Macron sur le terrain pour afficher sa détermination à «avancer» malgré la crise

Emmanuel Macron a dévoilé jeudi dans les Hautes-Alpes «un plan de sobriété sur l'eau» pour anticiper les effets du changement climatique, annonçant notamment l'objectif de 10% de réutilisation des eaux usées. (AFP)
Emmanuel Macron a dévoilé jeudi dans les Hautes-Alpes «un plan de sobriété sur l'eau» pour anticiper les effets du changement climatique, annonçant notamment l'objectif de 10% de réutilisation des eaux usées. (AFP)
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Publié le Jeudi 30 mars 2023

Macron sur le terrain pour afficher sa détermination à «avancer» malgré la crise

  • Citant «l'énergie, l'industrie, le tourisme, les loisirs, l'agriculture», le chef de l'Etat a appelé à la responsabilisation de chacun lors de la présentation au lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes) de ce plan
  • Il a annoncé la mise en place d'un «EcoWatt de l'eau» sur le modèle de l'instrument mis en place pour réduire la consommation d'électricité pendant l'hiver

SAVINES-LE-LAC: Le pays doit "avancer": Emmanuel Macron est retourné jeudi sur le terrain pour marteler que rien ne l'arrêtera dans sa volonté de réformes malgré la crise des retraites et les slogans hostiles qui l'ont accompagné dans les Hautes-Alpes.

Le chef de l'Etat était venu présenter le "plan Eau" du gouvernement sur les bords du lac de Serre-Ponçon, alors qu'il n'était pas retourné en région depuis le début de la crise hormis un déplacement en Charente sur la vaccination contre le papillomavirus fin février.

"Macron démission", "Emmanuel Macron on ne veut pas de toi chez nous": dès sa descente de voiture à Savines-le-Lac, le ton de la contestation contre la réforme des retraites, qui le vise de plus en plus personnellement, était donné.

Quelque 200 manifestants, tenus à distance par les gendarmes, ont entonné un concert de sifflets, sirènes et slogans peu amènes audibles jusqu'aux oreilles du président.

Ce dernier, entouré d'élus locaux au bord du lac, est resté impassible, prenant le temps de se faire expliquer la situation, de plus en plus critique en matière d'eau dans la région avec le réchauffement climatique.

"Il y a 200 manifestants: est-ce que ça veut pour autant dire que la République doit s'arrêter ? La réponse est non", a-t-il lancé, sans ciller, lors d'un échange avec la presse confirmé à la dernière minute.

Face au manque d'eau, l'agriculture devra «diminuer sa consommation», prévient une chercheuse

"La nature n'est plus capable d'encaisser des prélèvements toujours plus nombreux" et l'agriculture, qui représente 58% de la consommation d'eau en France, devra être plus économe, estime l'hydro-climatologue Agnès Ducharne, chercheuse au CNRS.

Quels sont les impacts du stockage d'eau destiné à l'irrigation (barrages, retenues collinaires, bassines)?

Quelle que soit la retenue, quand on retient l'eau, cela change le régime d'écoulement, le débit, qui varie selon les saisons. Dans le cas de l'irrigation agricole, 80% de l'eau est absorbée par la plante, qui produit de la biomasse et va rendre cette eau sous forme de vapeur d'eau (évapo-transpiration).

Cette eau est considérée comme consommée et pas seulement prélevée. Du point de vue du cours d'eau, c'est une perte.

On considère que la pratique d'irrigation, qui vise à réduire la sécheresse des sols, aggrave la sécheresse des nappes et diminue le débit des cours d'eau.

Les prélèvements, cumulatifs au gré des ouvrages qui s'ajoutent, conduisent à un assèchement des cours d'eau, des petites rivières jusqu'aux grands fleuves. C'est le cas pour le Colorado ou les rivières qui alimentaient la mer d'Aral. Cela a un impact direct sur l'agriculture. Par exemple dans la vallée du Nil où il n'y a plus d'inondation et où la terre est moins fertile.

