Derrière les barreaux, les détenues iraniennes de la prison d'Evin refusent de capituler

Certaines de ses femmes ont été arrêtées bien avant le mouvement de protestation - dont les femmes sont à l'avant-garde - et les manifestations déclenchées par le décès le 16 septembre de Mahsa Amini. (AFP)
Certaines de ses femmes ont été arrêtées bien avant le mouvement de protestation - dont les femmes sont à l'avant-garde - et les manifestations déclenchées par le décès le 16 septembre de Mahsa Amini. (AFP)
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Publié le Jeudi 02 mars 2023

Derrière les barreaux, les détenues iraniennes de la prison d'Evin refusent de capituler

  • Narges Mohammadi, l'une des femmes ayant entonné «Bella ciao», a émergé ces derniers mois comme l'une des prisonnières les plus critiques
  • En décembre, elle a publié une lettre ouverte depuis la prison dénonçant des agressions sexuelles subies par des détenues et évoquant des cas de viols de femmes lors de leurs interrogatoires

PARIS: "Ecoutez bien: et un, deux, trois!": un groupe de détenues de la prison d'Evin à Téhéran entament alors avec force le chant révolutionnaire "Bella ciao" en farsi, tandis que la fille de l'une des prisonnières les enregistre à l'autre bout du téléphone.

"Une pour toutes et toutes pour une !", lancent-elles en riant et en s'applaudissant, dans un acte de défiance et de soutien au mouvement de protestation en Iran, malgré les risques encourus.

L'extrait sonore de cette conversation téléphonique, saisissant, date de janvier.

Il a été diffusé sur les réseaux sociaux par la fille d'une des prisonnières et est devenu le symbole du courage des femmes détenues dans cette prison de Téhéran - tristement célèbre pour ses conditions extrêmement difficiles - et de leur volonté de poursuivre leur soutien au mouvement.

Nombre d'entre elles, comme la militante écologiste Niloufar Bayani, arrêtée en 2018, sont détenues depuis des années. D'autres ont passé les derniers dix ans de leur vie à être emprisonnées, libérées, puis réincarcérées.

Certaines de ses femmes ont été arrêtées bien avant le mouvement de protestation - dont les femmes sont à l'avant-garde - et les manifestations déclenchées par le décès le 16 septembre de Mahsa Amini, jeune Kurde iranienne, après son arrestation à Téhéran par la police des moeurs qui lui reprochait d'avoir enfreint le code vestimentaire strict imposant le port du voile aux femmes en public.

Libérations «médiatiques»

Le nombre des prisonnières à Evin n'a cessé d'enfler depuis la répression de ce mouvement.

Plusieurs femmes ont été libérées ces dernières semaines, dont Alieh Motalebzadeh, journaliste et défenseure des droits des femmes dont la fille a posté le clip audio devenu viral de "Bella ciao", et la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah, arrêtée en Iran en juin 2019 et condamnée à cinq ans de prison pour atteinte à la sécurité nationale.

Téhéran avait annoncé peu avant une grâce en faveur d'un "nombre important" de condamnés.

Mais les défenseurs des droits de l'Homme ont qualifié cette grâce de "coup médiatique" et plusieurs militantes célèbres y sont toujours emprisonnées, dont la militante des droits humains Narges Mohammadi, les défenseures de l'environnement Sepideh Kashani et Niloufar Bayani - condamnée en 2020 à dix ans de détention pour "espionnage" -, la militante en faveur des droits des travailleurs Sepideh Gholian ou encore la militante germano-iranienne pour les droits humains Nahid Taghavi.

Ces femmes sont privées de liberté parce que la République islamique "tremble face à leur parole", lance à l'AFP Jasmin Ramsey, directrice adjointe du Centre pour les droits humains en Iran (CHRI, basé à New York). "Le foulard est un des piliers de la Révolution islamique comme l'est la soumission des femmes. Ils détestent quand les femmes se font entendre et disent +je peux faire tout ce que je veux !".

«Son de la révolution»

Le CHRI a lancé une pétition, signée par près de 40 groupes de défense des droits humains, et adressée à la présidence tournante actuelle de l'UE, la Suède, exhortant les Etats membres à convoquer les ambassadeurs iraniens dans leur pays lors de la Journée internationale des femmes le 8 mars, pour leur dire "de cesser d'emprisonner et de perpétrer de la violence à l'égard des femmes qui réclament leurs droits et libertés fondamentales en Iran" et de "mettre fin à la violence physique et sexuelle contre les détenues et les manifestantes".

