La Chine charme l'Asie centrale et comble le vide russe

Hub ferroviaire d'Altynkol au Kazakhstan à Khorgos, du côté kazakh de la frontière entre le Kazakhstan et la Chine, le 15 avril 2019. (AFP)
Hub ferroviaire d'Altynkol au Kazakhstan à Khorgos, du côté kazakh de la frontière entre le Kazakhstan et la Chine, le 15 avril 2019. (AFP)
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Publié le Mardi 16 mai 2023

La Chine charme l'Asie centrale et comble le vide russe

  • Les ex-républiques soviétiques d'Asie centrale occupent une place cruciale dans l'initiative chinoise des «Nouvelles routes de la soie»
  • Des analystes estiment que la guerre en Ukraine a encore accéléré la tendance en faveur de Pékin, certains pays s'interrogeant sur leurs liens traditionnels avec Moscou

PEKIN: La Chine relance cette semaine avec un sommet ses grands projets d'infrastructures en Asie centrale, comblant un vide laissé par la Russie, puissance régionale traditionnelle affaiblie par les sanctions liées à la guerre en Ukraine.

Les ex-républiques soviétiques d'Asie centrale occupent une place cruciale dans l'initiative chinoise des "Nouvelles routes de la soie", également connue sous le nom "La Ceinture et la Route".

Incarné par le président chinois Xi Jinping qui l'a lancé en 2013, ce programme pharaonique entend développer, grâce à des fonds chinois, des routes, ports, chemins de fer et infrastructures à l'étranger.

Pour la seule Asie centrale, la Chine affirme que son commerce avec le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan a atteint l'an passé les 70 milliards de dollars (64 milliards d'euros) et grimpé sur un an de 22% lors du premier trimestre 2023.

Des analystes estiment que la guerre en Ukraine a encore accéléré la tendance en faveur de Pékin, certains pays s'interrogeant sur leurs liens traditionnels avec Moscou et cherchant ailleurs des garanties économiques et diplomatiques.

"Après l'agression russe en Ukraine, les républiques d'Asie centrale ont commencé à craindre pour leur souveraineté", souligne Ayjaz Wani, chercheur au groupe de réflexion indien Observer Research Foundation.

Xi Jinping accueillera ainsi jeudi et vendredi les dirigeants des cinq pays de la région dans la ville de Xi'an (centre), ancienne extrémité orientale de la Route de la Soie, pour un sommet que la Chine a qualifié "d'extrêmement important".

«Très cohérente»

Il devrait être l'occasion de faire avancer certains projets d'infrastructures.

Parmi eux figurent la ligne ferroviaire Chine-Kirghizistan-Ouzbékistan, longtemps au point mort et d'un coût de six milliards de dollars, ou encore l'extension de l'oléoduc entre l'Asie centrale et la Chine.

Lié avec elle par des frontières communes et une longue histoire, Pékin tente de jouer un rôle plus important dans la région.

"L'approche de la Chine à l'égard de l'Asie centrale a été très cohérente", déclare Nargis Kassenova, directrice du programme Asie centrale au Centre Davis d'études russes et eurasiennes de Harvard.

Elle cite notamment les liens anciens de Pékin avec ces nations en matière de sécurité, d'infrastructure et de développement.

La guerre en Ukraine, estime Mme Kassenova, n'a fait que "pousser davantage les pays d'Asie centrale dans les bras de la Chine".

Cette influence croissante de Pékin suscite toutefois des réactions diverses.

En 2019, des manifestations anti-chinoises avaient éclaté au Kazakhstan, nourries par le sentiment d'une partie de la population que l'emprise chinoise était devenue trop forte.

L'année suivante, une entreprise chinoise qui prévoyait d'investir près de 300 millions de dollars dans un centre commercial et logistique au Kirghizstan a jeté l'éponge après, là encore, des manifestations.

Ouïghours 

Les craintes que la Chine utilise son poids pour influencer la politique intérieure "ont alimenté des phobies croissantes", juge Sébastien Peyrouse, professeur à l'université George Washington aux Etats-Unis.

Le rapide développement chinois est souvent perçu comme un modèle dans la région, souligne-t-il.

Les investissements de la Chine n'ont toutefois "pas pour but de développer la production locale mais de créer des conditions favorables à l'exportation de produits chinois et à l'importation de matières premières", estime M. Peyrouse.

Autre source de crispation: le traitement par Pékin des Ouïghours dans le Xinjiang (nord-ouest), région chinoise longtemps frappée par des attentats attribués à des séparatistes et islamistes issus de cette minorité musulmane.

Au nom de l'antiterrorisme, Pékin y impose un contrôle accru de la population, qui s'est soldé selon certaines études occidentales par des internements massifs.

La proximité culturelle et linguistique des Ouïghours avec la plupart des peuples d'Asie centrale a contribué à y alimenter un sentiment anti-chinois.

«Grande asymétrie»

Selon des analystes, la Chine est davantage populaire auprès des gouvernements d'Asie centrale - demandeurs d'investissements nécessaires au développement de leurs pays - qu'auprès de leurs populations.

"Cela s'explique en partie par la grande asymétrie, démographique et économique, entre eux et la Chine", déclare Li-Chen Sim, du groupe de réflexion américain Middle East Institute.

Le ressentiment populaire est également alimenté par "le manque d'emplois réservés aux locaux dans les projets financés par la Chine" et "les niveaux élevés d'endettement vis-à-vis" de Pékin, souligne-t-elle.

Si les attitudes évoluent en permanence, une récente étude citée par le groupe de réflexion londonien Royal United Services Institute (Rusi) semble montrer que les habitants d'Asie centrale conservent encore une opinion plus positive à l'égard de la Russie que de la Chine.

"Pour la plupart des habitants de la région, le joug russe est fait de cuir qui s'use progressivement, alors que le joug chinois est fait de fer dont on ne peut se libérer", métaphorise M. Wani, de l'Observer Research Foundation.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.