Dans l'Irak à sec, un artiste engagé pour préserver la gondole traditionnelle

Sur cette photo prise le 15 avril 2023, des personnes rament sur des bateaux traditionnels "meshhouf" sur le Tigre à Bagdad. Une flottille de bateaux traditionnels en bois, pilotés par de jeunes Irakiens, se fraye un chemin sur le Tigre à Bagdad, donnant un aperçu de l'ancien patrimoine fluvial de ce pays aujourd'hui frappé par la sécheresse. (AFP).
Sur cette photo prise le 15 avril 2023, des personnes rament sur des bateaux traditionnels "meshhouf" sur le Tigre à Bagdad. Une flottille de bateaux traditionnels en bois, pilotés par de jeunes Irakiens, se fraye un chemin sur le Tigre à Bagdad, donnant un aperçu de l'ancien patrimoine fluvial de ce pays aujourd'hui frappé par la sécheresse. (AFP).
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Publié le Lundi 22 mai 2023

Dans l'Irak à sec, un artiste engagé pour préserver la gondole traditionnelle

  • Il faut sauver «de l'extinction une facette essentielle de notre civilisation, qui existe depuis quatre ou cinq millénaires», plaide Rachad Salim, peintre et sculpteur de 62 ans, fondateur de l'ONG Safina Projects
  • Car le Meshhouf, cette gondole de forme allongée, construite en bois et dotée d'une extrémité effilée, a gardé la «même forme depuis l'époque des Sumériens», prestigieux empire mésopotamien

BAGDAD : Voguant sur le Tigre à Bagdad, de jeunes Irakiens mènent des barques traditionnelles. En Irak frappé par la sécheresse, le spectacle est pensé par un artiste qui souhaite préserver ces gondoles des marais, dont la tradition remonte aux Sumériens.

Il faut sauver "de l'extinction une facette essentielle de notre civilisation, qui existe depuis quatre ou cinq millénaires", plaide Rachad Salim, peintre et sculpteur de 62 ans, fondateur de l'ONG Safina Projects.

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Sur cette photo prise le 29 avril 2023, un charpentier utilise une scie électrique pour couper du bois alors qu'il construit un bateau traditionnel en bois "meshhouf" dans un atelier de la zone d'al-Huwair dans le sous-district d'al-Madinah dans la province méridionale irakienne de Bassorah. (AFP). 

Car le Meshhouf, cette gondole de forme allongée, construite en bois et dotée d'une extrémité effilée, a gardé la "même forme depuis l'époque des Sumériens", prestigieux empire mésopotamien irrigué par les fleuves Tigre et Euphrate dans le sud de l'Irak.

Dès 2018, M. Salim part à la recherche des derniers fabricants de Meshhouf. Il les trouve à Huweir, localité du sud en bordure des célèbres marais irakiens.

Pour tirer de l'oubli cette embarcation menacée dès les années 1980 par la prolifération des barques motorisées, il passe des commandes de Meshhouf, s'associe à des clubs nautiques ou fonde des équipes afin d'apprendre aux jeunes comment la manœuvrer.

Par un après-midi printanier à Bagdad, ils sont quelques uns d'une vingtaine d'années à voguer sur 18 barques, à l'occasion d'un spectacle fluvial présenté lors d'un festival culturel.

Munis d'une pagaie, avec des coups de rame de gauche à droite, ils peinent à maintenir le cap.

«Communiquer» avec la nature

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Cette vue aérienne prise le 29 avril 2023 montre des bateaux traditionnels en bois "meshhouf" posés sur le sol à l'extérieur d'un atelier dans la zone d'al-Huwair dans le sous-district d'al-Madinah dans la province méridionale irakienne de Bassorah. (AFP). 

Parmi les participants, certains ne rament que depuis un mois, comme Omar Youssef, 21 ans, qui a pratiqué pendant cinq ans la planche à voile et le voilier en solitaire.

"Ces disciplines dépendent du vent, il faut garder l'équilibre avec son corps", explique-t-il. Son nouveau sport, lui, fait travailler "les épaules et les bras".

Le Meshhouf fait partie de "l'histoire et du patrimoine du pays", souligne-t-il.

A ce jour, sept clubs ont été fondés, à Bagdad, dans la province centrale de Babylone et dans le sud de l'Irak, avec des financements britanniques et de la fondation Aliph, l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit.

