Comment la crise soudanaise complique le différend au sujet du Grand Barrage de la Renaissance

Le grand barrage de la Renaissance au début de 2022, reste une source de friction entre les pays voisins (Photo, AFP).
Le grand barrage de la Renaissance au début de 2022, reste une source de friction entre les pays voisins (Photo, AFP).
Le grand barrage de la Renaissance au début de 2022, reste une source de friction entre les pays voisins (Photo, AFP).
Le grand barrage de la Renaissance au début de 2022, reste une source de friction entre les pays voisins (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 27 avril 2023

Comment la crise soudanaise complique le différend au sujet du Grand Barrage de la Renaissance

  • La résolution pacifique du conflit concernant le barrage éthiopien pourrait dépendre de l'issue de la lutte pour le pouvoir au Soudan
  • Selon les experts, un conflit prolongé pourrait mettre en péril la sécurité alimentaire et hydrique du Soudan et de l'Égypte

LONDRES: Au cours des deux dernières semaines, le monde s'est habitué à voir des photos du général soudanais Abdel Fattah al-Burhan, dont les forces sont engagées dans des combats avec les forces paramilitaires rivales, les Forces de soutien rapide, depuis le 15 avril, vêtu d'une tenue de combat.

Le 26 janvier, cependant, le dirigeant de facto du pays avec un large sourire portait un costume sombre, et une cravate bleue, en mode diplomate sur tapis rouge, lorsqu'il a accueilli le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, sur la piste d'atterrissage de l'aéroport de Khartoum.

Il s'agissait de la première visite d’Abiy chez le voisin du nord de l'Éthiopie depuis le coup d'État de 2021, mené par Al-Burhan, qui en 2019, a fait dérailler la transition vers un régime civil, promise à la suite du renversement du régime du président dictateur Omar al-Bachir, en place depuis trente ans.

Les deux hommes avaient beaucoup de choses à se dire, mais la priorité d’Abiy était d'obtenir le soutien du Soudan pour le grand barrage de la Renaissance, un vaste projet hydroélectrique de 4 milliards de dollars (1 dollar américain = 0,91 euro) sur le Nil Bleu, à quelques kilomètres de la frontière soudanaise, qui a suscité la controverse dans la région depuis le début des travaux, il y a plus de dix ans.

Le grand barrage de la Renaissance est maintenant achevé à 90% et la prochaine saison des pluies permettra de retenir environ 17 milliards de mètres cubes d'eau lors du quatrième remplissage de l'immense réservoir.

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Des ouvriers marchent sur le site du Grand barrage de la Renaissance à Guba, en Éthiopie, le 19 février 2022 (AFP /Archives).

Pour des millions d'Éthiopiens, dont la moitié n'ont pas l'électricité et dépendent encore du bois pour se chauffer, cuisiner et s'éclairer, le barrage est un symbole d'espoir, de fierté et d'un avenir meilleur. Lors d'une cérémonie organisée sur l'imposant barrage en février de l'année dernière, Abiy a majestueusement activé la première de ses turbines, qui a commencé à produire de l'électricité.

Lorsqu'il aura atteint sa pleine capacité et que les 13 turbines alimenteront le réseau électrique national, le barrage stimulera l'industrialisation de l'Éthiopie, révolutionnera le niveau de vie de millions de ses citoyens et rapportera au pays les revenus dont il a tant besoin en tant qu'exportateur d'électricité vers la région.

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Le projet de barrage hydroélectrique massif de l'Éthiopie a commencé à produire de l'électricité l'année dernière, plus de dix ans après le début des travaux de construction (Photo, AFP).

S'exprimant lors de la cérémonie de 2022, Abiy a déclaré: «Désormais, rien ne pourra arrêter l'Éthiopie. Le barrage ne perturbera pas l'écoulement naturel du Nil.» Il a ajouté que le début de la production d'électricité démontrait «l'attitude amicale de l'Éthiopie à l'égard du fleuve».

Il a ajouté que le projet est «une excellente nouvelle pour notre continent ainsi que pour les pays en aval avec lesquels nous espérons collaborer».

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Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, s'exprime lors de la première cérémonie de production d'électricité au Grand barrage de la Renaissance, début 2022 (Photo, AFP).

L'Éthiopie a toujours insisté sur le fait que, le barrage ayant été conçu uniquement pour produire de l'électricité, ni l'Égypte ni le Soudan, pourtant tous deux situés en aval, ne perdront une partie de l'eau précieuse fournie par le Nil.

