Le directeur général de l'OIM à Arab News: «Il est grand temps de souligner les aspects positifs de la migration»

Travailleurs asiatiques sur un chantier de construction à Dubaï (Photo, AFP).
Travailleurs asiatiques sur un chantier de construction à Dubaï (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 02 avril 2023

Le directeur général de l'OIM à Arab News: «Il est grand temps de souligner les aspects positifs de la migration»

  • Selon le directeur général de l'OIM, les avantages des flux humains sont souvent négligés dans le cadre d'un débat polarisé
  • Vitorino a partagé son commentaire à l'occasion du Dialogue international sur la migration

NEW YORK: Les migrations sont aussi anciennes que l'humanité elle-même. Comme les oiseaux, les êtres humains sont considérés comme une espèce migratrice. À toutes les époques de l'histoire de l'humanité, ils ont été enclins à s'éloigner de leur foyer, poussés par de nombreuses raisons, mais toujours avec l'idée d'une vie meilleure.

Alors que la migration est devenue une question politique internationale et nationale de premier plan, le discours public sur les migrants s'est de plus en plus polarisé. La toxicité du débat sur la migration s'est intensifiée au cours des dernières années, la politique de la peur et de la division donnant le ton aux discussions.

Partout dans le monde, les politiciens extrémistes utilisent la perturbation et la désinformation comme outils pour conserver le pouvoir, en exploitant les migrants dans le cadre de programmes xénophobes d'extrême droite.

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Des militants de droite français manifestent le 25 février 2023 à Saint-Brevin-les Pins, dans l'ouest de la France, contre la création d'un centre d'accueil pour migrants (Photo, AFP).

Dans les discussions souvent négatives sur la migration et les migrants, les nombreuses façons dont les migrants contribuent aux sociétés sont souvent négligées. On peut perdre de vue le dynamisme des migrants à l'échelle mondiale. Ils sont surreprésentés dans les domaines de l'innovation et des brevets, des prix artistiques et scientifiques, des start-ups et des entreprises prospères.

Antonio Vitorino a voulu mettre ces contributions en avant lors du Dialogue international sur la migration (IDM), un événement bisannuel qui s'est tenu à New York les 30 et 31 mars, dans le cadre de la contribution de l'Organisation internationale pour les migrations au sommet 2023 sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) qui se tiendra en septembre.

L'événement a rassemblé des gouvernements, des représentants de la jeunesse, de la société civile, des autorités locales et des représentants des communautés, des agences des Nations unies et des experts afin d'évaluer comment les impacts positifs de la mobilité humaine peuvent être exploités pour atteindre les objectifs de développement durable.

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Le directeur général de l'OIM, Antonio Vitorino, affirme que si la migration est source de défis, elle est aussi un catalyseur de la croissance économique. (Photo, AFP /Archives)

«La migration est une réalité de la vie. Il y a toujours eu des migrants partout», a indiqué Vitorino, avocat et homme politique portugais qui a pris ses fonctions de directeur général de l'OIM en octobre 2018, lors d'un entretien avec Arab News à New York.

«Nous sommes très habitués à considérer la migration comme un problème. Les migrations posent des problèmes, je ne le nie pas. Mais je pense que le temps est venu pour nous d'insister davantage sur les aspects positifs de la migration», a-t-il ajouté.

 

En bref

Actuellement, environ 281 millions de personnes vivent dans un pays autre que leur pays de naissance, soit 3,6% de la population mondiale — c'est-à-dire 1 personne sur 30.

• Plus de 100 millions d'entre eux ont été déplacés de force en raison de conflits, de persécutions, de la pauvreté ou de catastrophes climatiques.

• Le plus souvent, les raisons qui sous-tendent les migrations sont une combinaison complexe d'une modification des précipitations, d'un conflit armé et d'une défaillance des institutions et de l'aide gouvernementales.

• Sur les 15 pays les plus vulnérables au changement climatique, 13 sont en proie à un conflit armé.

 

«Pendant la pandémie de la Covid-19, qui était en première ligne?» s’est demandé Vitorino. «Qui fournissait les services et la nourriture alors que de nombreuses sociétés étaient isolées? Les migrants étaient en première ligne.»

Il a poursuivi: «Prenons l'exemple du système de santé. Même dans les pays développés, de nombreux travailleurs de la santé sont des migrants ou des personnes qui viennent de l’étranger.»

