Sécurité, violences et manifestations: l'exécutif pris en étau

Un manifestant tient une pancarte lors d'une manifestation contre le projet de loi sur la "sécurité globale"', dont l'article 24. (AFP)
Un manifestant tient une pancarte lors d'une manifestation contre le projet de loi sur la "sécurité globale"', dont l'article 24. (AFP)
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Publié le Dimanche 29 novembre 2020

Sécurité, violences et manifestations: l'exécutif pris en étau

  • Comment sortir du piège de «l'article 24», qui prévoit de pénaliser la diffusion malveillante d'images de policiers?
  • L'avenir de l'article litigieux est désormais plus qu'incertain: certes, il ne sera pas réécrit par une commission, tel que l'avait d'abord indiqué le Premier ministre Jean Castex, sur une proposition de Gérald Darmanin, et qui a suscité une bronca parlem

PARIS : Au lendemain de manifestations fournies contre la loi «Sécurité globale», l'exécutif se retrouve pris en tenailles face à la pression d'une mobilisation grandissante et une aile droite incarnée par Gérald Darmanin, soucieuse de défendre les forces de l'ordre.

Comment sortir du piège de «l'article 24», qui prévoit de pénaliser la diffusion malveillante d'images de policiers?

La disposition est devenue le symbole d'une véritable crise politique depuis son vote en première lecture à l'Assemblée nationale, mardi, percutée par plusieurs affaires de violences policières présumées, précisément révélées par des vidéos, qui ont suscité l'émoi et ont multiplié soudainement les rangs de ses opposants.

L'avenir de l'article litigieux est désormais plus qu'incertain: certes, il ne sera pas réécrit par une commission, tel que l'avait d'abord indiqué le Premier ministre Jean Castex, sur une proposition de Gérald Darmanin, et qui a suscité une bronca parlementaire.

Mais son enterrement est désormais évoqué à voix haute dans la majorité: «Moi, franchement, je ne suis fermée à rien: il nous est arrivé de modifier, supprimer des articles», a résumé dimanche la présidente LREM de la commission des Lois à l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, sur France Inter.

Le ministre des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, a pour sa part prévenu dans le JDD qu'il restait encore «des mois de travail» avant la finalisation de la proposition, qui doit être examinée par le Sénat et le Conseil constitutionnel.

La promesse de renvoi aux calendes grecques est-elle suffisante pour calmer une mobilisation électrisée?

La semaine écoulée a mis en exergue les limites du +et-en-même-temps+ macronien sur les questions de sécurité: si le chef de l'Etat a fustigé le tabassage par des policiers d'un producteur de musique à Paris - «des images qui nous font honte» -, la ligne de fermeté sur le régalien, incarnée par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, n'est nullement remise en cause.

D'autant que la forte mobilisation samedi (entre 130.000 et 500.000 participants) contre la proposition de loi «Sécurité globale», dont est issu l'article 24, a été émaillée de scènes de violence, cette fois contre les policiers.

- Macron directement exposé -

L'exécutif est donc face à un dilemme: faut-il «retirer» cet article, dont chacun s'accorde à reconnaître, à tout le moins en privé, qu'il est mal écrit et d'ailleurs probablement inconstitutionnel, pour mettre fin au risque de pourrissement de la situation ? Certains évoquant même les souvenirs des mobilisations contre la loi Travail sous François Hollande ou contre le CPE sous Jacques Chirac tels des épouvantails.

L'idée d'une reculade sèche présente un risque politique: d'abord, donner une victoire à la gauche, revigorée par l'affaire et qui, de Jean-Luc Mélenchon à François Hollande en passant par  Yannick Jadot, demande à l'unisson la suppression de la mesure. «Aujourd'hui, s'il y a de l'honneur, il doit se trouver dans le retrait du texte et pas dans son maintien», a notamment fait valoir l'ex-président socialiste.

Ensuite, elle nourrirait les critiques de la droite contre un supposé laxisme de l'exécutif: «Jamais il n’a été aussi impératif et urgent de remettre la France en ordre», a fustigé Marine Le Pen, alors que le numéro deux de LR, Guillaume Peltier a dénoncé «les bureaucrates qui nous conduisent à la tyrannique anarchie», après les images de policiers attaqués.

L'article 24 pourrait également être retiré, mais recyclé dans le projet de loi contre le séparatisme, dont une disposition reprend l'esprit de la mesure, étendue à l'ensemble des fonctionnaires, soufflent plusieurs responsables de la majorité. 

