La retraite, un vertige ou un mirage pour les travailleurs immigrés

Cette photo prise Place d'Italie, le 6 avril 2023, montre une banderole indiquant "tout va bien" lors d'une manifestation au 11ème jour d'action après que le gouvernement ait fait passer une réforme des retraites au parlement sans vote, en utilisant l'article 49.3 de la constitution, à Paris. (Photo, AFP)
Cette photo prise Place d'Italie, le 6 avril 2023, montre une banderole indiquant "tout va bien" lors d'une manifestation au 11ème jour d'action après que le gouvernement ait fait passer une réforme des retraites au parlement sans vote, en utilisant l'article 49.3 de la constitution, à Paris. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Vendredi 07 avril 2023

La retraite, un vertige ou un mirage pour les travailleurs immigrés

  • Les 2,8 millions de travailleurs étrangers en France, souvent arrivés tardivement sur le marché de l'emploi, sont surexposés aux carrières hachées
  • Pourtant, sur les dernières décennies, l'immigration «a eu un impact positif sur le financement des retraites, les immigrés rapportent plus qu'ils ne coûtent», observe Lionel Ragot, professeur d'économie à l'université Paris-Nanterre

PARIS: La question des 64 ans est le cadet de leurs soucis. Chez les travailleurs immigrés, "grands oubliés" de la réforme, la retraite cristallise les difficultés de toute une vie de labeur, quand elle n'est pas tout simplement un mirage pour les sans-papiers.

En théorie, tous ont droit à la retraite comme n'importe quel Français à condition d'y cotiser. Seule obligation, depuis la loi Pasqua de 1993, être en situation régulière au moment de la liquidation des droits.

Dans la pratique, la situation est plus complexe. Les 2,8 millions de travailleurs étrangers en France, souvent arrivés tardivement sur le marché de l'emploi, sont surexposés aux carrières hachées.

Ils sont structurellement "plus souvent au chômage", "ont plus souvent un contrat à durée limitée" et "occupent plus souvent des emplois moins qualifiés, associés à des rémunérations moindres", selon un panorama dressé la semaine dernière par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

"Petite formation, petit salaire, petite cotisation. La retraite d'un immigré, par rapport à un travailleur français lambda, est en moyenne 50% inférieure", précise Omar Samaoli, auteur de "Retraite et vieillesse des immigrés en France".

"Ce sont des gens qui ont une carrière en dents de scie, qui ont bricolé à droite à gauche, avec des périodes sans cotisation. Pour eux, la retraite c'est le moment qui incarne tous les problèmes qu'ils ont rencontrés" durant la vie professionnelle, poursuit le directeur de l'Observatoire gérontologique des migrations.

"Déni d'existence" 

Résultat: parmi les assurés du régime général, 61% des personnes en non-recours complet (ceux qui n'ont recouru à aucun régime de retraite) entre 70 et 90 ans sont des personnes nées à l'étranger, selon une étude de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) en 2021.

Pourtant, sur les dernières décennies, l'immigration "a eu un impact positif sur le financement des retraites, les immigrés rapportent plus qu'ils ne coûtent", observe Lionel Ragot, professeur d'économie à l'université Paris-Nanterre et auteur d'une étude sur l'impact budgétaire de l'immigration.

La problématique est plus aiguë encore pour les travailleurs sans-papiers, qui représentent environ 600 000 personnes.

"Eux peuvent cotiser pendant des années pour la retraite, sans la toucher" s'ils n'ont pas été régularisés au moment de la réclamer, résume Omar Samaoli, estimant que l'Etat "crée une vulnérabilité par déni d'existence" à des personnes qui sont pourtant des "premiers de corvée" dans les métiers les plus pénibles.

C'est pour dénoncer cette "injustice" que des collectifs de travailleurs sans-papiers défilent depuis janvier dans les cortèges manifestant contre la réforme des retraites.