«Et je crois que les migrants ont un rôle clé à jouer en tant qu'entrepreneurs. Vous savez, lorsque quelqu'un émigre, il y a une forte volonté de gagner, d'affronter le nouvel environnement et de faire le meilleur pour lui-même, pour sa famille, mais aussi pour la société dans laquelle il travaille», a-t-il expliqué.

Vitorino a souligné: «Ce sont des travailleurs. Ce sont des consommateurs. Ils paient des impôts. Et ce côté positif de la migration n'est pas souvent mis en avant.»

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Des ouvriers agricoles migrants du Mexique cueillent des épinards près d'une clinique mobile près de Wellington, dans le Colorado, aux États-Unis (Photo, AFP).

L'argent envoyé par les migrants dans leur pays d'origine représente une part importante des flux de capitaux internationaux. Les envois de fonds rivalisent avec l'aide internationale pour constituer l'un des principaux flux financiers vers les pays en développement.

Selon la Banque mondiale, ils jouent un rôle important en contribuant à la croissance économique et aux moyens de subsistance de nombreux pays.

Environ 800 milliards de dollars américains (1 dollar américain = 0,92 euro) sont transférés chaque année par les migrants directement aux familles ou aux communautés de leur pays d'origine. Ce chiffre ne tient pas compte des flux non enregistrés, de sorte que l'ampleur des transferts de fonds au niveau mondial est probablement beaucoup plus importante. Ils constituent souvent une bouée de sauvetage pour les ménages les plus pauvres, leur permettant de satisfaire leurs besoins fondamentaux.

«Dans certains pays, 10%, 20%, voire 30% du PIB dépendent des envois de fonds des migrants et de la diaspora», a révélé Vitorino.

Il a indiqué: «Aujourd'hui, avec la guerre en Ukraine et la hausse des prix des denrées alimentaires qui en résulte, les envois de fonds sont consacrés par les familles dans les pays d'origine, principalement à l’achat de la nourriture, à l'éducation et au logement.»

«Il s'agit donc d'une contribution à la stabilité sociale et au développement des pays d'origine», a-t-il mentionné.

«Mais nous ne parlons pas seulement d'argent. Nous parlons d’une question qui est beaucoup plus importante, à savoir le lien entre la diaspora et les pays d'origine: les relations familiales, les amis. Les migrants qui reviennent dans leur pays d'origine, même pour une période limitée de quelques mois, transfèrent à leur pays des connaissances, un savoir-faire et parfois même des technologies», a-t-il développé.

«Et ce flux à double sens est également très positif pour le développement des pays d'origine.»

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Des migrants du Moyen-Orient et d'Asie reçoivent des provisions dans un camp de migrants géré par l'Organisation internationale pour les migrations près de la ville bosniaque de Bihac en 2021 (Photo, AFP/Archives).

L'OIM s'efforce de plaider en faveur de l'intégration des migrants dans les sociétés d'accueil. Vitorino reconnaît la complexité de la question, qui nécessite des politiques publiques, l'engagement de la société civile et des autorités locales. Elle concerne le lieu de travail, l'école pour les enfants, l'accès aux services de santé et de sécurité sociale.

«C'est toujours un défi mais c'est là que l'on gagne en intégration et que l'on met le meilleur des migrants au service du développement des communautés d'accueil», a-t-il affirmé.

Les impacts économiques varient d'un pays à l'autre. Bien que les migrations posent des problèmes, les économistes s'accordent à dire que la migration est également un catalyseur de la croissance économique et qu'elle apporte des avantages nets aux pays d'accueil.

En 2015, les personnes en déplacement ont contribué au PIB mondial pour plus de 9%, soit 6 700 milliards de dollars.

La réponse à la pandémie de la Covid-19, qui s'est traduite par des restrictions draconiennes de la liberté de circulation dans le monde entier, a entraîné une baisse sans précédent du commerce mondial et de la croissance économique.

Cela a démontré que «s'il n'y a pas de mobilité humaine, il y aura un impact négatif sur la croissance économique. C'est pourquoi la migration est étroitement liée aux différents objectifs de développement durable (ODD).»

Le rôle potentiel des migrants dans la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies ne doit pas être sous-estimé, affirme le Dialogue international sur la migration.

Ne laisser personne de côté étant la clé, l'agenda 2030 des ODD a représenté un grand pas en avant pour la migration où cette dernière figurait non seulement comme une question centrale de développement en soi, mais aussi comme une question transversale qui est étroitement liée à tous les autres objectifs.