Narges Mohammadi, l'une des femmes ayant entonné "Bella ciao", a émergé ces derniers mois comme l'une des prisonnières les plus critiques. Elle a dénoncé les conditions d'incarcération à Evin et apporté son soutien aux manifestations.

En décembre, elle a publié une lettre ouverte depuis la prison dénonçant des agressions sexuelles subies par des détenues et évoquant des cas de viols de femmes lors de leurs interrogatoires.

"Les femmes ont démontré qu'elles sont les voix du changement, de la liberté et de l'égalité. L'une des raisons pour laquelle Narges est toujours en prison est que les autorités la craignent. Elles les fait frémir", lance Jasmin Ramsey, la directrice adjointe du CHRI.

Sepideh Gholian, qui purge une peine de cinq ans de prison pour avoir apporté son soutien à une grève, a décrit, dans une lettre déchirante publiée par la BBC en farsi en janvier, les méthodes utilisées par les personnes menant les interrogatoires pour aboutir à des confessions forcées, et les cris résonnant à travers la prison.

"Aujourd'hui, les sons que nous entendons (...) à travers l'Iran sont plus forts que les cris des salles d'interrogatoire, c'est le son de la révolution, le son de la vérité: Femme.Vie.Liberté", en référence au slogan scandé dans les manifestations.


L'Arabie saoudite condamne les actions d'Israël à Gaza devant la CIJ

 Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
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  • Tel-Aviv "continue d'ignorer" les décisions de la Cour internationale de justice, déclare le représentant du Royaume
  • M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

DUBAI : L'Arabie saoudite a condamné mardi devant la Cour internationale de justice la campagne militaire israélienne en cours à Gaza, l'accusant de défier les décisions internationales et de commettre de graves violations des droits de l'homme.

S'exprimant devant la Cour, le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, a déclaré qu'Israël "continue d'ignorer les ordres de la Cour" et a insisté sur le fait que "rien ne justifie les violations commises par Israël à Gaza".

M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

Ses remarques ont été formulées au deuxième jour des audiences de la CIJ sur les obligations humanitaires d'Israël à l'égard des Palestiniens, qui se déroulent dans le cadre d'un blocus israélien total de l'aide à la bande de Gaza, qui dure depuis plus de 50 jours.

Ces audiences s'inscrivent dans le cadre d'efforts plus larges visant à déterminer si Israël a respecté les responsabilités juridiques internationales dans sa conduite lors de la guerre contre Gaza.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Syrie: neuf morts dans des affrontements entre forces de sécurité et combattants druzes près de Damas

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
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  • Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité "
  • "La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué

DAMAS: Neuf personnes ont été tuées dans des affrontements entre les forces de sécurité syriennes et des combattants de la minorité druze à Jaramana, dans la banlieue de Damas, sur fond de tension confessionnelle, selon un nouveau bilan mardi d'une ONG.

Ces violences interviennent un mois après des massacres qui ont visé la minorité alaouite, faisant des centaines de morts, dans le pays où la coalition islamiste qui a pris le pouvoir en décembre est scrutée par la communauté internationale.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), "les forces de sécurité ont lancé un assaut" contre la banlieue à majorité druze de Jaramana, après la publication sur les réseaux sociaux d'un message vocal attribué à un druze et jugé blasphématoire envers l'islam.

L'OSDH, basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un solide réseau de sources en Syrie, a précisé que six combattants locaux de Jaramana et trois "assaillants" avaient été tués.

Plusieurs habitants de Jaramana joints au téléphone par l'AFP ont indiqué avoir entendu des échanges de tirs dans la nuit.

"Nous ne savons pas ce qui se passe, nous avons peur que Jaramana devienne un théâtre de guerre", a affirmé Riham Waqaf, une employée d'une ONG terrée à la maison avec son mari et ses enfants.

"On devait emmener ma mère à l'hôpital pour un traitement, mais nous n'avons pas pu" sortir, a ajouté cette femme de 33 ans.

Des combattants locaux se sont déployés dans les rues et aux entrées de la localité, demandant aux habitants de rester chez eux, a dit à l'AFP l'un de ces hommes armés, Jamal, qui n'a pas donné son nom de famille.

"Jaramana n'a rien connu de tel depuis des années". La ville est d'habitude bondée, mais elle est morte aujourd'hui, tout le monde est à la maison", a-t-il ajouté.

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants.

 "Respecter l'ordre public" 

Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité de ce qui s'est produit et de toute aggravation de la situation".

"La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué.

Il a dénoncé dans le même temps "toute atteinte au prophète Mahomet" et assuré que le message vocal était fabriqué "pour provoquer la sédition".