Quel est l'impact spécifique des "méga-bassines", ces réservoirs controversés au coeur d'un violent conflit d'usage dans les Deux-Sèvres ?

Contrairement aux retenues collinaires, alimentées par les eaux de ruissellement, les méga- bassines, vastes trous bâchés, sont des ouvrages déconnectés du réseau hydrographique.

Elles sont remplies par pompage de la nappe phréatique. Le principe est de pomper en hiver, quand la nappe est la plus haute, pour utiliser l'eau l'été.

Ce pompage a une incidence sur le débit des cours d'eau, qui sont eux-mêmes alimentés par la nappe. Quand le niveau est trop bas pour maintenir les écosystèmes, on prend des mesures de restriction: c'est ce qu'on a connu l'été dernier avec la sécheresse, jusqu'à cet hiver.

La bassine vise à se substituer à la nappe, en stockant l'eau en surface: l'eau étant dans un ouvrage privé, elle échappera aux mesures de restriction. Mais même en hiver, y en aura-t-il assez?

Cela veut-il dire que ces bassines ne sont déjà plus une solution adaptée dans le contexte du changement climatique?

Pendant longtemps, on a pu se dire que la ressource, plus rare l'été, se renouvelait l'hiver. Mais nous voyons que la nature n'est plus capable d'encaisser des prélèvements toujours plus nombreux. Il y a un effet cumulatif.

Avec le changement climatique, le niveau des nappes va baisser et il est possible que même la substitution ne soit plus possible. On le voit déjà en Espagne, où les sécheresses sont fréquentes et où de nombreuses retenues artificielles sont vides.

C'est ce qu'on appelle la maladaptation. Deux erreurs sont commises en même temps: on augmente des périmètres de stockage en artificialisant des terres, en contradiction avec la politique de zéro artificialisation nette, et on augmente les périmètres irrigués. Entre 2010 et 2020, les surfaces irriguées en France ont augmenté de 15%.

Il y a des incitations de développement complètement contradictoires avec les limites physiques de l'environnement.

Il est nécessaire que l'agriculture la plus consommatrice d'eau diminue sa consommation. Cela remet en cause la place du maïs irrigué (culture gourmande en eau quand elle est la plus rare, en été, NDLR) et celle de l'élevage: les animaux sont destinataires du maïs et boivent beaucoup d'eau.

D'un point de vue climatique, il faut réduire l'élevage intensif. Il faut rééquilibrer le système par rapport à des ressources en eau qui vont continuer à diminuer.

«Se retrousser les manches»

Le déplacement avait lui-même été annoncé au dernier moment mercredi, y compris aux journalistes devant l'accompagner, comme pour mieux prévenir toute mobilisation. Et les contrôles de sécurité ont été démultipliés, avec barrages de gendarmes, pour empêcher tout manifestant d'approcher.

"En termes de sécurité, il faut faire quand même attention dans la période", glisse un ministre de premier plan pour justifier ces précautions.

Les membres du gouvernement ont d'ailleurs eu comme consigne de réduire leurs déplacements au strict nécessaire.

Le chef de l'Etat et sa Première ministre sont englués dans une crise politique et sociale depuis le vote au forceps de la réforme, qu'ils entendent maintenir envers et contre tout. Mais ils tentent de montrer qu'ils ne sont pas bunkérisés.

Elisabeth Borne effectuera aussi un déplacement vendredi dans la Nièvre, son premier en région depuis deux mois. Au programme, l'éducation, un des thèmes que l'exécutif entend porter, au plus près des préoccupations des Français, pour tenter de tourner au plus vite la page des retraites.

"Qu'est-ce que vous voudriez qu'ils fassent d'autre ? La Première ministre reste à Matignon, le président reste à l'Elysée et on ne parle d'aucun autre sujet en attendant la prochaine manif ? Non, bien sûr que non", insiste ce même ténor du gouvernement. "Les affaires continuent."

