Expulsion à Kiev : les moines décidés à rester, des fidèles dénoncent une injustice

Un prêtre orthodoxe se promène dans le domaine de la laure de Kiev-Pechersk, également connue sous le nom de monastère des grottes de Kiev, un monastère chrétien orthodoxe oriental historique à Kiev le 14 mars 2023. (AFP)
Un prêtre orthodoxe se promène dans le domaine de la laure de Kiev-Pechersk, également connue sous le nom de monastère des grottes de Kiev, un monastère chrétien orthodoxe oriental historique à Kiev le 14 mars 2023. (AFP)
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Publié le Samedi 25 mars 2023

Expulsion à Kiev : les moines décidés à rester, des fidèles dénoncent une injustice

  • Les autorités ont ordonné aux religieux de quitter d'ici à mercredi leur monastère de la Laure des Grottes, auparavant affilié à l'Eglise russe
  • Le président Volodymyr Zelensky avait, quant à lui, invoqué la nécessité de défendre l'«indépendance spirituelle» face à Moscou

KIEV: Dans le principal monastère orthodoxe d'Ukraine, à Kiev, les moines jugent "sans fondement légal" un avis d'expulsion émis par le gouvernement ukrainien et entendent rester sur le site "aussi longtemps" que possible.

Les autorités ont ordonné aux religieux de quitter d'ici à mercredi leur monastère de la Laure des Grottes, auparavant affilié à l'Eglise russe et dont le rôle a été primordial dans l'histoire de l'orthodoxie ukrainienne et russe.

Fondé au XIe siècle et classé par l'Unesco au patrimoine mondial, le site, qui surplombe les rives du Dniepr, héberge des moines qui font partie de la branche de l'Eglise orthodoxe ukrainienne soumise au patriarcat de Moscou avant la guerre déclenchée il y a plus d'un an.

Leur Eglise a néanmoins annoncé en mai la rupture de ses liens avec la Russie car le patriarche russe, Kirill, a soutenu avec vigueur l'invasion de l'Ukraine.

Mais le gouvernement de Kiev estime que cette Eglise reste de facto dépendante de Moscou.

"Notre Eglise a été la première de toutes les organisations religieuses d'Ukraine à condamner la guerre de Poutine contre l'Ukraine. Elle a béni l'armée ukrainienne pour qu'elle défende la patrie", plaide l'archevêque Kliment, un porte-parole de cette Eglise, interrogé par l'AFP au monastère.

"Nous entendons des ultimatums de la part du ministre de la Culture qui ne sont confirmés par aucun document juridique. Il n'existe aucun fondement légal" en vue d'obliger les moines  partir, dénonce le métropolite.

Mi-mars, le ministre Oleksandre Tkatchenko avait annoncé la résiliation du bail qui permettait à cette Eglise de louer gratuitement une partie du monastère de Kiev, au motif de "violations (des règles) dans l'utilisation de biens d'Etat".

Le président Volodymyr Zelensky avait, quant à lui, invoqué la nécessité de défendre l'"indépendance spirituelle" face à Moscou.

«Mensonge»

Selon le porte-parole, ils sont désormais sous la menace d'"expulsions forcées" et aussi de coupures "de courant, d'eau et d'internet". "Nous resterons à la Laure aussi longtemps que cela sera physiquement possible", affirme-t-il.

Mercredi soir, dans un message filmé, le métropolite Pavlo, chargé de la Laure des Grottes, avait déjà annoncé leur refus de quitter les lieux : "Nous ne pouvons pas faire ça, peu importe le prétexte", a-t-il déclaré.

Devant l'un des bâtiments vendredi, des journalistes de l'AFP ont vu un camion de déménagement dans lequel de jeunes hommes chargeaient des cartons de livres et du petit mobilier. A l'entrée principale, la police filtrait les véhicules en demandant aux conducteurs d'ouvrir leur coffre.

Selon le métropolite Kliment, plus de 200 moines et 300 étudiants vivent sur le site qui s'étend sur plus de 20 hectares, avec de nombreuses églises aux dômes dorés et des bâtiment aux toits verts.

Fin 2022, les autorités ukrainiennes avaient procédé à plusieurs perquisitions dans des édifices religieux de cette Eglise et sanctionné des ecclésiastiques pour leurs prises de position jugées prorusses. La Laure de Kiev avait aussi été perquisitionnée.

Dans son message filmé, le métropolite Pavlo a appelé les fidèles au "devoir de défendre cet endroit saint avec nous", le 29 mars.

Le porte-parole de l'Eglise a affirmé avoir "reçu des informations selon lesquelles la police a reçu l'ordre d'arrêter tous les cars transportant des croyants vers la Laure de Kiev et de contrôler tous les passagers afin qu'ils ne puissent pas y pénétrer", le 29 mars.

Arina Lazourenko, 37 ans, qui s'est spécialement déplacée de la région de Soumy (nord-est) pour visiter le monastère, dit soutenir "tous ceux qui défendront la Laure et les droits des croyants".

"Je ne sais pas si je viendrai (mercredi), je ne peux rien promettre (...) Je suis optimiste, j'espère que tout ira bien", poursuit-elle.

Pour Anna, 46 ans, "il n'y a aucun lien entre cette Eglise et Moscou. C'est un mensonge". "Je pense donc qu'il est injuste de transférer ce monastère au ministère de la Culture", ajoute-t-elle.

"Je ferai de mon mieux pour être présente le 29 mars", dit-elle, avant de lâcher : "Je pleure. J'étais à l'église et je pleure".


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.