Avec la sécheresse, la crainte d'une nouvelle «année noire» pour l'olive espagnole

Une photo prise le 8 mai 2023 montre une branche d'olivier à Ronda. (AFP)
Une photo prise le 8 mai 2023 montre une branche d'olivier à Ronda. (AFP)
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Publié le Mardi 09 mai 2023

Avec la sécheresse, la crainte d'une nouvelle «année noire» pour l'olive espagnole

  • «Il n'a quasiment pas plu depuis janvier: les sols sont secs», lâche le secrétaire général de l'Union des petits agriculteurs (UPA) d'Andalousie (sud)
  • La production espagnole d'huile d'olive a plafonné à 660 000 tonnes contre 1,48 million de tonnes en 2021-2022, soit une chute de 55% selon le ministère de l'Agriculture

MADRID: Production en berne et risque de pénurie: en Espagne, premier producteur mondial d'huile d'olive, la sécheresse et les températures anormalement élevées font craindre une "catastrophe" pour le secteur, déjà ébranlé par une année 2022 très difficile.

Quelques gouttes d'eau seulement en près de quatre mois. "Il n'a quasiment pas plu depuis janvier: les sols sont secs", lâche Cristobal Cano, secrétaire général de l'Union des petits agriculteurs (UPA) d'Andalousie (sud), centre névralgique de l'olive espagnole.

Propriétaire de 10 hectares d'oliviers à Alcalá la Real, dans le sud du pays, ce quadragénaire n'avait jamais vu de situation aussi inquiétante en vingt ans de carrière. "Si ça ne change pas radicalement dans les prochaines semaines, ça va être la catastrophe", avertit-il.

Selon l'Agence météorologique Aemet, le cumul de précipitations depuis le 1er octobre est inférieur de 25% à la normale sur le territoire espagnol, et de 50% dans une grande partie de l'Andalousie, où les réservoirs d'eau ne sont plus qu'à 25% de leur capacité.

Ce manque criant de précipitations a été aggravé fin avril par une vague de chaleur exceptionnellement précoce. Un record absolu pour un mois d'avril en Espagne continentale a été atteint à Cordoue, en Andalousie, avec 38,8°C. Une température digne du mois d'août.

"Cela a coïncidé avec la floraison" des oliviers, rappelle Rafael Pico, directeur de l'association de producteurs et exportateurs Asoliva, qui craint de voir les fleurs sécher sur pied. Or "sans fleurs, il n'y a pas d'olives, et sans olives, il n'y a pas d'huile", soupire-t-il.

«Au bord du gouffre»

Pour l'Espagne, qui fournit en temps normal 50% de l'huile d'olive mondiale, avec près de trois milliards d'euros d'exportations par an, la situation est d'autant plus préoccupante que la filière sort d'une campagne 2022-2023 calamiteuse.

En raison du manque d'eau et des températures extrêmes, la production espagnole d'huile d'olive a plafonné à 660 000 tonnes contre 1,48 million de tonnes en 2021-2022, soit une chute de 55% selon le ministère de l'Agriculture.

Et le scénario est bien parti pour se répéter cette année. "Au vu des prévisions météo, c'est quasi une évidence: on part sur une nouvelle année noire", se désole Rafael Sanchez de Puerta, directeur général de Dcoop, première coopérative oléicole d'Espagne.

De quoi mettre en péril de nombreuses exploitations. "Une mauvaise année, on peut s'en remettre, cela fait partie des aléas de l'agriculture. Mais deux années consécutives, ça va être un désastre. Beaucoup sont déjà au bord du gouffre", assure le chef d'entreprise.

Achat des machines, salaires, remboursement des prêts... Pour maintenir leur activité, "les agriculteurs ont besoin de liquidités", insiste Rafael Pico, pour qui "l'ensemble de la filière va souffrir": "en Espagne, l'huile d'olive fait vivre beaucoup de personnes".

Envolée des prix 

Pour les consommateurs, les perspectives s'annoncent également sombres. "Le prix mondial de l'huile d'olive dépend en grande partie de ce qui se passe en Espagne", rappelle Rafael Pico, qui anticipe des tensions sur le marché.

