Pourquoi la Crimée doit être rendue à l'Ukraine

Le président russe Vladimir Poutine, flanqué du vice-Premier ministre Marat Khusnullin (L), visite le pont du détroit de Kertch, également connu sous le nom de pont de Crimée, le 5 décembre 2022. Le pont, qui relie le continent russe à la péninsule de Crimée, a été endommagé par une attaque le 8 octobre 2022. (Photo Mikhail Metzel / SPUTNIK / AFP)
Le président russe Vladimir Poutine, flanqué du vice-Premier ministre Marat Khusnullin (L), visite le pont du détroit de Kertch, également connu sous le nom de pont de Crimée, le 5 décembre 2022. Le pont, qui relie le continent russe à la péninsule de Crimée, a été endommagé par une attaque le 8 octobre 2022. (Photo Mikhail Metzel / SPUTNIK / AFP)
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Publié le Lundi 27 mars 2023

Pourquoi la Crimée doit être rendue à l'Ukraine

Pourquoi la Crimée doit être rendue à l'Ukraine
  • En langage militaire, la Crimée est un « terrain décisif »
  • La péninsule de Crimée, reconnue internationalement comme faisant partie de l'Ukraine est annexée et sous contrôle russe depuis 2014

La semaine a été chargée pour les forces russes en Crimée. Des explosions ont eu lieu près de la ville de Dzhankoi, un important nœud ferroviaire utilisé par l'armée russe. Des drones-suicides ukrainiens auraient attaqué un train transportant des missiles de croisière destinés à la flotte russe de la mer Noire. Pour la deuxième fois depuis le début de la guerre, l'Ukraine a également lancé une attaque navale par drone contre des navires de guerre russes à Sébastopol.

La péninsule de Crimée, reconnue internationalement comme faisant partie de l'Ukraine mais annexée et sous contrôle russe depuis 2014, était à l'origine considérée par Moscou comme étant à une distance sûre des frappes ukrainiennes. Il s’avère désormais que cet optimisme n’avait pas lieu d’être. Une série d'attaques a été menée contre des cibles dans la péninsule, notamment des aérodromes militaires, des bases navales et des quartiers généraux. L'attaque la plus médiatisée a eu lieu en octobre dernier, lorsque le pont de Kertch a été touché au lendemain du 70ème anniversaire de Vladimir Poutine. Ce pont est le seul lien physique entre la péninsule de Crimée et la Fédération de Russie.

En langage militaire, la Crimée est un « terrain décisif » - ce terme désigne toute zone qui donne à un camp un avantage militaire sur l'autre dans un conflit. Sur le plan tactique, il peut s'agir d'un sommet de colline. Au niveau stratégique, il peut s'agir d'une grande étendue de terre telle que la péninsule de Crimée. C'est d’ailleurs la raison pour laquelle les deux parties accordent une telle importance à la Crimée.  

Certains affirment que l'histoire de la Crimée est compliquée et qu'il est donc difficile de déterminer son statut juridique. En réalité, la situation est bien plus simple. La Crimée appartient à l'Ukraine, et même la Russie a récemment estimé que c'était le cas. En effet, en décembre 1991, au moment de la chute de l'Union soviétique, la Russie a été le premier pays à reconnaître l'indépendance de l'Ukraine et l'inclusion de la Crimée dans ses frontières nationales. Début 1992, la plupart des pays ont suivi l'exemple de la Russie en reconnaissant l'indépendance de l'Ukraine et son contrôle sur la Crimée.

Les Émirats arabes unis ont été le premier pays du Golfe à reconnaître l'indépendance de l'Ukraine en janvier 1992. En 2014, lorsque la Russie a lancé une attaque contre la Crimée, une majorité de pays de l'Assemblée générale des Nations unies a voté en faveur de l'Ukraine. À cette époque, aucun pays du Golfe n'a voté contre la résolution condamnant l'annexion de la Crimée par la Russie. Le mois dernier, lorsque l'Assemblée générale des Nations unies a voté une résolution appelant la Russie à retirer ses troupes d'Ukraine, 141 pays, dont tous les membres du CCG, ont voté en faveur de cette résolution.

Le résultat du dernier vote de l'Assemblée générale des Nations unies ne devrait pas surprendre. Même les pays situés à des milliers de kilomètres de la Crimée peuvent être affectés par les événements qui s'y déroulent. La Russie a toujours utilisé la Crimée comme un tremplin pour la réalisation de ses objectifs géopolitiques régionaux. Avant le début de la guerre en Ukraine l'année dernière, la Russie a utilisé ses bases navales en Crimée pour soutenir ses opérations en Méditerranée orientale et pour épauler Assad en Syrie. La Russie a également utilisé ses assises en Crimée pour exercer une influence en Libye.

En outre, tant que la Russie maintiendra une présence militaire en Crimée, elle sera en mesure de perturber les exportations vitales de céréales de l'Ukraine vers le reste du monde. Heureusement qu’à cet égard, l'accord négocié par la Turquie entre Moscou et Kiev l'année dernière, permettant l'exportation des céréales ukrainiennes, a été renouvelé. Toutefois, la Russie a la possibilité de mettre en œuvre ou d'interrompre cet accord à sa guise. En effet, sa présence en Crimée lui confère une position militaire dominante dans la mer Noire.

Au fur et à mesure que les Ukrainiens avancent sur le champ de bataille, la lutte militaire pour la Crimée se concrétise de plus en plus. Il est fort probable que la principale contre-attaque de l'Ukraine cette année ait lieu dans le sud, de Zaporizhzhia en direction de Melitopol. Si les Ukrainiens atteignent la mer d'Azov et coupent le pont terrestre reliant la Fédération de Russie à la Crimée, le prochain point à l'ordre du jour de l'Ukraine sera l'entrée dans la péninsule elle-même. La Russie en est parfaitement consciente ; les images satellite montrent que de nouveaux obstacles antichars et des tranchées fortifiées sont en cours de construction à travers la Crimée.

Les Russes n'abandonneront pas la Crimée sans livrer une rude bataille, mais les Ukrainiens sont déterminés à la reprendre. Tout règlement de la guerre qui ne ramène pas la Crimée sous le contrôle de Kiev établit un dangereux précédent. La dernière fois qu'un pays a eu recours à la force militaire pour annexer le territoire d'un autre, c'était lorsque Saddam Hussein a envahi le Koweït en 1990 pour en faire la 19ème province irakienne. Une autre comparaison possible serait le contrôle exercé par l'Iran sur les trois îles des Émirats arabes unis, Abu Musa et les Grande et Petite Tombes, et la présence de la marine des Gardiens de la révolution dans ces îles.

Tant que la Russie maintiendra une présence militaire en Crimée, l'Ukraine ne sera jamais totalement en sécurité. La reprise des combats demeurera une éventualité. C'est pourquoi toute fin de conflit, qu'elle soit militaire ou diplomatique, devrait aboutir à la restitution de la Crimée à l'Ukraine.

 

Luke Coffey est chercheur principal à l'Institut Hudson. Twitter : @LukeDCoffey

 

Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com