Farid Benyettou, itinéraire d’un islamiste repenti

Dans sa vie d’avant, Benyettou assure qu’il n’était pas porté sur l’action et le combat, mais plus sur ce qu’il croyait être de la spiritualité: «Mon but était de propager le message du djihad parmi les jeunes.» (AFP).
Dans sa vie d’avant, Benyettou assure qu’il n’était pas porté sur l’action et le combat, mais plus sur ce qu’il croyait être de la spiritualité: «Mon but était de propager le message du djihad parmi les jeunes.» (AFP).
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Publié le Mardi 01 décembre 2020

Farid Benyettou, itinéraire d’un islamiste repenti

  • Benyettou, considéré comme le mentor des frères Chérif et Saïd Kouachi, est un repenti
  • Derrière les barreaux, il reprend ses études, passe son baccalauréat et se prépare à devenir infirmier

PARIS: Farid Benyettou, né à Paris en 1981 dans une famille d’origine algérienne, revient de loin.

S’il travaille aujourd’hui dans le transport routier et s’investit dans la lutte contre la radicalisation, son itinéraire de jeune djihadiste aurait pu le mener sur une tout autre voie.

Benyettou, considéré comme le mentor des frères Chérif et Saïd Kouachi – qui ont décimé la rédaction de Charlie Hebdo lors d’un attentat d’une violence sans précédent au mois de janvier 2015 –, est un repenti.

"J’ai prêché la haine"

D’une voix calme et avec des mots bien pesés, il affirme à Arab News que, désormais, il mène une vie normale, même s’il voit naître autour de lui des soupçons quant à la sincérité de sa repentance.

Ces soupçons l’ont empêché de pratiquer le métier d’infirmier, qui le passionnait, à sa sortie de prison. Il les comprend: il n’est pas facile d’accéder au pardon quand on a pactisé avec le diable.

Farid Benyettou assume tout, après avoir «essayé de minimiser» son implication dans l’attentat contre Charlie Hebdo. «Je me disais que mes discours incitaient au départ en Irak, et non à passer à l’acte sur le sol français.»

«J’ai une part de responsabilité, je ne peux pas le nier», reconnaît-il. «J’ai prêché la haine, j’ai distillé cette idéologie», admet-il, même s’il n’est pas l’instigateur de l’attentat barbare commis par les frères Kouachi.

D’ailleurs, cet attentat est pour lui un choc brutal, car il lui révèle la nécessité de rompre définitivement avec son passé et l’incite à «réfléchir à ce que je voulais être et ce que je voulais devenir».

Le cheminement est loin d’être simple: «Bien au contraire, c’était pénible et douloureux. C’est comme un sevrage, une désintoxication». Il y a «un manque, c’est certain, surtout au début».

Le plus compliqué, affirme-t-il, c’est «d’apprendre à vivre sans les certitudes et les convictions absolues» qui le guidaient dans la vie. «Se dire que l’état d’esprit d’avant n’existera plus est très angoissant, mais j’y suis arrivé.»

Dans sa vie d’avant, Benyettou assure qu’il n’était pas porté sur l’action et le combat, mais plus sur ce qu’il croyait être de la spiritualité: «Mon but était de propager le message du djihad parmi les jeunes.»

Ce même Benyettou se tient aujourd’hui face à des jeunes dans le cadre de l’association L’Entre-2, qui agit contre la radicalisation, pour faire passer un message inverse et leur épargner les déboires de l’intégrisme radical.

Au sujet de ces jeunes, il explique: «J’ai vécu la même chose qu’eux, on voulait sauver le monde et rendre justice aux opprimés.»

La réalité est tout autre: «Ces groupes utilisent notre sensibilité pour des desseins qui leur sont propres», déclare Benyettou. Concernant les différents projets spirituels auxquels il a adhéré, il affirme qu’ils «étaient en réalité des projets politiques».

La voie du djihad

Difficile de dire si la voie du djihad adoptée par Benyettou était inévitable, sachant que, depuis l’enfance, il a baigné dans le rigorisme religieux. Dès son plus jeune âge, en effet, il fréquente régulièrement une mosquée gérée par les Frères musulmans où il suit des cours d’arabe et de religion. Il passe ses vacances dans des colonies organisées par la même organisation.

Dans son livre Mon djihad, coécrit avec l’anthropologue Dounia Bouzar, il se décrit comme quelqu’un d’effacé, d’une timidité maladive. Il n’a aucun centre d’intérêt en dehors de son investissement en tant que bénévole au Secours islamique.

À 11 ans, il est très touché par le sort des musulmans bosniaques et par leurs souffrances dues à la guerre.

