Retraites: Après le Sénat, une semaine à hauts risques s'ouvre pour le gouvernement

Des sénateurs assistent à une séance de débat et de vote sur la réforme des retraites du gouvernement au Sénat français à Paris le 6 mars 2023. (Photo, AFP)
Des sénateurs assistent à une séance de débat et de vote sur la réforme des retraites du gouvernement au Sénat français à Paris le 6 mars 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 12 mars 2023

Retraites: Après le Sénat, une semaine à hauts risques s'ouvre pour le gouvernement

  • A la mi-journée, après plus de deux heures et demie de séance, il restait quelque 680 amendements à examiner, alors que les débats doivent s'achever avant le couperet fixé à dimanche minuit
  • Le gouvernement a déployé vendredi les grands moyens pour accélérer et s'assurer la tenue d'un vote, en dégainant l'article 44.3 de la Constitution

PARIS: Après l'approbation samedi soir de la réforme des retraites par le Sénat, s'ouvre une semaine décisive mais à hauts risques pour le gouvernement et le président Emmanuel Macron.

Le projet phare du second quinquennat du chef de l'Etat poursuivra un parcours législatif semé d'embûches. Mais il pourrait, si les étoiles s'alignent de façon optimale pour le gouvernement, être définitivement adopté dès jeudi.

Pourparlers députés-sénateurs

Les tractations pour l'après-Sénat ont déjà démarré en coulisses et elles battront leur plein mercredi dès 09H00 en commission mixte paritaire (CMP), réunissant sept députés, sept sénateurs et autant de suppléants dans une salle à huis clos du Palais Bourbon. Le gouvernement n'est pas présent, mais peut tirer les ficelles. L'objectif des CMP est de parvenir à un compromis sur les mesures qu'Assemblée et Sénat n'ont pas votées dans les mêmes termes.

Or les députés, confrontés à l'obstruction d'une partie de la gauche, n'ont pu venir à bout en février de l'examen de la réforme, et ne l'ont pas adoptée. C'est dire si la discussion mercredi sera large, même si le coeur du texte, le recul de l'âge de départ de 62 à 64 ans, ne bougera pas. Il sera d'ailleurs au centre d'une nouvelle journée de mobilisation des opposants au moment même où se tiendra cette réunion.

Camp présidentiel et droite ont la main en CMP, avec respectivement cinq et quatre titulaires chacun, dont Olivier Marleix, patron des députés LR qui aura la bride serrée.

L'heure du vote final jeudi ?

Dans le meilleur des scénarios pour l'exécutif, si députés et sénateurs parviennent à un accord en CMP, celui-ci devra être validé jeudi 16 mars à partir de 09H00 au Sénat, puis 15H00 à l'Assemblée. Ce dernier vote, s'il est positif, vaudra adoption définitive par le Parlement.

Mais l'exécutif compte et recompte ses troupes au Palais Bourbon, ainsi que les voix LR sur lesquelles il peut compter, en l'absence de majorité absolue pour les macronistes. D'autant que certains d'entre eux sont hésitants, comme l'ancienne ministre Barbara Pompili qui ne veut pas voter la réforme, malgré le risque d'une exclusion du groupe Renaissance.

"Cela peut se jouer à deux-trois voix, dans un sens ou un autre", glisse un parlementaire. La cheffe du gouvernement Elisabeth Borne prendra-t-elle le risque d'un rejet ? Son poste est en jeu, et au-delà, ceux des députés eux-mêmes, Emmanuel Macron ayant agité à plusieurs reprises la menace d'une dissolution.

«Une étape importante a été franchie» au Sénat, salue Borne

"Une étape importante a été franchie" s'est félicitée samedi soir auprès de l'AFP Elisabeth Borne après le vote par le Sénat de sa réforme très contestée des retraites.

"Il existe une majorité au Parlement" pour la voter, a en outre assuré la Première ministre, dans une allusion au vote autrement plus serré qui s'annonce à l'Assemblée nationale.

"Une étape importante a été franchie ce soir avec un vote large du texte de la réforme des retraites au Sénat", a affirmé Mme Borne. "Malgré les tentatives d’obstruction de certains groupes, le débat démocratique s’est tenu", a-t-elle salué.

La Première ministre "négociera jusqu’au bout pour avoir une majorité", selon une source gouvernementale. Et sinon recourra à l'arme constitutionnelle du 49.3 pour faire adopter le texte sans vote. La décision, lourde, d'avoir ce 49.3 sous le coude devra être prise dès mercredi en Conseil des ministres, ou jeudi lors d'un Conseil exceptionnel à l'Elysée.

Des motions pour une prolongation

Un 49.3 ne resterait pas sans riposte. Les députés de l'alliance de gauche Nupes et ceux du RN, voire des opposants d'autres groupes, pourront déposer des motions de censure du gouvernement. La procédure est désormais bien rodée, après les dix 49.3 de l'automne sur les budgets: les motions seraient débattues samedi après-midi au plus tôt. Le projet de réforme serait considéré comme adopté, sauf vote d'une de ces motions, hypothèse très peu probable, faute de l'apport des voix de la droite.