L'initiative permet à la jeunesse "de communiquer avec l'environnement", assure Rachad Salim. Dans un Irak frappé par le changement climatique et la sécheresse, il déplore l'état "terrifiant" des fleuves, en termes de "salinité des eaux ou de pollution".

Neveu du célèbre sculpteur et peintre Jawad Salim, cet artiste né dans une famille irako-allemande se passionne pour l'art vernaculaire irakien.

En 2013, à bord d'embarcations traditionnelles, il avait participé à une expédition de 1 200 km sur le Tigre, du sud de la Turquie à l'extrême sud de l'Irak, organisée par l'ONG Nature Iraq.

Ce n'était pas là sa première aventure. En 1977, il était le plus jeune membre d'équipage du Tigris, immense navire en roseau du norvégien Thor Heyerdahl, qui a parcouru en haute mer 6 800 kilomètres en 143 jours.

Du sud de l'Irak en passant par la Mer d'Arabie, le Pakistan et enfin Djibouti, le périple avait pour but de prouver que les civilisations anciennes de Mésopotamie, d'Egypte et de la Vallée de l'Indus étaient en contact via les mers.

«Renaissance»

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Sur cette photo prise le 29 avril 2023, un charpentier mesure une planche alors qu'il construit un bateau traditionnel en bois "meshhouf" dans un atelier de la zone d'al-Huwair dans le sous-district d'al-Madinah dans la province méridionale irakienne de Bassorah. (AFP). 

Comme pour le Meshhouf, Rachad Salim veut ressusciter la Guffa, une embarcation ronde semblable à un gros panier d'osier, dont la taille peut dépasser les deux mètres de diamètre.

Mais il souhaiterait aussi trouver des solutions financièrement viables pour faire perdurer son projet et garantir "des emplois".

A 400 kilomètres plus au sud, le quadragénaire Zouheir Raisan se souvient comment, enfant, il aidait son père et ses frères à fabriquer à Huweir des Meshhouf dont la taille variait entre cinq et 11 mètres.

"Cela faisait 30 ans que nous avions arrêté", ajoute-t-il. Mais depuis quatre ans, il a repris cet artisanat.

A l'ombre d'une traditionnelle structure en roseau, le mudhif, il scie des planches et aide son cousin à les clouer sur un Meshhouf.

Mais il n'a pas abandonné son emploi de camionneur car impossible pour le moment de vivre de son activité secondaire. "La demande ne suffit pas", déplore ce père de huit enfants. "Je ne pourrais pas faire face aux dépenses de mon foyer."

"Des pays viennent à la recherche de cet héritage, pour encourager sa renaissance", rappelle-t-il. "Pourquoi ne le fait-on pas renaître nous-mêmes?"


Gukesh, 17 ans et déjà prétendant au trône mondial des échecs

Il replacerait l'Inde au sommet des échecs plus de 10 ans après la fin du règne de Viswanathan Anand (Photo, Instagram).
Il replacerait l'Inde au sommet des échecs plus de 10 ans après la fin du règne de Viswanathan Anand (Photo, Instagram).
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  • Firouzja a été le seul à l'avoir battu lors du tournoi, dans la phase aller, mais sans l'ébranler
  • Dommaraju Gukesh, est né le 29 mai 2006 et, un mois avant ces 18 ans, était déjà le benjamin du tournoi réunissant huit des meilleurs joueurs du monde

 

PARIS: Le grand maître indien Gukesh a remporté dans la nuit de dimanche à lundi le tournoi des Candidats à Toronto (Canada), et n'est plus qu'à une marche de devenir le plus jeune roi de l'histoire des échecs.

Grâce à son nul plein de maîtrise contre l'Américain Hikaru Nakamura et à celui entre le Russe Ian Nepomniachtchi et l'Américain Fabiano Caruana, le joueur indien, 16e joueur mondial lors du dernier classement, termine seul en tête après les quatorze parties.

La dernière ronde entre les quatre joueurs de tête, qui pouvaient encore tous prétendre à la victoire, a été haletante, mais Caruana n'a pas réussi à convertir une position avantageuse contre son adversaire.

"Je suis si soulagé et heureux. C'était beaucoup d'émotions pendant les parties, mais désormais je me sens juste bien", a-t-il commenté en conférence de presse. "J'ai hâte de pouvoir parler à ma mère", qui n'a pas fait le déplacement jusqu'au Canada au contraire de son père.

