Le directeur général de l'OIM à Arab News: «Il est grand temps de souligner les aspects positifs de la migration»

Travailleurs asiatiques sur un chantier de construction à Dubaï (Photo, AFP).
Travailleurs asiatiques sur un chantier de construction à Dubaï (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 02 avril 2023

Le directeur général de l'OIM à Arab News: «Il est grand temps de souligner les aspects positifs de la migration»

  • Selon le directeur général de l'OIM, les avantages des flux humains sont souvent négligés dans le cadre d'un débat polarisé
  • Vitorino a partagé son commentaire à l'occasion du Dialogue international sur la migration

NEW YORK: Les migrations sont aussi anciennes que l'humanité elle-même. Comme les oiseaux, les êtres humains sont considérés comme une espèce migratrice. À toutes les époques de l'histoire de l'humanité, ils ont été enclins à s'éloigner de leur foyer, poussés par de nombreuses raisons, mais toujours avec l'idée d'une vie meilleure.

Alors que la migration est devenue une question politique internationale et nationale de premier plan, le discours public sur les migrants s'est de plus en plus polarisé. La toxicité du débat sur la migration s'est intensifiée au cours des dernières années, la politique de la peur et de la division donnant le ton aux discussions.

Partout dans le monde, les politiciens extrémistes utilisent la perturbation et la désinformation comme outils pour conserver le pouvoir, en exploitant les migrants dans le cadre de programmes xénophobes d'extrême droite.

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Des militants de droite français manifestent le 25 février 2023 à Saint-Brevin-les Pins, dans l'ouest de la France, contre la création d'un centre d'accueil pour migrants (Photo, AFP).

Dans les discussions souvent négatives sur la migration et les migrants, les nombreuses façons dont les migrants contribuent aux sociétés sont souvent négligées. On peut perdre de vue le dynamisme des migrants à l'échelle mondiale. Ils sont surreprésentés dans les domaines de l'innovation et des brevets, des prix artistiques et scientifiques, des start-ups et des entreprises prospères.

Antonio Vitorino a voulu mettre ces contributions en avant lors du Dialogue international sur la migration (IDM), un événement bisannuel qui s'est tenu à New York les 30 et 31 mars, dans le cadre de la contribution de l'Organisation internationale pour les migrations au sommet 2023 sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) qui se tiendra en septembre.

L'événement a rassemblé des gouvernements, des représentants de la jeunesse, de la société civile, des autorités locales et des représentants des communautés, des agences des Nations unies et des experts afin d'évaluer comment les impacts positifs de la mobilité humaine peuvent être exploités pour atteindre les objectifs de développement durable.

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Le directeur général de l'OIM, Antonio Vitorino, affirme que si la migration est source de défis, elle est aussi un catalyseur de la croissance économique. (Photo, AFP /Archives)

«La migration est une réalité de la vie. Il y a toujours eu des migrants partout», a indiqué Vitorino, avocat et homme politique portugais qui a pris ses fonctions de directeur général de l'OIM en octobre 2018, lors d'un entretien avec Arab News à New York.

«Nous sommes très habitués à considérer la migration comme un problème. Les migrations posent des problèmes, je ne le nie pas. Mais je pense que le temps est venu pour nous d'insister davantage sur les aspects positifs de la migration», a-t-il ajouté.

 

En bref

Actuellement, environ 281 millions de personnes vivent dans un pays autre que leur pays de naissance, soit 3,6% de la population mondiale — c'est-à-dire 1 personne sur 30.

• Plus de 100 millions d'entre eux ont été déplacés de force en raison de conflits, de persécutions, de la pauvreté ou de catastrophes climatiques.

• Le plus souvent, les raisons qui sous-tendent les migrations sont une combinaison complexe d'une modification des précipitations, d'un conflit armé et d'une défaillance des institutions et de l'aide gouvernementales.

• Sur les 15 pays les plus vulnérables au changement climatique, 13 sont en proie à un conflit armé.

 

«Pendant la pandémie de la Covid-19, qui était en première ligne?» s’est demandé Vitorino. «Qui fournissait les services et la nourriture alors que de nombreuses sociétés étaient isolées? Les migrants étaient en première ligne.»

Il a poursuivi: «Prenons l'exemple du système de santé. Même dans les pays développés, de nombreux travailleurs de la santé sont des migrants ou des personnes qui viennent de l’étranger.»