Ces derniers mois, le prix de l'huile a de fait déjà bondi. "Mi-avril, l'huile d'olive se vendait à 5 800 euros la tonne, alors qu'elle était à 5 300 euros en janvier 2023" et "3 500 euros en janvier 2022", observe Fanny de Gasquet, de la société de courtage Baillon Intercor.

Une tendance qui risque de se poursuivre. En Andalousie, les jeunes oliviers n'ont "pas de racines suffisamment développées pour aller puiser de l'eau" en profondeur: "on va avoir des pertes", avec des effets sur la production durant "deux ou trois ans", prédit-elle.

Dans ce contexte, le gouvernement espagnol a abaissé fin 2022 de 10% à 5% la TVA sur l'huile d'olive, dans le cadre d'un plan anti-inflation. Pour soutenir les agriculteurs affectés par la sécheresse, il a par ailleurs réduit de 25% l'impôt sur le revenu pour le secteur.

Des mesures jugées insuffisantes face à la crise qui se profile. "Baisser les impôts sur le revenu de personnes qui ne vont quasiment pas en avoir, ça ne sert pas à grand chose", juge Rafael Sanchez de Puerta, qui appelle à un plan plus large face à "une sécheresse partie pour durer".


KAUST publie une nouvelle étude sur la dégradation des terres

L'étude de la KAUST vise à inverser la menace croissante de la dégradation des sols et à améliorer la sécurité alimentaire et hydrique, la stabilité sociale et la biodiversité. (Fourni)
L'étude de la KAUST vise à inverser la menace croissante de la dégradation des sols et à améliorer la sécurité alimentaire et hydrique, la stabilité sociale et la biodiversité. (Fourni)
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  • Le plan directeur de l’université saoudienne vise également à renforcer la sécurité alimentaire, la stabilité sociale et la biodiversité
  • L’étude recommande la restauration des terres dégradées par des pratiques de gestion durable

RIYAD : Une récente étude menée par l’Université des sciences et technologies du roi Abdallah (KAUST) propose un nouveau plan directeur pour atténuer l’impact mondial de la dégradation des terres.

L’université saoudienne cherche à inverser cette menace croissante, tout en améliorant la sécurité alimentaire et hydrique, la stabilité sociale et la biodiversité.

Publiée dans la revue scientifique multidisciplinaire Nature, l’étude avance plusieurs solutions pour inverser la trajectoire actuelle de dégradation des terres d’ici 2050.

Parmi les recommandations figure l’augmentation de la production et de la consommation de produits de la mer afin de réduire la pression exercée par l’agriculture sur les terres.

Une autre piste suggère de réduire le gaspillage alimentaire de 75 % — l’étude rappelant qu’un tiers de la nourriture produite est actuellement gaspillée, pour un coût dépassant les 1 000 milliards de dollars chaque année.

Enfin, les auteurs appellent à restaurer 50 % des terres dégradées grâce à des pratiques de gestion durable.

KAUST rappelle que la production alimentaire utilise actuellement jusqu’à 34 % des terres émergées non couvertes de glace, un chiffre qui pourrait atteindre 42 % d’ici 2050 si rien ne change.

Les scientifiques proposent de revoir les incitations économiques, d’augmenter les dons alimentaires et de promouvoir des portions plus petites dans les restaurants, afin de préserver jusqu’à 13,4 millions de km² de terres.

« L’Arabie saoudite fait déjà beaucoup pour réduire le gaspillage alimentaire et restaurer les terres, mais elle pourrait tirer encore plus de bénéfices si les décideurs appliquent certaines recommandations clés », a déclaré Fernando Maestre, professeur en sciences et ingénierie de l’environnement à KAUST, à Arab News.

« Cela inclut la promotion de repas plus petits dans les restaurants, l’obligation pour les supermarchés et hôtels de donner ou de solder les produits proches de la date de péremption, l’exigence pour les entreprises de publier des plans de réduction du gaspillage, l’investissement dans la chaîne du froid et la redistribution communautaire, ainsi que le développement d’options durables en produits de la mer et algues, à forte valeur nutritionnelle et à faible usage des terres et de l’eau. »

« Réduire le gaspillage alimentaire grâce à ces mesures soulagerait la pression sur les ressources hydriques limitées du Royaume, réduirait les émissions, renforcerait la sécurité alimentaire et permettrait des économies », a-t-il ajouté.

