«C'est cela, notre réalité» : la guerre vue par les artistes ukrainiens

L'artiste ukrainienne Zhanna Kadyrova parle dans son atelier à Kiev le 26 avril 2023. Lorsque la Russie a envahi l'Ukraine, l'artiste Zhanna Kadyrova a estimé que son travail était inutile. Mais cette femme de 42 ans a changé d'avis lorsque les galeries du monde entier se sont emparées de ses œuvres inspirées par la guerre, récoltant ainsi des fonds pour aider les civils et les soldats. (AFP).
L'artiste ukrainienne Zhanna Kadyrova parle dans son atelier à Kiev le 26 avril 2023. Lorsque la Russie a envahi l'Ukraine, l'artiste Zhanna Kadyrova a estimé que son travail était inutile. Mais cette femme de 42 ans a changé d'avis lorsque les galeries du monde entier se sont emparées de ses œuvres inspirées par la guerre, récoltant ainsi des fonds pour aider les civils et les soldats. (AFP).
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Publié le Samedi 29 avril 2023

«C'est cela, notre réalité» : la guerre vue par les artistes ukrainiens

  • Évacuée dans l'ouest rural du pays, loin de son atelier et de ses outils, Zhanna Khadirova a choisi d'utiliser des pierres polies par l'eau d'une rivière qu'elle a mises en scène pour créer une oeuvre inspirée des miches de pain traditionnel ukrainien
  • Une galerie de Kiev expose en ce moment une série de ses oeuvres qu'elle a baptisées «Anxiety»: des tapisseries représentant des fleurs et des chats kitsch, sur lesquelles elle brode des messages d'alerte de raids aériens

KIEV : "Qu'est-ce je peux faire face à un tank, avec mon art ? Rien". Quand l'armée russe a envahi l'Ukraine, Zhanna Kadyrova s'est sentie inutile.

Mais cette artiste de 42 ans a changé d'avis quand des galeries du monde entier se sont arrachées ses oeuvres inspirées de la guerre, lui permettant de collecter des fonds pour aider soldats et civils en Ukraine.

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L'artiste ukrainienne Zhanna Kadyrova parle dans son atelier à Kiev le 26 avril 2023. Lorsque la Russie a envahi l'Ukraine, l'artiste Zhanna Kadyrova a estimé que son travail était inutile. Mais cette femme de 42 ans a changé d'avis lorsque les galeries du monde entier se sont emparées de ses œuvres inspirées par la guerre, récoltant ainsi des fonds pour aider les civils et les soldats. (AFP). 

Évacuée dans l'ouest rural du pays, loin de son atelier et de ses outils, Zhanna Khadirova a choisi d'utiliser des pierres polies par l'eau d'une rivière qu'elle a mises en scène pour créer une oeuvre inspirée des miches de pain traditionnel ukrainien.

Un projet conçu "en quelques secondes", qui lui a valu d'être retenu dans une quarantaine d'expositions à travers le monde.

"Je reviens tout juste d'Inde, je suis déjà allée en Thaïlande, à Taïwan, en Amérique, en Europe", a détaillé Mme Kadyrova. "Après cela, bien sûr, je n'ai plus ressenti de déception à l'égard de l'art".

Car les bénéfices des œuvres ont servi à financer acheminer de l'aide sur le front, à soutenir les soldats et aussi les artistes.

"Je n'ai jamais gagné autant d'argent. Et l'intégralité a servi à aider des gens".

Ballerine dansant sur des balles

Une galerie de Kiev expose en ce moment une série de ses oeuvres qu'elle a baptisées "Anxiety": des tapisseries représentant des fleurs et des chats kitsch, sur lesquelles elle brode des messages d'alerte de raids aériens.

Ces œuvres représentent "le contraire de la guerre", souligne-t-elle. "Lorsque j'y ajoute l'inscription 'alerte aérienne' j'obtiens un contraste. C'est cela, notre réalité."

