelles s'inscrit dans un contexte de vaste mobilisation agricole dans l'Hexagone contre la gestion par les autorités de l'épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

Et au sein de l'Union européenne, une série d'États redoutent que Paris ne se contente pas d'un report du Mercosur mais essaye de faire échouer le traité, malgré plus de 25 ans de négociations.

Allemands, Espagnols et Scandinaves comptent quant à eux sur cet accord pour relancer une économie européenne à la peine face à la concurrence chinoise et aux taxes douanières des États-Unis.