«Morts ou vivants?»: en Irak, l'angoisse des proches de Yazidis enlevés par l'EI

Sur cette photo prise le 22 avril 2023, des hommes irakiens déplacés de la communauté yézidie sont assis à l'extérieur du camp de Sharya, à environ 15 kilomètres près de la ville de Dohuk, dans le nord de l'Irak. (Photo, AFP)
Sur cette photo prise le 22 avril 2023, des hommes irakiens déplacés de la communauté yézidie sont assis à l'extérieur du camp de Sharya, à environ 15 kilomètres près de la ville de Dohuk, dans le nord de l'Irak. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 26 avril 2023

«Morts ou vivants?»: en Irak, l'angoisse des proches de Yazidis enlevés par l'EI

  • Après la montée en puissance de l'EI en 2014, l'Irak a proclamé en 2017 sa victoire sur les djihadistes, qui ont ensuite perdu leur dernier bastion syrien en 2019
  • L'EI a enlevé au Sinjar 6 417 Yazidis. Plus de 3 500 d'entre eux ont pu être secourus en Irak, en Syrie et en Turquie voisine. Mais 2 855 personnes sont encore portées disparues

SHARYA: Cent-mille dollars: c'est ce qu'a payé Khaled Taalou pour faire libérer une dizaine de proches enlevés en Irak par l'EI. Et le calvaire n'est pas fini. Cinq membres de sa famille manquent à l'appel, comme 2 700 autres Yazidis kidnappés par les djihadistes.

En août 2014, le groupe Etat islamique (EI) déferle sur le Mont Sinjar, foyer historique de la minorité yazidie dans le nord irakien.

Les djihadistes voient dans les Yazidis et leur religion ésotérique monothéiste des "hérétiques". Des milliers d'hommes de cette communauté kurdophone sont massacrés. Les femmes sont enlevées et vendues comme "épouses" aux djihadistes ou réduites à l'esclavage sexuel, les enfants embrigadés.

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Sur cette photo prise le 19 avril 2023, Khaled Taalou, un Irakien de 49 ans issu de la communauté yézidie travaillant pour libérer des proches disparus enlevés par des combattants du groupe Etat islamique (EI), donne une interview dans la région de Sharya, à une quinzaine de kilomètres près de la ville de Dohouk, dans le nord de l'Irak. (Photo, AFP)

La famille de Khaled Taalou, 49 ans, ne sera pas épargnée. Son frère, sa sœur, leurs conjoints et leurs enfants sont kidnappés. En tout, 19 personnes.

"On a emprunté de l'argent comme on pouvait, ici et là, pour les sortir", confie ce journaliste et écrivain à la moustache noire et la barbe rêche au village de Sharya, au Kurdistan d'Irak.

En échange de rançons, il réussit en l'espace de sept ans à faire libérer 10 personnes. La dernière en date est la petite-fille de son frère, en février 2022, retrouvée dans un camp en Syrie.

Des libérations négociées au prix fort "via des réseaux de trafiquants en Irak et à l'étranger, spécialisés dans cette affaire", explique-t-il. Au total, il dit avoir payé près de 100 000 dollars.

Si deux proches ont été tués dans des bombardements aériens, cinq personnes sont portées disparues. "On cherche encore. On ne perd pas espoir", souffle-t-il.

«Les yeux sur la route»

Après la montée en puissance de l'EI en 2014, l'Irak a proclamé en 2017 sa victoire sur les djihadistes, qui ont ensuite perdu leur dernier bastion syrien en 2019.

Aujourd'hui encore, des corps sont exhumés de charniers au Sinjar. Plus de 2 700 personnes sont portées disparues, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

"Certaines sont encore maintenues en captivité par l'EI. Pour d'autres, nous ignorons où elles se trouvent", explique l'agence onusienne dans un communiqué.