L’étude souligne également l’importance d’une production durable de produits de la mer, et explique comment des politiques ciblées en matière d’aquaculture pourraient contribuer à diminuer la pression sur les ressources terrestres et à freiner la déforestation.

« En transformant les systèmes alimentaires, en restaurant les terres dégradées, en exploitant le potentiel des produits de la mer durables et en favorisant la coopération entre nations et secteurs, nous pouvons inverser la courbe de la dégradation des terres », conclut Maestre.

Cette étude a été menée en collaboration avec Aeon Collective et la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Les actifs du fonds souverain saoudien (PIF) augmentent de 19 % pour atteindre 913 milliards $ en 2024

(Shutterstock)
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  • Le PIF a augmenté ses actifs sous gestion de 19 % en 2024, atteignant 913 milliards de dollars, grâce à une forte mobilisation de capitaux, une transformation numérique avancée et des investissements ciblés dans des secteurs stratégiques
  • Le PIF joue un rôle clé dans la diversification économique de l’Arabie saoudite

RIYAD : La valeur totale des actifs sous gestion du Public Investment Fund (PIF) d’Arabie saoudite a atteint 913 milliards de dollars à la fin de l’année 2024, soit une hausse de 19 % par rapport à l’année précédente, selon le rapport annuel publié par le fonds souverain.

Le rapport indique également que les revenus du PIF ont progressé de 25 % sur un an, tandis que la trésorerie est restée solide et globalement stable.

Cette annonce intervient après le classement de Brand Finance, qui a désigné le PIF comme le fonds souverain le plus précieux et à la croissance la plus rapide au monde, avec une valeur de marque estimée à 1,2 milliard de dollars.

En juillet, une étude du cabinet Global SWF classait le PIF quatrième au niveau mondial, avec des actifs dépassant 1 000 milliards de dollars — une estimation légèrement supérieure à celle du rapport officiel.

« Le portefeuille du PIF a enregistré une croissance annuelle de 19 % pour atteindre 913 milliards $. Les investissements dans les secteurs prioritaires ont totalisé 56,8 milliards $ en 2024, portant les investissements cumulés depuis 2021 à plus de 171 milliards $ », a déclaré Yasir A. Al-Salman, directeur financier du PIF.

Depuis 2017, le fonds a affiché un rendement moyen annuel de 7,2 %, tandis que sa contribution cumulée au PIB réel non pétrolier de l’Arabie saoudite entre 2021 et 2024 s’élève à 243 milliards de dollars.

« Tout au long de 2024, le PIF a poursuivi sa mission avec vision à long terme et impact durable. Il a joué un rôle moteur dans la transformation économique du Royaume », a affirmé Maram Al-Johani, cheffe de cabinet par intérim et secrétaire générale du conseil d’administration.

Elle a précisé que le fonds représente désormais 10 % de l’économie non pétrolière du pays.

« Le portefeuille du PIF reflète sa volonté de diversification économique. Le fonds continue d’investir et de créer de nouvelles entreprises, portant leur nombre total à 225, dont 103 fondées directement par le PIF », a-t-elle ajouté.

Le PIF soutient également le développement de secteurs économiques stratégiques en renforçant les capacités techniques de ses filiales, en favorisant la localisation industrielle et en encourageant l’innovation.

« Les résultats 2024 marquent la transition du PIF d’une phase de transformation numérique vers un leadership numérique. L’intelligence artificielle et l’automatisation sont désormais au cœur de nos opérations. En 2024, nous avons mené 58 projets digitaux, lancé 15 nouvelles applications et automatisé plus de 477 processus », a déclaré Al-Johani.

Enfin, le PIF poursuit la diversification de ses sources de financement : il a levé 9,83 milliards de dollars en dette publique et 7 milliards en dette privée.