Vitorino a déclaré que la pandémie, par exemple, a démontré que l'exclusion des migrants de la couverture médicale — l'ODD 3 étant d'assurer la santé et le bien-être de tous — crée un problème pour l'ensemble de la communauté, car le virus aura tendance à proliférer dans ces communautés de migrants marginalisées.  

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Des migrants affrontent la police anti-émeute marocaine dans la ville septentrionale de Fnideq, près de la frontière entre le Maroc et l'enclave nord-africaine espagnole de Ceuta, le 19 mai 2021 (Photo, AFP).

Il a insisté: «C'est pourquoi je crois que les ODD sont une ligne directrice essentielle pour nous tous. Sur la question de la couverture médicale, il est très important de garantir que, où qu'ils se trouvent, dans les pays d'origine ou de destination, les migrants aient accès aux soins de santé. Il s'agit d'un droit fondamental. Il est inhérent à la dignité de l'être humain, quel que soit son statut juridique.»

Malgré les efforts de l'OIM, «malheureusement, le panorama de la vaccination reste très inégal. Dans les pays développés, les taux de vaccination avoisinent les 70%, tandis que dans les pays à faible revenu, ils sont encore de l'ordre de 20%. C'est une question qui nous préoccupe. Et c'est certainement quelque chose qui n'aide pas à atteindre les objectifs du programme 2030», a prévenu Vitorino.

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Des civils fuyant l'invasion russe de l'Ukraine descendant d'un ferry pour entrer en Roumanie (Photo, AFP). 

Il s'est rendu en Turquie pour superviser les opérations de l'organisation à la suite des deux tremblements de terre du 6 février; il a confié qu'il n'avait jamais rien vu de tel.

«Rien de ce que j'ai vu, sur les théâtres de guerre, même récemment en Ukraine, n'est comparable au degré de destruction et de dévastation dont j'ai été témoin en Turquie», a-t-il estimé.

Vitorino a ajouté: «J’ai vu une ville de 200 000 habitants totalement détruite par la fureur du tremblement de terre. La fureur de la nature devrait nous inciter à réfléchir attentivement à la fréquence et à l'intensité de ces risques naturels, qui sont également liés au changement climatique.»

Il est difficile d'isoler les facteurs climatiques des autres facteurs sociaux, économiques, politiques et sécuritaires qui sous-tendent les migrations.

Le changement climatique est également lié aux conflits et à la sécurité. La guerre civile syrienne, où une sécheresse exceptionnelle a contribué à des flux de population vers les zones urbaines non prises en compte par le régime politique, illustre ce lien.

La Banque mondiale estime que 143 millions de personnes pourraient se déplacer à l'intérieur de leur propre pays d'ici 2050 à cause d'événements climatiques extrêmes en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Amérique latine, en l'absence d'une action climatique urgente au niveau mondial et national.

Les chercheurs soulignent qu'une hausse des températures pourrait entraîner une augmentation des demandes d'asile dans l'UE.

La sécheresse et la désertification, les vagues de chaleur et l'élévation du niveau de la mer entraîneront un appauvrissement des écosystèmes, allant de la pénurie d'eau à la perte de terres agricoles, ce qui conduira à des conflits pour des ressources naturelles rares. Les menaces qui pèsent sur la sécurité humaine pourraient à leur tour pousser les gens à migrer à la recherche de revenus alternatifs et de moyens de satisfaire leurs besoins fondamentaux.

«Il arrive que des personnes soient déplacées à cause de la sécheresse et d'autres à cause des inondations, au même moment, dans le même pays», a révélé Vitorino.

«Prenons l'exemple de l'Amérique centrale, où le phénomène El Niño modifie la production de café et de cacao et où les gens sont privés de leurs moyens agricoles traditionnels. Ils se déplacent vers les villes. Et s'ils ne trouvent pas de solutions dans les villes, ils continuent à se déplacer, généralement vers les États-Unis », a-t-il clarifié.

«Ma théorie consiste à dire que nous devons agir pour renforcer l'adaptation et la résilience de ces communautés, car elles ne veulent pas se déplacer. Elles y sont contraintes et nous devons les aider à trouver les moyens de s'adapter au changement climatique», a-t-il maintenu.

