Retraites: la réforme entame une semaine décisive au Sénat et face à la rue

Des syndicalistes français de la CGT participent à une "opération de filtrage" pour annoncer des actions pour une grève nationale prévue le 7 mars 2023, au Centre régional des transports de Lesquin, près de Lille, le 6 mars 2023. (Photo FRANCOIS LO PRESTI / AFP)
Des syndicalistes français de la CGT participent à une "opération de filtrage" pour annoncer des actions pour une grève nationale prévue le 7 mars 2023, au Centre régional des transports de Lesquin, près de Lille, le 6 mars 2023. (Photo FRANCOIS LO PRESTI / AFP)
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Publié le Lundi 06 mars 2023

Retraites: la réforme entame une semaine décisive au Sénat et face à la rue

  • De très fortes perturbations sont prévues dans les transports urbains et ferroviaires, l'ensemble des syndicats ayant appelé à la grève reconductible à la RATP et à la SNCF, à partir de mardi
  • Le gouvernement encourage ceux qui le peuvent au télétravail, une recommandation qui vaut davantage pour les cadres urbains que pour les ouvriers et employés

PARIS : Semaine cruciale pour la réforme des retraites. Pendant que les débats se poursuivent lundi au Sénat, avec l'adoption d'un "CDI seniors" c'est la veillée d'armes pour les opposants au projet-phare d'Emmanuel Macron qui veulent mettre la "France à l'arrêt" mardi, voire au-delà pour une partie d'entre eux.

A la veille d'une sixième journée d'actions qui s'annonce massive contre la réforme et son report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, les Français, toujours majoritairement hostiles au projet de l'exécutif, selon les sondages, doivent se préparer à vivre 24 heures d'un pays "à l'arrêt" comme l'ont promis les syndicats.

Ceux-ci veulent faire mieux que le 31 janvier, quand la police avait recensé 1,27 million de participants et l'intersyndicale plus de 2,5 millions dans les rues de France. La CGT a recensé 265 rassemblements.

"J’appelle les salariés de ce pays, les citoyens, les retraités à venir manifester massivement", a dit lundi le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger qui demande qu'Emmanuel Macron réagisse enfin face à l'ampleur de la mobilisation.

Plus de 60% de grévistes prévus mardi dans les écoles

Le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, prévoit que "plus de 60%" des enseignants du premier degré seront grévistes et que "plusieurs milliers d'écoles" seront fermées mardi, pour la sixième journée d'actions qui s'annonce massive contre la réforme des retraites, a-t-il indiqué lundi.

"Avec d'ores et déjà plus de 60% de professeurs des écoles en grève, plusieurs milliers d'écoles fermées, les enseignantes et enseignants du 1er degré montrent une nouvelle fois que leur détermination est intacte face à l'obstination du gouvernement concernant le projet de réforme des retraites", a souligné le Snuipp dans un communiqué.

"La mobilisation doit se poursuivre et s'annonce déjà très importante mercredi 8 mars dans le cadre de la journée de lutte pour les droits des femmes", a-t-il ajouté.

"Au-delà, la bataille doit se poursuivre pour que le gouvernement entende enfin raison et renonce à son projet inacceptable", poursuit le syndicat, qui appelle les professeurs des écoles et les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) "à décider en assemblée générale des suites à donner à la mobilisation, y compris la reconduction de la grève".

L'intersyndicale de l'éducation, regroupant les sept principaux syndicats enseignants, avait appelé à ce que les grèves permettent de "fermer totalement les écoles, collèges, lycées et services" le 7 mars.

Le taux de grévistes le plus élevé chez les enseignants date du 19 janvier, lors de la première journée d'action. Ce jour-là, les syndicats avaient recensé jusqu'à 70% d'enseignants grévistes dans le primaire et 65% dans les collèges et lycées. Le ministère de l'Education avait comptabilisé 42,35% de grévistes dans le primaire et 34,66% dans le secondaire.