Laurent Berger: Utiliser le 49.3 sur les retraites serait «dangereux»

Recourir à l'article 49.3 pour faire adopter la réforme des retraites serait "dangereux" et constituerait "une forme de vice démocratique", avertit le leader de la CGT Laurent Berger dimanche dans une interview au JDD.

"Le débat n'a pas eu lieu à l'Assemblée nationale et il a été accéléré au Sénat, alors que ce dernier a l'habitude d'aller au bout des textes dans une ambiance sereine. Dans ce contexte, adopter cette réforme grâce au 49.3 est impossible", juge le leader syndical.

"Adopter via cette procédure hâtive une réforme à la fois très impactante pour la vie de dizaines de millions de gens, injuste de notre point de vue et mal bricolée, ce serait une forme de vice démocratique", poursuit-il. "Que la fin de l'histoire soit un 49.3, ça me paraît incroyable et dangereux".

A l'inverse, "si le Parlement vote le texte, mais c'est loin d'être fait, il faudra en prendre acte", reconnaît-il, tout en estimant que " quoi qu'il en soit, le monde du travail en entier rejette cette réforme".

Même sans 49.3, les oppositions ont la possibilité de tenter de renverser le gouvernement par une motion de censure. Elles ne devraient pas se priver de le faire, à l'occasion de cette réforme phare du début de second quinquennat Macron. Enfin, elles ont déjà prévu de saisir le Conseil constitutionnel.

26 mars, date couperet

Autre scénario mais moins probable: celui d'un échec de la commission mixte paritaire. La navette parlementaire qui s'ensuivrait serait enserrée dans un calendrier contraint, du fait du choix de l'exécutif de passer par un budget rectificatif de la Sécurité sociale. Le Parlement doit en effet se prononcer au total en 50 jours, soit d'ici le 26 mars à minuit, faute de quoi les dispositions de la réforme pourront être mises en œuvre par ordonnance par le gouvernement, prévoit la Constitution. Cela ne s'est jamais produit.


Grève nationale : les syndicats unis contre le budget du futur gouvernement

Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
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  • Journée de grève nationale ce jeudi à l’appel des 8 principaux syndicats français, unis contre les mesures budgétaires jugées « brutales »
  • Les autorités redoutent des débordements à Paris, avec jusqu’à 100 000 manifestants attendus et la présence annoncée de casseurs. 900 000 personnes pourraient se mobiliser dans toute la France

Les syndicats français ont promis une "journée noire" de manifestations et de grèves jeudi pour peser sur les choix budgétaires du prochain gouvernement, en pleine crise politique dans la deuxième économie de l'UE.

A Paris, le préfet de police s'est dit "très inquiet" de la présence de nombreux casseurs venant pour "en découdre" dans la manifestation prévue dans la capitale, qui pourrait selon lui rassembler 50.000 à 100.000 personnes.

Les autorités s'attendent à une mobilisation massive, avec plus de 250 cortèges annoncés qui pourraient réunir jusqu'à 900.000 personnes à travers le pays, soit cinq fois plus que lors du mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical.

Cette mobilisation lancée par les huit syndicats français, unis pour la première fois depuis le 6 juin 2023, vise les mesures budgétaires "brutales" préconisées cet été par le Premier ministre François Bayrou pour réduire le déficit de la France (coupes dans le service public, réforme de l'assurance chômage, gel des prestations sociales notamment).

Son gouvernement alliant le centre droit et la droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a été renversé par les députés le 8 septembre.

Nommé le lendemain, son successeur Sébastien Lecornu - troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 - s'est lui aussi engagé à réduire le déficit qui plombe les comptes de la nation (114% du PIB), tout en promettant des "ruptures sur le fond" en matière budgétaire.

Ce fidèle du président a entamé une série de consultations avec les partis politiques avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget pour 2026.

Il a également reçu quasiment tous les syndicats, qui n'en ont pas moins maintenu leur mot d'ordre, espérant une mobilisation similaire à celles de 2023 contre la réforme des retraites qui avaient régulièrement réuni un million de manifestants, dont un pic à 1,4 million.

- "Démonstration de force" -

"Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", s'est indignée lundi la leader de la CGT, Sophie Binet, après avoir rencontré le nouveau Premier ministre.

L'abandon par Sébastien Lecornu de la très controversée suppression de deux jours fériés voulue par François Bayrou est "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a-t-elle estimé.

Même la CFDT, syndicat réputé plus apte au compromis, est "plus que jamais motivée pour aller dans la rue", a fait savoir sa responsable Marylise Léon qui attend "des faits et des preuves" du nouveau chef de gouvernement, et notamment un "besoin d’efforts partagés".

Elle a apprécié à cet égard que le successeur de François Bayrou se dise selon elle conscient de la nécessité de "faire quelque chose" au sujet de la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat.

"Le budget va se décider dans la rue", estime Mme Binet, qui évoque une "démonstration de force" et laisse entrevoir une mobilisation dans la durée.

Côté transports, le trafic sera "perturbé" voire "très perturbé" dans la capitale, ainsi que pour les trains interurbains.

Ce sera moins le cas pour les trains régionaux et les TGV. Un service proche de la normale est attendu dans les aéroports, le principal syndicat de contrôleurs aériens ayant reporté sa grève.

A l'école, un tiers des enseignants du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) seront grévistes. L'ampleur du mouvement dans la fonction publique en générale reste encore à préciser.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.