C'était aussi le plaidoyer d'Emmanuel Macron, qui a assuré, comme pour conjurer le sort, s'atteler à "des chantiers immenses". "On est en train de tous se retrousser les manches pour notre école, notre santé. On fait la transition écologique", a-t-il insisté.

Sainte-Soline: des «  milliers de gens » étaient «  simplement venus pour faire la guerre», affirme Macron 

Des "milliers de gens" étaient "simplement venus pour faire la guerre" à Sainte-Soline, a affirmé jeudi Emmanuel Macron en déplacement dans les Hautes-Alpes pour présenter un plan visant à améliorer la gestion de l'eau.

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Des manifestants et des syndicalistes affrontent des gendarmes français lors d'une manifestation contre la visite du président français à Savines-le-Lac, dans les Alpes françaises, pour présenter son plan, le 30 mars 2023. (AFP)

"Vous avez des milliers de gens qui étaient simplement venus pour faire la guerre. C'est inacceptable", a déclaré le chef de l'Etat alors que la manifestation interdite, samedi, contre la méga-bassine de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), a été ponctuée d'affrontements très violents entre militants et forces de l'ordre avec deux manifestants toujours dans le coma.

Le président a dénoncé "des scènes de violences inacceptables" du côté des manifestants. "Chez certains une forme d'habitude de la violence s'installe, il faut la combattre avec beaucoup de fermeté", a-t-il commenté, demandant à "toutes les forces politiques républicaines d'être parfaitement clair sur ce sujet".

De 6.000 à 8.000 personnes selon les autorités, 30.000 selon les organisateurs, ont manifesté samedi.

Dans deux rapports, préfecture et gendarmerie défendent une riposte ciblée et proportionnée face à 800 à 1.000 manifestants "radicaux".

La Ligue des droits de l'homme dénonce au contraire "un usage immodéré" de la force sur l'ensemble des manifestants, dès qu'ils ont approché la réserve d'eau. Les organisateurs ont dénombré 200 blessés, dont au moins une personne éborgnée en plus des deux manifestants dans le coma.

Les familles des deux hommes ont déposé plainte notamment pour "tentative de meurtre".

Pour le député Renaissance Gilles Le Gendre, "le président de la République peut se déplacer en France quand il veut, où il veut, c'est essentiel", et le "plan eau" un "excellent motif".

"C'est bien qu'il montre qu'il soit sur le terrain avant de partir" en Chine la semaine prochaine, abonde un cadre du parti présidentiel à l'Assemblée nationale. "On a entendu dans les manifestations, mais aussi chez nous, chez nos militants, qu'il ne s'occupait pas assez de nous et trop de l'étranger."

En quête désespérée d'alliés pour gouverner malgré l'absence de majorité absolue, Emmanuel Macron a assuré vouloir "continuer de travailler avec beaucoup de respect, de calme".

Filant la métaphore avec l'histoire de Savines, dont l'ancien village fut noyé pour permettre la construction d'une retenue d'eau, il a pointé du doigt tous ceux qui s'opposent au recul de l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans.

"Ceux qui expliquent à la Nation qu'il ne faut rien changer pour bien vivre, ce sont comme ceux qui auraient décidé il y a 62 ans ici de ne rien bouger", a-t-il lancé. "Nous ne serions sans doute pas là pour en parler. La terre serait sèche", a-t-il asséné.