Vitorino a ajouté: «Et s'ils sont contraints de se déplacer, comme par exemple dans certaines îles du Pacifique qui vont malheureusement disparaître en raison de l'élévation du niveau de la mer, nous devons faire en sorte que ces déplacements soient sûrs, ordonnés et réguliers.»

L'OIM estime que depuis 2014, environ 55 000 migrants sont morts ou ont disparu. Parmi eux, environ 8 000 étaient en route vers les États-Unis. Ils ont péri dans des accidents ou pendant qu'ils voyageaient dans des conditions inhumaines.

L'incendie qui a tué des dizaines de personnes dans un centre de traitement des demandes d'immigration à Ciudad Juarez, à la frontière avec le Texas, dans la nuit du 27 mars, n'est que le dernier chapitre d'une tragédie qui n'en finit pas. Une vidéo de surveillance a montré des agents de l'immigration s'éloignant des détenus pris au piège alors que les flammes les engloutissaient.

En 2022, 2 062 migrants sont morts en traversant la mer Méditerranée. Entre 2014 et 2018, par exemple, les corps d'environ 12 000 personnes qui se sont noyées n'ont jamais été retrouvés.

Vitorino déplore l'augmentation récente du nombre de migrants irréguliers qui se déplacent dans le monde.

«Nous devons adopter une approche globale de ces mouvements et comprendre que l'on ne peut se contenter de traiter l'une des raisons sans prendre en considération les autres», a-t-il déclaré, ajoutant que «la nécessité de préserver les vies humaines et de prévenir les décès est une priorité».

Le Dialogue international sur la migration, a-t-il affirmé, fournira des conclusions qui appuieront le rapport du secrétaire général de l'année prochaine sur la mise en œuvre du Pacte mondial sur les migrations.

«Nous avons besoin de politiques fondées sur des données fiables et efficaces. Nous devons garantir le rôle de la jeunesse, en particulier dans la lutte contre le changement climatique. Nous devons nous assurer que les migrants sont pleinement inclus dans la couverture médicale, une question cruciale pour réussir à atteindre les ODD», a soutenu Vitorino.

«Nous devons mobiliser la diaspora pour le développement des pays d'origine.»

Il a conclu: «Tels sont les messages clés que j'attends du Dialogue international sur la migration.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Washington cible l'Autorité palestinienne, en plein débat sur la reconnaissance d'un Etat de Palestine

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
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  • Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine

WASHINGTON: Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine.

L'annonce des sanctions américaines survient en effet au moment où de nombreux Etats, dont la France et le Canada, ont promis de reconnaître un Etat de Palestine en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre, provoquant la colère d'Israël et des Etats-Unis qui parlent d'une "récompense" faite au Hamas dans la bande de Gaza.

La France et l'Arabie saoudite ont co-présidé lundi et mardi à l'ONU une conférence internationale, plaidant ainsi pour la solution à deux Etats, israélien et palestinien, seul chemin pour parvenir à la paix au Proche-Orient.

Washington, qui rejette toute reconnaissance unilatérale d'un Etat palestinien, a décrit la conférence comme étant une "insulte" faite aux victimes de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Dans un communiqué jeudi, le département d'Etat américain a fait part de sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'OLP, sans les identifier, accusés notamment d'"internationaliser le conflit avec Israël".

Washington reproche aux deux institutions de "soutenir des actions au sein d'organisations internationales qui sapent et contredisent les engagements antérieurs" notamment à travers la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI).

Washington avait sanctionné en juin quatre magistrates de la CPI, estimant que leurs procédures visant l'exécutif israélien étaient "illégitimes" et "politisées".

Washington, principal allié d'Israël, accuse aussi l'OLP et l'Autorité palestinienne de "continuer à soutenir le terrorisme, y compris par l'incitation et la glorification de la violence" dans les livres scolaires, une accusation de longue date.

Les sanctions consistent en un refus de visa pour des membres des deux institutions.

- "Distorsion morale" -

"Il est dans l'intérêt de notre sécurité nationale d'imposer des sanctions et de tenir l'OLP et l'Autorité palestinienne responsables du non-respect de leurs engagements et de la remise en cause des perspectives de paix", a indiqué le département d'Etat.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, s'est aussitôt félicité de cette décision, jugeant que "l'Autorité palestinienne doit payer le prix de sa politique actuelle consistant à verser des indemnités aux terroristes et à leurs familles pour les attentats commis et pour l'incitation à la haine contre Israël dans les écoles, les manuels scolaires, les mosquées et les médias palestiniens".