«Et je crois que les migrants ont un rôle clé à jouer en tant qu'entrepreneurs. Vous savez, lorsque quelqu'un émigre, il y a une forte volonté de gagner, d'affronter le nouvel environnement et de faire le meilleur pour lui-même, pour sa famille, mais aussi pour la société dans laquelle il travaille», a-t-il expliqué.

Vitorino a souligné: «Ce sont des travailleurs. Ce sont des consommateurs. Ils paient des impôts. Et ce côté positif de la migration n'est pas souvent mis en avant.»

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Des ouvriers agricoles migrants du Mexique cueillent des épinards près d'une clinique mobile près de Wellington, dans le Colorado, aux États-Unis (Photo, AFP).

L'argent envoyé par les migrants dans leur pays d'origine représente une part importante des flux de capitaux internationaux. Les envois de fonds rivalisent avec l'aide internationale pour constituer l'un des principaux flux financiers vers les pays en développement.

Selon la Banque mondiale, ils jouent un rôle important en contribuant à la croissance économique et aux moyens de subsistance de nombreux pays.

Environ 800 milliards de dollars américains (1 dollar américain = 0,92 euro) sont transférés chaque année par les migrants directement aux familles ou aux communautés de leur pays d'origine. Ce chiffre ne tient pas compte des flux non enregistrés, de sorte que l'ampleur des transferts de fonds au niveau mondial est probablement beaucoup plus importante. Ils constituent souvent une bouée de sauvetage pour les ménages les plus pauvres, leur permettant de satisfaire leurs besoins fondamentaux.

«Dans certains pays, 10%, 20%, voire 30% du PIB dépendent des envois de fonds des migrants et de la diaspora», a révélé Vitorino.

Il a indiqué: «Aujourd'hui, avec la guerre en Ukraine et la hausse des prix des denrées alimentaires qui en résulte, les envois de fonds sont consacrés par les familles dans les pays d'origine, principalement à l’achat de la nourriture, à l'éducation et au logement.»

«Il s'agit donc d'une contribution à la stabilité sociale et au développement des pays d'origine», a-t-il mentionné.

«Mais nous ne parlons pas seulement d'argent. Nous parlons d’une question qui est beaucoup plus importante, à savoir le lien entre la diaspora et les pays d'origine: les relations familiales, les amis. Les migrants qui reviennent dans leur pays d'origine, même pour une période limitée de quelques mois, transfèrent à leur pays des connaissances, un savoir-faire et parfois même des technologies», a-t-il développé.

«Et ce flux à double sens est également très positif pour le développement des pays d'origine.»

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Des migrants du Moyen-Orient et d'Asie reçoivent des provisions dans un camp de migrants géré par l'Organisation internationale pour les migrations près de la ville bosniaque de Bihac en 2021 (Photo, AFP/Archives).

L'OIM s'efforce de plaider en faveur de l'intégration des migrants dans les sociétés d'accueil. Vitorino reconnaît la complexité de la question, qui nécessite des politiques publiques, l'engagement de la société civile et des autorités locales. Elle concerne le lieu de travail, l'école pour les enfants, l'accès aux services de santé et de sécurité sociale.

«C'est toujours un défi mais c'est là que l'on gagne en intégration et que l'on met le meilleur des migrants au service du développement des communautés d'accueil», a-t-il affirmé.

Les impacts économiques varient d'un pays à l'autre. Bien que les migrations posent des problèmes, les économistes s'accordent à dire que la migration est également un catalyseur de la croissance économique et qu'elle apporte des avantages nets aux pays d'accueil.

En 2015, les personnes en déplacement ont contribué au PIB mondial pour plus de 9%, soit 6 700 milliards de dollars.

La réponse à la pandémie de la Covid-19, qui s'est traduite par des restrictions draconiennes de la liberté de circulation dans le monde entier, a entraîné une baisse sans précédent du commerce mondial et de la croissance économique.

Cela a démontré que «s'il n'y a pas de mobilité humaine, il y aura un impact négatif sur la croissance économique. C'est pourquoi la migration est étroitement liée aux différents objectifs de développement durable (ODD).»

Le rôle potentiel des migrants dans la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies ne doit pas être sous-estimé, affirme le Dialogue international sur la migration.

Ne laisser personne de côté étant la clé, l'agenda 2030 des ODD a représenté un grand pas en avant pour la migration où cette dernière figurait non seulement comme une question centrale de développement en soi, mais aussi comme une question transversale qui est étroitement liée à tous les autres objectifs.