A 17 ans, Gukesh gagne donc le droit d'affronter le Chinois Ding Liren, actuel détenteur de la couronne mondiale, dans un match qui devrait avoir lieu plus tard dans l'année mais à une date et un lieu à définir. Il est aussi le plus jeune joueur à avoir remporté le tournoi des Candidats.

"Je me moque un peu de ces records", a-t-il dit en souriant après la partie.

En cas de victoire, une hypothèse crédible car le Chinois semble hors de forme depuis son sacre en avril 2023, il effacerait des tablettes le Russe Garry Kasparov, champion du monde la première fois à 22 ans du format le plus prestigieux des échecs.

Il replacerait l'Inde au sommet des échecs plus de 10 ans après la fin du règne de Viswanathan Anand (2008-2013).

Une défaite en 14 parties 

Dommaraju Gukesh, "Gukesh D" dans le monde des échecs, est né le 29 mai 2006 et, un mois avant ces 18 ans, était déjà le benjamin du tournoi réunissant huit des meilleurs joueurs du monde.

Il a pris seul les commandes grâce à sa cinquième victoire de la compétition lors de l'avant-dernière journée contre le Franco-Iranien Alireza Firouzja, 20 ans.

Firouzja a été le seul à l'avoir battu lors du tournoi, dans la phase aller, mais sans l'ébranler. "C'est après cette partie que je me suis dit que cela pouvait être mon moment. J'étais déçu, mais dès le lendemain je me sentais déjà au mieux de ma forme" a expliqué Gukesh.

Le joueur indien continue son ascension fulgurante, après avoir obtenu sa norme de grand maître, la plus haute distinction des échecs, à seulement 12 ans, en 2019 et sa première norme internationale en 2015.

Il pourrait figurer à la 6e place lors du prochain classement mondial, le 1er mai, son meilleur rang, une place devant Ding Liren, selon des estimations provisoires.

Le numéro 1 Magnus Carlsen a fait l'impasse, lassé par les parties classiques dans lesquelles il a été cinq fois champion du monde de 2013 à sa renonciation en 2023.


Le populaire chanteur français Kendji Girac, grièvement blessé par balle, hospitalisé

Le chanteur français Kendji Girac (Photo, @Kendji).
Le chanteur français Kendji Girac (Photo, @Kendji).
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  • La victime, Kendji Girac, qui était alors entre la vie et la mort, a été immédiatement transportée à l'hôpital de Bordeaux
  • En début de matinée, son pronostic vital n'était plus engagé, a-t-on ajouté de même source, sans donner de précisions sur les circonstances de ces faits

PARIS: Le populaire chanteur français Kendji Girac a été très grièvement blessé par balle lundi et hospitalisé à Bordeaux (sud-ouest) où son pronostic vital n'est plus engagé après l'avoir été un temps, a-t-on appris de source proche du dossier.

Vers 5H30 lundi (04h30 GMT), les gendarmes ont été appelés sur l'aire des gens du voyage de Biscarrosse, sur la côte Atlantique, pour un homme grièvement blessé par balle au thorax.

Entre la vie et la mort

La victime, Kendji Girac, qui était alors entre la vie et la mort, a été immédiatement transportée à l'hôpital de Bordeaux. En début de matinée, son pronostic vital n'était plus engagé, a-t-on ajouté de même source, sans donner de précisions sur les circonstances de ces faits.


Les papillons d'Equateur : joyaux ailés et thermomètres du changement climatique

Un papillon est observé dans la forêt amazonienne protégée de Cuyabeno, en Équateur (Photo, AFP).
Un papillon est observé dans la forêt amazonienne protégée de Cuyabeno, en Équateur (Photo, AFP).
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  • À l'intérieur de filets, un verre contenant un appât de poisson ou de banane fermentée entend séduire les individus adultes
  • Depuis août, l'équipe mène un projet de surveillance des papillons avec le soutien de l'ONG Rainforest Partnership, basée aux Etats-Unis

 

CUYABENO, Equateur: L'odeur fétide de poisson en décomposition emplit le sentier au milieu de la jungle. Dans la réserve de Cuyabeno, en pleine Amazonie équatorienne, une équipe de biologistes et de gardes forestiers a accroché dans les branches des pièges à papillons, ces bijoux ailés remplis d'informations permettant de mesurer les effets dévastateurs du changement climatique.

