Comment la crise soudanaise complique le différend au sujet du Grand Barrage de la Renaissance

Le grand barrage de la Renaissance au début de 2022, reste une source de friction entre les pays voisins (Photo, AFP).
Le grand barrage de la Renaissance au début de 2022, reste une source de friction entre les pays voisins (Photo, AFP).
Le grand barrage de la Renaissance au début de 2022, reste une source de friction entre les pays voisins (Photo, AFP).
Le grand barrage de la Renaissance au début de 2022, reste une source de friction entre les pays voisins (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 27 avril 2023

Comment la crise soudanaise complique le différend au sujet du Grand Barrage de la Renaissance

  • La résolution pacifique du conflit concernant le barrage éthiopien pourrait dépendre de l'issue de la lutte pour le pouvoir au Soudan
  • Selon les experts, un conflit prolongé pourrait mettre en péril la sécurité alimentaire et hydrique du Soudan et de l'Égypte

LONDRES: Au cours des deux dernières semaines, le monde s'est habitué à voir des photos du général soudanais Abdel Fattah al-Burhan, dont les forces sont engagées dans des combats avec les forces paramilitaires rivales, les Forces de soutien rapide, depuis le 15 avril, vêtu d'une tenue de combat.

Le 26 janvier, cependant, le dirigeant de facto du pays avec un large sourire portait un costume sombre, et une cravate bleue, en mode diplomate sur tapis rouge, lorsqu'il a accueilli le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, sur la piste d'atterrissage de l'aéroport de Khartoum.

Il s'agissait de la première visite d’Abiy chez le voisin du nord de l'Éthiopie depuis le coup d'État de 2021, mené par Al-Burhan, qui en 2019, a fait dérailler la transition vers un régime civil, promise à la suite du renversement du régime du président dictateur Omar al-Bachir, en place depuis trente ans.

Les deux hommes avaient beaucoup de choses à se dire, mais la priorité d’Abiy était d'obtenir le soutien du Soudan pour le grand barrage de la Renaissance, un vaste projet hydroélectrique de 4 milliards de dollars (1 dollar américain = 0,91 euro) sur le Nil Bleu, à quelques kilomètres de la frontière soudanaise, qui a suscité la controverse dans la région depuis le début des travaux, il y a plus de dix ans.

Le grand barrage de la Renaissance est maintenant achevé à 90% et la prochaine saison des pluies permettra de retenir environ 17 milliards de mètres cubes d'eau lors du quatrième remplissage de l'immense réservoir.

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Des ouvriers marchent sur le site du Grand barrage de la Renaissance à Guba, en Éthiopie, le 19 février 2022 (AFP /Archives).

Pour des millions d'Éthiopiens, dont la moitié n'ont pas l'électricité et dépendent encore du bois pour se chauffer, cuisiner et s'éclairer, le barrage est un symbole d'espoir, de fierté et d'un avenir meilleur. Lors d'une cérémonie organisée sur l'imposant barrage en février de l'année dernière, Abiy a majestueusement activé la première de ses turbines, qui a commencé à produire de l'électricité.

Lorsqu'il aura atteint sa pleine capacité et que les 13 turbines alimenteront le réseau électrique national, le barrage stimulera l'industrialisation de l'Éthiopie, révolutionnera le niveau de vie de millions de ses citoyens et rapportera au pays les revenus dont il a tant besoin en tant qu'exportateur d'électricité vers la région.

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Le projet de barrage hydroélectrique massif de l'Éthiopie a commencé à produire de l'électricité l'année dernière, plus de dix ans après le début des travaux de construction (Photo, AFP).

S'exprimant lors de la cérémonie de 2022, Abiy a déclaré: «Désormais, rien ne pourra arrêter l'Éthiopie. Le barrage ne perturbera pas l'écoulement naturel du Nil.» Il a ajouté que le début de la production d'électricité démontrait «l'attitude amicale de l'Éthiopie à l'égard du fleuve».

Il a ajouté que le projet est «une excellente nouvelle pour notre continent ainsi que pour les pays en aval avec lesquels nous espérons collaborer».

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Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, s'exprime lors de la première cérémonie de production d'électricité au Grand barrage de la Renaissance, début 2022 (Photo, AFP).