La solidité financière du fonds a été confirmée par les agences de notation : Moody’s a relevé la note du PIF de A1 à Aa3, perspective stable, tandis que Fitch a confirmé sa note A+, également avec perspective stable.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Arabie saoudite et Émirats : moteurs de la croissance de la gestion d’actifs dans le CCG

Le secteur du CCG est dans une phase de forte croissance, soutenue par la force des fonds souverains, l'expansion des investissements de détail et la diversification stratégique.
Le secteur du CCG est dans une phase de forte croissance, soutenue par la force des fonds souverains, l'expansion des investissements de détail et la diversification stratégique.
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  • Le secteur de la gestion d’actifs des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) a atteint 2 200 milliards de dollars d’actifs sous gestion en 2024, soit une hausse de 9 % par rapport à 2023

RIYAD: Le secteur de la gestion d’actifs des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) a atteint 2 200 milliards de dollars d’actifs sous gestion en 2024, soit une hausse de 9 % par rapport à 2023, selon le cabinet Boston Consulting Group (BCG).

Dans son rapport mondial sur la gestion d’actifs, « From Recovery to Reinvention », BCG identifie l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis comme les principaux moteurs de la croissance des fonds communs de placement de détail. Le Koweït et Abou Dhabi, quant à eux, détiennent la part la plus importante des actifs régionaux via leurs fonds souverains.

Le secteur connaît une phase de croissance soutenue, tirée par la solidité des fonds souverains, la progression des investissements de détail et une stratégie de diversification active. BCG souligne que, malgré une volatilité persistante sur les marchés mondiaux, la région se positionne de plus en plus comme un concurrent sérieux face aux grands gestionnaires d’actifs internationaux.

« Les leaders de la prochaine décennie seront ceux qui sauront redéfinir leur avenir plutôt que simplement survivre aux défis. La croissance de 9 % des actifs sous gestion en 2024 confirme l’importance croissante du Golfe comme hub pour les capitaux institutionnels et individuels », a déclaré Lukasz Rey, directeur général et associé, responsable du secteur financier pour le Moyen-Orient chez BCG.

Il ajoute : « Avec l’Arabie saoudite et les Émirats à l’avant-garde, la diversification stratégique du CCG et la domination des fonds souverains laissent entrevoir un avenir où les gestionnaires d’actifs locaux pourront rivaliser avec les géants mondiaux. »

Selon Rey, la récente volatilité des marchés constitue une opportunité de transformation : les acteurs sont incités à repenser leur proposition de valeur, leur relation client et leurs modèles opérationnels.

Le rapport indique que la croissance des revenus en 2024 provient principalement de la performance des marchés, plutôt que d’afflux massifs de nouveaux investisseurs, ce qui souligne la forte exposition du secteur aux facteurs exogènes. La pression continue sur les frais, l’évolution des attentes des investisseurs et la transformation numérique obligent les sociétés à adapter leurs modèles, améliorer leur efficacité et recentrer leurs priorités stratégiques.

Mohammad Khan, directeur général et associé chez BCG, affirme que la région consolide progressivement son statut de puissance financière mondiale : « L’Arabie saoudite et les Émirats stimulent l’expansion des fonds de détail, tandis que le Koweït et Abou Dhabi dominent les fonds souverains. »

Le rapport met en lumière trois grandes tendances mondiales qui redéfinissent le secteur de la gestion d’actifs :

L’innovation produit : les gestionnaires doivent répondre aux nouvelles attentes des investisseurs, avec des produits comme les ETF actifs, les portefeuilles modèles et les comptes gérés individuellement. L’intérêt des particuliers pour les actifs privés progresse fortement : les fonds semi-liquides ont été multipliés par cinq en quatre ans, dépassant les 300 milliards de dollars.

La consolidation et la transformation numérique : les entreprises cherchent à atteindre la masse critique, diversifient leur offre et investissent dans la technologie. Les grands groupes réalisent des économies grâce à des partenariats technologiques, tandis que les plus petits adoptent des modèles plus agiles.

La recherche d’efficacité : la réduction des coûts devient un impératif stratégique. L’adoption de l’intelligence artificielle — notamment générative — permet d’automatiser les processus et d’optimiser les performances sur l’ensemble des opérations (front, middle et back office).

« Les fonds de pension et souverains, notamment ceux d’Arabie saoudite et du Koweït, redessinent discrètement l’architecture financière de la région », observe Nabil Saadallah, directeur général et associé chez BCG.

« La discipline des coûts est désormais centrale, avec une priorité donnée à la création de valeur différenciée, aux pratiques allégées et aux technologies de rupture. »

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com