Le ministère de l'Intérieur a souligné mardi "l'importance de respecter l'ordre public et de ne pas se laisser entraîner dans des actions qui perturberaient l'ordre public".

Il a ajouté qu'il enquêtait sur le message "blasphématoire à l'égard du prophète" Mahomet pour identifier l'auteur et le traduire en justice.

Les druzes, une minorité ésotérique issue de l'islam, sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël.

Dès la chute du pouvoir de Bachar al-Assad le 8 décembre en Syrie, après plus de 13 ans de guerre civile, Israël multiplié les gestes d'ouverture envers cette communauté.

Début mars, à la suite d'escarmouches à Jaramana, Israël avait menacé d'une intervention militaire si les nouvelles autorités syriennes s'en prenaient aux druzes.

Ces propos ont été immédiatement rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie. Leurs représentants sont en négociation avec le pouvoir central à Damas pour parvenir à un accord qui permettrait l'intégration de leurs groupes armés dans la future armée nationale.

Depuis que la coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh, qui a été proclamé président intérimaire, a pris le pouvoir, la communauté internationale multiplie les appels à protéger les minorités.

Début mars, les régions du littoral dans l'ouest de la Syrie ont été le théâtre de massacres qui ont fait plus de 1.700 tués civils, en grande majorité des alaouites, selon l'OSDH.


Gaza 2025: 15 journalistes tués, selon le Syndicat des journalistes palestiniens

 Les violences contre les journalistes interviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (AFP)
Les violences contre les journalistes interviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (AFP)
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  • Le dernier rapport du syndicat fait état d'une augmentation des arrestations, des menaces et du harcèlement des journalistes par les Israéliens
  • Le syndicat a également enregistré 49 menaces de mort proférées à l'encontre de journalistes

LONDRES: Au moins 15 professionnels des médias ont été tués à Gaza depuis le début de l'année 2025, selon un nouveau rapport publié par le Syndicat des journalistes palestiniens.

Le rapport, publié ce week-end par le comité des libertés du syndicat chargé de surveiller les violations commises par Israël à l’encontre des journalistes, souligne la persistance du ciblage direct des professionnels des médias.

Sept journalistes ont été tués en janvier et huit en mars, selon le rapport.

Par ailleurs, les familles de 17 journalistes ont été endeuillées, tandis que les habitations de 12 autres ont été détruites par des tirs de roquettes et d’obus. De plus, 11 personnes ont été blessées au cours de ces attaques.

Le rapport note que la violence à l'encontre des équipes de journalistes ne se limite pas aux attaques mortelles. Il fait état de l'arrestation de 15 journalistes, à leur domicile ou alors qu'ils étaient en mission. Certains ont été libérés quelques heures ou quelques jours plus tard, tandis que d'autres sont toujours en détention.

Le syndicat a également enregistré 49 menaces de mort proférées à l'encontre de journalistes, dont beaucoup ont été avertis d'évacuer les zones qu'ils couvraient.

Le rapport relève également une intensification du harcèlement judiciaire, avec plus d’une dizaine de cas où des journalistes – en majorité issus du quotidien Al-Quds, basé en Cisjordanie – ont été convoqués pour interrogatoire et se sont vu interdire de couvrir des événements aux abords de la mosquée Al-Aqsa et dans la vieille ville de Jérusalem.

En Cisjordanie occupée, environ 117 journalistes ont été victimes d'agressions physiques, de répression ou d'interdictions de reportage, en particulier à Jénine et à Jérusalem. La commission a également recensé 16 cas de confiscation ou de destruction de matériel de travail.

Les violences à l'encontre des journalistes surviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. Les forces israéliennes ont intensifié leur offensive, coupant les approvisionnements vitaux des 2,3 millions d'habitants de Gaza, laissant l'enclave au bord de la famine.

Les actions d'Israël font désormais l'objet d'audiences à la Cour internationale de justice de La Haye, où Tel-Aviv est accusé de violer le droit international en restreignant l'aide humanitaire à Gaza.

Le bilan humanitaire est catastrophique.

Selon le ministère de la santé de Gaza, plus de 61 700 personnes ont été tuées à Gaza depuis qu'Israël a lancé son offensive le 7 octobre 2023. Plus de 14 000 autres sont portées disparues et présumées mortes, les civils constituant la grande majorité des victimes.

Le Comité pour la protection des journalistes, organisme de surveillance de la liberté de la presse basé à Washington, a également lancé un signal d’alarme face au nombre élevé de journalistes tués, indiquant qu’au moins 176 d’entre eux – en grande majorité des Palestiniens – ont perdu la vie depuis le début de l’offensive israélienne sur les territoires occupés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com