Mais lorsque le projet a été dévoilé pour la première fois, il a été condamné par le Caire et Khartoum comme une menace existentielle – les deux pays sont totalement dépendants des eaux vivifiantes du Nil, qui descendent des hauts plateaux éthiopiens depuis la nuit des temps.

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Un homme conduit un bateau sur les eaux du Nil blanc dans la région de Jabal al-Awliyaa au Soudan, le 11 mars 2023 (Photo, AFP).

Au cours de la dernière décennie, l'inquiétude des Égyptiens à l'égard de ce stratagème a menacé à plusieurs reprises de dégénérer en violence.

En juin 2013, plusieurs hommes politiques égyptiens ont été entendus en direct à la télévision en train de discuter d'options militaires pour arrêter la construction du barrage, avec des propositions allant du soutien aux rebelles éthiopiens à l'envoi de forces spéciales pour le détruire.

En mars 2021, lors d'une visite à Khartoum, quatre jours après la signature d'un accord de coopération militaire avec le Soudan, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a déclaré: «Nous rejetons la politique consistant à imposer un fait accompli et à étendre le contrôle sur le Nil Bleu par des mesures unilatérales, sans tenir compte des intérêts du Soudan et de l'Égypte.»

Quelques jours plus tard, il a fait monter les enjeux en déclarant que «les eaux de l'Égypte sont intouchables et que les toucher est une ligne rouge».

Al-Sissi a ajouté, «personne ne peut prendre une seule goutte d'eau de l'Égypte, et que celui qui veut essayer essaie».

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L'Égypte dépend du Nil pour sa survie (Photo, AFP).

Pas plus tard qu'en mars dernier, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a averti qu'en ce qui concerne le barrage, «toutes les options sont ouvertes et toutes les alternatives restent disponibles».

Depuis lors, cependant, l'attitude du Soudan à l'égard du barrage a semblé s'assouplir, laissant l'Égypte de plus en plus isolée dans son opposition franche au projet.

Au Soudan, en janvier, Abiy a non seulement rencontré Al-Burhan, mais il s'est également entretenu avec le général Mohammed Hamdan Dagalo, connu sous le nom de Hemedti, le chef des forces paramilitaires de soutien rapide, avec lequel le chef du Conseil souverain du Soudan est actuellement engagé dans une lutte sanglante pour le pouvoir.

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Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed (à droite) marche aux côtés du chef de l'armée soudanaise Abdel Fattah al-Burhan à l'aéroport de Khartoum lors d'une cérémonie de bienvenue le 26 janvier 2023 (Photo, AFP).

Dans une déclaration publiée à l'issue de la réunion, le Conseil souverain du Soudan a salué le fait qu’Abiy ait «confirmé que le barrage de la Renaissance ne causera aucun préjudice au Soudan et qu'il lui apportera des avantages en termes d'électricité». Les deux pays, ajoute le communiqué, sont «alignés et en accord sur toutes les questions relatives au Grand barrage de la Renaissance».

Mais alors même qu'il s'efforçait d'apaiser les craintes des Soudanais concernant le barrage, Abiy marchait sur une corde diplomatique raide entre Al-Burhan et Dagalo.

En décembre, un accord-cadre prévoyant une transition de deux ans vers la démocratie a été signé entre les deux généraux et certains groupes soudanais favorables à la démocratie. Lors de sa visite à Khartoum en janvier, Abiy avait soutenu l'accord. Il a posté sur Twitter qu'il était «heureux de revenir et d'être en présence du peuple sage et dynamique du Soudan», et ajoutant que «l'Éthiopie continue d'être solidaire du Soudan dans son processus politique autogéré actuel».

Mais un commentaire prémonitoire du directeur d'un groupe de réflexion de Khartoum, en février, a mis en lumière les tensions entre les deux généraux.

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Le chef de l'armée soudanaise Abdel Fattah Al-Burhan, à droite, et le chef paramilitaire Mohamed Hamdan Dagalo après la signature d'une trêve en 2022 (Photo, AFP).

Khouloud Khair, fondatrice et directrice de Confluence Advisory, a déclaré à Africa Report: «Lorsqu'Abiy Ahmed s'est rendu à Khartoum, il a apporté son soutien à l'accord-cadre, qui favorise Hemedti.

 

«Ce faisant, il essaie de faire participer les deux généraux… ils ont des politiques étrangères divergentes, ils ont des flux de revenus divergents, ils ont des circonscriptions politiques divergentes au niveau national avec lesquelles ils jouent.

