L'Allemagne sort, divisée, de l'ère du nucléaire

L'Allemagne met à l'arrêt cette centrale nucléaire et deux autres samedi avril 2023, dans le cadre d'une transition énergétique décidée par les gouvernements successifs (Photo, AFP).
L'Allemagne met à l'arrêt cette centrale nucléaire et deux autres samedi avril 2023, dans le cadre d'une transition énergétique décidée par les gouvernements successifs (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 16 avril 2023

L'Allemagne sort, divisée, de l'ère du nucléaire

  • Cette stratégie de renoncement à l'atome, déconcerte nombre de partenaires de l'Allemagne
  • La crise gazière déclenchée par la guerre en Ukraine a mis une pression supplémentaire sur Berlin

BERLIN: L'Allemagne a mis à l'arrêt samedi ses trois derniers réacteurs nucléaires, aboutissement de plus de 20 ans d'abandon progressif de l'énergie atomique dans le pays, malgré les controverses et la récente crise énergétique en Europe.

Les centrales d'Isar 2 (sud-est), Neckarwestheim (sud-ouest) et Emsland (nord-ouest) ont été déconnectées du réseau électrique avant minuit (22h00 GMT), comme prévu, ont indiqué leurs exploitants, l'énergéticien RWE parlant de "la fin d'une ère".

Le première puissance industrielle d'Europe a respecté, à quelques mois près, le calendrier de la transition énergétique fixé au début des années 2000 et accéléré en 2011, après la catastrophe de Fukushima, par un revirement spectaculaire de l'ex-chancelière Angela Merkel.

Cette stratégie de renoncement à l'atome, perçu comme dangereux par de larges pans de la population, déconcerte nombre de partenaires de l'Allemagne qui estiment que le nucléaire a un rôle à jouer pour décarboner la production d'électricité.

La crise gazière déclenchée par la guerre en Ukraine a mis une pression supplémentaire sur Berlin. Et relancé le débat, dans la classe politique comme au sein de l'opinion, sur l'opportunité de fermer les centrales.

La sortie du nucléaire "arrive trop tard et non trop tôt", a lancé samedi lors d'un rassemblement à Berlin le député Jürgen Trittin, figure du parti des Verts.

«Parti pris»

Le 15 avril est une "date historique", a-t-il assuré. C'est l'aboutissement du combat mené depuis plusieurs décennies par le puissant mouvement antinucléaire allemand contre "une technologie dangereuse, non durable et coûteuse".

Devant la porte de Brandebourg, cet adieu à l'atome, symbolisé par une dépouille de dinosaure, a rassemblé quelques centaines personnes, tout comme à Munich et dans d'autres villes d'Allemagne.

Depuis 2003, le pays a déjà fermé 16 réacteurs.

L'invasion de l'Ukraine a marqué une césure. Privée du gaz russe dont Moscou a interrompu l'essentiel des flux, l'Allemagne s'est retrouvée exposée aux scénarios économiques les plus noirs.

Le gouvernement d'Olaf Scholz a prolongé le fonctionnement des réacteurs de quelques mois, par rapport à l'arrêt initialement fixé au 31 décembre.

L'hiver s'est finalement passé sans pénuries, la Russie a été remplacée par d'autres fournisseurs de gaz mais le consensus autour de la sortie du nucléaire s'est effrité : dans un récent sondage pour la chaîne de télévision publique ARD, 59% des personnes interrogées y voient une mauvaise idée dans le contexte actuel.

"C'est une erreur stratégique, dans un environnement géopolitique toujours tendu", a affirmé Bijan Djir-Sarai, secrétaire général du parti libéral FDP, pourtant partenaire de la coalition gouvernementale d'Olaf Scholz et des écologistes.

Pour le chef de l'opposition conservatrice (CDU) Friedrich Merz, l'abandon du nucléaire est le fruit d'un "parti pris quasi fanatique". "(...) Le mythe fondateur des Verts triomphe de toute raison", a-t-il twitté.

Les trois dernières centrales n'ont fourni que 6% de l'électricité produite en Allemagne l'an dernier, alors que le nucléaire représentait 30,8% du mix en 1997.