Vitorino a déclaré que la pandémie, par exemple, a démontré que l'exclusion des migrants de la couverture médicale — l'ODD 3 étant d'assurer la santé et le bien-être de tous — crée un problème pour l'ensemble de la communauté, car le virus aura tendance à proliférer dans ces communautés de migrants marginalisées.  

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Des migrants affrontent la police anti-émeute marocaine dans la ville septentrionale de Fnideq, près de la frontière entre le Maroc et l'enclave nord-africaine espagnole de Ceuta, le 19 mai 2021 (Photo, AFP).

Il a insisté: «C'est pourquoi je crois que les ODD sont une ligne directrice essentielle pour nous tous. Sur la question de la couverture médicale, il est très important de garantir que, où qu'ils se trouvent, dans les pays d'origine ou de destination, les migrants aient accès aux soins de santé. Il s'agit d'un droit fondamental. Il est inhérent à la dignité de l'être humain, quel que soit son statut juridique.»

Malgré les efforts de l'OIM, «malheureusement, le panorama de la vaccination reste très inégal. Dans les pays développés, les taux de vaccination avoisinent les 70%, tandis que dans les pays à faible revenu, ils sont encore de l'ordre de 20%. C'est une question qui nous préoccupe. Et c'est certainement quelque chose qui n'aide pas à atteindre les objectifs du programme 2030», a prévenu Vitorino.

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Des civils fuyant l'invasion russe de l'Ukraine descendant d'un ferry pour entrer en Roumanie (Photo, AFP). 

Il s'est rendu en Turquie pour superviser les opérations de l'organisation à la suite des deux tremblements de terre du 6 février; il a confié qu'il n'avait jamais rien vu de tel.

«Rien de ce que j'ai vu, sur les théâtres de guerre, même récemment en Ukraine, n'est comparable au degré de destruction et de dévastation dont j'ai été témoin en Turquie», a-t-il estimé.

Vitorino a ajouté: «J’ai vu une ville de 200 000 habitants totalement détruite par la fureur du tremblement de terre. La fureur de la nature devrait nous inciter à réfléchir attentivement à la fréquence et à l'intensité de ces risques naturels, qui sont également liés au changement climatique.»

Il est difficile d'isoler les facteurs climatiques des autres facteurs sociaux, économiques, politiques et sécuritaires qui sous-tendent les migrations.

Le changement climatique est également lié aux conflits et à la sécurité. La guerre civile syrienne, où une sécheresse exceptionnelle a contribué à des flux de population vers les zones urbaines non prises en compte par le régime politique, illustre ce lien.

La Banque mondiale estime que 143 millions de personnes pourraient se déplacer à l'intérieur de leur propre pays d'ici 2050 à cause d'événements climatiques extrêmes en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Amérique latine, en l'absence d'une action climatique urgente au niveau mondial et national.

Les chercheurs soulignent qu'une hausse des températures pourrait entraîner une augmentation des demandes d'asile dans l'UE.

La sécheresse et la désertification, les vagues de chaleur et l'élévation du niveau de la mer entraîneront un appauvrissement des écosystèmes, allant de la pénurie d'eau à la perte de terres agricoles, ce qui conduira à des conflits pour des ressources naturelles rares. Les menaces qui pèsent sur la sécurité humaine pourraient à leur tour pousser les gens à migrer à la recherche de revenus alternatifs et de moyens de satisfaire leurs besoins fondamentaux.

«Il arrive que des personnes soient déplacées à cause de la sécheresse et d'autres à cause des inondations, au même moment, dans le même pays», a révélé Vitorino.

«Prenons l'exemple de l'Amérique centrale, où le phénomène El Niño modifie la production de café et de cacao et où les gens sont privés de leurs moyens agricoles traditionnels. Ils se déplacent vers les villes. Et s'ils ne trouvent pas de solutions dans les villes, ils continuent à se déplacer, généralement vers les États-Unis », a-t-il clarifié.

«Ma théorie consiste à dire que nous devons agir pour renforcer l'adaptation et la résilience de ces communautés, car elles ne veulent pas se déplacer. Elles y sont contraintes et nous devons les aider à trouver les moyens de s'adapter au changement climatique», a-t-il maintenu.

Vitorino a ajouté: «Et s'ils sont contraints de se déplacer, comme par exemple dans certaines îles du Pacifique qui vont malheureusement disparaître en raison de l'élévation du niveau de la mer, nous devons faire en sorte que ces déplacements soient sûrs, ordonnés et réguliers.»