Le 31 janvier, lors de la deuxième journée de mobilisation, les syndicats avaient comptabilisé au moins 50% de grévistes parmi les professeurs, de la maternelle au lycée. Selon le ministère, le taux d'enseignants grévistes avait été de 25,92%, dont 26,65% dans le primaire

et 25,22% dans les collèges et lycées.

Le mardi 7 février, les syndicats n'avaient pas donné de chiffres de mobilisation des enseignants, en raison des vacances scolaires déjà en cours dans huit académies. Le ministère, lui, avait comptabilisé 14,17% de professeurs grévistes.

La mobilisation suivante s'était déroulée le samedi 11 février, jour pendant lequel beaucoup d'établissements sont fermés et il n'y avait donc pas eu d'appel à la grève des enseignants.

Enfin le 16 février, pour la cinquième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, le ministère avait recensé 7,67% de grévistes en moyenne (dont 7,09% dans le premier degré et 8,23% dans le second degré), un taux calculé pour les seules académies pas encore en vacances.

"Le président de la République ne peut pas rester sourd", a exhorté le leader cédétiste. Solidaires prédit un "tsunami social".

Entre 1,1 et 1,4 million de manifestants sont attendus en France dont 60 et 90 000 à Paris avec 300 à 500 éléments radicaux et de 400 à 800 gilets jaunes, a rapporté une source policière.

Si l'exécutif regarde ce qui se prépare dans la rue en exhortant les opposants à la "responsabilité" comme le ministre du Travail Olivier Dussopt ou son homologue en charge des Comptes publics Gabriel Attal, il a aussi un œil sur le Sénat.

Au palais du Luxembourg, l'examen du texte a repris avec désormais un peu moins de 3 000 amendements au programme d'ici à dimanche minuit.

"A la veille d’une journée de mobilisation contre cette réforme massivement rejetée par la population (…) pouvons-nous continuer à débattre comme si de rien n’était ?" a interrogé lundi, Eliane Assassi, présidente du groupe CRCE à majorité communiste.

Le Sénat vote la création d'un nouveau CDI pour favoriser l'emploi des seniors

Le Sénat dominé par la droite a voté lundi, contre l'avis du gouvernement et malgré l'opposition de la gauche, la création d'un nouveau type de contrat à durée indéterminée de "fin de carrière" pour favoriser le recrutement de salariés âgés d'au moins 60 ans.

Les sénateurs ont adopté par 202 voix contre 123 un amendement en ce sens porté par les rapporteurs LR René-Paul Savary et Elisabeth Doineau (centriste) au projet de réforme des retraites, dont l'une des mesures principales porte de 62 à 64 ans l'âge de départ.

Avec ce nouveau "CDI seniors", l'employeur serait exonéré de cotisations famille. Il pourrait mettre un terme au contrat en plaçant à la retraite le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Il ne serait donc pas tenu de le conserver jusqu'à ses 70 ans, ce qui représente aujourd'hui "un frein à l'embauche de seniors", selon les rapporteurs.

"Les outils actuels d'emploi des seniors ne sont pas suffisants", a affirmé René-Paul Savary.

La France est en dessous de la moyenne européenne pour l'emploi des 55-64 ans (56% contre 60,5%).

Le rapporteur a précisé que l'amendement avait été rédigé "sur proposition de nombre de partenaires sociaux", à qui il reviendrait de définir les modalités d'application, branche par branche.

Le ministre du Travail Olivier Dussopt a donné un avis "défavorable" à ce nouveau CDI. Il s'est notamment interrogé sur son "ciblage".

"Je crains un effet d'aubaine qui mène notre branche famille dans le rouge", a de son côté déclaré le ministre des Comptes publics Gabriel Attal. "100.000 CDI" sont signés chaque année pour des salariés de plus de 60 ans, a-t-il exposé. Si tous étaient signés avec le nouveau contrat, le coût est estimé à "800 millions d'euros pour la branche famille". Et

pourrait même atteindre jusqu'à "2,2 milliards d'euros" en cas d'effet d'aubaine.