Entre-temps, la part des énergies renouvelables a atteint 46% en 2022, contre moins de 25% dix ans plus tôt.

Charbon 

Mais en Allemagne, le plus gros émetteur de CO2 de l'Union européenne, le charbon représente encore un tiers de la production électrique, avec une hausse de 8% l'an dernier pour faire face à l'absence de gaz russe.

"La relance de l'énergie fossile pour compenser la sortie du nucléaire ne va pas dans le sens de l'action climatique", a tancé cette semaine le ministère français de la Transition énergétique.

La France, avec 56 réacteurs, reste le pays le plus nucléarisé au monde par habitant. Au niveau européen, les divergences sont vives entre Paris et Berlin sur le rôle de l'atome.

L'Allemagne préfère se concentrer sur son objectif de couvrir 80% de ses besoins en électricité grâce aux énergies renouvelables dès 2030, tout en fermant ses centrales à charbon en 2038 au plus tard.

"Au cours des dix dernières années, l'Allemagne n'a pas fait progresser le développement des énergies renouvelables autant qu'il aurait été nécessaire pour la protection du climat et la transition énergétique", explique à l'AFP Simon Müller, directeur Allemagne du centre d'études Agora Energiewende.

Il faudra installer "4 à 5 éoliennes chaque jour" au cours des prochaines années pour couvrir les besoins, a prévenu Olaf Scholz.


France: la pleine puissance du nouveau réacteur nucléaire EPR repoussée à la fin de l'automne

Cette photographie prise le 25 avril 2024 montre la centrale nucléaire de Flamanville, dans le nord-ouest de la France, alors que la centrale nucléaire Flamanville 3 est prête à démarrer. (AFP)
Cette photographie prise le 25 avril 2024 montre la centrale nucléaire de Flamanville, dans le nord-ouest de la France, alors que la centrale nucléaire Flamanville 3 est prête à démarrer. (AFP)
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  • EDF prévoit désormais que son nouveau réacteur EPR de Flamanville, en Normandie dans l'ouest du pays, atteindra sa pleine puissance "avant la fin de l'automne"
  • Le redémarrage du réacteur est désormais prévu au 1er octobre, décalant de fait le passage à 100% de puissance du réacteur

PARIS: Electricité de France (EDF) prévoit désormais que son nouveau réacteur EPR de Flamanville, en Normandie dans l'ouest du pays, atteindra sa pleine puissance "avant la fin de l'automne", alors que le groupe espérait jusqu'à présent pouvoir franchir cette étape d'ici la fin de l'été.

La prolongation d'un arrêt "pour réaliser une opération de contrôle et de maintenance préventive sur une soupape de protection du circuit primaire principal" conduit à modifier "la date d'atteinte de la pleine puissance, désormais prévue avant la fin de l'automne", a indiqué l'électricien public français sur son site internet vendredi.

Alors que le réacteur à eau pressurisée de nouvelle génération était à l'arrêt depuis le 19 juin pour des opérations d'essais de mise en service, classiques pour de nouvelles installations nucléaires, EDF a décidé le 2 juillet de le maintenir à l'arrêt pour intervenir sur des soupapes.

EDF avait en effet constaté pendant les essais que deux des trois soupapes placées au sommet du pressuriseur qui permet de maintenir l'eau du circuit primaire à une pression de 155 bars "n'étaient pas complètement conformes" aux attendus en termes d'"étanchéité".

En raison de ces "aléas", EDF a décidé vendredi de prolonger cet arrêt pour mener une opération de maintenance préventive sur la 3e soupape.

"Les expertises menées sur les deux premières soupapes conduisent EDF, dans une démarche pro-active de sûreté, à étendre les vérifications à la troisième soupape en profitant de la logistique déjà en place et mobilisant les compétences disponibles", a expliqué le groupe.

Le redémarrage du réacteur est désormais prévu au 1er octobre, décalant de fait le passage à 100% de puissance du réacteur.

