Derrière les petits prix, le coût social de la distribution discount

E.Leclerc et les chaînes d'origine allemandes Lidl et Aldi - les trois enseignes de supermarchés qui ont le plus progressé en 2022 en parts de marché, selon le panéliste Kantar - se traduit par un surcroît de travail pour les salariés. (AFP)
E.Leclerc et les chaînes d'origine allemandes Lidl et Aldi - les trois enseignes de supermarchés qui ont le plus progressé en 2022 en parts de marché, selon le panéliste Kantar - se traduit par un surcroît de travail pour les salariés. (AFP)
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Publié le Vendredi 07 avril 2023

Derrière les petits prix, le coût social de la distribution discount

  • La politique sociale dépend du bon vouloir de chaque patron de magasin indépendant
  • Seule règle à respecter pour faire partie du groupement: reverser aux salariés 25% du bénéfice net avant impôts

PARIS: Les clients plébiscitent les enseignes et gammes discount pour leurs petits prix, surtout en période de forte inflation où les consommateurs recherchent les meilleures offres. Mais derrière ces succès, se cachent des conditions de travail régulièrement dénoncées par les salariés.

Anne, mère de famille résidant en Loire-Atlantique, va à Lidl. "Nous nous y rendons assez souvent parce que c'est une petite surface marchande, donc les courses sont rapides", explique-t-elle.

"Je souhaite toujours bon courage aux caissières" , relève Christine Retsch, 68 ans, retraitée dans le Cher, qui fréquente Lidl et Aldi. "En ce moment j'ai une béquille et je ne suis pas très rapide, je vois bien que ça les embête, car elles doivent faire vite", explique-t-elle.

Plus de produits à mettre en rayons, plus de clients à prendre en charge... le dynamisme commercial des spécialistes revendiqués du prix bas comme E.Leclerc et les chaînes d'origine allemandes Lidl et Aldi - les trois enseignes de supermarchés qui ont le plus progressé en 2022 en parts de marché, selon le panéliste Kantar - se traduit par un surcroît de travail pour les salariés.

Car le positionnement "discount" ne vaut pas que sur les étiquettes, mais également dans la gestion des effectifs, dénoncent certains syndicats. Aldi, qui représente 1.309 magasins discount sur les 3.435 du pays, "au niveau social, c'est le hard discount et c'est de pire en pire", accuse Fred Leblond, délégué syndical dans le nord de la France.

Pour la sociologue du travail Cyrine Gardes, "le fonctionnement en effectif réduit", qui complique la donne pour les magasins en cas d'arrêt maladie par exemple, et la polyvalence des salariés sont les grandes caractéristiques du travail "low cost" dans le secteur.

Harcèlement moral et discrimination syndicale 

Ces derniers mois, la grogne sociale s'est traduit en mouvements de grève chez les discounters. Fin 2022, la centrale Aldi de Dammartin-en-Goële, qui approvisionne près de 200 magasins avec sa succursale de Brie, a ainsi connu un mouvement d'une ampleur inédite, du 7 décembre aux fêtes de fin d'année.

L'objectif était multiple: frapper l'entreprise au portefeuille durant une période de forte activité, réclamer plus de moyens pour améliorer leur travail au quotidien, et prendre date avant les négociations annuelles obligatoires (NAO), expliquent Isabelle Bœuf et Frédéric Oliveira, représentants CGT locaux. Or, "ils ne nous ont donné que 2% d'augmentation, plus quelques avantages. Cela nous a sciés", déplorent-ils.

"En matière salariale, nous assurons un dialogue constant avec les instances représentatives du personnel", assure de son côté la direction d'Aldi à l'AFP, précisant que ces échanges ont permis de trouver sur l'ensemble du territoire français "un accord en 2023" concernant les NAO.

Chez le concurrent Lidl, la CFDT a aussi été à l'initiative d'un mouvement de grève début mars en appelant à une augmentation des salaires, vues les bonnes performances économiques de l'année écoulée.

Auprès du média spécialisé LSA le 8 mars, la directrice des ressources humaines de Lidl assure que son enseigne "maintient une rémunération au-dessus du marché" et qu'une prime de partage de la valeur sera versée mi-octobre 2023, ainsi qu'une "prime de participation et une prime d'intéressement".

