Marine Le Pen et le rêve de la force tranquille !

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Publié le Mercredi 01 mars 2023

Marine Le Pen et le rêve de la force tranquille !

Marine Le Pen et le rêve de la force tranquille !
  • Il existe une force politique qui tire un avantage de la crise suscitée par la réforme des retraites et qui tisse en silence une véritable stratégie de conquête de pouvoir; il s’agit du Rassemblement national dirigé par Marine Le Pen
  • Mme Le Pen voit déjà le reste du second mandat d’Emmanuel Macron comme un boulevard qui la mènera droit au palais de l’Élysée

Et si le fantasme politique absolu de Marine Le Pen était d’incarner aujourd’hui cette force tranquille qui manque actuellement au débat politique français en proie à une confrontation, voire à une guérilla aiguë entre le gouvernement et l’opposition sur la crise de la retraite? Dépassée sur sa droite par les amis d’Éric Zemmour et de sa nièce, Marion Maréchal, Marine Le Pen est en train d’affiner une nouvelle image aidée en cela par les opportunités politiques et médiatiques que lui offre son important groupe parlementaire.

En effet, il y a une certaine ironie politique à déceler dans les circonstances politiques françaises actuelles. Alors que le gouvernement d’Emmanuel Macron s’écharpe avec l’opposition politique et syndicale sur la réforme de la retraite, il existe une force politique qui tire un avantage de cette situation et tisse en silence une véritable stratégie de conquête de pouvoir. Il s’agit du Rassemblement national (RN) dirigé par Mme Le Pen.

Les deux acteurs de cette crise, gouvernement et opposition de gauche, sont en train de laisser des plumes dans cet affrontement. Le premier montre une dangereuse rigidité à gérer une affaire aussi cruciale pour les Français qu’est la retraite. Le second détruit progressivement son crédit et son capital sympathie à travers des comportements parfois indignes au sein du Parlement. Les insultes, les excès de langage fusent régulièrement pendant les débats, laissant entrevoir une mauvaise image de ces députés, plus préoccupés par le fait de générer un «bad buzz» (bouche-à-oreille négatif) que par la lutte contre cette réforme de retraite proposée par M. Macron.

Dans le même temps, Marine Le Pen, qui, depuis le départ, a préféré présider l’imposant groupe parlementaire du RN plutôt que de diriger le parti laissé au jeune Jordan Bardella, s’est distinguée par son attitude. Elle affiche calme, modération, incarnant une certaine sagesse. Elle est allée jusqu’à réclamer à l’alliance de gauche, menée par la France insoumise, de retirer ses milliers d’amendements posés avec un esprit manifeste et assumé d’obstruction.

Sans doute involontairement, la gauche a fini par répondre à cette demande de Mme Le Pen, conférant une dimension de pondération au RN. Aussi étrange que cela puisse paraître, Marine Le Pen est apparue aux yeux de l’opinion comme la femme politique qui conserve son sang-froid, quand les députés de la France insoumise provoquent parfois volontairement des pugilats et que le ministre du Travail, Olivier Dussopt, qui porte cette réforme, paraît être au bord de la crise de nerfs.

Mme Le Pen voit déjà le reste du second mandat d’Emmanuel Macron comme un boulevard qui la mènera droit au palais de l’Élysée

Le RN a fait le choix stratégique de ne pas participer aux différentes journées nationales de manifestations contre la réforme de la retraite. Mme Le Pen a préféré centrer son activité politique au sein du Parlement. L’Assemblée nationale lui est sans doute apparue plus apte à valoriser ses discours et ses prises de position que la rue qui semble sous l’emprise de syndicats de gauche comme de droite qui, pour le moment, n’expriment aucune sympathie pour son projet politique.

Parallèlement aux points marqués par Marine Le Pen à l’occasion de cette crise des retraites, cette dernière déploie dans les médias de nombreux porte-parole qui disséminent une nouvelle vision du RN, plus lisse et plus acceptable pour les Français habitués à cataloguer le parti de Mme Le Pen comme excessif et radical.

Dans cette crise qui focalise l’attention des Français au cours du second mandat d’Emmanuel Macron, Marine Le Pen adopte la posture de celle qui en profite pour se tailler une nouvelle réputation et préparer les échéances électorales à venir, notamment celle de l’élection présidentielle de 2027. Même si en temps politique, cette échéance paraît loin, Mme Le Pen profite du grand vide politique pour s’imposer comme une force alternative. Avec ses quatre-vingt-huit députés à l’Assemblée nationale, elle dispose de suffisamment de moyens pour exister et remplir ce vide.

Les communicants de Marine Le Pen font déjà plusieurs constats: la Constitution française empêche M. Macron de prétendre à un troisième mandat; les luttes intestines au sein de la gauche empêchent la naissance d’un leadership crédible et rassembleur et l’état moribond de la droite classique ne lui permet pas pour le moment de présenter un dirigeant capable d’incarner ses espoirs. Mme Le Pen voit déjà le reste du second mandat d’Emmanuel Macron comme un boulevard qui la mènera droit au palais de l’Élysée.

Il y a deux conditions qui pourraient empêcher Marine Le Pen de poursuivre sa trajectoire. La première serait que son équipe commette des erreurs sous la pression et l’euphorie actuelles de l'extrême droite, ce qui rappellerait aux yeux des Français la diabolisation originelle du parti et empêcherait ainsi ses plus grandes ambitions politiques. La seconde serait que les partis de gauche et de droite prennent conscience de la possibilité de son arrivée au pouvoir et qu’ils parviennent d’ici là à construire un vrai leadership capable de lui porter la contradiction et de mener une véritable compétition susceptible de lui barrer le chemin de l’Élysée.

 

 

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

Twitter: @tossamus

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.