Mali: résurgence du conflit?

Des combattants du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) posent pour une photo le 28 août 2022. (Photo SOULEYMANE AG ANARA / AFP)
Des combattants du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) posent pour une photo le 28 août 2022. (Photo SOULEYMANE AG ANARA / AFP)
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Publié le Mardi 28 mars 2023

Mali: résurgence du conflit?

Mali: résurgence du conflit?
  • Le gouvernement de Bamako a perdu la maîtrise sur le nord du pays et il a fini par accepter le compromis avec les mouvements modérés en signant les accords d'Alger
  • Il s'avère urgent et nécessaire de sauver l'accord d'Alger, qui apparaît comme la seule issue crédible pour éviter l'embrasement du Nord-Mali

Les mouvements signataires de l'accord d’Alger (qui vise à mettre fin à la guerre du Mali, NDLR), en 2015, sont désormais regroupés au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement. Ils ont récemment fustigé l'impasse dans laquelle s'enlise cet accord après sept ans d'inertie délibérée des autorités publiques maliennes.
La branche armée des mouvements d'Azawad (dans le nord du Mali) a même agité le spectre de la lutte violente comme réaction face à la menace du gouvernement malien de reprendre par la force Kidal, principale ville de la communauté touareg malienne.
Kidal, qui a été la base principale des unités militaires françaises au Mali, est toujours entre les mains d’anciens rebelles, même si ces derniers reconnaissent la souveraineté de l'État malien sur la totalité de l'Azawad dans le cadre de l'approche de large décentralisation qui permet aux communautés locales de gérer leurs propres affaires.

Le gouvernement de Bamako a perdu la maîtrise sur le nord du pays et il a fini par accepter le compromis avec les mouvements modérés en signant les accords d'Alger, qui n'ont été jamais appliqués.


Une nouvelle rébellion au nord du Mali est donc à craindre. Elle semble même imminente et inévitable. La dernière en date remonte à 2012; elle avait été marquée par la déclaration d'indépendance de l'entité d'Azawad, suivie par l'invasion de mouvements radicaux violents qui ont ensuite été délogés par les unités armées françaises.
À la différence des rébellions des années 1960 et 1990, les mouvements indépendantistes du Nord-Mali ont occupé le devant de la scène depuis la chute du régime de Kadhafi, en 2011, qui a permis l'intrusion des armes à large spectre dans toute la région du Sahel.
Le gouvernement de Bamako a perdu la maîtrise sur le nord du pays et il a fini par accepter le compromis avec les mouvements modérés en signant les accords d'Alger, qui n'ont été jamais appliqués.
L'une des principales causes de cette inertie est certainement le rôle néfaste des milices terroristes qui ont sévi dans la région, entraînant une anarchie sanglante sans issue.

Le danger que redoutent d’abord les acteurs politiques maliens serait l'alliance d'intérêt entre ces groupes nationalistes et les milices radicales violentes, qui sont omniprésentes dans la totalité de l'espace sahélien.


L'approche sécuritaire a donc escamoté les exigences objectives de résolution du conflit d'Azawad, qui est à l'origine du problème géopolitique sahélien.
Le coup d'État perpétré par l'armée malienne en août 2020 a introduit des changements substantiels dans la gestion du dossier d'Azawad, comme la fin de la coopération militaire avec la France – cristallisée par le passé sur la lutte contre les mouvements radicaux violents au nord du Mali – et l'appel au groupe militaire privé russe Wagner dans le cadre de la nouvelle politique d'unification forcée du pays.
Le conseil militaire au pouvoir a reproché à la France sa «complaisance» présumée avec les mouvements indépendantistes touareg et il a promis la reprise totale des provinces qui relèvent de la souveraineté de l'État malien.
À défaut d'un accord politique préalable avec les groupes armés du Nord, la tentative du gouvernement malien pourrait conduire à l'embrasement de cette région qui constitue les deux tiers du territoire du pays.
Le danger que redoutent d’abord les acteurs politiques maliens serait l'alliance d'intérêt entre ces groupes nationalistes et les milices radicales violentes, qui sont omniprésentes dans la totalité de l'espace sahélien.
Des sources dignes de foi ont déjà annoncé des pourparlers avancés entre une frange des mouvements nationalistes et le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, présidé par l'ancien leader des rébellions touareg, Iyad Ag Ghali.

Les mouvements radicaux violents qui se sont peu à peu implantés dans les étendues désertiques sahéliennes ont réussi à tisser des rapports solides avec les communautés de la région (arabes, touareg, peules) et ils se sont incrustés dans le dispositif économique et social local.


Bien que les mouvements nationalistes du Nord-Mali aient combattu fermement les milices terroristes par le passé, la conjoncture actuelle pourrait être propice à un rapprochement subit entre ces groupes liés par l'affrontement avec le gouvernement militaire malien.
Les mouvements radicaux violents qui se sont peu à peu implantés dans les étendues désertiques sahéliennes ont réussi à tisser des rapports solides avec les communautés de la région (arabes, touareg, peules) et ils se sont incrustés dans le dispositif économique et social local.
Cette situation délicate a conduit à limiter le champ d'action des nationalistes du Nord-Mali. Ces derniers, tout en redoutant les velléités des groupes terroristes, se préparent activement à la confrontation armée avec le gouvernement malien.
Ainsi, il s'avère urgent et nécessaire de sauver l'accord d'Alger, qui apparaît comme la seule issue crédible pour éviter l'embrasement du Nord-Mali.

 

Seyid ould Abah est professeur de philosophie et sciences sociales à l'université de Nouakchott,Mauritanie et chroniqueur dans plusieurs médias. Il est l'auteur de plusieurs livres en philosophie et pensée politique et stratégique.

Twitter: @seyidbah

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.