À l'intérieur de filets, un verre contenant un appât de poisson ou de banane fermentée entend séduire les individus adultes, dont la vie éphémère permet de comprendre à court terme l'extinction de certaines espèces.

Depuis août, l'équipe mène un projet de surveillance des papillons avec le soutien de l'ONG Rainforest Partnership, basée aux Etats-Unis.

La sueur, la longue marche et la pestilence sont récompensées : en une semaine, l'équipe a recueilli 169 papillons, principalement de la famille des nymphalidés. Parmi eux, 97 ont été marqués sur leurs ailes et relâchés. Les autres, appartenant probablement à de nouvelles espèces, seront étudiés.

Des saisons «mortelles»

La biologiste Maria Fernanda Checa dirige le projet et étudie depuis dix ans les papillons dans le parc national voisin de Yasuni, une réserve de biosphère où d'importants gisements de pétrole sont en cours d'exploitation.

Ses travaux ont été étendus en 2023 à la réserve de Cuyabeno, dans la province de Sucumbios, dans le nord-est du pays. Les résultats seront bientôt connus, mais Mme Checa, professeur à la Pontificia universidad catolica del Ecuador (PUCE), s'attend déjà à quelques découvertes.

Le nombre d'espèces qui tombent dans les pièges a chuté de 10%, et en ce qui concerne la quantité d'individus, "la diminution est également très importante, nous parlons d'environ 50%", observe-t-elle. "C'est quelque chose qui nous inquiète", explique Mme Checa à l'AFP.

La biologiste Elisa Levy, que l'AFP a accompagnée en expédition, est en charge du suivi des papillons à Cuyabeno, une forêt où les arbres poussent au milieu des lagunes.

Tout en battant l'air pour faire fuir les moustiques, Mme Levy donne des instructions à des gardes forestiers du ministère de l'Environnement et un étudiant.

"Ne touchez pas les ailes! Elles se détachent, et c'est comme les écorcher", prévient-elle à l'intention de son équipe qui retourne dans la forêt tropicale tous les deux mois chasser les précieux lépidoptères.

Effet domino

Les chercheurs tiennent l'abdomen des papillons dans leurs mains, soufflent doucement sur leur torse pour qu'ils rétractent leurs pattes et, à l'aide de pinces, écartent leurs ailes multicolores. C'est une explosion enchanteresse de rouges et de bleus vifs, des marques qui simulent des yeux de prédateurs et des motifs semblables à la fourrure tachetée des jaguars ou aux rayures des zèbres.

"Par une simple couleur, un petit trait, on peut déjà dire qu'il s'agit d'une autre espèce. C'est passionnant", s'émerveille le garde forestier Nilo Riofrio, capable d'attraper les papillons en plein vol sans les blesser.

Les papillons sont des "bio-indicateurs", c'est-à-dire qu'ils sont "très sensibles, même à de petits changements dans l'écosystème", en raison de leur cycle de vie qui commence par des œufs, puis des chenilles et enfin une brève vie d'adulte, explique Mme Checa. Les saisons de sécheresse notamment "sont mortelles" pour les insectes.

Mme Levy explique l'effet domino de la crise climatique sur l'écosystème. "Si la plante hôte (dont se nourrit la chenille) ne s'adapte pas à ces changements climatiques, le papillon ne pourra pas survivre".

«Problème grave»

En Equateur, il existe environ 4.000 espèces de papillons, un nombre proche de celui des pays voisins, le Pérou et la Colombie, qui sont quatre fois plus grands.

Dans les zones tropicales, les papillons ne sont pas adaptés aux changements climatiques, comme c'est le cas dans les pays à quatre saisons des régions aux climats plus tempérés.

"Si le climat se refroidit ou se réchauffe (jusqu'à des températures excessives), ils n'ont pas beaucoup de chances de s'adapter rapidement",  prévient Mme Levy.

Selon un document publié par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) en 2023, quelque 35% des espèces d'insectes de la planète sont menacées d'extinction.

"C'est un problème grave pour nous" en raison des fonctions qu'ils remplissent dans la nature, comme la pollinisation, souligne Mme Checa. Et le plus grave, c'est que dans des endroits très diversifiés comme la réserve de Yasuni, "le taux de découverte d'espèces est plus lent que le taux d'extinction", ajoute-t-elle.