L'Éthiopie a toujours insisté sur le fait que, le barrage ayant été conçu uniquement pour produire de l'électricité, ni l'Égypte ni le Soudan, pourtant tous deux situés en aval, ne perdront une partie de l'eau précieuse fournie par le Nil.

Mais lorsque le projet a été dévoilé pour la première fois, il a été condamné par le Caire et Khartoum comme une menace existentielle – les deux pays sont totalement dépendants des eaux vivifiantes du Nil, qui descendent des hauts plateaux éthiopiens depuis la nuit des temps.

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Un homme conduit un bateau sur les eaux du Nil blanc dans la région de Jabal al-Awliyaa au Soudan, le 11 mars 2023 (Photo, AFP).

Au cours de la dernière décennie, l'inquiétude des Égyptiens à l'égard de ce stratagème a menacé à plusieurs reprises de dégénérer en violence.

En juin 2013, plusieurs hommes politiques égyptiens ont été entendus en direct à la télévision en train de discuter d'options militaires pour arrêter la construction du barrage, avec des propositions allant du soutien aux rebelles éthiopiens à l'envoi de forces spéciales pour le détruire.

En mars 2021, lors d'une visite à Khartoum, quatre jours après la signature d'un accord de coopération militaire avec le Soudan, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a déclaré: «Nous rejetons la politique consistant à imposer un fait accompli et à étendre le contrôle sur le Nil Bleu par des mesures unilatérales, sans tenir compte des intérêts du Soudan et de l'Égypte.»

Quelques jours plus tard, il a fait monter les enjeux en déclarant que «les eaux de l'Égypte sont intouchables et que les toucher est une ligne rouge».

Al-Sissi a ajouté, «personne ne peut prendre une seule goutte d'eau de l'Égypte, et que celui qui veut essayer essaie».

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L'Égypte dépend du Nil pour sa survie (Photo, AFP).

Pas plus tard qu'en mars dernier, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a averti qu'en ce qui concerne le barrage, «toutes les options sont ouvertes et toutes les alternatives restent disponibles».

Depuis lors, cependant, l'attitude du Soudan à l'égard du barrage a semblé s'assouplir, laissant l'Égypte de plus en plus isolée dans son opposition franche au projet.

Au Soudan, en janvier, Abiy a non seulement rencontré Al-Burhan, mais il s'est également entretenu avec le général Mohammed Hamdan Dagalo, connu sous le nom de Hemedti, le chef des forces paramilitaires de soutien rapide, avec lequel le chef du Conseil souverain du Soudan est actuellement engagé dans une lutte sanglante pour le pouvoir.

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Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed (à droite) marche aux côtés du chef de l'armée soudanaise Abdel Fattah al-Burhan à l'aéroport de Khartoum lors d'une cérémonie de bienvenue le 26 janvier 2023 (Photo, AFP).

Dans une déclaration publiée à l'issue de la réunion, le Conseil souverain du Soudan a salué le fait qu’Abiy ait «confirmé que le barrage de la Renaissance ne causera aucun préjudice au Soudan et qu'il lui apportera des avantages en termes d'électricité». Les deux pays, ajoute le communiqué, sont «alignés et en accord sur toutes les questions relatives au Grand barrage de la Renaissance».

Mais alors même qu'il s'efforçait d'apaiser les craintes des Soudanais concernant le barrage, Abiy marchait sur une corde diplomatique raide entre Al-Burhan et Dagalo.

En décembre, un accord-cadre prévoyant une transition de deux ans vers la démocratie a été signé entre les deux généraux et certains groupes soudanais favorables à la démocratie. Lors de sa visite à Khartoum en janvier, Abiy avait soutenu l'accord. Il a posté sur Twitter qu'il était «heureux de revenir et d'être en présence du peuple sage et dynamique du Soudan», et ajoutant que «l'Éthiopie continue d'être solidaire du Soudan dans son processus politique autogéré actuel».

Mais un commentaire prémonitoire du directeur d'un groupe de réflexion de Khartoum, en février, a mis en lumière les tensions entre les deux généraux.

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Le chef de l'armée soudanaise Abdel Fattah Al-Burhan, à droite, et le chef paramilitaire Mohamed Hamdan Dagalo après la signature d'une trêve en 2022 (Photo, AFP).