L'OIM estime que depuis 2014, environ 55 000 migrants sont morts ou ont disparu. Parmi eux, environ 8 000 étaient en route vers les États-Unis. Ils ont péri dans des accidents ou pendant qu'ils voyageaient dans des conditions inhumaines.

L'incendie qui a tué des dizaines de personnes dans un centre de traitement des demandes d'immigration à Ciudad Juarez, à la frontière avec le Texas, dans la nuit du 27 mars, n'est que le dernier chapitre d'une tragédie qui n'en finit pas. Une vidéo de surveillance a montré des agents de l'immigration s'éloignant des détenus pris au piège alors que les flammes les engloutissaient.

En 2022, 2 062 migrants sont morts en traversant la mer Méditerranée. Entre 2014 et 2018, par exemple, les corps d'environ 12 000 personnes qui se sont noyées n'ont jamais été retrouvés.

Vitorino déplore l'augmentation récente du nombre de migrants irréguliers qui se déplacent dans le monde.

«Nous devons adopter une approche globale de ces mouvements et comprendre que l'on ne peut se contenter de traiter l'une des raisons sans prendre en considération les autres», a-t-il déclaré, ajoutant que «la nécessité de préserver les vies humaines et de prévenir les décès est une priorité».

Le Dialogue international sur la migration, a-t-il affirmé, fournira des conclusions qui appuieront le rapport du secrétaire général de l'année prochaine sur la mise en œuvre du Pacte mondial sur les migrations.

«Nous avons besoin de politiques fondées sur des données fiables et efficaces. Nous devons garantir le rôle de la jeunesse, en particulier dans la lutte contre le changement climatique. Nous devons nous assurer que les migrants sont pleinement inclus dans la couverture médicale, une question cruciale pour réussir à atteindre les ODD», a soutenu Vitorino.

«Nous devons mobiliser la diaspora pour le développement des pays d'origine.»

Il a conclu: «Tels sont les messages clés que j'attends du Dialogue international sur la migration.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.


Canada: le libéral Mark Carney donné vainqueur après une campagne centrée sur Trump

Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
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  • Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays
  • Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti

OTTAWA: Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays.

Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires, après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau.

Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d'annexion, ont changé la donne.

A Ottawa, où les libéraux sont réunis pour la soirée électorale dans une aréna de hockey, l'annonce des résultats a provoqué une salve d'applaudissements et des cris enthousiastes.

"Je suis si heureuse", lâche sur place Dorothy Goubault, originaire de la région des Mille Iles en Ontario. "Je suis contente car nous avons quelqu'un qui peut parler à M. Trump à son niveau. M. Trump est un homme d'affaires. M. Carney est un homme d'affaires, et je pense qu'ils peuvent tous les deux se comprendre".

Pour le ministre Steven Guilbeault, "les nombreuses attaques du président Trump sur l'économie canadienne, mais aussi sur notre souveraineté et notre identité même, ont vraiment mobilisé les Canadiens", a-t-il déclaré sur la chaine publique CBC.

Et les électeurs "ont vu que le Premier ministre Carney avait de l'expérience sur la scène mondiale".

Mark Carney n'avait pas encore pris la parole à minuit locales (04H00 GMT), tandis que se poursuivait le dépouillement.

Dans les longues files devant les bureaux de vote toute la journée, les électeurs ont souligné l'importance de ce scrutin, parlant d'élections historiques et déterminantes pour l'avenir de ce pays de 41 millions d'habitants.

- "Chaos" -

À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l'avenir économique et souverain du pays qu'il était la bonne personne pour piloter le pays en ces temps troublés.

Cet ancien gouverneur de la banque du Canada et de Grande-Bretagne n'a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine est réelle pour le Canada.

"Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays", a-t-il prévenu.

"Le chaos est entré dans nos vies. C'est une tragédie, mais c'est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s'opposer au président Trump?", a-t-il expliqué pendant la campagne.

Pour faire face, il a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place.

Mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

En face, le chef conservateur, qui avait promis des baisses d'impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n'a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux.

Pierre Poilievre aura aussi souffert jusqu'au bout de la proximité, de par son style et certaines de ses idées, avec le président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l'électorat, selon les analystes.

Au QG des conservateurs à Ottawa, Jason Piche se dit toutefois "surpris" des résultats, "je pensais que ce serait plus serré que ça".