"Il y a 1.500 critères de sûreté qui sont testés lors d'un premier démarrage" de réacteur, a expliqué à l'AFP une porte-parole d'EDF. Lors de ces phases d'essais et de contrôle, il est parfois nécessaire de "refaire des réglages", selon elle.

Le réacteur de nouvelle génération a été raccordé au réseau électrique le 21 décembre 2024, avec douze ans de retard par rapport à la date prévue. Son coût a explosé par rapport au devis initial de 3,3 milliards d'euros: selon un rapport de la Cour des comptes française publié en,janvier, EDF l'estime aujourd'hui à 22,6 milliards d'euros aux conditions de 2023.


Engie confirme ses perspectives 2025 malgré un contexte "incertain et mouvant"

Cette photographie montre le parc éolien offshore de Yeu-Noirmoutier au large de l'Ile-d'Yeu, dans l'ouest de la France, le 23 juin 2025. (AFP)
Cette photographie montre le parc éolien offshore de Yeu-Noirmoutier au large de l'Ile-d'Yeu, dans l'ouest de la France, le 23 juin 2025. (AFP)
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  • Engie a confirmé vendredi ses perspectives pour 2025 malgré un contexte "incertain" et une baisse des prix qui a pesé sur ses résultats au premier semestre
  • L'énergéticien se dit confiant sur la suite et maintient ses prévisions pour 2025

PARIS: Engie a confirmé vendredi ses perspectives pour 2025 malgré un contexte "incertain" et une baisse des prix qui a pesé sur ses résultats au premier semestre, et se dit désormais plus confiant pour ses projets renouvelables aux Etats-Unis après une période d'incertitude.

Son résultat net récurrent a reculé de 19% à 3,1 milliards d’euros au cours des six premiers mois de l'année. Le résultat opérationnel (Ebit) hors nucléaire est ressorti à 5,1 milliards d'euros, en baisse de 9,4% en raison d'une base de comparaison élevée par rapport au premier semestre 2024 et "dans un contexte de baisse des prix".

Mais l'énergéticien se dit confiant sur la suite et maintient ses prévisions pour 2025.

"Nous abordons les prochains mois avec confiance et nous confirmons notre +guidance+ annuelle", a commenté Catherine MacGregor, sa directrice générale, citée dans le communiqué de résultats.

Elle a néanmoins insisté sur le contexte économique et géopolitique "assez incertain et mouvant", lors d'une conférence téléphonique.

A la Bourse de Paris, Engie cédait 2,45% à 10H53 (8H53 GMT) à 19,15 euros vendredi, après avoir lâché 5% à l'ouverture.

Interrogée sur les Etats-Unis, Catherine MacGregor s'est montrée plus confiante après une période d'incertitude qui a suivi l'entrée en fonction du gouvernement Trump.

"Avec la promulgation du +Big beautifull bill+ (la loi budgétaire de Donald Trump, ndlr) et une première clarification du cadre réglementaire et fiscal qui était attendue, nous nous apprêtons à lancer trois projets pour plus de 1,1 GW de capacité totale, éolien, solaire et batteries qui vont conforter notre croissance jusqu'en 2028", a-t-elle déclaré.

Engie a pour l'heure "juste en dessous de 9 GW en opération aux États-Unis", a-t-elle rappelé.

"Il y avait beaucoup, beaucoup d'incertitudes sur le traitement qui serait donné à ces projets", a-t-elle souligné, mais avec cette nouvelle loi, "on a beaucoup plus de clarté".

"Le marché aux États-Unis reste évidemment très, très porteur", a-t-elle poursuivi. "Les projections de demande d'électricité sont absolument massives et aujourd'hui, il n'y a pas de scénarios (...) sans une grande partie de projets renouvelables", notamment en raison du fort développement des centres de données dans le pays.

Le groupe table sur un résultat net récurrent - qui exclut des coûts de restructuration et la variation de la valeur de ses contrats de couverture - "entre 4,4 et 5,0 milliards d'euros" en 2025.

Engie vise par ailleurs un Ebit hors nucléaire "dans une fourchette indicative de 8,0 à 9,0 milliards d'euros" en 2025.