Le chef de file des sénateurs Les Républicains Bruno Retailleau a "contesté formellement" le coût avancé par le gouvernement, soulignant que cet amendement "révèle l'un des plus grands enjeux de cette réforme". "A quoi servirait-il de reculer l'âge légal de départ à la retraite si on ne fait rien sur l'emploi des seniors ?", a-t-il interrogé.

"C'est une commande directe du Medef", a dénoncé à gauche le socialiste Yan Chantrel.

"On ne comprend pas pourquoi on est toujours obligé de faire des cadeaux aux entreprises pour qu'elles recrutent des gens", a déclaré Monique Lubin (PS).

Dans le nuit de dimanche à lundi, le Sénat avait approuvé la création proposée par le gouvernement d'un "index seniors" dans les entreprises, sur la place des plus âgés, mais uniquement pour celles comptant plus de 300 salariés.

Contre l'avis du gouvernement qui craint "un effet d'aubaine", la majorité de droite a voté un amendement des rapporteurs créant un nouveau type de CDI de "fin de carrière" pour favoriser le recrutement de salariés âgés d'au moins 60 ans. Avec ce "CDI seniors", l'employeur serait exonéré de cotisations famille.

Les débats ont progressé à pas comptés pendant le week-end avec la suppression des régimes spéciaux pour les nouveaux entrants et la création d'un "index seniors" dans les entreprises, mais limité à celles de plus de 300 salariés.

"Nous ferons tout pour que la réforme puisse être adoptée", a dit le président des sénateurs LR, Bruno Retailleau, dont le soutien à la réforme est capital.

'On est gentils aujourd'hui'

La Première ministre Elisabeth Borne doit s'exprimer lundi soir sur France 5.

De très fortes perturbations sont prévues dans les transports urbains et ferroviaires, l'ensemble des syndicats ayant appelé à la grève reconductible à la RATP et à la SNCF, à partir de mardi. Pour le ministre des Transports, Clément Beaune, il s'agira d'"une des journées les plus difficiles qu'on ait connues".

Dans l'énergie, les syndicats ont ouvert le bal des mobilisations dès vendredi avec des baisses de production dans plusieurs centrales nucléaires. La CGT a promis "une semaine noire". Côté carburant, la CGT a également appelé à la grève reconductible dans les raffineries, avec pour objectif de "bloquer l'ensemble de l'économie".

"Quand on dit qu’on veut mettre l’économie française à genoux, ce sont des usines, ce sont des travailleurs, ce sont des Français qui travaillent", a cinglé Gabriel Attal devant les sénateurs, lundi.

Sur les routes, des barrages filtrants ont eu lieu ce lundi matin près de Lille ou Rouen.

Dans l'éducation, le Snuipp-FSU, premier syndicat dans les écoles prévoit plus de 60% de grévistes en maternelle et élémentaire. Des blocages lycéens sont également attendus même si la mobilisation peine à prendre dans la jeunesse. Organisations étudiantes et lycéennes ont donné rendez-vous le 9 pour "durcir le mouvement".

Chantiers à l'arrêt, rideaux de magasins fermés, péages ouverts et routes bloquées font également partie de la panoplie d'actions des opposants qui trouveront le lendemain l'occasion de continuer à se faire entendre pour la Journée internationale des droits des femmes.


