Macron entre l’ordre et le désordre!

Les manifestations dans la rue prennent progressivement une allure insurrectionnelle. Les partis de l’opposition, toutes tendances politiques confondues, ont érigé un sillage de refus et de critiques de la démarche présidentielle. (AFP).
Les manifestations dans la rue prennent progressivement une allure insurrectionnelle. Les partis de l’opposition, toutes tendances politiques confondues, ont érigé un sillage de refus et de critiques de la démarche présidentielle. (AFP).
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Publié le Mercredi 29 mars 2023

Macron entre l’ordre et le désordre!

Macron entre l’ordre et le désordre!
  • Depuis le début de la crise de la réforme des retraites, de nombreux signaux indiquent que la France se dirige manifestement vers une dangereuse impasse
  • La maîtrise du temps des manifestations et de la réalité sécuritaire sont au cœur du bras de fer entre d’une part Emmanuel Macron, et d’autre part, les syndicats et les partis de l’opposition

Aux dernières nouvelles, Emmanuel Macron et sa Première ministre ont entamé une série de rencontres avec les chefs de la majorité pour élaborer une stratégie de sortie de crise afin de briser la logique de tensions et d’affrontements dans laquelle la France s’est enfermée.

En effet, depuis deux semaines, les scènes de violence entre police et manifestants se suivent et se ressemblent en France avec une inquiétante régularité. Les rues de Paris, la Ville Lumière, sont toujours jonchées de poubelles. Autant de signaux qui indiquent la persistance de la crise d’un pays qui se dirige manifestement vers une dangereuse impasse.

Durant ses deux sorties médiatiques, l’interview aux télévisions françaises et la conférence de presse à Bruxelles, Emmanuel Macron est resté droit dans ses bottes, ferme dans ses convictions. Les violences de rue et les fermes oppositions politiques au Parlement ne l’ont pas fait bouger d’un iota.

Comme dit l’adage arabe, les vents emmènent souvent les bateaux là où ils n’ont pas forcément envie de se diriger… Les manifestations dans la rue prennent progressivement une allure insurrectionnelle.

Pour Emmanuel Macron, l’adoption de la réforme des retraites par le recours au fameux 49.3 qui lui fait l’économie d’un débat et d’un vote parlementaire est tout ce qu’il y a de légitime et démocratique. Tant que la légalité constitutionnelle est de son côté, il n’y a aucune raison de céder sur un projet de loi présenté comme une réforme phare de son double quinquennat. D’ailleurs, le président français attend avec impatience la validation du Conseil constitutionnel pour prétendre clore le cheminement démocratique de cette réforme.

Sauf que, comme dit l’adage arabe, les vents emmènent souvent les bateaux là où ils n’ont pas forcément envie de se diriger… Les manifestations dans la rue prennent progressivement une allure insurrectionnelle. Les partis de l’opposition, toutes tendances politiques confondues, ont érigé un sillage de refus et de critiques de la démarche présidentielle.

Même le parti des Républicains, sur lequel Emmanuel Macron avait nourri d’énormes espoirs pour lui procurer l’appoint parlementaire, s’est distingué par des critiques acerbes contre le président et la Première ministre, Élisabeth Borne. Ce parti de la droite républicaine joue sa survie politique.

L’explication logique de l’entêtement d’Emmanuel Macron dans cette crise sociale se trouve sans doute dans sa profonde conviction que les manifestations de rue finiront fatalement par s’essouffler et que l’opposition politique par accepter la nouvelle réalité politique une fois validée par le Conseil constitutionnel. Il s’agit donc pour l’équipe gouvernementale d’une course contre la montre pour gagner du temps jusqu’à ce que les adversaires de cette réforme se fatiguent et posent un genou par terre.

Emmanuel Macron pourrait perdre de sa superbe quand il sera amené à traiter et à proposer des solutions à des conflits internationaux.  Son discours pourrait être démagnétisé.

Ce pari peut réussir si la rébellion dans la rue perd de son effervescence et s’évapore avec le temps. Comme il peut échouer si la radicalité prend le dessus et oblige le gouvernement à un harcèlement sécuritaire extrêmement dangereux à gérer dans le temps. C’est sur la base de cette approche que les adversaires d’Emmanuel Macron l’accusent de jouer avec le feu, au risque de provoquer un embrasement permanent dans l’Hexagone.

La maîtrise du temps des manifestations et de la réalité sécuritaire du pays sont au cœur de ce bras de fer entre d’une part, Emmanuel Macron, et d’autre part, les centrales syndicales et les partis de l’opposition.

Le problème pour le président de la République est que s’il ne parvient pas à trouver des solutions d’apaisement avec les adversaires de cette réforme, il aura participé à abîmer d’avantage sa relation avec le pays, une situation qui remettra en question l’ensemble de l’agenda réformiste qui lui reste à dérouler pour le reste de son second mandat. 

Signe des mauvais temps qui l’attendent, l’une des autres réforme phares de son mandat, la grande et ambitieuse loi sur l’immigration portée par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a déjà été scarifiée sur l’autel de la colère de l’opposition parlementaire. Emmanuel Macron peut toujours menacer de continuer à gérer les affaires du pays par l’usage mécanique du 49.3, mais cela signerait son grand échec et jetterait d’avantage d’huile sur le feu, créant les conditions d’une victoire de la prochaine motion de censure contre le gouvernement. Macron se verrait ainsi obligé de dissoudre le Parlement et de convoquer des législatives anticipées avec leurs lots de possibles surprises.

Sur le plan international, Emmanuel Macron est déjà en perte de vitesse. Le report de la visite tant attendue du nouveau roi britannique, Charles III, est venu incarner l’impact international de cette crise française. La colère dans la rue aura, d’une manière ou d’une autre, saboté l’agenda international du président français. Et cette crise française s’est invitée au sommet des chefs d’État de l’Union européenne à Bruxelles et a relégué au second plan des questions censées être plus importantes et plus stratégiques.

D’ailleurs, si la crise dure dans les conditions de tensions prévues par certains observateurs, Emmanuel Macron pourrait perdre de sa superbe quand il sera amené à traiter et à proposer des solutions à des conflits internationaux.  Son discours pourrait être démagnétisé. Être affaibli sur le plan interne rejaillirait certainement sur sa posture et sa crédibilité à l’international.

 

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

Twitter: @tossamus

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.