Dimanche soir, sur CNews, le député Jean-Michel Fauvergue, l'un des rapporteurs de la proposition de loi «Sécurité globale», a par ailleurs émis l'idée que l'article litigieux soit intégré au Code pénal, et non à la loi de 1881 sur la liberté de la presse, tel qu'initialement prévu.

Reste que c'est désormais Emmanuel Macron qui est directement exposé: «Le responsable de tout cela, c'est le président de la République», a taclé dimanche l'ex-LR Xavier Bertrand, adversaire putatif du chef de l'Etat lors de la prochaine élection présidentielle.

Le président des Hauts-de-France épargne en revanche Gérald Darmanin mais, de manière plus inattendue, attaque le préfet de police, Didier Lallement, en relais des appels à son limogeage lancés par la gauche et une partie de la majorité tant l'homme incarne les violences policières pour une partie de l'opinion.

Jusqu'alors, le haut-fonctionnaire a bénéficié du soutien sans faille de Gérald Darmanin, qui refuse toujours d'en faire un fusible.  

 


Grève nationale : les syndicats unis contre le budget du futur gouvernement

Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
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  • Journée de grève nationale ce jeudi à l’appel des 8 principaux syndicats français, unis contre les mesures budgétaires jugées « brutales »
  • Les autorités redoutent des débordements à Paris, avec jusqu’à 100 000 manifestants attendus et la présence annoncée de casseurs. 900 000 personnes pourraient se mobiliser dans toute la France

Les syndicats français ont promis une "journée noire" de manifestations et de grèves jeudi pour peser sur les choix budgétaires du prochain gouvernement, en pleine crise politique dans la deuxième économie de l'UE.

A Paris, le préfet de police s'est dit "très inquiet" de la présence de nombreux casseurs venant pour "en découdre" dans la manifestation prévue dans la capitale, qui pourrait selon lui rassembler 50.000 à 100.000 personnes.

Les autorités s'attendent à une mobilisation massive, avec plus de 250 cortèges annoncés qui pourraient réunir jusqu'à 900.000 personnes à travers le pays, soit cinq fois plus que lors du mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical.

Cette mobilisation lancée par les huit syndicats français, unis pour la première fois depuis le 6 juin 2023, vise les mesures budgétaires "brutales" préconisées cet été par le Premier ministre François Bayrou pour réduire le déficit de la France (coupes dans le service public, réforme de l'assurance chômage, gel des prestations sociales notamment).

Son gouvernement alliant le centre droit et la droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a été renversé par les députés le 8 septembre.

Nommé le lendemain, son successeur Sébastien Lecornu - troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 - s'est lui aussi engagé à réduire le déficit qui plombe les comptes de la nation (114% du PIB), tout en promettant des "ruptures sur le fond" en matière budgétaire.

Ce fidèle du président a entamé une série de consultations avec les partis politiques avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget pour 2026.

Il a également reçu quasiment tous les syndicats, qui n'en ont pas moins maintenu leur mot d'ordre, espérant une mobilisation similaire à celles de 2023 contre la réforme des retraites qui avaient régulièrement réuni un million de manifestants, dont un pic à 1,4 million.

- "Démonstration de force" -

"Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", s'est indignée lundi la leader de la CGT, Sophie Binet, après avoir rencontré le nouveau Premier ministre.

L'abandon par Sébastien Lecornu de la très controversée suppression de deux jours fériés voulue par François Bayrou est "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a-t-elle estimé.

Même la CFDT, syndicat réputé plus apte au compromis, est "plus que jamais motivée pour aller dans la rue", a fait savoir sa responsable Marylise Léon qui attend "des faits et des preuves" du nouveau chef de gouvernement, et notamment un "besoin d’efforts partagés".

Elle a apprécié à cet égard que le successeur de François Bayrou se dise selon elle conscient de la nécessité de "faire quelque chose" au sujet de la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat.

"Le budget va se décider dans la rue", estime Mme Binet, qui évoque une "démonstration de force" et laisse entrevoir une mobilisation dans la durée.

Côté transports, le trafic sera "perturbé" voire "très perturbé" dans la capitale, ainsi que pour les trains interurbains.

Ce sera moins le cas pour les trains régionaux et les TGV. Un service proche de la normale est attendu dans les aéroports, le principal syndicat de contrôleurs aériens ayant reporté sa grève.

A l'école, un tiers des enseignants du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) seront grévistes. L'ampleur du mouvement dans la fonction publique en générale reste encore à préciser.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.