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Sur cette photo prise le 22 avril 2023, Bahar Elias, une femme irakienne déplacée de 40 ans de la communauté yézidie, pose pour une photo avec son fils et ses filles tout en tenant des photos d'autres membres de la famille enlevés par l'État islamique (IS ), lors d'un entretien au camp de Sharya, à une quinzaine de kilomètres près de la ville de Dohuk, dans le nord de l'Irak. (Photo, AFP)

C'est ce que vit Bahar Elias, dont le mari Jassem et le fils Ahmed sont toujours portés disparus. La famille est enlevée en août 2014 au Sinjar, mais le père et son aîné, âgé à l'époque de 19 ans, sont séparés du groupe.

Ses proches ayant payé 22 000 dollars à des intermédiaires, Bahar Elias sera libérée avec ses trois cadets. Aujourd'hui encore, elle espère le retour de Jassem et Ahmed.

"Cela fait huit ans que nous vivons dans un camp (de déplacés, ndlr) et que nous avons les yeux rivés sur la route", lâche la quadragénaire, installée près de Sharya, dans un camps où s'alignent par dizaines tentes en bâche blanche et cases en béton.

"Les pays du monde entier doivent nous aider à retrouver la trace de nos familles, pour savoir s'ils sont morts ou vivants", plaide-t-elle. "Pour être libérés de la douleur."

«Plus rien au Sinjar»

Au Kurdistan d'Irak, le Bureau de sauvetage des kidnappés, une administration publique, planche sur ce dossier en coopération avec l'ONU.

Son directeur Hussein Qaïdi explique que l'EI a enlevé au Sinjar 6 417 Yazidis. Plus de 3 500 d'entre eux ont pu être secourus en Irak, en Syrie et en Turquie voisine.

Mais 2 855 personnes sont encore portées disparues, et ses équipes œuvrent sans relâche pour "rassembler les informations disponibles et libérer tous les kidnappés" ajoute-t-il.

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Sur cette photo prise le 19 avril 2023, Hayam (L), une femme irakienne déplacée de 26 ans issue de la communauté yézidie, donne un entretien avec son mari Marwan et ses enfants dans un foyer de la région de Sharya, à une quinzaine de kilomètres près de la ville de Dohouk, dans le nord de l'Irak. (Photo, AFP)

Hayam a refait sa vie. Elle a épousé Marwan, le frère d'une Yazidie, Leïla, rencontrée dans une geôle de l'EI. Le couple a deux enfants et a demandé l'asile en Australie, où les attend la famille de Hayam.

La jeune femme se souvient encore du 3 août 2014, quand les djihadistes l'ont enlevée avec ses parents, cinq sœurs et deux frères. Un long calvaire commence alors pour l'adolescente de 17 ans à travers les terres du "califat": Tal Afar, Badouch et enfin Raqa, en Syrie, en mai 2015.

Hayam et Leïla sont vendues à un Syrien et un Irakien à Raqa. Quatre mois plus tard, le Syrien cède Hayam à un homme du Daghestan. Sa seconde tentative de fuite sera la bonne, mettant fin à un an et demi de captivité. Elle réussit à rallier le Kurdistan d'Irak.

"Plus rien ne nous attend au Sinjar", résume Hayam, assise en robe blanche sur un matelas au sol dans son logis spartiate à Sharya. "Si j'y retourne, il n'y aura ni mes amies, ni les gens que je connaissais", poursuit-elle. "Certains ont été tués, d'autres sont toujours captifs de l'EI, d'autres ont émigré. Tout a changé".

Au poignet, elle s'est fait tatouer le mot "Huriya", "Liberté", en arabe.


Liban: le chef de l'Etat demande à l'armée de «s'opposer à toute incursion israélienne»

Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit. (AFP)
Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit. (AFP)
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  • Dans un communiqué, le chef de l'Etat a condamné cette opération et "demandé à l'armée de faire face à toute incursion israélienne (...) pour défendre le territoire libanais et la sécurité des citoyens"
  • Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière"

BERYROUTH: Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit.

Dans un communiqué, le chef de l'Etat a condamné cette opération et "demandé à l'armée de faire face à toute incursion israélienne (...) pour défendre le territoire libanais et la sécurité des citoyens".

Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière".

Cette unité "a investi le bâtiment de la municipalité du village, où dormait Ibrahim Salamé, un employé municipal, qui a été tué par les soldats de l'ennemi", a ajouté l'Ani.

Le ministère de la Santé a confirmé la mort de l'employé municipal.

Des villageois cités par l'Ani ont indiqué que l'incursion avait duré plusieurs heures et que les forces israéliennes s'étaient retirées à l'aube.

Sur X, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a dénoncé "une agression flagrante contre les institutions de l'Etat libanais et sa souveraineté".


Liban: incursion israélienne dans un village frontalier, un employé municipal tué

Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien. (AFP)
Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien. (AFP)
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  • En vertu d'un cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël, ce pays a retiré ses troupes du sud du Liban mais continue d'occuper cinq points sur le territoire libanais, frontalier du nord d'Israël
  • Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière"

BEYROUTH: Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien.

En vertu d'un cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël, ce pays a retiré ses troupes du sud du Liban mais continue d'occuper cinq points sur le territoire libanais, frontalier du nord d'Israël.

Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière".

Cette unité "a investi le bâtiment de la municipalité du village, où dormait Ibrahim Salamé, un employé municipal, qui a été tué par les soldats de l'ennemi", a ajouté l'Ani.

Le ministère de la Santé a confirmé la mort de l'employé municipal.

Des villageois cités par l'Ani ont indiqué que l'incursion avait duré plusieurs heures et que les forces israéliennes s'étaient retirées à l'aube.

Sur X, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a dénoncé "une agression flagrante contre les institutions de l'Etat libanais et sa souveraineté".

L'armée israélienne a confirmé avoir mené cette incursion, affirmant qu'elle intervenait dans le cadre de ses "activités visant à détruire une infrastructure terroriste" du Hezbollah.

Elle a ajouté que l'unité avait "repéré un suspect à l'intérieur du bâtiment" de la municipalité et ouvert le feu après avoir identifié "une menace directe" sur les soldats.

L'incident "fait l'objet d'une enquête", selon l'armée.

Dans un autre village frontalier, Adaissé, une unité israélienne a dynamité un bâtiment servant à abriter des cérémonies religieuses, selon l'Ani.

Ces derniers jours, l'aviation israélienne a intensifié ses frappes au Liban, affirmant viser des membres ou des infrastructures du Hezbollah.

Mardi, le porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, Jeremy Laurence, a indiqué que 111 civils avaient été tués au Liban par les forces israéliennes depuis la fin de la guerre.

Le Hezbollah est sorti très affaibli du conflit et les Etats-Unis exercent une intense pression sur le gouvernement libanais pour qu'il livre ses armes à l'armée nationale, ce qu'il refuse jusqu'à présent.

Le mécanisme de surveillance du cessez-le-feu, qui regroupe outre le Liban et Israël, les Etats-Unis, la France et l'ONU, s'est réuni mercredi dans la localité frontalière de Naqoura, qui abrite le quartier général des forces de l'ONU.

L'émissaire américaine Morgan Ortagus a déclaré au cours de la réunion que "l'armée libanaise doit à présent exécuter entièrement son plan" visant à "placer toutes les armes sous le contrôle de l'Etat d'ici la fin de l'année".


Soudan: l'ONU appelle à mettre un terme au siège d'El-Facher après une tuerie dans une maternité

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  • Le chef des paramilitaires soudanais Mohamed Daglo a reconnu mercredi soir une "catastrophe" dans la ville, assurant: "La guerre nous a été imposée"
  • Antonio Guterres s'est dit "gravement préoccupé par l'escalade militaire récente" à El-Facher, appelant à "mettre un terme immédiatement au siège et aux hostilités"

PORT-SOUDAN: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé jeudi à mettre un terme à l'"escalade militaire" au Soudan, après le meurtre de plus de 460 personnes dans une maternité à El-Facher, ville clé prise par les forces paramilitaires.

