Abderrahim Bourkia: la mort d’une supportrice à Casablanca pas «aussi simpliste qu’un mouvement de foule»

Les supporters du Raja lors du match de football de quart de finale de la Ligue des champions de la CAF entre le Raja Casablanca du Maroc et Al Ahly de l'Égypte au stade Mohammed V de Casablanca le 29 avril 2023. (Photo, AFP)
Les supporters du Raja lors du match de football de quart de finale de la Ligue des champions de la CAF entre le Raja Casablanca du Maroc et Al Ahly de l'Égypte au stade Mohammed V de Casablanca le 29 avril 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 03 mai 2023

Abderrahim Bourkia: la mort d’une supportrice à Casablanca pas «aussi simpliste qu’un mouvement de foule»

  • La supportrice de 29 ans est officiellement décédée après «un malaise aux abords du stade». Une enquête a été ouverte par les autorités sous la supervision du parquet local
  • «Il faudrait se poser des questions sur la responsabilité des uns et des autres, que ce soit les organisateurs, les autorités locales et les supporters», assure le sociologue Abderrahim Bourkia

CASABLANCA: Samedi, Noura, une jeune supportrice de 29 ans du club de football du Raja Casablanca a trouvé la mort aux abords du stade Mohammed V, dans la capitale économique du pays, alors que l’équipe était opposée au club égyptien d’Al-Ahly lors du match retour des quarts de finale de la Ligue des champions de la Coupe d’Afrique de football.

Ce drame a été un grand choc pour les Marocains et plus particulièrement pour les Casablancais qui se sont habitués, malgré eux, aux violences qui accompagnent souvent les rencontres entre les deux clubs de football de la ville.

Interrogé par Arab News en francais, le sociologue Abderrahim Bourkia, consultant en déviance et en contextes sociaux, explique que ce drame est «hélas le reflet de la société marocaine». Celui qui a publié Des ultras dans la ville, une étude sociologique qui analyse le phénomène du hooliganisme au Maroc, rappelle que «le stade devrait être un lieu de convivialité, de rencontres, d'interactions pacifiques. C’est en somme un lieu où l’on vient créer un lien social avec d’autres personnes», explique-t-il. 

Si les raisons exactes qui ont conduit au décès de la jeune femme sont toujours inconnues, les médias marocains ont mis en avant une organisation chaotique avant le match, qui aurait provoqué un mouvement de foule conduisant au décès de la supportrice. Un terme que rejette Abderrahim Bourkia. «Cette manière de parler de mouvement de foule est une manière simpliste et simple de formuler les choses, alors que l’on devrait se poser des questions sur la responsabilité des uns et des autres, que ce soit les organisateurs, les autorités locales et les supporters», assure-t-il. 

Les autorités locales de la préfecture de Casablanca-Anfa ont indiqué qu'une enquête avait été ouverte sous le contrôle du parquet local afin de déterminer les circonstances de l’accident. Selon la version officielle, la jeune femme est décédée après «un malaise aux abords du stade».

 

EN BREF

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Abderrahim Bourkia. (Photo fournie)

Abderrahim Bourkia est journaliste et sociologue, est actuellement Professeur à l'Institut des Sciences de sport à l'université Hassan 1 de Settat. Il est également chercheur associé au Centre Méditerranéen de Sociologie de Sciences Politiques et d'Histoire (MESOHPOLIS) à Science Po Aix-Marseille.

Il mène depuis de nombreuses années des recherches sur le "supporterisme" en Méditerranée, la violence urbaine et la délinquance.

Publication notoire : Des ultras dans la ville - Etude sociologique sur un aspect de la violence urbaine

Des responsabilités à déterminer

Karim Glaibi, membre du Conseil de la ville et de la commission chargée de la supervision du complexe sportif Mohammed V, cité par l’AFP, a déclaré qu’«actuellement, nous ne tenons personne pour responsable. Nous appelons à l'ouverture d'une enquête pour savoir qui est le responsable de cette catastrophe et pour comprendre pourquoi le nombre de supporters était supérieur au nombre de billets». 

Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux avant même le décès de Noura, montrent une organisation chaotique et des supporters rajaouis se plaignant de ne pas pouvoir accéder au stade, bien que disposant de leurs billets d'entrée. Sur d’autres vidéos, on peut également voir les forces de l’ordre utilisant des canons à eau pour disperser la foule.

À l'intérieur du stade une bagarre générale avec des jets de bouteilles a également éclaté dans une tribune à la fin de la rencontre entre bandes rivales d'Ultras du Raja, éliminé de la compétition.

Pour Abderrahim Bourkia, «la gestion de ce genre d'événements doit se faire selon un certain nombre de règles et de normes, il faut vraiment s’attarder sur les détails de la journée, de la billetterie à la consommation du spectacle. J’aimerais vraiment qu’on passe au peigne fin le déroulement de cette opération», explique le sociologue à Arab News en français.