La France rapatrie treize femmes et enfants depuis les camps en Syrie, une première depuis deux ans

La Française Emilie Konig marche dans le camp Al-Roj, dans le nord-est de la Syrie, le 28 mars 2021, où elle est détenue avec d'autres personnes soupçonnées d'être des proches de membres présumés du groupe Daesh. (AFP)
La Française Emilie Konig marche dans le camp Al-Roj, dans le nord-est de la Syrie, le 28 mars 2021, où elle est détenue avec d'autres personnes soupçonnées d'être des proches de membres présumés du groupe Daesh. (AFP)
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  • La France a rapatrié dix enfants et trois femmes détenus dans des camps jihadistes en Syrie, marquant la première opération du genre depuis deux ans
  • Deux femmes ont été placées en garde à vue, et une troisième présentée à un juge antiterroriste

PARIS: La France a rapatrié tôt mardi matin dix enfants et trois femmes âgées de 18 à 34 ans qui étaient détenus dans des camps de prisonniers jihadistes dans le nord-est de la Syrie, une première depuis deux ans.

Parmi les femmes, "deux ont été placées en garde à vue, sur commission rogatoire du juge d'instruction", a annoncé le Parquet national antiterroriste (Pnat) dans un communiqué.

"Une autre femme, faisant l'objet d'un mandat d'arrêt, sera présentée à un juge d'instruction dans la journée" en vue d'une possible mise en examen, a-t-il ajouté.

"Les mineurs sont pris en charge dans le cadre de procédures d'assistance éducative sous la responsabilité du parquet" de Versailles, a indiqué le Pnat, qui "assurera le suivi centralisé des mineurs concernés, en lien avec les parquets territoriaux".

"La France remercie les autorités syriennes de transition ainsi que l'administration locale du Nord-Est syrien qui a rendu possible cette opération", a déclaré de son coté le porte-parole du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

Cette opération est une première depuis juillet 2023 en France, où ces retours restent une question sensible, dix ans après la vague d'attentats jihadistes sur le sol national.

Au total, 179 enfants et 60 femmes adultes ont été rapatriées depuis 2019, précise une source diplomatique.

Mais ces opérations avaient cessé à l'été 2023, faute de volontaires selon les autorités, et ce malgré des condamnations internationales dont celle de la Cour européenne des droits de l'Homme en 2022.

- "Arbitraire" -

"Pour les familles qui attendaient leurs petits-enfants, neveux et nièces depuis plus de six ans, c'est un immense et indescriptible soulagement", a déclaré l'avocate des femmes rapatriées, Marie Dosé, dans un communiqué transmis à l'AFP.

Mais "la France laisse derrière elle 110 autres enfants français, toujours détenus dans le camp Roj", l'un des camps contrôlés comme d'autres centres et prisons par les forces kurdes, depuis plus de six ans, dénonce-t-elle.

Des dizaines de milliers de personnes, d'une cinquantaine de nationalités et soupçonnées de liens avec l'organisation jihadiste État islamique, sont retenues dans ces camps.

En juin, quelque 120 enfants et une cinquantaine de femmes françaises y étaient encore retenus, selon le Collectif des Familles unies, qui rassemble leurs proches.

Après ce rapatriement nocturne, ce collectif a rediffusé sur X mardi matin son message habituel dénonçant la détention sur place d'enfants "coupables de rien" dans "des conditions indignes".

Car pour ces familles, rien n'est encore réglé. "Une nouvelle fois, la France fait le choix de l'arbitraire", regrette Marie Dosé.

"La France, qui refusait de rapatrier des enfants tant que leurs mères n'avaient pas donné leur accord, refuse aujourd'hui leur retour alors qu'ils sont devenus majeurs. Ce faisant et plus que jamais, la France décide donc de faire payer à ces enfants le choix de leurs parents", estime-t-elle aussi.

Elle dénonce également le sort de femmes sans enfant ou dont les enfants sont décédés, et que la France refuse désormais de rapatrier, ainsi que d'enfants nés en France et "conduits de force en Syrie" avant de pouvoir acquérir la nationalité, ou de jeunes majeurs enfermés dans d'autres lieux de détention syriens.

Pour Matthieu Bagard, responsable du pôle expertise Syrie de l'ONG Avocats sans frontières France, "ce rapatriement démontre une nouvelle fois que la France a la possibilité d'organiser ces opérations". Mais il déplore lui aussi la situation des femmes et jeunes majeurs toujours "illégalement détenus".