Il a également relevé, sur X, que cette mesure "met en évidence la distorsion morale de certains pays qui se sont empressés de reconnaître un Etat palestinien virtuel tout en fermant les yeux sur le soutien de l'Autorité palestinienne au terrorisme et à l'incitation à la haine".

L'Autorité palestinienne, dont le président est Mahmoud Abbas, administre la Cisjordanie occupée, tandis que l'OLP, créée en 1964, est le mouvement fondateur représentant les Palestiniens, longtemps dirigée par leur leader historique Yasser Arafat.

L'OLP rassemble la majorité des mouvements politiques palestiniens mais pas le mouvement islamiste Hamas, qui s'est emparé du pouvoir à Gaza en 2007.

Des pays arabes et occidentaux voudraient voir l'Autorité palestinienne, très affaiblie, jouer un rôle dans la gouvernance de la bande de Gaza après la guerre qui y fait rage depuis octobre 2023.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président Donald Trump, qui a accueilli le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu par trois fois à la Maison Blanche, plus qu'aucun autre dirigeant étranger, a apporté un soutien inconditionnel à Israël, tout en oeuvrant sans succès pour un cessez-le-feu à Gaza.

Mais il s'est montré peu disert sur l'Autorité palestinienne, décriée pour le manque de réformes et la corruption.

Parmi ses premiers décrets, le président Trump avait levé des sanctions imposées sous son prédécesseur Joe Biden visant des colons israéliens extrémistes en Cisjordanie, en proie à une recrudescence des violences.


L'envoyé de Trump rencontre Netanyahu, Israël face à des critiques accrues

L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
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  • L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël
  • Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël

Jérusalem, Non défini: L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël.

Après 22 mois d'une guerre dévastatrice déclenchée par une attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023, la bande de Gaza est menacée d'une "famine généralisée" selon l'ONU et est totalement dépendante de l'aide humanitaire distribuée par camions ou larguée depuis les airs.

Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël, selon la Défense civile locale qui a fait état de 38 Palestiniens tués jeudi.

Plusieurs dizaines de corps gisaient empilés à la morgue de l'hôpital al-Chifa dans le nord de Gaza, dans l'attente d'être collectés par leurs proches, a constaté un correspondant de l'AFP.

"Le moyen le plus rapide de mettre fin à la crise humanitaire à Gaza est que le Hamas CAPITULE ET LIBÈRE LES OTAGES !!!", a déclaré le président américain Donald Trump sur X.

Rien n'a filtré de la rencontre entre MM. Witkoff et Netanyahu mais en début de semaine, M. Trump a semblé se distancer de son allié israélien en évoquant une "vraie famine" à Gaza.

Avant l'arrivée jeudi de l'émissaire de M. Trump, des dizaines de mères et proches d'otages encore aux mains du Hamas ont manifesté devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem, exigeant un "accord global" qui garantirait la libération des 49 otages encore détenus à Gaza, dont 27 ont été déclarés morts par l'armée.

- "Position minoritaire" -

L'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné du côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une offensive dévastatrice à Gaza qui a fait au moins 60.249 morts, en majorité des civils, d'après les données du ministère de la Santé à Gaza jugées fiables par l'ONU. La campagne aérienne et terrestre a dévasté le territoire et provoqué un désastre humanitaire.

Le chef de la diplomatie allemande Johann Wadephul a lui rencontré à Jérusalem son homologue israélien Gideon Saar, avant de rencontrer M. Netanyahu.

Avant de décoller pour Israël, M. Wadephul a estimé qu'Israël était "de plus en plus en position minoritaire", alors qu'un "nombre croissant de pays, y compris européens, sont prêts à reconnaître un Etat palestinien sans processus de négociation préalable".

Ces visites interviennent après la multiplication des alertes d'organisations internationales sur une famine à Gaza et l'échec de négociations indirectes, sous médiation américaine, qatarie et égyptienne, entre Israël et le Hamas en vue d'un cessez-le-feu.

Le gouvernement israélien a annoncé dimanche une pause limitée dans l'offensive afin de permettre l'acheminement de l'aide dans le petit territoire pauvre où s'entassent plus de deux millions de Palestiniens.

Mais ces aides sont jugées insuffisantes par les organisations internationales face aux besoins immenses de la population.