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Cette photographie prise à Kiev le 25 avril 2023 montre un fragment de l'installation de "Unbroken" de Felipe Jacome et Svitlana Onipko à l'extérieur du bâtiment de l'Opéra national d'Ukraine. (AFP). 

Devant l'Opéra National, dans le centre de Kiev, un mur constitué de douilles de balles porte l'image imprimée d'une ballerine qui fait des pointes.

"Je pense qu'il est important de rappeler aux gens qu'il y a encore une guerre en cours", témoigne Nadiya, une passante qui prend l'oeuvre en photo.

Pour réaliser cette œuvre, l'Équatorien Felipe Jacome a photographié sa collaboratrice Svitlana Onipko, une ballerine ukrainienne aujourd'hui installée aux Pays-Bas, en utilisant une imprimante 3D pour transférer son image sur des douilles de balles montées dans de la résine.

La vente de versions réduites de cette oeuvre a permis de récolter des fonds pour les orphelins de guerre et du matériel pour les troupes sur le front, permettant de récolter "plus de 50 000 dollars", selon Felipe Jacome.

Il souhaite exposer cette oeuvre en Europe et aux États-Unis pour qu'on n'oublie pas ce qui se passe en Ukraine.

La Russie, 'une ex toxique'

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L'artiste ukrainien Maksym Khodak, 21 ans, à côté de son installation intitulée "Unbroken Project" dans la galerie PinchukArtCentre à Kiev, le 26 avril 2023. (Photo de Sergei SUPINSKY / AFP)

Non loin de là, dans la galerie Pinchuk Art Center de Kiev, Maksym Khodak, 21 ans, visionne l'oeuvre qu'elle a réalisée avec deux TikTokeurs réputés qui ont accepté de l'accompagner dans la ville de Kharkiv, dans l'est, déchirée par la guerre.

Ils y ont passé plusieurs jours en octobre, sous les bombes.

Les TikTokeurs, Roman et Viktoriya, venaient de l'ouest de l'Ukraine et n'avaient jamais fait l'expérience de combats aussi violents.

"Vous devenez paranoïaque à l'idée que vous risquez d'être bombardé, même couché dans votre lit", explique Roman.

Le montage vidéo qu'ils ont créé s'affiche simultanément sur trois écrans distincts. On y voit des mèmes, comme l'ex-Premier ministre britannique Boris Johnson dansant avec un sabre laser ou des jeux sur lesquels ont prend pour cible des "orcs" russes, en référence aux créatures maléfiques et cruelles qui constituent l'armée des ténèbres dans l'univers de J.R.R. Tolkien, l'auteur du "Seigneur des anneaux".

"J'ai voulu réfléchir à ce que pourrait être le nouveau langage politique, c'est-à-dire la manière de parler à ma génération", a déclaré M. Khodak, qui encourage les jeunes blogueurs à faire de même, inventant leur manière pour parler de l'Ukraine à leur génération.

Roman compare ainsi la Russie dans son rapport à l'Ukraine comme "une ex toxique" qui vous "mitraille".

"Nous ne voulons plus rien avoir à faire avec le passé", conclut-il.


La fête de la musique sous le signe du dialogue culturel franco-saoudien

Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. (Photo Fournie)
Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. (Photo Fournie)
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  • Née en France en 1982, la Fête de la Musique s’est imposée comme un événement planétaire célébré dans plus de 120 pays.
  • L’édition 2025 proposera une programmation riche et éclectique, reflet de la vitalité des scènes française et saoudienne contemporaines.

RIYAD : Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. À l’initiative de l’ambassade de France, en collaboration avec l’Alliance française, Saudi Music Hub, Unstable, Hayy Jameel et MDL Beast, une série d’événements musicaux viendra marquer ce rendez-vous culturel international devenu emblématique.