Khouloud Khair, fondatrice et directrice de Confluence Advisory, a déclaré à Africa Report: «Lorsqu'Abiy Ahmed s'est rendu à Khartoum, il a apporté son soutien à l'accord-cadre, qui favorise Hemedti.

 

«Ce faisant, il essaie de faire participer les deux généraux… ils ont des politiques étrangères divergentes, ils ont des flux de revenus divergents, ils ont des circonscriptions politiques divergentes au niveau national avec lesquelles ils jouent.

«En raison de cette divergence inhérente entre les deux généraux, on assiste à des jeux de pouvoir différents et imprévisibles.»

Ces jeux de pouvoir ont maintenant explosé en un conflit qui, selon Jemima Oakey, basée en Jordanie et associée à la sécurité de l'eau et de l'alimentation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord au sein de la société de conseil Azure Strategy, installée à Londres, a de sérieuses implications pour la gestion future du barrage.

«Les discussions informelles semblaient plutôt positives », a-t-elle déclaré à Arab News. «D'après des rapports récents, le Soudan semblait certainement en passe de conclure un accord avec l'Éthiopie, tandis que l'Égypte avait commencé à accepter sa nouvelle réalité en matière d'eau et à élaborer des mesures d'adaptation en augmentant le nombre d'usines de dessalement et en remettant en état ses réseaux d'irrigation.»

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Jemima Oakey (Photo fournie).

Elle a ajouté, aujourd'hui la coopération régionale sur la gestion du barrage, très importante pour le Soudan, l'Égypte et l'Éthiopie, pourrait dépendre du vainqueur du conflit actuel au Soudan.

Outre la production d'électricité qui pourrait être fournie non seulement aux 60% d'Éthiopiens qui n'ont actuellement pas accès au réseau électrique, mais aussi au Soudan et à l'Égypte, le barrage promet de maximiser les rendements agricoles, notamment au Soudan, en mettant fin au cycle destructeur d'inondations et de sécheresses causé par les variations saisonnières du débit du Nil.

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Les partisans du grand barrage de la Renaissance affirment qu'il pourrait mettre fin au cycle destructeur d'inondations et de sécheresses causé par les variations saisonnières du débit du Nil en Égypte et au Soudan (Photo, AFP).

Mais la seule façon d'y parvenir, a fait remarquer Oakey, est de conclure «un accord de partage des données où la disponibilité de l'eau et les lâchers d'eau du barrage sont clairement définis et équitablement répartis entre les riverains du Nil, tant en période de sécheresse qu'en période de fortes précipitations.»

«Nous n'avons aucune idée de la position de Hemedti sur les différends territoriaux dans la région d'Al-Fashaga, dans le nord de l'Éthiopie, ni s'il pourrait essayer de revendiquer cette région pour le Soudan, ni s'il soutiendrait les milices rebelles dans la région du Tigré en Éthiopie», a-t-elle expliqué.

«Tout cela pourrait faire dérailler les accords ou les ententes sur l'accès aux débits d'eau du barrage et nuire réellement à l'accès du Soudan à l'eau et à l'électricité», a-t-elle prévenu.

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Des réfugiés éthiopiens se rassemblent pour célébrer le 46e anniversaire du Front populaire de libération du Tigré au camp de réfugiés d'Um Raquba à Gedaref, dans l'est du Soudan, le 19 février 2021 (Photo, AFP).

Elle a souligné qu'une telle évolution pourrait également avoir de graves conséquences pour l'Égypte.

«À la suite de l'invasion russe de l'Ukraine, l'Égypte a essayé de développer son secteur agricole afin de devenir plus autosuffisante en matière de production de blé et de compenser les pertes d'importations de blé ukrainien. Elle a donc vraiment besoin de cette eau et d'un approvisionnement fiable», a indiqué Oakey.

«C'est pourquoi un accord sur l'accès à l'eau et le contrôle de la disponibilité est si important.»

«Mais si le conflit se prolonge au Soudan, la sécurité de l'eau et de l'alimentation du Soudan et de l'Égypte pourrait devenir très incertaine», a-t-elle averti.

Selon Oakey, un scénario spécifique est aussi improbable qu'impensable, quoi qu'il arrive dans le conflit interne au Soudan: une action militaire contre le barrage par l'une ou l'autre des parties.