«En raison de cette divergence inhérente entre les deux généraux, on assiste à des jeux de pouvoir différents et imprévisibles.»

Ces jeux de pouvoir ont maintenant explosé en un conflit qui, selon Jemima Oakey, basée en Jordanie et associée à la sécurité de l'eau et de l'alimentation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord au sein de la société de conseil Azure Strategy, installée à Londres, a de sérieuses implications pour la gestion future du barrage.

«Les discussions informelles semblaient plutôt positives », a-t-elle déclaré à Arab News. «D'après des rapports récents, le Soudan semblait certainement en passe de conclure un accord avec l'Éthiopie, tandis que l'Égypte avait commencé à accepter sa nouvelle réalité en matière d'eau et à élaborer des mesures d'adaptation en augmentant le nombre d'usines de dessalement et en remettant en état ses réseaux d'irrigation.»

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Jemima Oakey (Photo fournie).

Elle a ajouté, aujourd'hui la coopération régionale sur la gestion du barrage, très importante pour le Soudan, l'Égypte et l'Éthiopie, pourrait dépendre du vainqueur du conflit actuel au Soudan.

Outre la production d'électricité qui pourrait être fournie non seulement aux 60% d'Éthiopiens qui n'ont actuellement pas accès au réseau électrique, mais aussi au Soudan et à l'Égypte, le barrage promet de maximiser les rendements agricoles, notamment au Soudan, en mettant fin au cycle destructeur d'inondations et de sécheresses causé par les variations saisonnières du débit du Nil.

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Les partisans du grand barrage de la Renaissance affirment qu'il pourrait mettre fin au cycle destructeur d'inondations et de sécheresses causé par les variations saisonnières du débit du Nil en Égypte et au Soudan (Photo, AFP).

Mais la seule façon d'y parvenir, a fait remarquer Oakey, est de conclure «un accord de partage des données où la disponibilité de l'eau et les lâchers d'eau du barrage sont clairement définis et équitablement répartis entre les riverains du Nil, tant en période de sécheresse qu'en période de fortes précipitations.»

«Nous n'avons aucune idée de la position de Hemedti sur les différends territoriaux dans la région d'Al-Fashaga, dans le nord de l'Éthiopie, ni s'il pourrait essayer de revendiquer cette région pour le Soudan, ni s'il soutiendrait les milices rebelles dans la région du Tigré en Éthiopie», a-t-elle expliqué.

«Tout cela pourrait faire dérailler les accords ou les ententes sur l'accès aux débits d'eau du barrage et nuire réellement à l'accès du Soudan à l'eau et à l'électricité», a-t-elle prévenu.

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Des réfugiés éthiopiens se rassemblent pour célébrer le 46e anniversaire du Front populaire de libération du Tigré au camp de réfugiés d'Um Raquba à Gedaref, dans l'est du Soudan, le 19 février 2021 (Photo, AFP).

Elle a souligné qu'une telle évolution pourrait également avoir de graves conséquences pour l'Égypte.

«À la suite de l'invasion russe de l'Ukraine, l'Égypte a essayé de développer son secteur agricole afin de devenir plus autosuffisante en matière de production de blé et de compenser les pertes d'importations de blé ukrainien. Elle a donc vraiment besoin de cette eau et d'un approvisionnement fiable», a indiqué Oakey.

«C'est pourquoi un accord sur l'accès à l'eau et le contrôle de la disponibilité est si important.»

«Mais si le conflit se prolonge au Soudan, la sécurité de l'eau et de l'alimentation du Soudan et de l'Égypte pourrait devenir très incertaine», a-t-elle averti.

Selon Oakey, un scénario spécifique est aussi improbable qu'impensable, quoi qu'il arrive dans le conflit interne au Soudan: une action militaire contre le barrage par l'une ou l'autre des parties.

«Ces dernières années, les médias se sont livrés à des spéculations alarmistes selon lesquelles le grand barrage pourrait être attaqué afin d'empêcher son achèvement, mais je doute sérieusement que l'une ou l'autre des parties au conflit soudanais envisage de l'utiliser pour s'assurer un avantage militaire», a-t-elle signalé.

«Il y a maintenant près de 73 milliards de mètres cubes d'eau derrière le barrage. Le détruire pour libérer ce volume d'eau entraînerait des inondations catastrophiques dans la majeure partie du Sud-Soudan.

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Une image satellite obtenue avec l'aimable autorisation de Maxar Technologies le 21 juillet 2020 montre le grand barrage de la Renaissance et le fleuve Nil Bleu (Photo, AFP).

