En Bretagne, un nouvel activisme d'extrême droite qui suscite émoi et interrogation

Un membre du groupe d'extrême droite «Comité du 9 mai» participe à un rassemblement pour commémorer le 29e anniversaire de la mort de Sébastien Deyzieu du groupe ultranationiste «Oeuvre Française», à Paris, le 6 mai , 2023 (Photo, AFP).
Un membre du groupe d'extrême droite «Comité du 9 mai» participe à un rassemblement pour commémorer le 29e anniversaire de la mort de Sébastien Deyzieu du groupe ultranationiste «Oeuvre Française», à Paris, le 6 mai , 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 24 mai 2023

En Bretagne, un nouvel activisme d'extrême droite qui suscite émoi et interrogation

  • Plusieurs événements en Bretagne et Loire-Atlantique ont récemment défrayé la chronique
  • Dans les Côtes-d'Armor, la municipalité de Callac, 2 200 habitants, a renoncé en janvier à l'accueil de quelques dizaines de réfugiés, après des pressions pesant sur des élus

RENNES: Epiphénomènes ou tendance de fond ? De Callac à Saint-Brevin, la Bretagne historique, où l'extrême droite est traditionnellement plus faible qu'au niveau national, a connu récemment des épisodes de tensions ou de violences attribuées ou revendiquées par l'ultra-droite.

"La Bretagne est une terre très modérée sur le plan politique, ce qui fait que ça reste une terre de mission pour le RN et pour tous les groupuscules qui gravitent autour à moyenne ou longue distance", explique le politologue Romain Pasquier.

Au premier tour de la présidentielle, Eric Zemmour n'a en effet pas dépassé la barre des 5% en Bretagne (4,91% contre 7,07 % au niveau national) et Marine Le Pen n'était arrivée qu'en 3e position, près de quatre points en dessous de son score national (19,53% contre 23,15%).

Plusieurs événements en Bretagne et Loire-Atlantique ont récemment défrayé la chronique.

Dans les Côtes-d'Armor, la municipalité de Callac, 2 200 habitants, a renoncé en janvier à l'accueil de quelques dizaines de réfugiés, après des pressions pesant sur des élus, visés par des menaces de mort et la multiplication de manifestations portées notamment par des partisans d'Eric Zemmour.

Le parquet de Lorient a ouvert une enquête pour violence volontaire et entrave à la liberté d'expression après qu'un concert d'une organiste américaine n'a pu se tenir dans une église de Carnac à la suite d'une manifestation de catholiques intégristes proches de Civitas.

Enfin, en Bretagne historique, à Saint-Brevin (Loire-Atlantique), le maire Yannick Morez a annoncé sa démission à la suite de manifestations tendues en raison d'un projet de transfert d'un centre d'accueil de demandeurs d'asile (Cada) et d'un incendie ayant touché un pan de sa maison.

À Nantes, un acte de sabotage a empêché la représentation du spectacle "Fille ou garçon ?" pour enfants autour de la question du genre.

«Désinhibition»

"Leur stratégie est de faire des points de fixation, des points de polémique, des points de mobilisation pour essayer de créer sur la longue durée un ancrage de cette idéologie. Il y a des tentatives d'organisation de manifestations, des intimidations... Ce genre de mobilisation se voit plus en Bretagne car jusqu'à présent ça ne se passait qu'à la marge", observe Romain Pasquier, directeur de recherche au CNRS.

Selon le politologue Thomas Frinault, à Callac ou à Saint-Brevin, il y a une "rencontre de deux types de public qui ne sont pas exactement les mêmes : les habitants riverains, peut-être moins politisés au départ, qui n'ont pas envie de ce projet parce qu'il est sur leur territoire", et "des gens extérieurs souvent au territoire, dans une version très politisée et radicale".

"Autour de Zemmour et de cette galaxie là, vous avez quelque chose de beaucoup plus dur et qui a davantage recours à des intimidations et des actions violentes", estime ce maître de conférence en Sciences politiques à Rennes 2, qui constate une "forme de désinhibition" d'une partie de cette extrême droite proche de Zemmour dans ce temps de "l'après présidentielle".

La députée LFI d'Ille-et-Vilaine Mathilde Hignet observe quant à elle "une montée progressive de groupuscules d'extrême droite, y compris en milieu rural : c'est ça qui est assez marquant", évoquant aussi des croix celtiques taguées sur une antenne du Secours populaire et de la CGT à Rostrenen (Côtes-d'Armor).