«Ces dernières années, les médias se sont livrés à des spéculations alarmistes selon lesquelles le grand barrage pourrait être attaqué afin d'empêcher son achèvement, mais je doute sérieusement que l'une ou l'autre des parties au conflit soudanais envisage de l'utiliser pour s'assurer un avantage militaire», a-t-elle signalé.

«Il y a maintenant près de 73 milliards de mètres cubes d'eau derrière le barrage. Le détruire pour libérer ce volume d'eau entraînerait des inondations catastrophiques dans la majeure partie du Sud-Soudan.

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Une image satellite obtenue avec l'aimable autorisation de Maxar Technologies le 21 juillet 2020 montre le grand barrage de la Renaissance et le fleuve Nil Bleu (Photo, AFP).

Mais certains experts espèrent que la nature recevra le même mémo.

La possibilité d'une destruction catastrophique du barrage a été évoquée dans plusieurs documents universitaires au cours des dernières années. Ceux-ci ont mis en évidence «le risque élevé d'instabilité du sol» autour du site du grand barrage qui, comme l'a souligné une étude récente réalisée par des ingénieurs égyptiens en génie civil et en hydraulique, est «situé sur l'une des principales plaques tectoniques et failles du monde».

Ils ont indiqué qu'autour de cette faille, environ 16 tremblements de terre d'une magnitude de 6,5 ou plus se sont produits en Éthiopie au cours du XXe siècle.

Le premier et les plus important de la série de tremblements de terre dévastateurs qui a frappé la Turquie et la Syrie en février, tuant des dizaines de milliers de personnes et causant des dégâts considérables, avait une magnitude de 7,8.

Hicham al-Askary, professeur de télédétection et de science des systèmes terrestres à l'université Chapman en Californie, a déclaré à Arab News que les risques sismiques, plutôt que le conflit actuel au Soudan, constituaient la véritable menace pour le barrage sur laquelle le monde devrait se concentrer.

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Une vue générale du grand barrage de la Renaissance près de Guba, en Éthiopie (Photo, AFP).

«Ce qui me préoccupe vraiment aujourd'hui, c'est la possibilité de mouvements tectoniques en Éthiopie, qui est le pays le plus tectoniquement actif en Afrique», a-t-il précisé.

Il a poursuivi qu'il existe des preuves que les barrages pouvaient «accentuer les activités tectoniques et les glissements de terrains».

«Nous avons vu ce qui s'est passé en Turquie, lorsque des barrages ont été ouverts pour alléger la pression de l'eau sur la croûte.

«Avec le changement climatique, ce que fait l'Éthiopie est vraiment grave et, avec la situation au Soudan, personne ne peut deviner l’issue de la situation.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.


Affaires de corruption en Espagne: Pedro Sánchez devant une commission d'enquête

Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez comparaît jeudi devant une commission d'enquête sénatoriale afin de s'expliquer sur un scandale de corruption dont les principaux protagonistes ont longtemps été ses hommes de confiance. (AFP)
Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez comparaît jeudi devant une commission d'enquête sénatoriale afin de s'expliquer sur un scandale de corruption dont les principaux protagonistes ont longtemps été ses hommes de confiance. (AFP)
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  • L'objectif du PP est de montrer que le Premier ministre était au courant des malversations révélées par l'enquête sur l'affaire Koldo et qu'il y était même impliqué
  • Face à ce séisme, Pedro Sánchez a demandé pardon à plusieurs reprises aux Espagnols, assurant qu'il ignorait tout de l'affaire et que le Parti socialiste, dont il est secrétaire général depuis 2017, n'avait jamais bénéficié de financements illégaux

MADRID: Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez comparaît jeudi devant une commission d'enquête sénatoriale afin de s'expliquer sur un scandale de corruption dont les principaux protagonistes ont longtemps été ses hommes de confiance.

Connue sous le nom d'"affaire Koldo", du nom de Koldo García Izaguirre, l'assistant d'un ancien ministre des Transports et ex-bras droit de M. Sánchez, José Luis Ábalos, cette affaire est l'un des scandales qui éclaboussent depuis plus d'un an l'entourage du Premier ministre.