Lidl s'est retrouvé ces dernières années dans le viseur de la justice en Bretagne pour des suspicions de harcèlement moral et de discrimination syndicale, avant que le procureur de la République ne rende un non-lieu le 22 mars, "abandonnant donc les poursuites contre les cadres visés par les plaintes", précise l'enseigne vendredi.

Une directrice de magasin avait même mis fin à ses jours en septembre 2021, laissant un courrier incriminant son travail.

Dans le secteur, "les encadrements intermédiaires peuvent subir énormément de pression du siège, avec des objectifs de productivité corrélés à la masse salariale par exemple", explique la sociologue Cyrine Gardes.

Le bon vouloir du patron 

Début décembre, le quotidien L'Humanité avait enquêté sur les conditions de travail chez le leader de la distribution en France, E.Leclerc. Conclusion: la politique sociale dépend du bon vouloir de chaque patron de magasin indépendant. Seule règle à respecter pour faire partie du groupement: reverser aux salariés 25% du bénéfice net avant impôts.

Un autre grand nom de la distribution alimentaire française, Carrefour, est régulièrement tancé par ses représentants syndicaux, mobilisés actuellement contre un projet d'organisation du travail, pensé pour "satisfaire la clientèle", mais qui selon eux a le défaut de menacer la santé des salariés.

"On est clairement dans une logique d'intensification du travail, pour gagner du temps à chaque palette mise en rayon", explique à l'AFP Sylvain Macé, délégué CFDT au sein du groupe.

Hôtesse de caisse dans un Carrefour niçois, Leila Khelifa, 46 ans et elle aussi syndiquée à la CFDT, a récemment témoigné auprès de l'AFP avoir déjà "réussi à perdre (sa) santé physiquement", notamment au niveau de l'épaule gauche, "celle du scan" des produits.

«Great place to work»

Travailler dans des conditions dégradées n'est pas une fatalité. Une vingtaine de supermarchés ont été certifiés "Great place to work" par la société du même nom, relevait en janvier le média spécialisé Linéaires, alors qu'on compte plus de 11.000 hyper et supermarchés en France, selon la fédération du secteur (FCD).

Le mal-être de certains salariés se nourrit aussi d'un sentiment de déconsidération, lié au décalage entre le statut de "ces personnes qui étaient des héros et héroïnes de la première ligne" pendant la crise du Covid-19, rappelle la sociologue Cyrine Gardes, en référence à une expression employée alors par Emmanuel Macron, et "les importantes pertes de pouvoir d'achat" qu'ils subissent ces derniers mois en raison de la forte hausse des prix.

"Il serait bon que l’État s'intéresse d'un peu plus près à ces entreprises pour regarder non seulement les salaires, mais aussi comment est organisé le travail et dans quelles conditions il est effectué", ajoute-t-elle.


UE: une majorité de Français doute de l'influence réelle de Macron, selon un sondage

Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
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  • 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas «s'impliquer davantage dans la campagne» car «ce n'est pas son rôle en tant que président de la République»
  • Pour autant 61% des Français jugent qu'une «défaite nette» de la liste Renaissance serait un «échec personnel» pour le président

PARIS: Une majorité de Français (57%) doute de l'influence réelle d'Emmanuel Macron sur le fonctionnement et les décisions prises par l'Union européenne depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi pour BFMTV.

Alors qu'Emmanuel Macron va mettre en avant son bilan européen lors d'un discours jeudi matin à la Sorbonne, seuls 42% des Français estiment que le chef de l'État a eu "une influence réelle sur le fonctionnement et les décisions prises par l’Union européenne" depuis 2017.

L'électorat d’Emmanuel Macron porte un regard très positif sur son rôle (70%), alors que la majorité des électeurs de gauche (56%) et d'extrême droite (68%) sont plutôt négatifs.

A un mois et demi des européennes, 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas "s'impliquer davantage dans la campagne" car "ce n'est pas son rôle en tant que président de la République".

Pour autant 61% des Français jugent qu'une "défaite nette" de la liste Renaissance serait un "échec personnel" pour le président.

En cas de large défaite du camp présidentiel, une majorité (61%) souhaite qu'Emmanuel Macron "change significativement d'orientation politique", une opinion partagée par 43% des électeurs du président au premier tour de l'élection présidentielle en 2022.

