Syrie: Le retour dans le giron arabe

Cette photo montre la chaise vide de la République arabe syrienne lors du 29e Sommet de la Ligue arabe, le 15 avril 2018 (Photo, AFP).
Cette photo montre la chaise vide de la République arabe syrienne lors du 29e Sommet de la Ligue arabe, le 15 avril 2018 (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 29 mai 2023

Syrie: Le retour dans le giron arabe

Syrie: Le retour dans le giron arabe
  • La réintégration de la Syrie dans la Ligue arabe constitue une étape décisive de la stratégie de redynamisation de l'ordre moyen-oriental tant souhaitée et attendue
  • L'une des priorités élémentaires su sommet de l'Oula fut la restauration de l'édifice politique arabe en complète déconfiture depuis les événements du printemps arabe

La décision prise par le Conseil des ministres arabes relative à la réintégration de la Syrie dans la Ligue arabe constitue une étape décisive de la stratégie de redynamisation de l'ordre moyen-oriental tant souhaitée et attendue.

Cette stratégie a été entamée depuis le sommet d'AlUla (janvier 2021), lequel a consacré la réconciliation entre les pays du Golfe arabe qui ont assuré depuis le déclenchement du printemps arabe la régulation et la gestion de l'échiquier régional.

L'une, en effet, des priorités élémentaires fut la restauration de l'édifice politique arabe en complète déconfiture depuis les événements du printemps arabe. Le cas de la Syrie était emblématique dans ce contexte, eu égard à l'importance cruciale de ce pays central dans le Moyen-Orient.

La grande Syrie était le berceau de l'idéologie nationaliste arabe durant le XIXe siècle. Après sa dislocation, à l'issue des accords célèbres de Sykes-Picot (signés en mars 1916), la république syrienne contemporaine est restée l'un des piliers essentiels de la politique régionale arabe. La guerre de libération du Koweït (1991), dans laquelle la Syrie de l'ancien président Hafez al-Assad était impliquée, a conduit à l'émergence d'un nouvel axe régional autour de Ryad, Le Caire, Damas. Durant la phase ultérieure à cette guerre, le poids de la Syrie a pesé lourd dans les dossiers brûlants, comme la crise politique libanaise, le processus de paix avec Israël…

Après le décès de Hafez al-Assad en 2000, son successeur et fils, Bachar, a entamé une dynamique d'ouverture sur les partis de l'opposition qui a sensiblement pacifié le champ politique syrien. Cependant, «le printemps de Damas» a tourné court, les aptitudes de libéralisation du régime baasiste ont été minimes et restreintes. Le retrait syrien du Liban après l'assassinat de Rafik Hariri en 2005 a été vécu comme un séisme foudroyant dans les hautes sphères du pouvoir à Damas. En se privant de la carte libanaise, le régime syrien a été contraint de se replier à l'intérieur de ses frontières, et ses relations avec ses alliés arabes se sont clairement détériorées à cause de sa responsabilité présumée dans la disparition tragique de l'ancien Premier ministre libanais.

La révolte civique de 2011, qui a dégénéré par la suite en guerre civile sanglante, a entraîné l'isolement total du régime syrien retranché sur moins de 40% du territoire national. Les pays frontaliers de la Syrie qui ont accueilli la plupart des six millions de réfugiés syriens ont assumé un fardeau économique et social lourd, dans un contexte d'internationalisation de la crise syrienne. En faisant appel à la Russie, le régime de Bachar al-Assad a obtenu sa planche de salut, malgré la recrudescence de l'opposition armée et le blocage du processus de réconciliation nationale.

Le dégel des relations arabes avec l'Iran, les exigences de la solution politique et économique de la crise libanaise, le retour irakien au bercail arabe, la politique d'apaisement au Yémen imposent une nouvelle reconfiguration de la stratégie régionale arabe.

Seyid Ould Abah

Face à cette impasse politique et sécuritaire, il devint impératif de rechercher une nouvelle approche pour la résolution du dilemme syrien. C'est ainsi que le rapprochement progressif entamé par les pays arabes vis-à-vis de Damas pourrait être considéré comme l’illustration de cette nouvelle voie diplomatique rendue nécessaire par les derniers développements de la situation moyen-orientale.

Le dégel des relations arabes avec l'Iran, les exigences de la solution politique et économique de la crise libanaise, le retour irakien au bercail arabe, la politique d'apaisement au Yémen imposent une nouvelle reconfiguration de la stratégie régionale arabe. La réintégration de la Syrie dans la famille arabe est à considérer comme la consécration notoire de cette dynamique. Il y a lieu d'espérer que l'initiative de réconciliation avec la Syrie ouvrira une nouvelle opportunité pour le règlement pacifique de la crise politique syrienne qui n'a que trop duré.

La réinsertion pleine de la Syrie dans l'ordre régional arabe est conditionnée par la résorption des conflits internes qui sévissent depuis plus d'une décennie. En s'engageant dans la voie de la réconciliation nationale, le régime de Bachar al-Assad gagnerait à remodeler sa façade ternie par les scènes sombres de la répression sévère de la révolte contestataire locale. C'est à ce prix que l’on pourra parler du retour effectif de la Syrie dans le giron arabe.

Seyid ould Abah est professeur de philosophie et sciences sociales à l'université de Nouakchott,Mauritanie et chroniqueur dans plusieurs médias. Il est l'auteur de plusieurs livres en philosophie et pensée politique et stratégique.

Twitter: @seyidbah

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.