Le Secours islamique, raconte-t-il, est alors «son jardin secret», qu’il cache surtout à ses amis. C’était le lieu où il pouvait aider sur le plan humanitaire et se retrouver lui-même à travers la religion.

Le décès de sa grand-mère fait sombrer son père dans l’alcool. C’est un choc profond, la chute de l’idéal paternel. «Je me retrouvais dans le vide», confie-t-il.

Ce vide, il va le combler grâce à des «des pères de substitutions» qu’il rencontrera au Secours islamique.

À l’âge de 15 ans, il tombe sous le charme des salafistes. «C’était comme une sorte de fascination», se souvient-il. Il adhère totalement à leur «pratique sans concession» de l’islam.

Il s’éloigne des Frères musulmans et endosse le qamis des salafistes, qui lui confère une aura de piété et de pureté aux yeux des habitants de son quartier.

Au lycée, son unique intérêt consiste à propager ses croyances religieuses, au point qu’il fut surnommé «l’imam», ce qui lui vaut évidement de gros problèmes.

Il arrête l’école et s’investit davantage encore aux côtés des salafistes. Ainsi, il ne se sent jamais seul; il est isolé des autres, mais soudé aux membres de son groupe par la croyance et les idées.

Ces idées vont le mener à une conviction, celle de «l’incompatibilité de la loi divine» et des lois humaines. Il s’isole de plus en plus et s’éloigne de tous ceux qui ne partagent pas cette idée, musulmans comme non musulmans.

Il lui faut à tout prix, alors, éviter toute ressemblance avec les autres, «les mécréants»: il ne faut ni s’habiller comme eux, ni manger comme eux. «Aucune similitude, aucun élément de culture partagée n’était toléré», raconte-t-il.

Il faut également se distinguer en tout des autres musulmans. Les salafistes ont leurs propres codes, «avec un souci de détail obsessionnel» pour la prière, la coiffure, la toilette...

Il faut renoncer à toute activité sociale, éducative, ou sportive, car elle ne peut que le détourner de Dieu. La même logique s’applique aux distractions, aussi banales soient-elles: écouter de la musique, regarder la télévision…

Après le salafisme, Benyettou passe au djihadisme, par le biais de personnes rencontrées à la Grande Mosquée de Paris, dont il partage les codes rigoureux et l’apparence.


"L'émir des Buttes-Chaumont"

À partir de ce moment, la rupture devient plus profonde avec la société. Pour les djihadistes, affirme Benyettou, «on n’est plus musulman si on se soumet à une loi humaine». Seule la loi de Dieu prévaut et le musulman doit tout faire «pour corriger cette situation».

C’est bien là la logique qui mène au djihad, et qui le conduit à vouloir combattre cette démocratie qui se substitue à la loi divine.

Depuis sa conversion au djihadisme, il commence à considérer les salafistes comme malhonnêtes intellectuellement, alors que, selon lui, «les frères djihadistes avaient raison sur tous les plans». L’obligation d’appliquer la loi divine, indique Benyettou, revient naturellement à légitimer le djihad.

Après les attentats du 11-Septembre, il fait la rencontre d’un groupe de jeunes proches d’Al-Qaïda. Il est bien sûr conquis par leur discours, et renonce à son admiration pour le Front islamique du salut (FIS) algérien.

Dorénavant, Ben Laden est pour lui l’exemple à suivre car «le seul à pouvoir redorer le blason des djihadistes».

En 2002, il devient conseiller spirituel d’un groupe de jeunes qui fréquentent la mosquée de Stalingrad, dans le XIXe arrondissement de Paris.

Petit à petit, il commence à contribuer à l’organisation de départs de djihadistes à l’étranger.

C’est dans ce cadre qu’il rencontre les frères Kouachi, qui suivent ses cours pendant l’été 2003. Par la suite, il participe à la préparation de Chérif, qui veut partir combattre en Irak. Cette participation lui vaut d’être arrêté, dans le cadre du démantèlement de la filière djihadiste dite «des Buttes-Chaumont». Il est d'ailleurs un temps surnommé l'émir des Buttes-Chaumont. 

Alors qu’il purge sa peine de quatre ans de prison, ses idéaux commencent à s’effriter. Derrière les barreaux, il reprend ses études, passe son baccalauréat et se prépare à devenir infirmier.

La carapace se fendille, et les liens avec «les frères» d’Al-Qaïda perdent en intensité. C’est le début de sa longue rédemption.

Farid Benyettou est-il totalement reconstruit? «Difficile à dire», répond-il. «L’idéologie djihadiste, c’est du passé.» Mais il reste peut-être des choses à purger: «Je m’en occuperai lorsque je les ressentirai. C’est un travail permanent.»