Pour autant, seule une minorité de Français (46% contre 54%) réclame une dissolution de l’Assemblée nationale et l'organisation d'élections législatives anticipées. Encore moins (39% contre 61%) souhaitent un changement de Premier ministre.

Si 58% des sondés déclarent tenir compte avant tout d'enjeux de politique européenne dans leur décision de vote, 41% concèdent qu'ils feront leur choix avant tout sur des enjeux nationaux, surtout parmi les électeurs RN (61%).

Ce sondage a été réalisé par internet du 23 au 24 avril à partir d'un échantillon de 1.001 personnes, représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. Selon les résultats, la marge d'erreur est comprise entre +/- 1,4 point et +/-3,1 points.


Evénements climatiques extrêmes: la Croix-Rouge souhaite un sac d'urgence par Français

Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
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  • Le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge
  • «75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule», selon un sondage OpinionWay

PARIS: Un "sac d’urgence" pour chaque Français en cas d’évacuation face aux événements climatiques extrêmes: c’est l’une des préconisations de la Croix-Rouge française dans un rapport sur la résilience de la société française, qui fait état d'un manque de préparation.

Canicule, sécheresse, incendies de forêt, inondations: le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge, en collaboration avec le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc), publiée jeudi.

"75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule", selon un sondage OpinionWay pour la Croix-Rouge française.

"La préparation face aux crises est l'affaire de tous. Elle concerne bien entendu les pouvoirs publics, mais aussi les acteurs associatifs et privés, ainsi que les citoyens", déclare à l'AFP Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française.

Pour affronter "l’inévitable", l’association a dix recommandations. Dont la constitution du "Catakit", un sac d'urgence par personne, prêt en cas d'évacuation et comprenant par exemple de la nourriture non périssable, de l'eau, une trousse de secours, des vêtements et une lampe torche, pour attendre l'arrivée de l'aide.

"Seuls 11% des Français disposent d’un sac d’urgence prêt, et moins de la moitié connaît les objets indispensables qu’il faut y glisser", détaille le sondage OpinionWay.

Autre recommandation: la formation aux gestes et aux comportements qui sauvent. "On estime aujourd’hui à seulement 40% le nombre de Français ayant récemment suivi une formation aux gestes qui sauvent, contre 95% Norvège ou 80% en Allemagne", note le rapport.

Or, rappelle la Croix-Rouge, "si les individus sont informés et formés, l’impact des événements climatiques extrêmes sur les populations sera moindre et les dégâts matériels réduits".

L'association suggère que chaque Français ait a minima connaissance des réflexes vitaux: "savoir identifier les alertes sonores, avoir les bons comportements en cas de catastrophes" en plus de la maîtrise des gestes qui sauvent.

"Les événements climatiques extrêmes se manifestent de manière plus fréquente, plus intense, plus longue, et plus étendue géographiquement, rappelle Philippe Da Costa. "Tous les territoires de l'Hexagone et d’Outre-mer sont concernés".

Pour la Croix-Rouge, "il n’y a pas de fatalité". "Se préparer pour savoir comment agir avant les crises et comment réagir pendant les crises" pourra limiter l'impact des évènements climatiques extrêmes sur les populations.


Macron de retour à la Sorbonne avec un grand discours sur l'Europe

Emmanuel Macron prendra la parole devant les ambassadeurs des 26 autres Etats-membres de l'UE, la délégation de la Commission européenne en France, des chefs d'entreprise, des étudiants et des chercheurs. (AFP).
Emmanuel Macron prendra la parole devant les ambassadeurs des 26 autres Etats-membres de l'UE, la délégation de la Commission européenne en France, des chefs d'entreprise, des étudiants et des chercheurs. (AFP).
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  • Même lieu, même format et sans doute même durée (au moins 90 minutes): sept ans après la "Sorbonne 1", le 26 septembre 2017, le président va de nouveau dérouler à 11H00 une série de mesures pour passer à "l'Europe puissance"
  • Avec quel objectif ? "Influer sur l'agenda" de la prochaine Commission européenne à l'issue des élections de juin, assure la présidence, qui réfute toute tactique électoraliste

PARIS: Emmanuel Macron revient jeudi à la Sorbonne avec un nouveau discours pour une Europe "plus souveraine et plus puissante", surtout perçu comme une entrée en campagne du chef de l'Etat alors que son camp patine à six semaines des européennes.

