Les relations entre l'Égypte et les États-Unis ne devraient pas souffrir sous Biden

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Publié le Jeudi 03 décembre 2020

Les relations entre l'Égypte et les États-Unis ne devraient pas souffrir sous Biden

Les relations entre l'Égypte et les États-Unis ne devraient pas souffrir sous Biden
  • L'administration Obama a soutenu la révolution du 25 janvier 2011 et Obama lui-même a prononcé un discours éloquent dans lequel il a loué le mouvement de la jeunesse du pays
  • Les Égyptiens qui ne sont pas satisfaits de l’élection de Biden ignorent l’amélioration des relations économiques entre l’Égypte et les États-Unis ces dernières années

De nombreux Égyptiens, politiciens et non, pensent que la victoire de Joe Biden sur Donald Trump à l'élection présidentielle américaine n'était pas dans l’intérêt de leur pays. Leurs craintes reposent sur la position de l'ancien président Barack Obama, qui était très différente de celle de son successeur.

Cependant, cette vision de la science politique n'est pas du tout correcte. Au contraire, elle trahit une vision étroite et une compréhension simpliste des règles de la politique internationale, fondées sur l'idée qu'«aucune amitié ne dure ni l'inimitié ne se prolonge dans le monde de la politique».

Trump est un ami de l'État égyptien et a soutenu ses politiques dans des domaines spécifiques, en particulier dans ses efforts pour lutter contre le terrorisme. L'administration Obama, en revanche, soutenait largement le mouvement terroriste des Frères musulmans. Mais cela ne signifie pas nécessairement que Biden adoptera la politique d’Obama en soutenant les Frères musulmans et en faisant pression sur l’État égyptien.

L'administration Obama a soutenu la révolution du 25 janvier 2011 et Obama lui-même a prononcé un discours éloquent dans lequel il a loué le mouvement de la jeunesse du pays et lui a donné sa bénédiction.

Au fil d'une période d'instabilité, des consultations ont eu lieu entre des responsables américains et des représentants des Frères musulmans en Égypte, qui étaient considérés comme la faction la plus forte et la plus organisée sur le terrain (nous en avons beaucoup entendu parler à l'époque). En conséquence, l'administration Obama a décidé que les intérêts américains seraient mieux servis si le groupe était soutenu.

Washington a donné sa bénédiction à l'élection de Mohammed Morsi à la présidence de l'Égypte au mois de juin 2012. Mais lorsqu'une déclaration constitutionnelle, en novembre de cette année, lui a effectivement accordé des pouvoirs illimités, les opinions sur lui et sur les Frères musulmans sont devenues plus divisées parmi les responsables de l'administration. Certains, dont l'ambassadrice américaine en Égypte, Anne Patterson, continuaient de croire que les intérêts américains étaient mieux servis par le maintien au pouvoir des Frères musulmans, tandis que d'autres craignaient que le groupe tente d'établir un État religieux fasciste.

Le soulèvement populaire du 30 juin 2013 en Égypte a choqué les Frères musulmans et leurs partisans, qui sont intervenus avec force pour tenter de vaincre ceux qui étaient descendus dans la rue sauver leur pays. Néanmoins, la révolution réussit et le régime des Frères musulmans fut renversé.

Ce fut un moment déterminant dans l'évolution de la forme des relations entre l'Égypte et les États-Unis. Je dis «forme» et non «contenu», parce que la nouvelle administration du Caire était soutenue par la grande majorité du peuple égyptien, tandis que Washington était contraint, par ses actions récentes, ses expériences et ses contacts avec l'Égypte, et une compréhension incomplète de la réalité des changements là-bas. En conséquence, il y eut des frictions dans les relations bilatérales, aggravées par des domaines de malentendus mutuels.

Les deuxième et troisième générations de personnalités importantes des Frères musulmans dans d'autres pays, qui avaient été éduquées au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada et parlaient couramment l'anglais, se sont mises à essayer de sauver leurs camarades en Égypte. Ils ont écrit des articles pour les principaux journaux, magazines et groupes de réflexion, et leurs voix ont été entendues au Congrès américain.

L'État égyptien tenait à mettre fin à ce cauchemar. Lorsque le candidat républicain Trump a vaincu son opposante démocrate Hillary Clinton – qui, comme Obama, était une partisane des Frères musulmans en Égypte – lors de l'élection présidentielle de 2016, il a commencé à mettre en œuvre une refonte de la politique américaine. Entre autres choses, il a rejeté les Frères musulmans, annulé les traités américains avec l'Iran et est allé jusqu’à  des ouvertures diplomatiques en Corée du Nord et en Russie.

Pendant ce temps, l'État égyptien a cherché à apporter des améliorations architecturales, sociales et économiques et à construire des ponts de communication avec le monde. Ces efforts ont porté leurs fruits. L'Égypte est devenue une force internationale importante à de nombreux niveaux et dans des domaines tels que la lutte contre le terrorisme, le gaz méditerranéen, la crise libyenne et la paix au Moyen-Orient.

La politique du président Biden sera fondée sur les réalités actuelles et non sur les événements passés.

Dr Abdellatif el-Menawy

En raison des progrès réalisés par l’Égypte dans ces domaines et dans d’autres, la communauté internationale est de plus en plus désireuse de coopérer avec Le Caire. Au fil du temps, le monde a vu clair à travers les mensonges des Frères musulmans et les allégations d’injustice sans fondement.

Cela nous ramène à Biden: son équipe de politique étrangère adoptera certainement une approche différente de l'Égypte que celle de l'administration Obama, dont Biden était vice-président. La politique du président Biden sera fondée sur les réalités actuelles et non sur les événements passés.

Les Égyptiens qui ne sont pas satisfaits de l’élection de Biden ignorent l’amélioration des relations économiques entre l’Égypte et les États-Unis ces dernières années. Cela n'a été possible qu'en acceptant de traiter avec les dirigeants américains.

Lors de la visite du président Abdel Fattah al-Sissi à New York en septembre 2019, nous avons vu l'ampleur de la récente croissance des investissements américains en Égypte, que les nouveaux occupants de la Maison Blanche prendront certainement en considération lors de leurs relations avec Le Caire.

L'Égypte a également acquis une nouvelle position de premier plan dans le secteur du gaz naturel en Méditerranée orientale – un développement que l'administration Biden voudra bien étudier et dont il profitera. Il y a aussi les problèmes de la crise libyenne, de l'immigration clandestine en Europe et de la paix régionale à prendre en compte; autant de problèmes dans lesquels l'Égypte est devenue un acteur central.

Le Dr Abdellatif el-Menawy est un journaliste, écrivain et chroniqueur multimédia acclamé par la critique et qui a couvert des zones de guerre et des conflits dans le monde entier. Twitter: @ALMenawy

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.