"Du vol" 

El Hadji Dioum, un Sénégalais de 42 ans, n'a pas raté une manifestation. Sous sa casquette rouge, il détaille à l'AFP les raisons de sa colère, lui qui cumule un emploi de préparateur de commandes et un "petit job" dans la restauration, "pour survivre".

"Je cotise mais si le jour-J je n'ai pas de papiers, je n'aurai rien", a assuré jeudi dans le cortège parisien celui qui affirme travailler avec des faux papiers dans une filiale de La Poste depuis trois ans. "C'est du vol! On dit que les immigrés viennent profiter du système, mais là c'est l'inverse. On travaille, on cotise et à la fin on ne touche même pas la retraite", a-t-il poursuivi, sous les hochements de tête approbateurs de ses compagnons d'infortune du Collectif des travailleurs sans-papiers de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne).

"Notre pays s'accommode très bien du travail illégal lui permettant d'encaisser les cotisations (...) mais demande subitement des papiers au moment de leur verser la pension", s'est indignée fin mars dans une tribune l'ancienne ministre socialiste Najat Vallaud-Belkacem, désormais présidente de l'association France terre d'asile.

Dans cette tribune intitulée "Travailleurs étrangers: les grands oubliés de la réforme des retraites", Mme Vallaud-Belkacem a également dénoncé "les impayés de cotisations retraites d'employeurs qui profitent de la méconnaissance de leurs droits" de la part des étrangers.

Autant de raisons pour lesquelles El Hadji Dioum et des centaines de sans-papiers manifestaient jeudi pour leur "régularisation". C'est la "seule façon", dit le Sénégalais, "d'être à égalité, que ce soit à 62 ou 64 ans".


Procès libyen: la cour d'appel de Paris libère l'intermédiaire Djouhri sous contrôle judiciaire

 La cour d'appel de Paris a accepté mercredi de libérer sous contrôle judiciaire l'intermédiaire Alexandre Djouhri, qui était le dernier prévenu du procès libyen à être encore incarcéré.
La cour d'appel de Paris a accepté mercredi de libérer sous contrôle judiciaire l'intermédiaire Alexandre Djouhri, qui était le dernier prévenu du procès libyen à être encore incarcéré.
Short Url
  • L'homme d'affaires franco-algérien de 66 ans, condamné le 25 septembre à six ans d'emprisonnement dans l'affaire du financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy, aura notamment pour interdiction de sortir d'Île-de-France
  • Il a également l'interdiction de mener une activité d'intermédiation économique et il devra remettre à la justice ses passeports français et algérien et pointer une fois par semaine à la gendarmerie

PARIS: La cour d'appel de Paris a accepté mercredi de libérer sous contrôle judiciaire l'intermédiaire Alexandre Djouhri, qui était le dernier prévenu du procès libyen à être encore incarcéré.

L'homme d'affaires franco-algérien de 66 ans, condamné le 25 septembre à six ans d'emprisonnement dans l'affaire du financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy, aura notamment pour interdiction de sortir d'Île-de-France, de s'absenter de son domicile en région parisienne entre 8H00 et 20H00, d'entrer en contact avec ses coprévenus.

Il a également l'interdiction de mener une activité d'intermédiation économique et il devra remettre à la justice ses passeports français et algérien et pointer une fois par semaine à la gendarmerie.

Le parquet général s'était opposé à sa libération en pointant notamment sa double nationalité et le risque de départ en Algérie où la coopération judiciaire avec la France est compliquée.

Selon son avocat, Me Pierre-Henri Bovis, il devrait sortir de la prison parisienne de La Santé "dans les prochaines heures".

"La cour d'appel de Paris, par sa décision, a reconnu cette fois-ci qu'il y avait des garanties de représentation suffisantes, et a enfin admis qu'il n'y avait pas de risque de fuite ou de pression" sur les témoins, s'est-il félicité, soulignant que son client ne s'était "jamais dérobé à ses obligations".

Alexandre Djouhri avait déposé une première demande de mise en liberté qui avait été rejetée début novembre, la cour d'appel estimant qu'il présentait un risque de fuite et des garanties de représentation "particulièrement faibles".