Même lieu, même format et sans doute même durée (au moins 90 minutes): sept ans après la "Sorbonne 1", le 26 septembre 2017, le président va de nouveau dérouler à 11H00 une série de mesures pour passer à "l'Europe puissance".

"On est dans un moment où se conjuguent beaucoup de crises (..) L'intuition, la volonté du président, c'est de se dire que, dans ces moments-là, il est possible de faire avancer des propositions et de faire des pas importants", résume un conseiller présidentiel.

Avec quel objectif ? "Influer sur l'agenda" de la prochaine Commission européenne à l'issue des élections de juin, assure la présidence, qui réfute toute tactique électoraliste.

"C'est un moment institutionnel d'un chef d'État, qui n’engage pas simplement la parole de sa sensibilité politique, mais la parole d'un pays", a-t-on insisté.

Pour ses adversaires, Emmanuel Macron passe surtout à l'offensive à un moment où son camp, emmené par l'eurodéputée Valérie Hayer, peine à se frayer un chemin dans la campagne.

« Discours électoral »

La liste RN menée par Jordan Bardella reste largement en tête des intentions de vote, avec douze à quinze points d'avance sur Valérie Hayer, selon les enquêtes.

"C’est un discours électoral", martèle l’eurodéputé sortant RN Thierry Mariani. "Il utilise encore son rôle de président pour faire campagne", renchérit la tête de liste LFI, Manon Aubry.

Le communiste Léon Deffontaines a demandé jeudi matin sur franceinfo que le discours du président soit "décompté dans le temps de parole de Valérie Hayer".

En écho au chef de l'Etat, Jordan Bardella tiendra dans l'après-midi une conférence de presse pour présenter son programme et tenter ainsi d'imposer un duel au sommet.

Raphaël Glucksmann a grillé la politesse à Emmanuel Macron dès mercredi soir avec un discours fleuve sur l'Europe où il lui a cogné largement dessus.

Du coup, beaucoup de soutiens du chef de l'Etat comptent sur la Sorbonne pour mobiliser les électeurs. Même s'ils reconnaissent que la prise de parole présidentielle peut aussi galvaniser ses opposants, en raison de sa forte impopularité.

« Légitimité »

Emmanuel Macron prendra la parole devant les ambassadeurs des 26 autres Etats-membres de l'UE, la délégation de la Commission européenne en France, des chefs d'entreprise, des étudiants et des chercheurs.

Il a aussi invité les eurodéputés français mais son discours tombera en pleine session plénière du Parlement européen, la dernière avant les européennes (du 6 au 9 juin), où une série de textes importants doivent être adoptés. "Désolée, j'ai voté", a ironisé, parmi d'autres, l'eurodéputée socialiste Nora Mebarak.

Un quinquennat et demi plus tard, Emmanuel Macron estime avoir imprimé sa marque sur des sujets clés de l'Union européenne comme la souveraineté, la défense ou l'emprunt européen commun, un tabou pour l'Allemagne brisé lors de la pandémie de Covid - même si la France peine à dupliquer l'expérience.

Il va dresser jeudi un bilan des avancées depuis la Sorbonne 1 et esquisser des propositions face aux nouveaux défis européens, de la guerre en Ukraine à la rivalité sino-américaine.

"C'est une interpellation du pays" alors que "jamais depuis 75 ans l'Europe et nos pays n'ont été dans une situation de risque de déstabilisation aussi grande", a plaidé son allié MoDem François Bayrou sur BFMTV.

Le chef de l'Etat estime avoir conservé toute sa "légitimité", celle des "réformes", pour parler d'Europe même si la France compte parmi les mauvais élèves du continent en matière de finances publiques.

Une légitimité qui sera mesurée à l'aune des réactions européennes. Et au retour des Français qui estiment à 57% que le président n'a pas eu "d'influence réelle" sur l'UE depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi.

Dès vendredi, le président prendra aussi la température lors d'un échange avec des étudiants à Strasbourg, où il signera un nouveau contrat triennal pour conforter la stature européenne de la capitale alsacienne.