Mais certains experts espèrent que la nature recevra le même mémo.

La possibilité d'une destruction catastrophique du barrage a été évoquée dans plusieurs documents universitaires au cours des dernières années. Ceux-ci ont mis en évidence «le risque élevé d'instabilité du sol» autour du site du grand barrage qui, comme l'a souligné une étude récente réalisée par des ingénieurs égyptiens en génie civil et en hydraulique, est «situé sur l'une des principales plaques tectoniques et failles du monde».

Ils ont indiqué qu'autour de cette faille, environ 16 tremblements de terre d'une magnitude de 6,5 ou plus se sont produits en Éthiopie au cours du XXe siècle.

Le premier et les plus important de la série de tremblements de terre dévastateurs qui a frappé la Turquie et la Syrie en février, tuant des dizaines de milliers de personnes et causant des dégâts considérables, avait une magnitude de 7,8.

Hicham al-Askary, professeur de télédétection et de science des systèmes terrestres à l'université Chapman en Californie, a déclaré à Arab News que les risques sismiques, plutôt que le conflit actuel au Soudan, constituaient la véritable menace pour le barrage sur laquelle le monde devrait se concentrer.

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Une vue générale du grand barrage de la Renaissance près de Guba, en Éthiopie (Photo, AFP).

«Ce qui me préoccupe vraiment aujourd'hui, c'est la possibilité de mouvements tectoniques en Éthiopie, qui est le pays le plus tectoniquement actif en Afrique», a-t-il précisé.

Il a poursuivi qu'il existe des preuves que les barrages pouvaient «accentuer les activités tectoniques et les glissements de terrains».

«Nous avons vu ce qui s'est passé en Turquie, lorsque des barrages ont été ouverts pour alléger la pression de l'eau sur la croûte.

«Avec le changement climatique, ce que fait l'Éthiopie est vraiment grave et, avec la situation au Soudan, personne ne peut deviner l’issue de la situation.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.


Canada: le libéral Mark Carney donné vainqueur après une campagne centrée sur Trump

Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
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  • Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays
  • Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti

OTTAWA: Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays.

Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires, après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau.

Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d'annexion, ont changé la donne.

A Ottawa, où les libéraux sont réunis pour la soirée électorale dans une aréna de hockey, l'annonce des résultats a provoqué une salve d'applaudissements et des cris enthousiastes.

"Je suis si heureuse", lâche sur place Dorothy Goubault, originaire de la région des Mille Iles en Ontario. "Je suis contente car nous avons quelqu'un qui peut parler à M. Trump à son niveau. M. Trump est un homme d'affaires. M. Carney est un homme d'affaires, et je pense qu'ils peuvent tous les deux se comprendre".

Pour le ministre Steven Guilbeault, "les nombreuses attaques du président Trump sur l'économie canadienne, mais aussi sur notre souveraineté et notre identité même, ont vraiment mobilisé les Canadiens", a-t-il déclaré sur la chaine publique CBC.

Et les électeurs "ont vu que le Premier ministre Carney avait de l'expérience sur la scène mondiale".

Mark Carney n'avait pas encore pris la parole à minuit locales (04H00 GMT), tandis que se poursuivait le dépouillement.

Dans les longues files devant les bureaux de vote toute la journée, les électeurs ont souligné l'importance de ce scrutin, parlant d'élections historiques et déterminantes pour l'avenir de ce pays de 41 millions d'habitants.

- "Chaos" -

À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l'avenir économique et souverain du pays qu'il était la bonne personne pour piloter le pays en ces temps troublés.

Cet ancien gouverneur de la banque du Canada et de Grande-Bretagne n'a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine est réelle pour le Canada.

"Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays", a-t-il prévenu.

"Le chaos est entré dans nos vies. C'est une tragédie, mais c'est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s'opposer au président Trump?", a-t-il expliqué pendant la campagne.

Pour faire face, il a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place.

Mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

En face, le chef conservateur, qui avait promis des baisses d'impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n'a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux.

Pierre Poilievre aura aussi souffert jusqu'au bout de la proximité, de par son style et certaines de ses idées, avec le président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l'électorat, selon les analystes.

Au QG des conservateurs à Ottawa, Jason Piche se dit toutefois "surpris" des résultats, "je pensais que ce serait plus serré que ça".