Dans ce dossier, deux autres personnes ont été condamnées en première instance à des peines d'emprisonnement avec mandat de dépôt: l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy, condamné à cinq ans de prison, et le banquier Wahib Nacer.

L'ex-chef de l'Etat a été incarcéré vingt jours à la prison de la Santé, avant d'obtenir sa libération auprès de la cour d'appel. M. Nacer, qui avait été condamné à une peine de quatre ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt à exécution provisoire, a également été libéré de prison.

Alexandre Djouhri devrait donc comparaître libre, comme tous ses coprévenus, au procès en appel  prévu du 16 mars au 3 juin. Au total, 10 personnes, dont Nicolas Sarkozy et deux de ses proches, Claude Guéant et Brice Hortefeux, seront rejugées dans ce dossier.


Macron de retour sur le thème de la désinformation, après la polémique sur la labellisation

Le président français Emmanuel Macron attend avant d'accueillir le président roumain à l'Élysée, à Paris, le 9 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron attend avant d'accueillir le président roumain à l'Élysée, à Paris, le 9 décembre 2025. (AFP)
Short Url
  • Emmanuel Macron poursuit en Bretagne son tour de France consacré à la régulation des réseaux sociaux et à la lutte contre la désinformation, tout en répondant aux accusations de « dérive autoritaire » liées à son soutien à une labellisation des médias
  • Le président réaffirme qu’il ne s’agit pas d’un label d’État et dénonce les polémiques

PARIS: Emmanuel Macron reprend mercredi en Bretagne son tour de France sur la régulation des réseaux sociaux et la lutte contre la désinformation, l'occasion de répondre en personne aux accusations de dérive "autoritaire" provoquées par son soutien à une labellisation des médias.

Le chef de l'Etat est attendu dans l'après-midi à Saint-Malo, en Ille-et-Vilaine, pour un échange avec des lecteurs d'Ouest-France sur le thème de "la démocratie à l'épreuve des réseaux sociaux et des algorithmes".

Ses précédents débats organisés par la presse régionale l'ont mené depuis un mois à Toulouse, Arras (Pas-de-Calais) et Mirecourt (Vosges), et il devrait enchaîner avec Marseille la semaine prochaine.

Son idée directrice est de réfléchir à une adaptation de la législation pour réguler les réseaux sociaux, qui échappent largement à la loi de la presse de 1881 qui régit les médias traditionnels. Une réflexion censée déboucher sur des "décisions concrètes" début 2026, même si le président a déjà commencé à égrener des pistes.

Parmi elles, une mesure a déclenché une polémique à retardement.

Emmanuel Macron a en effet apporté un soutien très volontariste à des initiatives existantes de labellisation des médias "par des professionnels", pour distinguer les sites et réseaux qui font de l'information, selon les règles déontologiques, des autres.

"On va tout faire pour que soit mis en place un label", a-t-il lancé le 19 novembre à Arras, tout en assurant que ce n'était par à l'Etat de le faire.

- "Dérive totalitaire" -

Le 30 novembre, le Journal du dimanche s'est saisi de cette proposition pour lui reprocher une "dérive totalitaire", ironisant sur sa volonté présumée de mettre en place un "ministère de la Vérité", comme dans le roman dystopique "1984" de George Orwell.

L'accusation a été aussitôt relayée par les autres médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré puis par plusieurs dirigeants de la droite et de l'extrême droite, qui disent soupçonner le chef de l'Etat de vouloir "contrôler l'information" et museler la liberté d'expression à son profit.

En Conseil des ministres, il y a une semaine, Emmanuel Macron a répondu qu'il n'avait "jamais" envisagé de créer un "label d'Etat" pour les médias, et "encore moins" un "ministère de la Vérité", selon les propos rapportés par la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Le compte de l'Elysée s'est même fendu d'un message sur le réseau X pour déplorer que "parler de lutte contre la désinformation suscite la désinformation", visant ceux qui avaient attaqué le président, du patron des Républicains Bruno Retailleau au présentateur vedette de CNews Pascal Praud.