«Il ne faut plus voir ce genre de scènes au Maroc, nous devons en tirer de bonnes résolutions et des réponses, dans la mesure où nous nous préparons à l’éventualité d’accueillir la Coupe du monde 2030, conjointement avec le Portugal et l’Espagne», assure-t-il.

La responsabilité de ce drame serait partagée, d’ailleurs, la société Casa Events, qui s’occupe de la gestion du stade Mohammed V est une fois de plus pointée du doigt. Selon plusieurs médias marocains, dont H2info, une réunion a été prévue ce mercredi 3 mai par le conseil de la ville de Casablanca, et Casa Events y est convoquée.

Selon la même source, la réunion sera présidée par le vice-président chargé du secteur sportif, Abdellatif Naciri. Elle doit se tenir en présence du directeur général de Casablanca Events et Animation, Mohammed Jouahri. 

C’est cette société de développement local (SDL) qui est chargée de la gestion du stade, notamment en ce qui concerne la vente des billets. Le média en ligne va jusqu'à affirmer que «le conseil de la ville pourrait se passer des services de la SDL».

«Ce qui est étonnant, c'est que la veille, le match du Wydad contre les Tanzaniens du Simba, qui était de la même importance, s’est déroulé normalement, les choses se sont bien passées sans incidents graves», rapporte le sociologue marocain.

«Quel est donc l'élément déclencheur?», se demande-t-il avant de préciser que «ne pointer du doigt que le public et son comportement démesuré serait une erreur. La sécurité et la sûreté sont une épine à prendre très au sérieux en matière d'organisation et de gestion des rencontres footballistiques».


L'Arabie saoudite condamne les actions d'Israël à Gaza devant la CIJ

 Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
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  • Tel-Aviv "continue d'ignorer" les décisions de la Cour internationale de justice, déclare le représentant du Royaume
  • M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

DUBAI : L'Arabie saoudite a condamné mardi devant la Cour internationale de justice la campagne militaire israélienne en cours à Gaza, l'accusant de défier les décisions internationales et de commettre de graves violations des droits de l'homme.

S'exprimant devant la Cour, le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, a déclaré qu'Israël "continue d'ignorer les ordres de la Cour" et a insisté sur le fait que "rien ne justifie les violations commises par Israël à Gaza".

M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

Ses remarques ont été formulées au deuxième jour des audiences de la CIJ sur les obligations humanitaires d'Israël à l'égard des Palestiniens, qui se déroulent dans le cadre d'un blocus israélien total de l'aide à la bande de Gaza, qui dure depuis plus de 50 jours.

Ces audiences s'inscrivent dans le cadre d'efforts plus larges visant à déterminer si Israël a respecté les responsabilités juridiques internationales dans sa conduite lors de la guerre contre Gaza.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Syrie: neuf morts dans des affrontements entre forces de sécurité et combattants druzes près de Damas

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
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  • Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité "
  • "La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué

DAMAS: Neuf personnes ont été tuées dans des affrontements entre les forces de sécurité syriennes et des combattants de la minorité druze à Jaramana, dans la banlieue de Damas, sur fond de tension confessionnelle, selon un nouveau bilan mardi d'une ONG.

Ces violences interviennent un mois après des massacres qui ont visé la minorité alaouite, faisant des centaines de morts, dans le pays où la coalition islamiste qui a pris le pouvoir en décembre est scrutée par la communauté internationale.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), "les forces de sécurité ont lancé un assaut" contre la banlieue à majorité druze de Jaramana, après la publication sur les réseaux sociaux d'un message vocal attribué à un druze et jugé blasphématoire envers l'islam.

L'OSDH, basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un solide réseau de sources en Syrie, a précisé que six combattants locaux de Jaramana et trois "assaillants" avaient été tués.

Plusieurs habitants de Jaramana joints au téléphone par l'AFP ont indiqué avoir entendu des échanges de tirs dans la nuit.

"Nous ne savons pas ce qui se passe, nous avons peur que Jaramana devienne un théâtre de guerre", a affirmé Riham Waqaf, une employée d'une ONG terrée à la maison avec son mari et ses enfants.

"On devait emmener ma mère à l'hôpital pour un traitement, mais nous n'avons pas pu" sortir, a ajouté cette femme de 33 ans.

Des combattants locaux se sont déployés dans les rues et aux entrées de la localité, demandant aux habitants de rester chez eux, a dit à l'AFP l'un de ces hommes armés, Jamal, qui n'a pas donné son nom de famille.

"Jaramana n'a rien connu de tel depuis des années". La ville est d'habitude bondée, mais elle est morte aujourd'hui, tout le monde est à la maison", a-t-il ajouté.

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants.

 "Respecter l'ordre public" 

Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité de ce qui s'est produit et de toute aggravation de la situation".