En février, l'administration kurde a annoncé, en coordination avec l'ONU, son intention de vider d'ici fin 2025 les camps du nord-est de la Syrie des déplacés syriens et irakiens, y compris les proches présumés de jihadistes.


Après «Bloquons tout» et les promesses de «rupture», les syndicats dans la rue jeudi

"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
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  • Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi
  • Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme"

PARIS: "Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées.

Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi. "(Il) ne s'est engagé à rien du tout. Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", a-t-elle lancé.

Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme". Depuis vendredi, il reçoit les syndicats représentatifs - à l'exception de Frédéric Souillot (FO) qui souhaite le rencontrer après le 18. Mais ces derniers maintiennent leur appel à la mobilisation du 18, espérant peser de tout leur poids sur les futures orientations budgétaires.

CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires seront ainsi unis jeudi dans la rue, pour la première fois depuis le 6 juin 2023 - date de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites.

Les mesures avancées cet été sont "d'une brutalité sans précédent", dénonçaient-ils fin août dans un communiqué commun, regrettant que l'ancien gouvernement choisisse "encore une fois de faire payer les travailleuses et les travailleurs, les précaires, les retraité·es, les malades".

Ils pointent "des coupes dans les services publics, (...), une énième réforme de l'assurance chômage, le gel des prestations sociales et celui des salaires des fonctionnaires comme des contractuel·les, la désindexation des pensions de retraites, le doublement des franchises médicales, la remise en cause de la 5ème semaine de congés payés…".

L'abandon de la suppression de deux jours fériés, unanimement décriée par le monde syndical, constitue "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a estimé Sophie Binet.

Même la CFDT, pourtant peu rompue aux cortèges syndicaux, maintient sa participation: vendredi, Marylise Léon a réaffirmé que son syndicat était "plus que jamais motivé pour aller dans la rue", à l'issue de son entrevue avec Sébastien Lecornu.

"Le budget tel qu'il a commencé à être construit n'est pas compatible avec la justice sociale, fiscale et environnementale donc il y a vraiment besoin de le revoir de fond en comble", a-t-elle estimé lundi sur France Inter.

Sur la durée ? 

Sur la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat, Mme Léon a pourtant apprécié que le Premier ministre dise être conscient de la nécessité de "faire quelque chose".

"Le budget, il va se décider dans la rue", insiste Mme Binet. Ainsi, "il faut faire une démonstration de force jeudi prochain et après", laissant entrevoir une mobilisation dans la durée.

Lundi, la CGT annonçait déjà plus de 220 manifestations, un chiffre encore amené à évoluer.

Les organisations syndicales parviendront-elles à dépasser l'affluence du mouvement citoyen "Bloquons tout" - qui a rassemblé près de 200.000 personnes le 10 septembre selon le ministère de l'Intérieur, sans toutefois parvenir à paralyser le pays ? Les manifestants du 10, parfois méfiants vis-à-vis des syndicats, participeront-ils à cette nouvelle journée ?

Aucune inquiétude côté syndical: "Nous avons déjà d'excellents retours sur la mobilisation de jeudi", assure Frédéric Souillot (FO).

"Nous avons l'objectif d'avoir un million de personnes avec nous", avance de son côté Cyril Chabanier (CFTC).

"La colère sociale est toujours là", abonde Julie Ferrua, co-déléguée générale de Solidaires.

De leur côté, les autorités s'attendent à une mobilisation plus importante que le 10 septembre et craignent la présence de plusieurs centaines de manifestants radicaux dans des cortèges. Une cellule de crise sera ouverte dès mardi au ministère de l'Intérieur.

Après le 18, ce sera le tour des agriculteurs de la FNSEA, le 26 septembre, de mener "une grande journée d'actions" autour des échanges internationaux de produits agricoles.