- "Pression déformée"

Le Portugal a indiqué jeudi envisager de reconnaître l'Etat de Palestine, après que plusieurs pays dont le Canada, la France et le Royaume-Uni ont annoncé leur intention de faire de même en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre.

Une telle reconnaissance reste néanmoins largement symbolique en raison du refus d'Israël de la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

Dans ce contexte, Israël a dénoncé une "campagne de pression internationale déformée" venant "récompenser le Hamas et nuire aux efforts visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza".

Les Etats-Unis, qui ont dénoncé les annonces sur la reconnaissance d'un Etat palestinien, ont imposé des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), accusant les deux organismes d'avoir pris des mesures pour "internationaliser leur conflit avec Israël" et de "continuer à soutenir le terrorisme".

Le gouvernement Netanyahu, qui veut chasser le Hamas de Gaza et a annoncé son intention de contrôler le territoire, semble peiner à trancher sur une solution politique d'après-guerre.

Dans ce contexte, la frange la plus radicale de sa coalition gouvernementale plaide pour un retour des colonies à Gaza, évacuées en 2005 avec le retrait unilatéral israélien du territoire après 38 ans d'occupation.

L'armée israélienne a par ailleurs annoncé le retrait du nord de Gaza de sa 98e Division, composée d'unités parachutistes et de commandos d'élite, qui a "se prépare désormais à de nouvelles missions".


Une experte de l’ONU : « La famine imposée à Gaza est une atteinte grave à la dignité humaine »

Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
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  • Alice Jill Edwards dénonce une privation prolongée de nourriture entraînant malnutrition, défaillances d’organes et décès, notamment chez les nourrissons et femmes enceintes
  • « Des règles changeantes, une distribution militarisée et l’incertitude permanente sur l’accès aux besoins de base provoquent désespoir, stress et traumatismes », alerte-t-elle

NEW YORK: La rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture, Alice Jill Edwards, a exprimé mercredi sa vive inquiétude face à l’augmentation du nombre de décès liés à la famine parmi les Palestiniens de Gaza.

Elle a qualifié la famine infligée aux civils de « meurtrière, inhumaine et dégradante », appelant à une aide humanitaire rapide et sans entrave vers l’enclave dévastée.

« Priver des gens de nourriture, d’eau et de dignité constitue une violation grave et répétée dans ce conflit. Cela doit cesser », a-t-elle déclaré, citant des rapports « choquants » de civils tués en faisant la queue pour se nourrir, et des cas généralisés de faim et de malnutrition.

Elle a alerté sur un risque croissant de famine généralisée à Gaza, soulignant que toutes les parties au conflit ont des obligations juridiques, au regard du droit international, d’assurer un accès à l’eau et à la nourriture pour les civils sous leur contrôle, et de faciliter l’aide humanitaire.

« Ils ne doivent ni voler, ni détourner, ni bloquer délibérément l’acheminement de l’aide », a-t-elle averti.

Elle a décrit les « conséquences physiologiques catastrophiques » de la privation prolongée de calories : malnutrition, défaillance d’organes et décès, touchant particulièrement les groupes vulnérables comme les nourrissons et les femmes enceintes.

« L’impact psychologique d’un tel déni est d’une cruauté intrinsèque », a-t-elle poursuivi.

« Des règles constamment changeantes, des distributions militarisées, et une incertitude quotidienne sur l’accès aux besoins fondamentaux plongent les gens dans un désespoir et une détresse extrêmes. »

Elle a salué l’annonce par Israël de pauses humanitaires permettant au Programme alimentaire mondial d’opérer pendant trois mois, tout en soulignant que « davantage doit être fait » pour mettre fin aux hostilités et établir une paix durable fondée sur la solution à deux États.

« Personne ne devrait subir l’humiliation de devoir mendier pour se nourrir, surtout quand des stocks suffisants sont disponibles », a-t-elle déclaré.

Edwards a également renouvelé son appel à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, à la libération des Palestiniens détenus arbitrairement, et à la mise en place d’enquêtes indépendantes sur les allégations de torture, de mauvais traitements et d’éventuels crimes de guerre, de la part de toutes les parties.

Elle a indiqué avoir exprimé ses préoccupations à plusieurs reprises aux autorités concernées et continuer de réclamer une pleine reddition de comptes.

Les rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ils sont indépendants, ne sont pas membres du personnel des Nations unies et travaillent bénévolement.