Sa comparution devant cette commission sénatoriale se produira dans un climat de polarisation politique extrême, le Parti populaire (PP, opposition de droite), majoritaire à la chambre haute, ayant fait de la corruption l'axe principal de son offensive contre le gouvernement de gauche dirigé par M. Sánchez.

"Pensez-vous dire la vérité demain (jeudi) devant la commission?", lui a ainsi demandé le leader du PP, Alberto Núñez Feijóo, mercredi matin au Congrès des députés.

"Vous mentirez de nouveau" 

M. Feijóo a ajouté que sa question était "rhétorique", dans la mesure où il est, selon lui, exclu que Pedro Sánchez puisse dire la vérité sur cette affaire, de peur de s'incriminer.

"Vous mentirez de nouveau, parce que vous savez que la vérité entraînerait votre chute" a lancé le chef du premier parti d'opposition, accusant M. Sánchez d'avoir menti "à tous" et sur tous les sujets.

L'objectif du PP est de montrer que le Premier ministre était au courant des malversations révélées par l'enquête sur l'affaire Koldo et qu'il y était même impliqué.

Ce scandale a éclaté au grand jour en février 2024 avec l'arrestation de Koldo García Izaguirre, soupçonné d'être au cœur d'une énorme escroquerie ayant permis à une petite société d'obtenir entre mars et juin 2020 - au plus fort de la pandémie de Covid-19 - des contrats d'un montant de 53 millions d'euros pour fournir des masques à diverses administrations. Ces contrats avaient dégagé des commissions illégales de plusieurs millions d'euros.

La justice est vite remontée jusqu'à José Luis Ábalos, le juge chargé de l'enquête considérant qu'il avait joué un rôle d'"intermédiaire" dans la combine.

Outre son poste de ministre, M. Ábalos était surtout secrétaire à l'Organisation du Parti socialiste, poste clé qui en faisait l'homme de confiance de M. Sánchez.

Il a été expulsé du Parti socialiste, mais l'affaire n'a fait ensuite que s'aggraver pour le Premier ministre.

Car le successeur de M. Ábalos comme secrétaire à l'Organisation du Parti socialiste, Santos Cerdán, a à son tour été mis en cause en juin dernier, après la publication d'un rapport de police selon lequel il était au cœur du réseau de corruption et avait touché des pots-de-vin en échange de contrats publics.

Il a été placé en détention provisoire en juillet.

Englué 

Face à ce séisme, Pedro Sánchez a demandé pardon à plusieurs reprises aux Espagnols, assurant qu'il ignorait tout de l'affaire et que le Parti socialiste, dont il est secrétaire général depuis 2017, n'avait jamais bénéficié de financements illégaux.

Il a redit en septembre qu'il ne disposait d'"aucune information" sur les délits reprochés à José Luis Ábalos, Santos Cerdán et Koldo García Izaguirre, et a rejeté toute "corruption systémique" au sein de son parti.

Il reprendra cette ligne de défense jeudi devant la commission sénatoriale, mais il est certain qu'il ne convaincra pas la droite, qui se dit assurée qu'il était au courant et l'accuse d'avoir tenté d'étouffer le scandale.

Outre cette tentaculaire affaire Koldo, M. Sánchez est englué dans d'autres affaires judiciaires qui le touchent de près: son épouse, Begoña Gómez, devrait être jugée pour une affaire de corruption et trafic d'influence, son frère David le sera également pour trafic d'influence et le procureur général de l’État, Álvaro García Ortiz, qu'il a nommé, sera jugé à partir de lundi pour violation du secret judiciaire.

L'audition de Pedro Sánchez, qui doit débuter à 09H00 (08H00 GMT), devrait durer plusieurs heures.


Elon Musk lance Grokipedia pour concurrencer Wikipédia qu'il juge orienté à gauche

Le PDG de Tesla, Elon Musk, assiste à la cérémonie de commémoration de l'activiste d'extrême droite Charlie Kirk au State Farm Stadium à Glendale, Arizona. (AFP)
Le PDG de Tesla, Elon Musk, assiste à la cérémonie de commémoration de l'activiste d'extrême droite Charlie Kirk au State Farm Stadium à Glendale, Arizona. (AFP)
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  • Elon Musk et xAI ont lancé Grokipedia, une encyclopédie en ligne concurrente de Wikipédia, générée par intelligence artificielle et présentée comme “plus objective” selon Musk, avec déjà 885.000 définitions
  • Grokipedia est critiquée pour un biais idéologique apparent dans certains articles, notamment ceux sur Musk, Black Lives Matter ou Tucker Carlson, tandis que Wikipédia revendique un point de vue neutre

NEW YORK: Elon Musk et son entreprise xAI ont mis en ligne lundi Grokipedia, présenté comme le concurrent de l'encyclopédie en ligne Wikipédia, accusée de biais idéologique par une partie des républicains aux États-Unis.