La France rapatrie treize femmes et enfants depuis les camps en Syrie, une première depuis deux ans

La Française Emilie Konig marche dans le camp Al-Roj, dans le nord-est de la Syrie, le 28 mars 2021, où elle est détenue avec d'autres personnes soupçonnées d'être des proches de membres présumés du groupe Daesh. (AFP)
La Française Emilie Konig marche dans le camp Al-Roj, dans le nord-est de la Syrie, le 28 mars 2021, où elle est détenue avec d'autres personnes soupçonnées d'être des proches de membres présumés du groupe Daesh. (AFP)
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  • La France a rapatrié dix enfants et trois femmes détenus dans des camps jihadistes en Syrie, marquant la première opération du genre depuis deux ans
  • Deux femmes ont été placées en garde à vue, et une troisième présentée à un juge antiterroriste

PARIS: La France a rapatrié tôt mardi matin dix enfants et trois femmes âgées de 18 à 34 ans qui étaient détenus dans des camps de prisonniers jihadistes dans le nord-est de la Syrie, une première depuis deux ans.

Parmi les femmes, "deux ont été placées en garde à vue, sur commission rogatoire du juge d'instruction", a annoncé le Parquet national antiterroriste (Pnat) dans un communiqué.

"Une autre femme, faisant l'objet d'un mandat d'arrêt, sera présentée à un juge d'instruction dans la journée" en vue d'une possible mise en examen, a-t-il ajouté.

"Les mineurs sont pris en charge dans le cadre de procédures d'assistance éducative sous la responsabilité du parquet" de Versailles, a indiqué le Pnat, qui "assurera le suivi centralisé des mineurs concernés, en lien avec les parquets territoriaux".

"La France remercie les autorités syriennes de transition ainsi que l'administration locale du Nord-Est syrien qui a rendu possible cette opération", a déclaré de son coté le porte-parole du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

Cette opération est une première depuis juillet 2023 en France, où ces retours restent une question sensible, dix ans après la vague d'attentats jihadistes sur le sol national.

Au total, 179 enfants et 60 femmes adultes ont été rapatriées depuis 2019, précise une source diplomatique.

Mais ces opérations avaient cessé à l'été 2023, faute de volontaires selon les autorités, et ce malgré des condamnations internationales dont celle de la Cour européenne des droits de l'Homme en 2022.

- "Arbitraire" -

"Pour les familles qui attendaient leurs petits-enfants, neveux et nièces depuis plus de six ans, c'est un immense et indescriptible soulagement", a déclaré l'avocate des femmes rapatriées, Marie Dosé, dans un communiqué transmis à l'AFP.

Mais "la France laisse derrière elle 110 autres enfants français, toujours détenus dans le camp Roj", l'un des camps contrôlés comme d'autres centres et prisons par les forces kurdes, depuis plus de six ans, dénonce-t-elle.

Des dizaines de milliers de personnes, d'une cinquantaine de nationalités et soupçonnées de liens avec l'organisation jihadiste État islamique, sont retenues dans ces camps.

En juin, quelque 120 enfants et une cinquantaine de femmes françaises y étaient encore retenus, selon le Collectif des Familles unies, qui rassemble leurs proches.

Après ce rapatriement nocturne, ce collectif a rediffusé sur X mardi matin son message habituel dénonçant la détention sur place d'enfants "coupables de rien" dans "des conditions indignes".

Car pour ces familles, rien n'est encore réglé. "Une nouvelle fois, la France fait le choix de l'arbitraire", regrette Marie Dosé.

"La France, qui refusait de rapatrier des enfants tant que leurs mères n'avaient pas donné leur accord, refuse aujourd'hui leur retour alors qu'ils sont devenus majeurs. Ce faisant et plus que jamais, la France décide donc de faire payer à ces enfants le choix de leurs parents", estime-t-elle aussi.

Elle dénonce également le sort de femmes sans enfant ou dont les enfants sont décédés, et que la France refuse désormais de rapatrier, ainsi que d'enfants nés en France et "conduits de force en Syrie" avant de pouvoir acquérir la nationalité, ou de jeunes majeurs enfermés dans d'autres lieux de détention syriens.

Pour Matthieu Bagard, responsable du pôle expertise Syrie de l'ONG Avocats sans frontières France, "ce rapatriement démontre une nouvelle fois que la France a la possibilité d'organiser ces opérations". Mais il déplore lui aussi la situation des femmes et jeunes majeurs toujours "illégalement détenus".