"La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué.

Il a dénoncé dans le même temps "toute atteinte au prophète Mahomet" et assuré que le message vocal était fabriqué "pour provoquer la sédition".

Le ministère de l'Intérieur a souligné mardi "l'importance de respecter l'ordre public et de ne pas se laisser entraîner dans des actions qui perturberaient l'ordre public".

Il a ajouté qu'il enquêtait sur le message "blasphématoire à l'égard du prophète" Mahomet pour identifier l'auteur et le traduire en justice.

Les druzes, une minorité ésotérique issue de l'islam, sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël.

Dès la chute du pouvoir de Bachar al-Assad le 8 décembre en Syrie, après plus de 13 ans de guerre civile, Israël multiplié les gestes d'ouverture envers cette communauté.

Début mars, à la suite d'escarmouches à Jaramana, Israël avait menacé d'une intervention militaire si les nouvelles autorités syriennes s'en prenaient aux druzes.

Ces propos ont été immédiatement rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie. Leurs représentants sont en négociation avec le pouvoir central à Damas pour parvenir à un accord qui permettrait l'intégration de leurs groupes armés dans la future armée nationale.

Depuis que la coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh, qui a été proclamé président intérimaire, a pris le pouvoir, la communauté internationale multiplie les appels à protéger les minorités.

Début mars, les régions du littoral dans l'ouest de la Syrie ont été le théâtre de massacres qui ont fait plus de 1.700 tués civils, en grande majorité des alaouites, selon l'OSDH.


Gaza 2025: 15 journalistes tués, selon le Syndicat des journalistes palestiniens

 Les violences contre les journalistes interviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (AFP)
Les violences contre les journalistes interviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (AFP)
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  • Le dernier rapport du syndicat fait état d'une augmentation des arrestations, des menaces et du harcèlement des journalistes par les Israéliens
  • Le syndicat a également enregistré 49 menaces de mort proférées à l'encontre de journalistes

LONDRES: Au moins 15 professionnels des médias ont été tués à Gaza depuis le début de l'année 2025, selon un nouveau rapport publié par le Syndicat des journalistes palestiniens.

Le rapport, publié ce week-end par le comité des libertés du syndicat chargé de surveiller les violations commises par Israël à l’encontre des journalistes, souligne la persistance du ciblage direct des professionnels des médias.

Sept journalistes ont été tués en janvier et huit en mars, selon le rapport.

Par ailleurs, les familles de 17 journalistes ont été endeuillées, tandis que les habitations de 12 autres ont été détruites par des tirs de roquettes et d’obus. De plus, 11 personnes ont été blessées au cours de ces attaques.

Le rapport note que la violence à l'encontre des équipes de journalistes ne se limite pas aux attaques mortelles. Il fait état de l'arrestation de 15 journalistes, à leur domicile ou alors qu'ils étaient en mission. Certains ont été libérés quelques heures ou quelques jours plus tard, tandis que d'autres sont toujours en détention.

Le syndicat a également enregistré 49 menaces de mort proférées à l'encontre de journalistes, dont beaucoup ont été avertis d'évacuer les zones qu'ils couvraient.

Le rapport relève également une intensification du harcèlement judiciaire, avec plus d’une dizaine de cas où des journalistes – en majorité issus du quotidien Al-Quds, basé en Cisjordanie – ont été convoqués pour interrogatoire et se sont vu interdire de couvrir des événements aux abords de la mosquée Al-Aqsa et dans la vieille ville de Jérusalem.

En Cisjordanie occupée, environ 117 journalistes ont été victimes d'agressions physiques, de répression ou d'interdictions de reportage, en particulier à Jénine et à Jérusalem. La commission a également recensé 16 cas de confiscation ou de destruction de matériel de travail.

Les violences à l'encontre des journalistes surviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. Les forces israéliennes ont intensifié leur offensive, coupant les approvisionnements vitaux des 2,3 millions d'habitants de Gaza, laissant l'enclave au bord de la famine.

Les actions d'Israël font désormais l'objet d'audiences à la Cour internationale de justice de La Haye, où Tel-Aviv est accusé de violer le droit international en restreignant l'aide humanitaire à Gaza.

Le bilan humanitaire est catastrophique.

Selon le ministère de la santé de Gaza, plus de 61 700 personnes ont été tuées à Gaza depuis qu'Israël a lancé son offensive le 7 octobre 2023. Plus de 14 000 autres sont portées disparues et présumées mortes, les civils constituant la grande majorité des victimes.

Le Comité pour la protection des journalistes, organisme de surveillance de la liberté de la presse basé à Washington, a également lancé un signal d’alarme face au nombre élevé de journalistes tués, indiquant qu’au moins 176 d’entre eux – en grande majorité des Palestiniens – ont perdu la vie depuis le début de l’offensive israélienne sur les territoires occupés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com