La version a été numérotée 0.1 et comptait déjà lundi soir plus de 885.000 définitions, contre plus de 7 millions en anglais pour Wikipédia.

Dans un message posté sur X, Elon Musk a promis l'arrivée prochaine d'une version 1.0, "dix fois meilleure" que la 0.1, qui est déjà "meilleure que Wikipédia à (son) avis".

Il y a une semaine, l'entrepreneur avait décidé de reporter de quelques jours le lancement de Grokipedia, annoncé fin septembre, un délai justifié par la nécessité d'effectuer "un travail supplémentaire pour purger la propagande".

A l'image de responsables républicains, Elon Musk critique régulièrement Wikipédia depuis plusieurs années. En 2024, il avait taxé le site d'être "contrôlé par des activistes d'extrême gauche" et appelé à ne plus faire de don à la plateforme.

"Le but de Grok et de (Grokipedia) est la vérité, toute la vérité, rien que la vérité", a affirmé l'homme le plus riche du monde, qui a précisé que le programme informatique de l'encyclopédie était en accès libre (open source). "Tout le monde peut donc l'utiliser pour n'importe quoi gratuitement."

- "Biais systémiques" -

Le contenu de certains articles de Grokipedia témoigne d'une orientation des résultats, à l'image de la page consacrée à Elon Musk.

Dans les premiers paragraphes de résumé, la plateforme indique que le patron de Tesla et SpaceX a "influencé le débat" sur plusieurs sujets, ce qui lui a valu "des critiques des médias traditionnels qui font preuve de penchants à gauche dans leur couverture".

Concernant le mouvement des droits civiques "Black Lives Matter", Grokipedia écrit qu'il a "mobilisé des millions de personnes".

"Cependant, ces manifestations ont entraîné des émeutes, (...) les plus coûteuses de l'histoire des assurance pour les dommages aux biens", poursuit l'encyclopédie, sans mentionner, comme le fait Wikipédia, que "la grande majorité des manifestations de 2020 se sont déroulées dans le calme".

Autre exemple, la page consacrée à l'éditorialiste conservateur Tucker Carlson, qui souligne son "rôle (...) dans la dénonciation des biais systémiques du journalisme traditionnel". Elle renvoie à un article du site du magazine Newsweek qui ne mentionne ces biais que dans des citations de Tucker Carlson lui-même.

Créé en 2001, Wikipédia est une encyclopédie collaborative gérée par des bénévoles, largement financée par des dons, et dont les pages peuvent être écrites ou modifiées par les internautes.

Elle revendique un "point de vue neutre" dans ses contenus.

Le contenu de Grokipedia est lui généré par intelligence artificielle (IA) et l'assistant d'IA générative Grok mais cite également plusieurs sources sur chaque page.

En avril, le procureur fédéral de Washington, Ed Martin, remplacé depuis, avait adressé une demande de documents à la fondation Wikimédia, qui a autorité sur Wikipédia.

Il disait vouloir déterminer si Wikimédia était bien habilitée à bénéficier de l'exonération d'impôts octroyée aux fondations.

Le procureur désigné par Donald Trump avait dénoncé "la manipulation de l'information" dont Wikipédia se rendait coupable, selon lui, la plateforme cherchant à "masquer la propagande".

Fin août, deux élus républicains de la Chambre des représentants, James Comer et Nancy Mace, ont ouvert une enquête sur des "manoeuvres organisées (...) pour influencer l'opinion américaine (...) en manipulant des articles Wikipédia".

La naissance de Grokipedia a été saluée par plusieurs personnalités de droite, notamment l'idéologue ultranationaliste russe Alexandre Douguine, qualifiant l'article le concernant de "neutre", "objectif" et "juste" alors que celui de Wikipédia est, selon lui, "diffamatoire".