"Comme prévu, l'Ebit hors nucléaire va atteindre son point bas cette année et le second semestre 2025 sera en hausse par rapport à 2024", a indiqué Catherine MacGregor.

Le bénéfice net en données publiées s'établit à 2,9 milliards d'euros au premier semestre, en hausse de 50%, en raison d'un impact moindre de la variation de la valeur de ses contrats de couverture.

Le chiffre d'affaires a atteint 38,1 milliards d'euros au premier semestre, en croissance de 1,4%.

Engie disposait d'une capacité totale renouvelables et de stockage de 52,7 gigawatts (GW) à fin juin 2025, en hausse de 1,9 GW par rapport à fin 2024. A cela s'ajoutent 95 projets en cours de construction qui représentent une capacité totale de près de 8 GW.

Le groupe dispose d'un portefeuille de projets renouvelables et de batteries en croissance qui atteint 118 GW à fin juin 2025, soit 3 GW de plus qu'à fin décembre 2024.


ArcelorMittal: les taxes douanières américaines érodent la rentabilité au premier semestre

La cokerie d'ArcelorMittal Bremen sur le site de Bottrop est photographiée depuis la plate-forme d'observation Tetraeder à Bottrop, dans l'ouest de l'Allemagne, le 21 juillet 2025. (AFP)
La cokerie d'ArcelorMittal Bremen sur le site de Bottrop est photographiée depuis la plate-forme d'observation Tetraeder à Bottrop, dans l'ouest de l'Allemagne, le 21 juillet 2025. (AFP)
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  • ArcelorMittal a vu sa rentabilité érodée au premier semestre par les taxes douanières de Donald Trump sur les importations d'acier depuis le Canada ou le Mexiqu
  • ArcelorMittal espère la mise en place effective de mesures de soutien à l'acier en Europe d'ici à la fin de l'année

PARIS: ArcelorMittal, qui a vu sa rentabilité érodée au premier semestre par les taxes douanières de Donald Trump sur les importations d'acier depuis le Canada ou le Mexique, espère la mise en place effective de mesures de soutien à l'acier en Europe d'ici à la fin de l'année.

Malgré un résultat net en hausse de 39% au premier semestre 2025, à 2,6 milliards de dollars, le bénéfice avant intérêt, impôt, dépréciation et amortissement (Ebitda) du deuxième fabricant d'acier mondial a reculé de 10%, à 3,4 milliards de dollars, notamment après l'application de droits de douane de 50% sur l'acier importé aux Etats-Unis depuis le Canada et le Mexique à partir du 4 juin, a expliqué le groupe dans un communiqué jeudi.

Le chiffre d'affaires a aussi pâti du recul de 7,5% des prix moyens de l'acier dans le monde: les ventes se sont amoindries de 5,5%, à 30,72 milliards de dollars au premier semestre.

Jeudi à la Bourse de Paris, après ces annonces, le titre ArcelorMittal a terminé la séance en recul de 2,58%, à 27,52 euros.

Le directeur général du groupe, Aditya Mittal, s'est félicité de la reprise à 100% du site de Calvert aux Etats-Unis, qui devient un site d'acier bas carbone grâce à la construction d'un nouveau four à arc électrique.

En Europe, les tendances à l'accroissement des dépenses publiques sur la défense et les infrastructures "sont un encouragement pour l'industrie de l'acier", a jugé M. Mittal.

Néanmoins, alors que le plan d'action annoncé en mars par la Commission européenne a lancé des "signaux clairs" pour défendre la production européenne d'acier, "nous attendons toujours la concrétisation des mesures de sauvegarde (ou quotas sur les importations d'acier en Europe, NDLR) du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et sur les prix de l'énergie", a-t-il souligné.

A condition que ces mesures soient mises en place, le groupe prévoit d'investir 1,2 milliard d'euros pour un four à arc électrique sur son site français de Dunkerque (Nord), a-t-il rappelé.

Au total, ArcelorMittal en exploite 29 dans le monde, pour une capacité de production de 21,5 millions de tonnes d'acier recyclé par an, qui augmentera à 23,4 millions de tonnes en 2026 après la mise en service des deux sites espagnols de Gijon et Sestao.