Dans un communiqué intitulé "Face aux exactions de groupuscules", le président de la région Loïg Chesnais-Girard (ex-PS), avait demandé de ne pas se laisser "leurrer par ces actes criminels et malveillants" alors que "la Bretagne est une terre rassembleuse, chaleureuse et protectrice".


En voie de normalisation, Le Pen se renforce pour 2027

Pour Frédéric Dabi, directeur général de l'Ifop, il n'y a pas de doute: "Marine Le Pen est devenue aujourd'hui l'alternative naturelle au Macronisme" (Photo, AFP).
Pour Frédéric Dabi, directeur général de l'Ifop, il n'y a pas de doute: "Marine Le Pen est devenue aujourd'hui l'alternative naturelle au Macronisme" (Photo, AFP).
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  • Les Français sont désormais plus nombreux à considérer que le RN ne représente pas un danger pour la démocratie
  • Le nombre de sondés en désaccord avec les idées du parti d'extrême droite a chuté à 54%

PARIS: "Alternative naturelle au Macronisme", "époque pré-Le Pen, contexte européen favorable: études et politologues observent un RN "en voie de normalisation" qui se renforce dans la perspective de 2027.

C'est une première, les Français sont désormais plus nombreux à considérer que le RN ne représente pas un danger pour la démocratie (45%) que l'inverse (41%), révèle jeudi un sondage de l'institut Verian (ex-Kantar) publié par le journal Le Monde.

Et le nombre de sondés en désaccord avec les idées du parti d'extrême droite a chuté à 54%, soit le chiffre le plus bas depuis 1984, ajoute cette étude.

Une tendance confirmée par l'institut Elabe, dont un sondage réalisé pour Les Echos, montre que la cote de confiance de Marine Le Pen gagne 2 points à 35%, se classant en troisième position derrière le ministre de l'Education Gabriel Attal et l'ancien Premier ministre Edouard Philippe.

Pour Frédéric Dabi, directeur général de l'Ifop, il n'y a pas de doute: "Marine Le Pen est devenue aujourd'hui l'alternative naturelle au Macronisme", a-t-il affirmé, lors de la présentation d'une autre étude réalisée par la Fondation Jean Jaurès.

Menée auprès de 9.000 personnes et réalisée avec l'institut de sondages Ifop et le syndicat CFDT, elle décortique "la société rêvée des électeurs" du RN pour en tirer les enseignements d'ici 2027.

"En termes de positionnement et de valeurs, Marine Le Pen fait écho d'une manière extrêmement claire à ce que pensent et ce que veulent les Français", estime Antoine Bristielle de la Fondation.

Et de donner comme exemple l'immigration: "66% des Français pensent qu'il y a trop d'étrangers en France et même plus d'un électeur du PS sur deux".

Centralité

De son côté, le politologue Raphaël Llorca, est convaincu que l'on vit "dans un moment pré-Le Pen". La "centralité" actuelle de celle qui a échoué à trois reprises à la présidentielle constitue "quelque chose de nouveau".

"N'importe quel événement qui surgit dans l'actualité est systématiquement interprété et cadré comme favorisant l'extrême droite, des émeutes urbaines à la crise alimentaire en passant même par la guerre" entre Israël et le Hamas, souligne-t-il.

Sarah Proust, élue PS du 18e arrondissement et auteure de deux ouvrages sur l'extrême droite, évoque, elle, la "lame de fond" au niveau européen.

Six pays de l'UE ont des gouvernements comptant un parti d'extrême droite dans leurs rangs, auxquels pourraient s'ajouter les Pays-Bas après la récente victoire aux législatives de Geert Wilders.

Dans ces conditions, Marine Le Pen est-elle en route vers l'Elysée?

"Elle peut gagner compte tenu notamment de la nature de ses soutiens, de sa structure électorale qui est attrape-tout et qui s'apparente à celle d'un parti de gouvernement", explique M. Dabi.

Adélaïde Zulfikarpasic, directrice générale de BVA France, estime, pour sa part, que la "dédiabolisation n'est pas encore totale (et) que sa défaite est encore envisageable".

De son côte, l'étude de la Fondation Jean Jaurès confirme la demande de "rupture radicale" des électeurs du RN, mais révèle aussi leur souhait de donner la parole au peuple pour qu'il "décide directement de la loi".

A 67% ils privilégient la famille, préfèrent à 64% n'avoir qu'un seul métier pendant leur vie professionnelle.