Lecornu va mettre fin aux "avantages à vie" des ex-ministres dès 2026

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu concrétise une promesse phare pour réduire le « décalage » entre les élites politiques et la réalité des Français, dans un contexte de forte défiance envers sa nomination

PARIS: Fini le chauffeur et la voiture de fonction "à vie" pour les anciens de Matignon: les avantages octroyés aux ex-Premiers ministres seront "supprimés" dès 2026, a annoncé lundi Sébastien Lecornu, concrétisant l'une de ses premières promesses, très symbolique pour l'opinion.

Il n'est "pas concevable" que les anciens ministres "puissent bénéficier d'avantages à vie en raison d'un statut temporaire", a écrit le locataire de Matignon sur X, confirmant la mise en place de cette réforme dès le 1er janvier 2026.

"La protection policière ne sera accordée aux anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur que pour une durée limitée, et reconduite en fonction de la réalité du risque. Tous les autres moyens mis à disposition des anciens Premiers ministres à vie le seront dorénavant pour une durée limitée", a expliqué M. Lecornu sur ce réseau social.

Sollicité par l'AFP, Matignon a expliqué que le gouvernement avait préparé une "instruction" à destination du Secrétariat général du gouvernement, en vue de revoir le décret du 20 septembre 2019, qui avait déjà restreint les privilèges accordés aux anciens Premiers ministres.

Ces derniers peuvent actuellement se voir octroyer "sur leur demande, un véhicule de fonction et un conducteur automobile", à la charge de l'Etat. Ils peuvent aussi bénéficier d'un "agent pour leur secrétariat particulier" pendant dix ans à compter de la fin de leurs fonctions et au plus tard jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 67 ans.

Des avantages qui ne s'appliquent pas pour les "ex" de Matignon lorsque ces derniers disposent déjà de ces privilèges via leur mandat (parlementaire ou local) ou leur fonction publique.

- "Mettre fin aux derniers privilèges" -

Une autre instruction du chef du gouvernement à l'attention de la Direction générale de la police nationale (DGPN) permettra de créer "un cadre" relatif à la "protection policière" des anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur, a détaillé Matignon.

"On ne peut pas demander aux Français de faire des efforts si ceux qui sont à la tête de l'État n'en font pas. La réforme, ce n'est pas toujours +pour les autres+, cela crée la suspicion", avait lancé Sébastien Lecornu dans un entretien donné à plusieurs titres de la presse régionale durant le week-end.

"Beaucoup de choses ont été réglées pour les anciens présidents de la République. Je vais donc mettre fin aux derniers privilèges", avait-il encore promis, quelques jours seulement après sa prise de fonctions à Matignon, durant laquelle il s'était inquiété du "décalage" observé entre la vie politique et la vie "réelle" des Français.

Le Premier ministre, nommé mardi par Emmanuel Macron après la chute de François Bayrou, met ainsi en musique l'une de ses premières promesses, alors qu'il consulte en parallèle les forces politiques, syndicales et patronales en vue de former un gouvernement susceptible de survivre aux menaces de censure des oppositions.

Il doit aussi batailler contre une opinion publique très défiante vis-à-vis de sa nomination, même si les chiffres de confiance des Français à son égard varient selon les instituts de sondage.

Son prédécesseur, François Bayrou, avait déjà annoncé vouloir passer au crible ces privilèges ministériels: il avait confié fin août une mission à l'ex-député socialiste René Dosière pour identifier les "avantages indus, excessifs, inacceptables" dans un contexte de dérapage des finances publiques.

En réalité, l'économie à espérer de ces annonces est dérisoire par rapport aux dizaines de milliards d'euros recherchées par les gouvernements successifs. Les privilèges accordés au titre du décret de 2019 (chauffeur, secrétariat, véhicule) ont coûté 1,58 million d'euros à l'Etat en 2024, selon le gouvernement.

Un montant auquel il faut ajouter les dépenses de protection policière, évaluées à 2,8 millions d'euros par an dans un rapport parlementaire de 2019.