Une réaction officielle qui a déclenché une nouvelle cascade de commentaires enflammés y voyant la démonstration de velléités de contrôle macronistes.

A Saint-Malo, le président de la République doit aussi aborder "les conséquences de la désinformation en matière climatique", à l'occasion des dix ans de l'accord de Paris sur le climat, a fait savoir l'Elysée.


France: vote crucial pour le Premier ministre Sébastien Lecornu

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu assiste à une séance de questions au gouvernement au Sénat, la chambre haute du Parlement français, à Paris, le 26 novembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu assiste à une séance de questions au gouvernement au Sénat, la chambre haute du Parlement français, à Paris, le 26 novembre 2025. (AFP)
Short Url
  • Sébastien Lecornu joue son avenir politique sur le vote du budget de la Sécurité sociale, menacé d’être rejeté faute de soutien des Républicains et d’Horizons, malgré l’appui inattendu des socialistes
  • Un rejet pourrait provoquer sa chute, alors que le gouvernement avertit qu’un échec ferait bondir le déficit de la Sécurité sociale et que le scrutin reste extrêmement incertain

PARIS: L'avenir du Premier ministre français Sébastien Lecornu pourrait dépendre mardi de son pari de faire adopter sans majorité le projet de budget de la Sécurité sociale par l'Assemblée nationale, où il s'est assuré du soutien des socialistes mais risque d'être lâché par les siens.

Le texte proposé par son gouvernement de centre-droit pourrait être rejeté. Pas à cause du parti Socialiste (PS), dont le patron Olivier Faure a appelé à voter "pour" et avec lequel le Premier ministre a mené les négociations, mais parce que dans son propre camp, les partis de droite Les Républicains (LR) et du centre-droit Horizons refusent de soutenir un budget qui, à leurs yeux, fait trop de concessions à la gauche.

Le scrutin s'annonce donc extrêmement serré sur ce projet de loi, dans lequel le chef du gouvernement a concédé la suspension de l'emblématique réforme des retraites.

Son rejet pourrait précipiter la chute de Sébastien Lecornu, même si la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a jugé dimanche qu'une démission "n'aurait pas de sens".

Nommé il y a trois mois, le chef du gouvernement, qui défend la méthode des "petits pas", a en effet renoncé à recourir à un dispositif, celui de l'article 49.3 de la constitution, qui permet de faire passer un texte sans vote mais expose à la censure.

Sébastien Lecornu a déjà senti le vent du boulet souffler sur le volet "recettes" du texte, adopté à peu de voix grâce à plusieurs compromis et a de nombreux absents dans la chambre basse.

Il est reparti à la pêche aux voix pour le volet "dépenses" et surtout pour le vote final sur l'ensemble du projet de loi, prévus tous deux mardi.

Lundi soir, le président du parti Horizons, Edouard Philippe, candidat déclaré pour la présidentielle de 2027, a recommandé à ses députés de s'abstenir, en affirmant n'avoir "jamais voulu" une chute du gouvernement.

Les députés écologistes, dont le vote est crucial, pourraient s'abstenir quant à eux si le gouvernement cède à leur demande d'une augmentation des dépenses de l'assurance maladie.

Le gouvernement ne cesse d'avertir que si aucun texte n'est adopté, le déficit de la Sécurité sociale flamberait à 30 milliards d'euros en 2026, contre 23 en 2025.

L'issue du scrutin est d'autant plus incertaine que les votes ne seront pas unanimes au sein des groupes. LFI (gauche radicale) et RN (extrême-droite) avec l'UDR devraient voter contre, et les communistes majoritairement contre.

Le chef des LR, Bruno Retailleau a appelé à ne pas voter un "budget socialiste", mais certains de ses élus pourraient voter pour.

Si le texte est adopté, son chemin n'est pas terminé pour autant: il repartira au Sénat (chambre haute), avant de revenir à l'Assemblée, à qui le gouvernement pourra alors donner le dernier mot.