Un peu plus loin, Jean-Guy Bourguignon, homme d'affaires de 59 ans, se dit carrément "très triste". "Est-ce que c'est vraiment ça le pays dans lequel nous voulons vivre?", demande-t-il alors qu'il énumère les politiques des libéraux, qu'il juge liberticides.

Près de 29 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dans ce vaste pays du G7 qui s'étend sur six fuseaux horaires. Et plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.


Ukraine: Poutine annonce une trêve du 8 au 10 mai, «tentative de «manipulation»» répond Zelensky

Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
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  • Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai
  • Son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation"

MOSCOU: Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai, à l'occasion de la commémoration de la victoire sur l'Allemagne nazie, son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation".

Le président américain Donald Trump exhorte Kiev et Moscou à conclure un cessez-le-feu et un accord de paix, trois ans après le début de l'offensive russe ayant déjà fait des dizaines de milliers de morts civils et militaires.

"A partir de minuit entre le 7 et le 8 mai, et jusqu'à minuit entre le 10 et le 11 mai, la partie russe annonce un cessez-le-feu", a indiqué le Kremlin dans un communiqué. "Pendant cette période, toutes les opérations de combat seront arrêtées".

D'après la présidence russe, Vladimir Poutine a pris cette décision unilatérale "pour des raisons humanitaires" et à l'occasion des célébrations du 80e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.

Pour M. Zelensky, au contraire, "il y a désormais une nouvelle tentative de manipulation". "Pour une raison, a-t-il dit dans son adresse quotidienne, tout le monde doit attendre le 8 mai et ne cesser le feu qu'ensuite pour garantir le silence" lors de la parade du 9 mai sur la place Rouge à Moscou.

La Russie commémore le 9 mai cet événement dont Vladimir Poutine a fait un marqueur essentiel de la puissance retrouvée du pays. Les dirigeants d'une vingtaine de pays sont attendus pour un défilé militaire en grande pompe sur la place Rouge à Moscou.

Le Kremlin a dit considérer que l'Ukraine "devrait suivre cet exemple", tout en prévenant que les forces russes "fourniront une réponse adéquate et efficace" en cas de violation de la trêve.

Vladimir Poutine avait déjà déclaré un bref cessez-le-feu de 30 heures les 19 et 20 avril à l'occasion de Pâques. Les deux camps s'étaient ensuite accusés de l'avoir violé, même si une baisse de l'intensité des combats avait été ressentie dans plusieurs secteurs du front.

"Accroître la pression sur la Russie"

La Maison Blanche a soutenu lundi que Donald Trump souhaitait un cessez-le-feu "permanent" en Ukraine et pas seulement une trêve temporaire.

Les Etats-Unis, jusque-là le premier soutien de l'Ukraine, veulent tourner la page aussi vite que possible quitte, craint Kiev, à accepter des dispositions très favorables à Moscou.

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a dit dimanche à son homologue russe, Sergueï Lavrov, qu'il était temps de mettre fin à une "guerre insensée" en Ukraine, selon un communiqué lundi.

De son côté, le président français Emmanuel Macron a affirmé que "dans les huit à dix jours prochains, nous allons accroître la pression sur la Russie", dans un entretien publié par le magazine Paris Match.

Il a estimé avoir "convaincu les Américains de la possibilité d’une escalade des menaces, et potentiellement de sanctions" contre Moscou.

Conditions maximalistes de Poutine 

La Russie maintient des conditions maximalistes concernant l'Ukraine, dont elle veut la reddition et le renoncement à rejoindre l'Otan, tout en s'assurant de pouvoir garder les territoires ukrainiens annexés.

La reconnaissance internationale de l'annexion russe de la Crimée et de quatre autres régions ukrainiennes est une condition "impérative" à la paix, a encore martelé lundi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

La Russie a annexé la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014, ce que la communauté internationale, Etats-Unis compris, n'a jamais reconnu.

En septembre 2022, quelques mois après le déclenchement de son assaut à grande échelle, elle a aussi revendiqué l'annexion de quatre régions ukrainiennes qu'elle occupe partiellement, celles de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia.

La Russie, qui a l'avantage sur le front, a revendiqué lundi la prise de Kamyanka, un village de la région de Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine.

La Corée du Nord a pour la première fois reconnu lundi avoir envoyé des troupes en Russie et qu'elles avaient aidé Moscou à reprendre aux Ukrainiens les zones de la région de Koursk dont ils s'étaient emparés.

Trois personnes ont par ailleurs été tuées lundi dans une attaque russe contre un village de la région de Donetsk (est), selon les services du procureur régional.