En février, l'administration kurde a annoncé, en coordination avec l'ONU, son intention de vider d'ici fin 2025 les camps du nord-est de la Syrie des déplacés syriens et irakiens, y compris les proches présumés de jihadistes.


Après «Bloquons tout» et les promesses de «rupture», les syndicats dans la rue jeudi

"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
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  • Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi
  • Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme"

PARIS: "Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées.

Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi. "(Il) ne s'est engagé à rien du tout. Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", a-t-elle lancé.

Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme". Depuis vendredi, il reçoit les syndicats représentatifs - à l'exception de Frédéric Souillot (FO) qui souhaite le rencontrer après le 18. Mais ces derniers maintiennent leur appel à la mobilisation du 18, espérant peser de tout leur poids sur les futures orientations budgétaires.

CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires seront ainsi unis jeudi dans la rue, pour la première fois depuis le 6 juin 2023 - date de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites.

Les mesures avancées cet été sont "d'une brutalité sans précédent", dénonçaient-ils fin août dans un communiqué commun, regrettant que l'ancien gouvernement choisisse "encore une fois de faire payer les travailleuses et les travailleurs, les précaires, les retraité·es, les malades".

Ils pointent "des coupes dans les services publics, (...), une énième réforme de l'assurance chômage, le gel des prestations sociales et celui des salaires des fonctionnaires comme des contractuel·les, la désindexation des pensions de retraites, le doublement des franchises médicales, la remise en cause de la 5ème semaine de congés payés…".

L'abandon de la suppression de deux jours fériés, unanimement décriée par le monde syndical, constitue "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a estimé Sophie Binet.

Même la CFDT, pourtant peu rompue aux cortèges syndicaux, maintient sa participation: vendredi, Marylise Léon a réaffirmé que son syndicat était "plus que jamais motivé pour aller dans la rue", à l'issue de son entrevue avec Sébastien Lecornu.

"Le budget tel qu'il a commencé à être construit n'est pas compatible avec la justice sociale, fiscale et environnementale donc il y a vraiment besoin de le revoir de fond en comble", a-t-elle estimé lundi sur France Inter.

Sur la durée ? 

Sur la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat, Mme Léon a pourtant apprécié que le Premier ministre dise être conscient de la nécessité de "faire quelque chose".

"Le budget, il va se décider dans la rue", insiste Mme Binet. Ainsi, "il faut faire une démonstration de force jeudi prochain et après", laissant entrevoir une mobilisation dans la durée.

Lundi, la CGT annonçait déjà plus de 220 manifestations, un chiffre encore amené à évoluer.

Les organisations syndicales parviendront-elles à dépasser l'affluence du mouvement citoyen "Bloquons tout" - qui a rassemblé près de 200.000 personnes le 10 septembre selon le ministère de l'Intérieur, sans toutefois parvenir à paralyser le pays ? Les manifestants du 10, parfois méfiants vis-à-vis des syndicats, participeront-ils à cette nouvelle journée ?

Aucune inquiétude côté syndical: "Nous avons déjà d'excellents retours sur la mobilisation de jeudi", assure Frédéric Souillot (FO).

"Nous avons l'objectif d'avoir un million de personnes avec nous", avance de son côté Cyril Chabanier (CFTC).

"La colère sociale est toujours là", abonde Julie Ferrua, co-déléguée générale de Solidaires.

De leur côté, les autorités s'attendent à une mobilisation plus importante que le 10 septembre et craignent la présence de plusieurs centaines de manifestants radicaux dans des cortèges. Une cellule de crise sera ouverte dès mardi au ministère de l'Intérieur.

Après le 18, ce sera le tour des agriculteurs de la FNSEA, le 26 septembre, de mener "une grande journée d'actions" autour des échanges internationaux de produits agricoles.