"Le grand retour en arrière" vers ce qui a structuré la société des Trente Glorieuses, la famille, la consommation et la stabilité de l’emploi, est "une sorte de valeur refuge pour de nombreux citoyens", relève M. Bristielle, qui appelle les autres partis à en tenir compte.

"Sans cela, le +risque Le Pen+ deviendra une réalité".


Fin du procès en appel de Nicolas Sarkozy, décision le 14 février 2024

L'ancien président français Nicolas Sarkozy quitte le tribunal judiciaire après avoir été interrogé dans le procès en appel de l'affaire dite Bygmalion, qui l'a vu condamné à un an de prison, à Paris le 24 novembre 2023 (Photo de Geoffroy Van der Hasselt / AFP).
L'ancien président français Nicolas Sarkozy quitte le tribunal judiciaire après avoir été interrogé dans le procès en appel de l'affaire dite Bygmalion, qui l'a vu condamné à un an de prison, à Paris le 24 novembre 2023 (Photo de Geoffroy Van der Hasselt / AFP).
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  • Selon le ministère public, Nicolas Sarkozy «a enfreint en connaissance de cause la limitation légale des dépenses électorales», dans ce dossier dit "Bygmalion»
  • Devant la cour d'appel, Nicolas Sarkozy a, comme lors du premier procès, contesté «vigoureusement toute responsabilité pénale», dénonçant «fables» et «mensonges»

PARIS: Le procès en appel sur les dépenses excessives de la campagne présidentielle perdue de Nicolas Sarkozy en 2012 s'est achevé jeudi à Paris, et la décision a été mise en délibéré au 14 février 2024.

Le ministère public a requis un an d'emprisonnement avec sursis contre l'ancien chef de l'Etat (2007-2012), qui avait été condamné en première instance à un an d'emprisonnement ferme pour avoir dépassé le plafond légal de dépenses de sa campagne.

Selon le ministère public, Nicolas Sarkozy "a enfreint en connaissance de cause la limitation légale des dépenses électorales", dans ce dossier dit "Bygmalion", du nom de la société ayant organisé les meetings de campagne du candidat de droite.

Neuf autres personnes étaient rejugées à ses côtés depuis le 8 novembre par la cour d'appel de Paris.

Appelés à la barre, aucun des prévenus n'a souhaité faire de déclaration à la fin du procès.

Contrairement à ses coprévenus, l'ex-chef de l'Etat n'est pas mis en cause pour le système de fausses factures imaginé pour masquer l'explosion des dépenses de sa campagne qui ont atteint près de 43 millions d'euros alors que le plafond légal était de 22,5 millions.

Mais, dans son jugement, le tribunal avait souligné que l'ancien locataire de l'Elysée avait "poursuivi l'organisation de meetings" électoraux, "demandant un meeting par jour", alors même qu'il "avait été averti par écrit" du risque de dépassement légal, puis du dépassement effectif.

Devant la cour d'appel, Nicolas Sarkozy a, comme lors du premier procès, contesté "vigoureusement toute responsabilité pénale", dénonçant "fables" et "mensonges".

Son avocat, Me Vincent Desry, a plaidé vendredi sa relaxe. Selon lui, si Nicolas Sarkozy "n'était pas informé de la fraude, il ne pouvait être informé du dépassement".


Assemblée: un premier revers pour LR, à l'offensive sur l'immigration

Le député français du groupe «Les Républicains" (LR) et président des "Républicains" Eric Ciotti fait des gestes lors d'un débat à l'Assemblée nationale à Paris, le 7 décembre 2023 (Photo de Ludovic MARIN / AFP).
Le député français du groupe «Les Républicains" (LR) et président des "Républicains" Eric Ciotti fait des gestes lors d'un débat à l'Assemblée nationale à Paris, le 7 décembre 2023 (Photo de Ludovic MARIN / AFP).
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  • Quatre jours avant l'arrivée du projet de loi immigration en séance, Les Républicains ont placé ces deux textes en haut de l'affiche de leur journée réservée au Palais Bourbon, avant d'autres sur la santé, le logement ou encore l'éducation
  • Le Rassemblement national a apporté son soutien à l'initiative des LR

PARIS: L'Assemblée nationale a rejeté jeudi un texte remettant en cause l'accord franco-algérien de 1968, avant de lancer l'examen d'une réforme constitutionnelle elle aussi proposée par les députés LR, décidés à faire monter la pression sur le camp présidentiel autour de l'immigration.