Née en France en 1982, la Fête de la Musique s’est imposée comme un événement planétaire célébré dans plus de 120 pays. Fidèle à son principe fondateur, elle vise à rendre la musique accessible à tous gratuitement. Elle reste, cette année encore, un puissant vecteur de dialogue culturel. En Arabie saoudite, cette célébration musicale prend une dimension particulière, s’inscrivant dans un contexte de renouveau artistique et d’ouverture culturelle, en pleine résonance avec les objectifs de Vision 2030.

L’édition 2025 proposera une programmation riche et éclectique, reflet de la vitalité des scènes française et saoudienne contemporaines. Des artistes français seront présents, comme Karimouche, figure singulière du spoken word et de la chanson engagée, ou DJ SÔNGE, productrice électro aux univers immersifs et afro-futuristes.

Ces artistes partageront la scène avec des talents saoudiens tels que Kosh, beatmaker fusionnant rythmes traditionnels et basses électroniques, ou Seera, jeune espoir de la scène folk locale. Plusieurs artistes émergents, sélectionnés avec soin en collaboration avec les partenaires saoudiens, viendront compléter cette mosaïque sonore.

Chacune des villes participantes offrira une atmosphère unique. Riyad ouvrira le bal le 20 juin avec une nuit musicale au Unstable, lieu hybride emblématique de la scène urbaine saoudienne. Le 21 juin, Khobar prendra le relais au Saudi Music Hub, un espace dédié à la formation musicale, pour une soirée plus intimiste. Enfin, Djeddah clôturera cette semaine de célébration les 25 et 26 juin, au cœur du centre culturel Hayy Jameel, avec deux concerts présentés par des artistes féminines marquantes.

Au-delà des concerts, ces rencontres musicales seront l'occasion de moments de partage, de découvertes et d'échanges, favorisant la création de liens entre artistes et publics des deux pays. En soutenant la circulation des talents et la coopération artistique, la France réaffirme son engagement en faveur de la diversité culturelle et du dialogue entre les sociétés.

La Fête de la Musique 2025 est ainsi bien plus qu’un simple rendez-vous festif : elle est le symbole vivant d’une amitié en construction, portée par des sons, des voix et des émotions partagées.


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Amin Maalouf apporte un soutien inattendu aux langues régionales

Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
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  • Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs,
  • Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale.

PARIS : Une initiative d'un collectif visant à enseigner le patrimoine littéraire dans les langues régionales de France a reçu lundi  un soutien inattendu : celui du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Amin Maalouf.

M. Maalouf, écrivain franco-libanais, a été élu en 2023 à la tête d'une institution dont la mission est de veiller au rayonnement et à l'intégrité de la langue française.

Toutefois, il soutient la démarche du Collectif pour les littératures en langues régionales, qui suggère un enseignement de ce type au collège ou au lycée, a indiqué ce collectif à l'AFP.

Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs, afin de sensibiliser à la « richesse de la production littéraire » dans d'autres langues que le français. 

« M. Maalouf, comme nous, est convaincu qu'il est nécessaire que les élèves français découvrent ces trésors culturels », écrit ce collectif à M. Bayrou, qui parle lui-même le béarnais.

Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale (de l'alsacien au tahitien, en passant par le basque ou le corse), traduits en français.

On y trouve entre autres un poème en provençal de Frédéric Mistral (prix Nobel de littérature en 1904) intitulé Mirèio, une chronique en breton de Pierre-Jakez Hélias intitulée Bugale ar Republik, un court récit en créole martiniquais de Raphaël Confiant intitulé Bitako-a, ainsi qu'une chanson en picard d'Alexandre Desrousseaux intitulée Canchon dormoire (plus connue sous le nom de P'tit Quinquin).

« Il ne s'agit pas de donner des cours de langues régionales, mais de présenter des œuvres issues des littératures en langues régionales, que ce soit en français ou en version bilingue », précise le collectif.

Idéalement, selon lui, les élèves aborderaient des langues issues d'autres régions que la leur. « Pourquoi seuls les élèves antillais apprendraient-ils qu'il existe une littérature en créole ? », demande ce collectif, qui présente son initiative à la presse lors d'une visioconférence lundi après-midi.