Lecornu va mettre fin aux "avantages à vie" des ex-ministres dès 2026

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu concrétise une promesse phare pour réduire le « décalage » entre les élites politiques et la réalité des Français, dans un contexte de forte défiance envers sa nomination

PARIS: Fini le chauffeur et la voiture de fonction "à vie" pour les anciens de Matignon: les avantages octroyés aux ex-Premiers ministres seront "supprimés" dès 2026, a annoncé lundi Sébastien Lecornu, concrétisant l'une de ses premières promesses, très symbolique pour l'opinion.

Il n'est "pas concevable" que les anciens ministres "puissent bénéficier d'avantages à vie en raison d'un statut temporaire", a écrit le locataire de Matignon sur X, confirmant la mise en place de cette réforme dès le 1er janvier 2026.

"La protection policière ne sera accordée aux anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur que pour une durée limitée, et reconduite en fonction de la réalité du risque. Tous les autres moyens mis à disposition des anciens Premiers ministres à vie le seront dorénavant pour une durée limitée", a expliqué M. Lecornu sur ce réseau social.

Sollicité par l'AFP, Matignon a expliqué que le gouvernement avait préparé une "instruction" à destination du Secrétariat général du gouvernement, en vue de revoir le décret du 20 septembre 2019, qui avait déjà restreint les privilèges accordés aux anciens Premiers ministres.

Ces derniers peuvent actuellement se voir octroyer "sur leur demande, un véhicule de fonction et un conducteur automobile", à la charge de l'Etat. Ils peuvent aussi bénéficier d'un "agent pour leur secrétariat particulier" pendant dix ans à compter de la fin de leurs fonctions et au plus tard jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 67 ans.

Des avantages qui ne s'appliquent pas pour les "ex" de Matignon lorsque ces derniers disposent déjà de ces privilèges via leur mandat (parlementaire ou local) ou leur fonction publique.

- "Mettre fin aux derniers privilèges" -

Une autre instruction du chef du gouvernement à l'attention de la Direction générale de la police nationale (DGPN) permettra de créer "un cadre" relatif à la "protection policière" des anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur, a détaillé Matignon.

"On ne peut pas demander aux Français de faire des efforts si ceux qui sont à la tête de l'État n'en font pas. La réforme, ce n'est pas toujours +pour les autres+, cela crée la suspicion", avait lancé Sébastien Lecornu dans un entretien donné à plusieurs titres de la presse régionale durant le week-end.

"Beaucoup de choses ont été réglées pour les anciens présidents de la République. Je vais donc mettre fin aux derniers privilèges", avait-il encore promis, quelques jours seulement après sa prise de fonctions à Matignon, durant laquelle il s'était inquiété du "décalage" observé entre la vie politique et la vie "réelle" des Français.

Le Premier ministre, nommé mardi par Emmanuel Macron après la chute de François Bayrou, met ainsi en musique l'une de ses premières promesses, alors qu'il consulte en parallèle les forces politiques, syndicales et patronales en vue de former un gouvernement susceptible de survivre aux menaces de censure des oppositions.

Il doit aussi batailler contre une opinion publique très défiante vis-à-vis de sa nomination, même si les chiffres de confiance des Français à son égard varient selon les instituts de sondage.

Son prédécesseur, François Bayrou, avait déjà annoncé vouloir passer au crible ces privilèges ministériels: il avait confié fin août une mission à l'ex-député socialiste René Dosière pour identifier les "avantages indus, excessifs, inacceptables" dans un contexte de dérapage des finances publiques.

En réalité, l'économie à espérer de ces annonces est dérisoire par rapport aux dizaines de milliards d'euros recherchées par les gouvernements successifs. Les privilèges accordés au titre du décret de 2019 (chauffeur, secrétariat, véhicule) ont coûté 1,58 million d'euros à l'Etat en 2024, selon le gouvernement.

Un montant auquel il faut ajouter les dépenses de protection policière, évaluées à 2,8 millions d'euros par an dans un rapport parlementaire de 2019.