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.


Zucman, patrimoine et retraites, "journée majeure" vendredi à l'Assemblée

Des députés assistent à l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés assistent à l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale débat d’une taxation du patrimoine, au cœur d’un bras de fer entre le gouvernement et le PS, qui menace de censure en cas de refus d’imposer les très hauts patrimoines
  • En parallèle, la suspension de la réforme des retraites est examinée en commission, condition posée par le PS pour éviter une crise politique majeure, mais son adoption reste incertaine

PARIS: Deux gros morceaux pour le prix d'un: les députés débattent vendredi dans l'hémicycle de taxation du patrimoine, sur fond d'ultimatum du PS pour davantage de "justice fiscale", et une partie des parlementaires doivent se prononcer en commission sur la suspension de la réforme des retraites, autre clé d'une non-censure.

Dès 9H00, les députés rouvriront les débats sur le projet de budget de l'Etat, avec la question sensible de la fiscalité du patrimoine et la désormais fameuse taxe Zucman, après avoir approuvé ces derniers jours plusieurs taxes sur les grandes entreprises ou les géants des technologies.

Signe de l'importance du moment, le Premier ministre Sébastien Lecornu devrait se rendre à l'Assemblée dans la journée pour participer aux débats, selon son entourage, alors que le PS menace de censurer en cas de refus du gouvernement d'imposer les hauts patrimoines.

"La journée est majeure", souligne un ministre.

Au menu notamment, une taxe proposée par le gouvernement sur certaines holdings, des sociétés qui détiennent des participations dans d'autres entreprises, et qui fait débat dans son propre camp.

Puis viendront des propositions de tous bords. Le Rassemblement national et le MoDem proposeront par exemple leurs versions d'un impôt sur la fortune. La gauche défendra entre autres l'instauration de la taxe de l'économiste Gabriel Zucman, impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros.

- "Troisième voie" -

Les socialistes proposeront en sus leur version de compromis au camp gouvernemental: 3% à partir de 10 millions d'euros, mais en excluant les entreprises innovantes et familiales.

Philippe Brun (PS), négociateur pour son groupe sur le budget, estime son rendement à "15 milliards", une estimation nettement rehaussée pour cette Zucman bis par rapport à de précédents calculs.

Mais elle peine à convaincre le reste de la gauche. "On n'a jamais été contre voter des amendements de repli" mais "c'est une taxe passoire", estime Eric Coquerel, président LFI de la commission des Finances.

Et l'horizon paraît bouché face à une levée de boucliers au centre et au RN.

"On est contre toutes les versions", assume Sylvain Maillard (Renaissance). Zucman, c'est "non, ni light ni hard ni rien du tout", a martelé Marine Le Pen, patronne du RN. Quant à Sébastien Lecornu, il a estimé jeudi qu'"il ne faudrait pas que des impôts improvisés créent des faillites certaines" d'entreprises.

De quoi susciter le pessimisme : "Zucman ça passe pas, l'amendement (de repli) non plus", pensent séparément deux députés PS.

Pour autant, certains imaginent en cas d'échec un autre chemin, comme un amendement du gouvernement lors de la séance qui viendrait réconcilier plusieurs camps.

"Si cela rapporte autant que la taxe Zucman, nous le regardons", a affirmé jeudi le patron des députés PS Boris Vallaud. S'il y a une "troisième voie, au gouvernement de la proposer".

- Suspense sur les retraites ? -

Dans l'ombre de l'hémicycle, la commission des Affaires sociales examinera toute la journée le budget de la Sécurité sociale. Les enjeux sont moindres puisque les députés repartiront dans l'hémicycle, la semaine prochaine, de la copie initiale du gouvernement.

Plusieurs points chauds seront abordés: gel des prestations sociales, montant prévu des dépenses de l'Assurance maladie, etc... Mais le vote attendu sera celui sur la suspension de la réforme des retraites, autre condition de la non-censure du PS à laquelle le Premier ministre a consenti.

S'il existe une majorité à l'Assemblée pour abroger purement et simplement la réforme, le sort de cet article en commission est incertain.

LR et Horizons (le parti d'Edouard Philippe) proposeront sa suppression, et pourraient être soutenus par des macronistes. Le RN devrait voter pour selon une source au groupe, tout comme les socialistes.

Mais les Insoumis ne voteront pas l'article en commission, simple "report de la hausse de l'âge légal de départ", argue Hadrien Clouet. Les écologistes l'envisagent aussi et décideront vendredi: "Hélas Macron a raison, c'est un décalage et non pas une suspension, qui quelque part entérine les 64 ans", souligne Danielle Simonnet.