Les informations se multiplient sur des exactions massives depuis que les Forces de soutien rapide (FSR, paramilitaires) ont pris dimanche, après 18 mois de siège, cette dernière grande ville qui échappait à leur contrôle dans la vaste région du Darfour, où "les massacres continuent" selon des images satellite analysées par le Humanitarian Research Lab (HRL) de l'université Yale.

Le chef des paramilitaires soudanais Mohamed Daglo a reconnu mercredi soir une "catastrophe" dans la ville, assurant: "La guerre nous a été imposée".

Antonio Guterres s'est dit "gravement préoccupé par l'escalade militaire récente" à El-Facher, appelant à "mettre un terme immédiatement au siège et aux hostilités".

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'est dite "consternée par les informations faisant état du meurtre tragique de plus de 460 patients et accompagnateurs à la maternité saoudienne d'El-Facher". Selon l'institution, cette maternité était le seul hôpital encore partiellement opérationnel dans la ville.

Après la prise d'El-Facher à leurs rivaux, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, les FSR contrôlent désormais l'ensemble du Darfour, vaste région de l'ouest du Soudan couvrant le tiers du pays.

Les communications satellite restent coupées -sauf pour les FSR qui contrôlent le réseau Starlink-, les accès d'El-Facher restent bloqués malgré les appels à ouvrir des corridors humanitaires. Dans ce contexte, il est extrêmement compliqué de joindre des sources locales indépendantes.

Maîtres du Darfour 

"Plus de 2.000 civils ont été tués au cours de l'invasion de la milice (des FSR) à El-Facher, ciblant les mosquées et les volontaires du Croissant-Rouge", a pour sa part affirmé Mona Nour Al-Daem, chargée de l'aide humanitaire au gouvernement pro-armée.

A El-Facher, le comité de résistance local, qui documente les exactions depuis le début du conflit, a rapporté mercredi soir avoir entendu des tirs dans l'ouest de la ville, "où quelques soldats restants combattent avec (...) ténacité".

Depuis dimanche, plus de 36.000 personnes ont fui les violences, majoritairement vers la périphérie d'El-Facher et vers Tawila, cité située à 70 km plus à l'ouest et qui était déjà la plus importante zone d'accueil du Soudan, selon l'ONU, avec plus de 650.000 déplacés.

De rares images de l'AFP en provenance de Tawila montrent des déplacés portant leurs affaires sur leur dos ou sur leur tête. Certains montent des tentes, d'autres, parfois blessés, sont assis dans des conditions précaires.

Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a alerté sur le "risque croissant d'atrocités motivées par des considérations ethniques" en rappelant le passé du Darfour, ensanglanté au début des années 2000 par les massacres et les viols des milices arabes Janjawid, dont sont issues les FSR, contre les tribus locales Massalit, Four ou Zaghawa.

"Unité" 

Les FSR, qui ont installé au Darfour une administration parallèle, contrôlent désormais l'ouest du Soudan et certaines parties du sud, avec leurs alliés. L'armée contrôle le nord, l'est et le centre du troisième plus vaste pays d'Afrique, ravagé par plus de deux ans de guerre.

Des experts craignent une nouvelle partition du Soudan, après l'indépendance du Soudan du Sud en 2011. Mais le chef des FSR a affirmé mercredi que la prise complète du Darfour par ses forces favoriserait "l'unité" du pays.

"La libération d'El-Facher est une opportunité pour l'unité du Soudan et nous disons : l'unité du Soudan par la paix ou par la guerre", a déclaré M. Daglo mercredi.

Les pourparlers menés depuis plusieurs mois par le groupe dit du "Quad", qui réunit les Etats-Unis, l'Egypte, les Emirats arabes Unis et l'Arabie saoudite, sont restés dans l'impasse, selon un responsable proche des négociations.

Leurs propositions de trêve se heurtent, selon lui, "à l'obstructionnisme continu" du pouvoir de M. Burhane, qui a refusé en septembre une proposition prévoyant à la fois son exclusion et celle des FSR de la transition politique post-conflit.