Un peu plus loin, Jean-Guy Bourguignon, homme d'affaires de 59 ans, se dit carrément "très triste". "Est-ce que c'est vraiment ça le pays dans lequel nous voulons vivre?", demande-t-il alors qu'il énumère les politiques des libéraux, qu'il juge liberticides.

Près de 29 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dans ce vaste pays du G7 qui s'étend sur six fuseaux horaires. Et plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.


Ukraine: Poutine annonce une trêve du 8 au 10 mai, «tentative de «manipulation»» répond Zelensky

Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
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  • Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai
  • Son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation"

MOSCOU: Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai, à l'occasion de la commémoration de la victoire sur l'Allemagne nazie, son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation".

Le président américain Donald Trump exhorte Kiev et Moscou à conclure un cessez-le-feu et un accord de paix, trois ans après le début de l'offensive russe ayant déjà fait des dizaines de milliers de morts civils et militaires.

"A partir de minuit entre le 7 et le 8 mai, et jusqu'à minuit entre le 10 et le 11 mai, la partie russe annonce un cessez-le-feu", a indiqué le Kremlin dans un communiqué. "Pendant cette période, toutes les opérations de combat seront arrêtées".

D'après la présidence russe, Vladimir Poutine a pris cette décision unilatérale "pour des raisons humanitaires" et à l'occasion des célébrations du 80e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.

Pour M. Zelensky, au contraire, "il y a désormais une nouvelle tentative de manipulation". "Pour une raison, a-t-il dit dans son adresse quotidienne, tout le monde doit attendre le 8 mai et ne cesser le feu qu'ensuite pour garantir le silence" lors de la parade du 9 mai sur la place Rouge à Moscou.

La Russie commémore le 9 mai cet événement dont Vladimir Poutine a fait un marqueur essentiel de la puissance retrouvée du pays. Les dirigeants d'une vingtaine de pays sont attendus pour un défilé militaire en grande pompe sur la place Rouge à Moscou.

Le Kremlin a dit considérer que l'Ukraine "devrait suivre cet exemple", tout en prévenant que les forces russes "fourniront une réponse adéquate et efficace" en cas de violation de la trêve.

Vladimir Poutine avait déjà déclaré un bref cessez-le-feu de 30 heures les 19 et 20 avril à l'occasion de Pâques. Les deux camps s'étaient ensuite accusés de l'avoir violé, même si une baisse de l'intensité des combats avait été ressentie dans plusieurs secteurs du front.

"Accroître la pression sur la Russie"

La Maison Blanche a soutenu lundi que Donald Trump souhaitait un cessez-le-feu "permanent" en Ukraine et pas seulement une trêve temporaire.

Les Etats-Unis, jusque-là le premier soutien de l'Ukraine, veulent tourner la page aussi vite que possible quitte, craint Kiev, à accepter des dispositions très favorables à Moscou.

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a dit dimanche à son homologue russe, Sergueï Lavrov, qu'il était temps de mettre fin à une "guerre insensée" en Ukraine, selon un communiqué lundi.

De son côté, le président français Emmanuel Macron a affirmé que "dans les huit à dix jours prochains, nous allons accroître la pression sur la Russie", dans un entretien publié par le magazine Paris Match.

Il a estimé avoir "convaincu les Américains de la possibilité d’une escalade des menaces, et potentiellement de sanctions" contre Moscou.

Conditions maximalistes de Poutine 

La Russie maintient des conditions maximalistes concernant l'Ukraine, dont elle veut la reddition et le renoncement à rejoindre l'Otan, tout en s'assurant de pouvoir garder les territoires ukrainiens annexés.

La reconnaissance internationale de l'annexion russe de la Crimée et de quatre autres régions ukrainiennes est une condition "impérative" à la paix, a encore martelé lundi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

La Russie a annexé la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014, ce que la communauté internationale, Etats-Unis compris, n'a jamais reconnu.

En septembre 2022, quelques mois après le déclenchement de son assaut à grande échelle, elle a aussi revendiqué l'annexion de quatre régions ukrainiennes qu'elle occupe partiellement, celles de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia.

La Russie, qui a l'avantage sur le front, a revendiqué lundi la prise de Kamyanka, un village de la région de Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine.

La Corée du Nord a pour la première fois reconnu lundi avoir envoyé des troupes en Russie et qu'elles avaient aidé Moscou à reprendre aux Ukrainiens les zones de la région de Koursk dont ils s'étaient emparés.

Trois personnes ont par ailleurs été tuées lundi dans une attaque russe contre un village de la région de Donetsk (est), selon les services du procureur régional.