Quatre jours avant l'arrivée du projet de loi immigration en séance, Les Républicains ont placé ces deux textes en haut de l'affiche de leur journée réservée au Palais Bourbon, avant d'autres sur la santé, le logement ou encore l'éducation.

Sans espoir de les voir adoptés, leur objectif est surtout d'incarner la fermeté aux yeux de l'opinion, face à un gouvernement "sans ambition" sur l'immigration et dont le projet de loi, après son durcissement au Sénat, a été "détricoté" à leurs yeux en commission à l'Assemblée.

Leur proposition de résolution pour mettre fin à l'accord entre la France et l'Algérie, qui confère un statut particulier aux Algériens en matière de circulation, de séjour et d'emploi en France, a été repoussée, avec 151 voix contre et 114 pour.

Au sein du camp présidentiel, seul le groupe Horizons et deux députés isolés du groupe Renaissance ont voté pour ce texte, qui, si jamais il avait été adopté, n'aurait pas eu de valeur contraignante.

Le Rassemblement national a apporté son soutien à l'initiative des LR, à qui tous les groupes de gauche ont, au contraire, reproché d'agiter des "fantasmes" migratoires.

«Demi-mesure»

La députée LR Michèle Tabarot avait plaidé dans l'hémicycle en faveur d'une proposition "très importante", jugeant que l'accord donnait aux Algériens "un droit quasi-automatique à l'immigration".

Des députés macronistes ne voyaient pas d'un mauvais œil l'envoi d'un "signal" à l'Algérie, mais le groupe Renaissance s'était accordé sur un vote défavorable.

Son oratrice, Huguette Tiegna, a estimé que la révision de l'accord était "nécessaire" mais ne pouvait se faire de manière unilatérale, ce qui serait "une agression envers un pays voisin et ami".

En revanche, leurs alliés du groupe Horizons ont assumé de voter pour. Une question de "cohérence", selon leur chef Laurent Marcangeli: l'ancien Premier ministre Edouard Philippe, président d'Horizons, avait prôné en juin la remise en cause de cet accord, soit avant le dépôt du texte de LR.

S'il n'est pas question d'une dénonciation unilatérale, la négociation d'un nouvel avenant "est à l'ordre du jour", a assuré mercredi Elisabeth Borne.

Après leur premier revers, les députés LR ont commencé à présenter leur deuxième texte, une vaste réforme de la Constitution, sans laquelle légiférer sera vain face à "l'immigration massive", selon eux.

Ils proposent d'élargir le champ du référendum aux questions d'immigration. Et que des lois organiques adoptées par les deux assemblées ou par référendum puissent déroger aux accords internationaux ou au droit européen.

La droite a déjà essuyé un revers mercredi au Sénat, avec le rejet en commission de ces deux propositions phares.

"Il est temps de revenir à une vision qui redonne aux Français le cours de leur destin", a estimé jeudi dans l'hémicycle de l'Assemblée le président de LR, Eric Ciotti.

Tous deux présents, les ministres de l'Intérieur et de la Justice, Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti, n'ont pas fermé la porte sur le volet référendaire de la réforme.

Mais M. Darmanin a fustigé le "double Frexit", "européen" et "constitutionnel", que représenterait la dérogation aux règles européennes. "Si vous voulez changer l'Europe, il faut gagner les élections européennes et modifier les traités européens", a-t-il lancé.

Rétention de sûreté

La réforme de LR prévoit aussi la fin du droit du sol à Mayotte ou encore des quotas annuels plafonnant l'immigration, déterminés par le Parlement.

Rebondissant sur l'actualité, après l'attentat au couteau près de la Tour Eiffel, Eric Ciotti a ajouté un amendement visant à "permettre une rétention de sûreté en centre fermé contre les islamistes qui constituent toujours un danger à leur sortie de prison".

La gauche a tiré à boulets rouges sur toutes ces propositions. Pour la députée socialiste Cécile Untermaier, elles montrent que "l'extrême droite implante son vocabulaire et ses cadres de pensée au sein de la droite républicaine".

"Pourquoi courrez-vous derrière les idées du RN? Vous ne les rattraperez jamais", leur a aussi lancé le député Modem Erwan Balanant.

Si le temps le permet, après l'examen de la réforme constitutionnelle (les niches parlementaires s'arrêtent à minuit précise), LR espère ensuite aller au bout de l'examen d'une proposition de loi visant à former davantage de médecins.