BEYROUTH: Le barreau de Beyrouth fait face à un concert de critiques au sujet d’une série de décisions perçues comme autant de tentatives pour museler les avocats.
La controverse s'est aggravée jeudi dernier lorsque l'avocat libanais et militant des droits de l'homme Nizar Saghieh a comparu devant le conseil de l'association.
M. Saghieh, qui plaide pour l'indépendance du pouvoir judiciaire, a été convoqué après avoir publiquement protesté contre une décision du barreau qui visait à empêcher les avocats de s'adresser publiquement aux médias sans autorisation.
Il est menacé de sanctions, parmi lesquelles une radiation du barreau.
Le barreau a également convoqué lundi deux avocats parce qu’ils avaient enfreint cette décision.
Les avocats, les partis d'opposition et les organismes de la société civile ont condamné ces mesures, les décrivant comme «une tentative pour mettre fin à la liberté d'expression».
La bataille pour la liberté au sein du barreau a suscité un intérêt croissant de la part du public.
Parallèlement à l'audition de M. Saghieh, plusieurs avocats, militants et journalistes ont manifesté devant le siège du barreau, brandissant des banderoles sur lesquelles on pouvait lire: «La société a droit à la connaissance et à la justice».
Dans une déclaration commune, Fadlo Khouri, président de l'Université américaine de Beyrouth, et Salim Daccache, recteur de l'Université Saint-Joseph, ont condamné «le harcèlement systématique de certains militants des droits de l'homme, journalistes, universitaires et façonneurs d'opinion».
Ils ont mis en garde contre «la gravité des pratiques qui limitent les libertés directement reconnues par la Constitution libanaise».
MM. Khouri et Daccache ont déclaré que les deux universités «n’auront de cesse de pousser à l'épanouissement d'esprits brillants et libres en instaurant un environnement propice à un dialogue constructif sur leurs campus ainsi qu’entre les différentes caractéristiques de la société».
«C'est l’essence même de l’atout du Liban dans la région», ont-ils ajouté.
M. Saghieh, fondateur de Legal Agenda et membre du barreau depuis vingt-neuf ans, a déclaré avant d'assister à l'audience de jeudi qu’«il ne peut pas défendre les droits sociaux dans le cadre de sa profession sans recourir aux médias», ajoutant que, «aujourd'hui, il défend tous les avocats libres».
«Faire pression est le but de la convocation d'aujourd'hui. Si une action est engagée contre moi ce jour, elle devra être interprétée comme une intimidation vis-à-vis de tous les avocats», a-t-il indiqué.
Une pétition en ligne a également été lancée par des militants. Ces derniers se sont déclarés «profondément préoccupés par la tentative du barreau de restreindre la liberté des avocats et de la soumettre à l'autorisation préalable de son président».
Sa décision «pourrait empêcher une génération d'avocats d'exercer leurs fonctions et de défendre les droits de l'homme et les questions communautaires», ont-ils précisé.
Les activistes ont également condamné «la convocation de Saghieh, qui fait partie des juristes les plus éminents dans la poursuite des affaires judiciaires et juridiques».
Il semble que le barreau ait assoupli sa position après ces critiques croissantes.
Mardi dernier, au lieu de prendre des mesures plus sévères, il a simplement conseillé aux avocats Youssef al-Khatib et Hussein Ramadan d'éviter d'«exposer les secrets du barreau en les faisant circuler dans les médias».
Par ailleurs, des manifestants à Khaldé, au sud de Beyrouth, ont bloqué des routes tard dans la journée du mercredi. Ils ont attaqué plusieurs voitures et tiré des coups de feu en l'air pour protester contre les décisions rendues par le tribunal militaire dans la nuit au sujet des affrontements qui ont opposé en 2021 des membres armés des tribus arabes de Khaldé et des membres des Brigades de la résistance, soutenues par le Hezbollah.
Ces affrontements ont fait quatre morts et des dizaines de blessés parmi les membres du Hezbollah.
Les décisions visaient les détenus des tribus arabes de Khaldé et excluaient les membres du Hezbollah dont la participation aux affrontements est établie.
Les jugements prévoient la peine capitale et des incarcérations.
Le juge cheikh Khaldoun Araymet, directeur du Centre d'études islamiques, a condamné «les sentences injustes prononcées à l'encontre de jeunes membres des tribus arabes, car elles émanent directement du tribunal du Hezbollah, et non d'un tribunal militaire libanais libre».
Il a expliqué que «les Brigades de la résistance soutenues par le Hezbollah sont toujours au-dessus de la loi et de la responsabilité», ajoutant: «Ce n'est pas ainsi que se construisent les pays, la justice et la citoyenneté.»
Dans le cadre d’un autre incident, les douanes de l'aéroport ont arrêté mercredi Youssef Khalaf, un homme d'affaires jordanien, alors qu'il quittait Beyrouth pour Londres à bord d'un vol privé, après que 3,5 millions de dollars (1 dollar = 0,91 euro) ont été trouvés dans ses bagages.
Une source judiciaire a indiqué à Arab News que Khalaf, qui a été déféré au procureur financier Ali Ibrahim, avait été libéré.
Cependant, il a été interdit de voyager et fait toujours l'objet d'une enquête au sujet de l'argent, qu'il n'a pas déclaré.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com